27.2.15

AU BON VIEUX TEMPS

La « Historic Iris Préservation Society », dédiées aux variétés qualifiées de « historiques », c'est à dire, selon la terminologie américaine, enregistrées depuis plus de trente ans, publie deux fois l'an un bulletin tout en couleur rempli de remarquables photos de variétés anciennes. C'est de là, essentiellement, que viennent les illustration de ce feuilleton. Pendant quelques semaines nous passerons en revue des variétés peu ou pas du tout connues, classées par famille de coloris 

Variegata : Encore un modèle qui remonte aux débuts de l'hybridation des iris. Il a toujours eu du succès. Témoins :


'Colonel Candelot' (Millet, 1907) 


'Sudan' (Bliss, 1921) 


'Mexico' (Kleinsorge, 1943) 


'Shannopin' (Pillow, 1940)

TROIS COULEURS POUR UNE FLEUR

Troisième partie : Tricolores 2000

Certains hybrideurs se sont donné pour but d'obtenir des fleurs tricolores originales. Il semble que ce soit le cas, tout au moins en partie, pour la firme Schreiner, là-bas, en Oregon. Si l'on en croit le pedigree de 'Starship Enterprise' (1999), l'affaire n'a pas été facile ! Qu'on en juge : AA 1324-G: (Gypsy Woman x N 502-FF: (I 335-5: ((C 973-A: (Lilac Champagne x (Toll Gate x After Dark)) x ((Alpenrose x Whole Cloth) x Cashmere)) x (C 973-A x (((Broadway Star x Giant Rose) x ((Maytime x Opal Beauty) x Whole Cloth)) x Wine and Roses))) x H 238-A: ((Champagne Music x (R 1052-2 x Christmas Time)) x (Orchid Brocade x (Annabel Lee sib x Emma Cook))))) X AA 1374-A: ((Sailmaster x ((Mysterious x (Matinata x ((Agatine x Tompkins 50-82) x Edenite))) x (Shoreline sib x Brook Flower))) x Ragtime). Il y a là de quoi donner du fil à retordre aux meilleurs généalogistes ! Le résultat final est un iris très original décrit comme ceci : S. crystalline white (RHS 155D), midrib golden yellow; F. light creamy yellow (10A) to white, yellow shoulders, 2" rosy magenta (71B) marginal band; beards golden yellow. Ce qui peut se traduire par : « pétales blanc cristallin, côtes jaune doré ; sépales allant du jaune crémeux clair au blanc, épaules jaunes, entourés d'une bande de 5cm de rose-magenta ; barbes jaune doré. » Les trois couleurs sont donc le blanc, le jaune et le magenta. Techniquement, c'est une fleur jaune, dont les pigments caroténoïdes sont partiellement inhibés dans les pétales et le cœur des sépales, et où les pigments anthocyaniques, bleus, se concentrent au bord des sépales et, par effet d'optique, apparaissent rose-violacé, ou magenta.

 Dans ce pedigree il y a 'Gypsy Woman' (Schreiner, 1985) qui est aussi une variété tricolore, avec des pétales jaune crémeux, et des sépales blancs finement ourlés de mauve rosé.

L'association typique de 'Starship Enterprise' se retrouve chez certains de ses descendants, comme 'Fall Enterprise' (M. Sutton, 2006), où le rose magenta est remplacé par un bleu violacé, ou, encore mieux, 'Three Rings Circus' (Jedlicka, 2007), où l'on retrouve les couleurs du modèle, et même 'Voyager' (Filardi, 2011), chez qui le jaune est remplacé par un ocre clair, qui vient cerner l'ensemble des sépales.

Les traits de 'Gypsy Woman', font leur réapparition chez d'autres descendants de 'Starship Enterprise', notamment le coloris jaune des pétales, donc plus modérément inhibé, qui caractérisent 'Jacques Coeur' (Cayeux, 2009), où le blanc n'est guère visible qu'au centre des sépales, ou 'Rainbow High' (Keppel, 2009), magnifique tricolore jaune, blanc et magenta, agrémenté d'un liseré marron. A ce stade il faut évoquer 'Terryton' (Ames, 1996) qui comporte lui-aussi trois couleurs (pétales jaunes, sépales blancs cerclés de traces amarante) et qui, associé à 'Staship Enterprise', a donné naissance à 'Wanda Rezac' (Jedlicka, 2007), lui-aussi ourlé de brun, tout comme son descendant 'Bohemian Girl' ( Jedlicka, 2011).

Apparemment c'est une tout autre voie qui a abouti à une variété voisine, vigoureusement colorée : 'Care to Dance' (Schreiner, 2013). Voici son pedigree dans son intégralité : (Spirit World x EE 631-1: (BB 1973-1: (T 815-1, (EE 291-A: (T 869-2, Rosette Wine sib, x Mulberry Punch) x Wayside’s Apricot Delite) x Sweeter Than Wine) x AA 1381-1: (1985 #15, unknown, x Chinese Treasure))) X JJ 1141-B: (AA 1664-C: (S 886-1, sib to Midnight Hour pod parent, x Electrabrite) x AA 1586-1: (V 837-B: (Live Music x S 359-3: (Bristo Magic x Latin Lady)) x Goodbye Heart)). C'est encore un joli casse-tête pour les généalogistes ! Le résultat est tout à fait superbe : une fleur aux pétales blancs, un peu ocrés au centre, des sépales rose framboise, qui s'assombrissent en rose amarante, puis se terminent par un large liseré bleu lavande. On peut affirmer qu'on est parvenu dans ce cas à une fleur en quadrichromie qui marque sans doute une étape dans le genre multicolore. On devrait en reparler bientôt.

On est très loin des couleurs fondues propres aux iris des années 1920/1930. Très loin aussi des tricolores à la Cayeux. Mais que ce soit l'un ou l'autre modèle, on a sous les yeux des fleurs qui comblent les amateurs que nous sommes.

Illustrations : 


 'Starship Enterprise' (voir pedigree ci-dessus) 


'Gypsy Woman' (((Champagne Music x B 701-1) x (Orchid Brocade x A 868-1)) X 3 generations of inv. crosses of flamingo-rose and pink sdlgs. and Emma Cook) 


'Terryton' (Joyce Terry X Nebeker 994-1: (Classic Treasure x Planned Treasure)) 


 'Care to Dance' (voir pedigree ci-dessus)

21.2.15

AU BON VIEUX TEMPS

La « Historic Iris Préservation Society », dédiées aux variétés qualifiées de « historiques », c'est à dire, selon la terminologie américaine, enregistrées depuis plus de trente ans, publie deux fois l'an un bulletin tout en couleur rempli de remarquables photos de variétés anciennes. C'est de là, essentiellement, que viennent les illustration de ce feuilleton. Pendant quelques semaines nous passerons en revue des variétés peu ou pas du tout connues, classées par famille de coloris 

 En mélange : 

Les couleurs mélangées (qu'on appelle « blend ») étaient très fréquentes chez les anciennes variétés, souvent le rose et le jaune se mêlait agréablement, comme le prouve les photos de :


'Evolution' (Cayeux, 1929) 


'Rameses' (H. Sass, 1929) 


'Eldorado' (Vilmorin, 1910) 


'Opaline' (Williamson, 1928)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Quand on sème, on ne compte pas ! 

Notre ami Loïc Tasquier, qui s'est spécialisé dans les iris médians, est un véritable fondu de l'hybridation. Voyez plutôt :

En 2007 il a semé environ 3500 graines ;
En 2008 il est passé à près de 4500 ;
En 2009, plus de 6000 ;
En 2010, « seulement » 5000 ;
En 2011, année record, plus de 6300 graines !!

Le taux de germination des iris intermédiaires ou nains est plus faible que celui des grands iris, heureusement ! Il n'empêche que les Pays-Bas vont bientôt être le pays-roi des iris !

TROIS COULEURS POUR UNE FLEUR

Deuxième partie : Le temps des cocardiers 

On n'apprécie plus guère aujourd'hui les fleurs délicate dont il a été question précédemment : pour plaire, il faut des coloris plus tranchés, voire des teintes qui flashent ! Les fleurs où se juxtaposent le blanc, le bleu et le rouge font partie de celles qui ont le plus de succès. Mais sont-ce des iris tricolores ? Pas vraiment puisque ce n'est plus la coloration des divisions florales qui est prise en considération : on fait intervenir la couleur des barbes. Qu'importe ! Les trois couleurs sont bien là, et le contraste est réussi.

 La paternité de ce modèle revient sans conteste à Jean Cayeux qui a eu l'idée géniale de croiser son 'Condottiere' (J. Cayeux, 1978) avec le petit 'Delphi' (Shoop, 1979), modeste plante, mais dotée de barbes rouges intéressantes. Richard Cayeux a raconté comment ce croisement a donné naissance à un semis bleu-blanc-rouge, mais insuffisamment contrasté, qui n’est connu que sous son numéro (8109 A), et comment, recroisé avec d’autres descendants de 'Condottiere', il est à l’origine d’une série exceptionnelle de variétés tricolores. Quatre frères de semis ont tout d'abord été sélectionnés : 'Bal Masqué' (1991), 'Marbre Bleu' (1993), 'Rebecca Perret' (1992) et 'Vive La France' (1991), puis survinrent d'autres avatars comme 'Parisien' (1994), 'Effervescence' (1995) et 'Ruban Bleu' (1997). Chacun dans leur genre ils constituent des variations sur le thème du bleu-blanc-rouge.

'Vive la France' a été le premier mis sur le marché. Son apparition a été orchestrée de manière à faire pièce au succès de 'Révolution' (1989) de la famille Anfosso qui a joué sur la combinaison tricolore, mais, il est vrai, en trichant un petit peu car il n'y a pas vraiment de blanc dans cette fleur, ce qui ne lui enlève aucune de ses autres qualités. 'Bal Masqué', avec ses sépales richement colorés est encore plus intéressant. 'Marbre bleu', aux sépales violacés tachés de blanc, puis 'Rebecca Perret', d'un bleu plus tendre, montrent d'autres facettes du produit. 'Parisien', plus pâle, 'Effervescence' plus mauve mais avec des barbes proéminentes et vivement colorées, puis 'Ruban Bleu', le plus contrasté, terminent la série.

 Les autres hybrideurs sont-ils en reste ? Aux États-Unis, c'est sans doute le cas. En effet il n'y a pas beaucoup de variétés qui ont adopté cette disposition. Schreiner, avec 'Major League' (2006) a bien relevé le défi, avec pas mal de retard et en utilisant les mêmes parents – ou presque – mais avec beaucoup de succès. Keppel n'est pas non plus resté sans réagir et, comme il fallait s'y attendre, avec une réussite absolue. 'Gypsy Lord' (2005), aligne dans son pedigree 'Last Laugh', 'Braggadocio' et 'Romantic Evening', 'Last Laugh' représentant le couple basique (Delphi X Condottiere) par l'intermédiaire de ses ancêtres 'French Connection' puis 'Parisian Flight'. En plus d'être exactement dans le modèle, il a a engendré de nombreuses variétés qui le sont aussi. C'est Barry Blyth qui a saisi la balle au bond et obtenu toute une famille de tricolores parmi lesquels il est bien difficile de faire un choix. Citons néanmoins 'Advance to Go', 'Royal Orders' et 'Street Sensation', sans oublier 'Mindful' qui peut être qualifié de quadricolore puisque ses sépales s'entourent d'un liseré violacé très esthétique. D'autres hybrideurs se sont aussi essayés, mais avec moins de réussite (Z. Siedl, O. Riabykh, V. Kolesnikov...).

Les tricolores façon Cayeux sont des variétés qui plaisent et qui ont encore un bel avenir commercial devant elles.

 Illustrations : 


 'Ruban Bleu' ((Alizes sib, x Love Bandit) X (Condottiere x Delphi))


 'Gypsy Lord' (Last Laugh X (Braggadocio x Romantic Evening))


 'Street Sensation' (Gypsy Lord X (Hold My Hand x Decadence)) 


 'Mindful' (Downtown Man X (Gypsy Lord sib, x Rio sib))

13.2.15

AU BON VIEUX TEMPS

La « Historic Iris Préservation Society », dédiées aux variétés qualifiées de « historiques », c'est à dire, selon la terminologie américaine, enregistrées depuis plus de trente ans, publie deux fois l'an un bulletin tout en couleur rempli de remarquables photos de variétés anciennes. C'est de là, essentiellement, que viennent les illustration de ce feuilleton. Pendant quelques semaines nous passerons en revue des variétés peu ou pas du tout connues, classées par famille de coloris

Plicata :

 C'est ce modèle qui a été parmi les premiers sélectionnés, dès les années 1830. Il a évolué et les photos ci-dessous le prouvent :


'Los Angeles' (Mohr-Mitchell, 1927) 


'Firecracker' (Hall, 1943) 


'Gay Border' (DeForest, 1947) 


'Mme Chobaut' (Denis, 1916)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Made in France 

 Le travail des hybrideurs amateurs français s'est considérablement perfectionné depuis quelques années ; de nombreux « petits nouveaux » sont apparus, pleins de fougue et d'enthousiasme. Ils présentent aujourd'hui leurs obtentions et on ne peut qu'admirer ce qu'ils font. Si les plantes sont à la mesure de la qualité des fleurs (et c'est le cas pour ce que j'en ai vu personnellement), ils peuvent se mesurer aux meilleurs.

 Voici quelques photos d'obtentions récentes d'hybrideurs français qui devraient être enregistrées incessamment, ou qui viennent de l'être. Mais il y en a beaucoup d'autres !

Aujourd'hui il n'est plus nécessaire d'aller systématiquement chercher des iris au-delà des mers ; en France, comme partout en Europe d'ailleurs, il y a tout ce qui peut contenter les collectionneurs les plus exigeants. Espérons que ces jolies choses apparaîtront bientôt dans les catalogues ou sur les sites de nos pépiniéristes ayant pignon sur rue.


semis TB plicata de Stéphane Boivin 
semis TB distallata de Daniel Boris 
semis TB distallata de Roland Dejoux 


semis TB amoena inversé J. C. Jacob ('Fille de l'Eau') 
semis TB amoena de Marin Le May 
semis TB amoena de Jérôme Patard 


semis SDB unicolore ocre de Loïc Tasquier ('Pondichéri') 
semis TB bitone de Rose-Linda Vasquez ('Habit de Soirée)

TROIS COULEURS POUR UNE FLEUR

Première partie : Tout s’emmêle 

 Il y a bien longtemps qu'on parle d'iris en trois couleurs. Ce sont ceux que les Américains appellent « blend », qui veut dire « mélangé », et pour lesquels nous, Français, n'avons pas trouvé de traduction adaptée et qui figurent donc dans nos catalogues sous leur dénomination américaine. Ils font tout le charme des anciennes variétés de l'entre-deux-guerres, période pendant laquelle ils ont été introduits en abondance en Europe comme en Amérique. Ils ont été si nombreux qu'il faut un œil exercé pour faire la différence entre beaucoup d'entre eux, car les coloris sont souvent très voisins, voire même presque identiques. D'ailleurs les descriptions que l'on peut trouver dans les documents d'époque expriment bien la difficulté. Ainsi celle de 'Evolution' (Cayeux, 1929) : « teinte tout à fait nouvelle, divisions supérieures bronze cuivré chaud, les inférieures de même teinte avec grandes taches bleu rosé, gorge de pigeon au centre. » Et celle de 'Sérénité' (Cayeux, 1931) : « Divisions supérieure isabelle légèrement nuancé de lavande passant au jaune doré vers la base, les inférieures bleu pastel atténuées au pourtour. » Il faut avoir recours à la photo pour distinguer les deux fleurs. Quelque fois, cependant, les trois couleurs sont plus nettement séparées, comme c'est le cas pour 'Francheville' (Cayeux, 1927) : « Divisions supérieures chamois fauve nuancé lilas très clair, les inférieures rouge pourpré éclairé d'héliotrope. » Et pour 'Polichinelle' (Cayeux, 1929) : « Divisions supérieures isabelle bleuté, divisions inférieures bleu d'aniline bordé lavande. » Même si les descriptions ne font pas parfaitement la différence !

Dans chacun des exemples ci-dessus on est en face de fleurs où toutes les couleurs se mêlent pour donner un ensemble délicat et harmonieux, tout en douceur et en sensibilité : la classe, quoi !

On aurait pu choisir de montrer des fleurs nées aux Amériques à la même époque, et on serait parvenu au même résultat : pourraient en témoigner 'Sindjkha' (Sturtevant, 1918) ou 'Opaline' (Williamson, 1932).

 Toutes ces variétés constituent des évolutions de ce qui fut l'apparence majoritaire des iris jusqu'à l'implantation complète et définitive de la tétraploïdie, c'est à dire le modèle néglecta. On peut dire que ce modèle était presque la règle dans les années 1920/1930. Il y avait alors, pour l'essentiel, trois couleurs dominantes auxquelles on donnait tout un tas de tons dégradés du plus heureux effet, à commencer par deux tons de grenat : un coloris plaisant où rien ne s’oppose mais où tout s’harmonise, avec un côté vif, mais qui reste raisonnable. Il y avait ensuite deux tons de violet : le violet, à cette époque avait acquis une profondeur et un velouté exceptionnels. Enfin on trouvait les fleurs mauve sur pourpre, ce qui a donné des fleurs somptueuses, contrastées mais sans excès, assorties mais sans fadeur. Ces évolutions ont été une étape vers des couleurs plus tranchées et des voisinages plus violents. Elles avaient l'avantage de la discrétion mais, à être trop proches les unes des autres elles génèrent une monotonie qui finit par lasser. Aujourd'hui on joue donc les blasés et les variétés qui ressemblent à celles de l'entre-deux-guerres (il y en a encore chaque année de nouvelles) sont considérées avec un manque évident d'intérêt qui peut aller jusqu'au dédain. À l'heure actuelle on peut obtenir à peu près tout ce que l'on veut en matière de modèle ou de coloris – et cela nous vaut chaque année une avalanche de nouveautés dont le plus grand nombre ne survivra que quelques saisons – et l'on a oublié le temps où un nouveau modèle, un nouveau coloris était un événement, mais où les variétés nouvelles étaient assurées d'une longue vie, voire d'une quasi éternité. La rareté était un gage de très longue existence, la profusion est la garantie d'un oubli à brève échéance.

 Soyons tranquilles ! Les admirables iris aux couleurs fondues de Ferdinand Cayeux et de ses contemporains sont toujours là et on peut parier qu'elles feront le bonheur de nos petits-enfants comme elles font le nôtre aujourd'hui.

Illustrations : 


 'Evolution' (Ochracea Caerulea X Marsh Marigold) 


'Francheville' (pedigree non enregistré) 


'Sérénité' (Claude Aureau X Petit Vitry) 


'Polichinelle' (pedigree non enregistré)

6.2.15

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Au boulot !

 La photo illustrant ce petit écho publié la semaine dernière est signée Mike Unser. Mike Unser est un spécialiste des iris anciens et a été longtemps la cheville ouvrière de la HIPS (Historic Iris Preservation Society).

Merci à lui de m'avoir permis de réparer une absence d'identification bien injuste.

SCHIAPARELLI

(FLEUR DU MOIS)

Le plus joli livre sur les iris que je connaisse c'est « L'Iris » du photographe Jos Westrich, préfacé par Yves Grainville et commenté par Benjamin Hager. Je m'y replonge avec délice de temps en temps. D'abord pour la beauté des photos, ensuite pour la qualité des commentaires. Ben Hager était un « monsieur » des iris, qui s'exprimait avec une aisance et une précision que j'admire. Maintenant ces commentaires ont quelquefois vieilli, mais leur côté didactique reste et éclaire bien des domaines du monde des iris.

Pour la photo de 'Schiaparelli', il écrit ceci : « Les iris roses ont la plupart du temps des traits communs. En général à leurs tons délicats s'ajoutent une certaine douceur, un rien d'éthéré dans la forme. Touys ont des barbes mandarine, comme le montre cette photographie. » Il parle en connaissance de cause, Ben Hager, lui qui a eu le bonheur de voir deux de ses obtentions roses s'emparer de la Médaille de Dykes. 'Vanity' (1975) en 1982, puis 'Beverly Sills' (1979) en 1985 lui ont apporté une gloire mille fois méritée. Mais il est aussi à l'origine des iris roses possédant des barbes autres que mandarine. 'Magic' (1987), puis 'Magic Wish' (1990) ont inauguré les barbes bleues. Mais d'autres ont exhibé des barbes franchement rouges ou tendrement roses... Bref, Hager s'y connaît en matière de roses. En parlant de 'Schiaparelli' (Moldovan, 1974) il décrit une variété remarquable.

Je ne me souviens plus où j'ai vu cet iris pour la première fois. Était-ce chez Cayeux ? Ou, plutôt au Parc de la Source à Orléans ? En tout cas il m'avait beaucoup plu et j'avais à l'époque envisagé d'en faire l'acquisition ; mais cela n'a pas eu lieu... En le retrouvant au hasard de mes lectures, j'ai considéré qu'il méritait bien un coup de chapeau.

Ce bel iris rose à barbes cerise (plus que mandarine, mais on parle de mandarine pour toutes les barbes qui contiennent une dose de pigments caroténoïdes) est issu du croisement suivant : ((Fleeta x Pink Enchantment) x Waters sdlg.) X (New Arrival x One Desire). 'Fleeta' (Fay, 1956) est un blanc à barbes mandarine, héritier de divers iris roses ; 'Pink Enchantement' (Hall, 1953) est un rose vif ; on ne peut pas savoir, hélas, ce que cache le semis de Donald Waters, en revanche 'New Arrival' (Fay, 1960) est bien une fleur uniformément rose, lui-aussi enfant de 'Fleeta' ; enfin il est inutile de présenter 'One Desire' (Shoop, 1960) considéré longtemps comme le plus rose de tous les iris. Il y avait là tous les ingrédients pour obtenir une variété rose de qualité. Ce fut le cas, mais, malgré tous ses mérites, sans doute plus ou moins bien distribuée, elle n'a pas été plus loin que le niveau HM dans la course aux médailles. Cela n'a pas empêché les hybrideurs de penser à elle pour leurs croisements puisqu'elle a eu une descendance flatteuse chez au moins deux grands obtenteurs : Opal Brown, aux Etats-Unis, et Jean Cayeux, en France. Ce dernier a fait usage du croisement (Pink Taffeta x Schiaparelli) pour créer, à la première génération 'Roseplic' (1990), et, à la suivante, 'Volute' (1995) puis 'Effervescence' (1999). Quant à Opal Brown, elle a réalisé les croisements (Schiaparelli x Instant Charm) ou (Schiaparelli sib. x Instant Charm) ou bien l'inverse, ce qui lui a fourni plusieurs de ces plus beaux iris roses, comme 'Classic Edition' (1986), 'Cozy and Warm' (1982), 'Custom Made' (1981) ou 'Spring Serenade' (1992).

'Schiaparelli', qui rend hommage à la célèbre créatrice de mode de l'entre-deux-guerres Elsa Schiaparelli, est une variété méritante, qui n'a certainement pas eu la diffusion qui lui aurait permis d'être mieux connue et appréciée. En tous cas ceux qui ont entrevu ses aptitudes génétiques n'ont pas eu à le regretter !

Illustrations : 


'Schiaparelli' 


'One Desire' 


'Roseplic' 


'Classic Edition'

AU BON VIEUX TEMPS

La « Historic Iris Préservation Society », dédiées aux variétés qualifiées de « historiques », c'est à dire, selon la terminologie américaine, enregistrées depuis plus de trente ans, publie deux fois l'an un bulletin tout en couleur rempli de remarquables photos de variétés anciennes. C'est de là, essentiellement, que viennent les illustration de ce feuilleton. Pendant quelques semaines nous passerons en revue des variétés peu ou pas du tout connues, classées par famille de coloris 

Bicolore et amoena:

Ce sont des dispositions encore rares au bon vieux temps, de plus les contrastes sont moins vifs que de nos jours, et les associations plus traditionnelles. Pour s'en rendre compte on peut voir :


'Folkwang' (Goos & Koenemann, 1925) 


'Potawatomi' (Wise, 1949) 


'Mildred Presby' (Farr, 1923) 


'Elizabethg Noble' (K. Smith, 1943)

AUTANT EN APPORTE LE TEMPS

L'APPARENCE DES FLEURS D'IRIS EN HUIT ÉTAPES

 Le papy des plicatas

C'est en voyant la photographie ci-dessus que m'est venue l'idée de revenir sur un sujet déjà plusieurs fois abordé : l'évolution de la fleur des iris au fil des années et des travaux de sélection des hybrideurs. Cette fois nous allons montrer, photos à l'appui, comment, année après année, la fleur d'iris s'est transformée.

Le plicata peint de façon réaliste et méticuleuse par le jésuite Daniel Seghers, à Anvers, vers le milieu du 17e siècle, est la représentation de l'iris tel qu'on pouvait le voir à l'époque dans tous les jardins d'Europe de l'Ouest. Ce qui nous surprend c'est la position récurvée des sépales qui viennent à toucher la tige de la fleur au-dessous du carpelle. La nature a créé les barbes de l'iris pour attirer les insectes pollinisateurs ; elle les a donc mises bien en évidence pour qu'elle jouent leur rôle de leurre et pour cela leur support, les sépales, doivent se disposer de façon aussi attractive que possible. La peinture est explicite. Dans sa forme d'origine la fleur d'iris est absolument « sexy ». Le travail des hybrideurs tendra à atténuer ce côté procréatif pour mettre en avant ses autres charmes.

 Victorine

 Deux siècles après le plicata de Daniel Seghers, lorsque Jacques Lémon sélectionne la variété qu'il baptise 'Victorine' (1840), la fleur n'a pas encore fondamentalement évolué : elle reste un appareil sexuel sans complexes. Ce que le sélectionneur a choisi, c'est une fleur au coloris nouveau, plus riche que celui du plicata d'origine. L'intention esthétique se double d'une pensée commerciale : en leur présentant quelque chose d'original, les amateurs vont acheter la nouvelle fleur.

Burlesque

 Près d'un siècle s'est encore écoulé depuis 'Victorine', mais les traits d'origine, s'ils sont un peu atténués, n'en sont pas moins nettement présents. Les sépales ne sont plus fortement récurvés, mais ils ont encore cet aspect tombant qui caractérise les iris diploïdes de la première moitié du 20e siècle. Dans le cas de 'Burlesque' (Cayeux, 1938) on a changé d'espèce de départ : ce n'est plus I. plicata, mais son petit cousin I. variegata dont on a retenu les traits. Le travail a consisté à faire d'une espèce naine une variété de haute taille, avec des fleurs amplement développées, mais qui restent très proches de l'apparence naturelle. Désormais la transformation va s'accélérer.

Snow Flurry

À voir les photos de 'Snow Flurry', on se dit qu'il n'y a pas tellement de différences entre cette variété et celles qui l'ont précédée, mais à bien y regarder on remarque que les bords de la fleur sont légèrement gaufrés et c'est là que se situe la différence. 'Snow Flurry' (Rees, 1939), de l'avis général, a marqué une étape essentielle dans la modification des fleurs d'iris. Au fur et à mesure que les gènes de cette variété vont se transmettre à ses descendants, l'aspect des iris va changer radicalement. Car les ondulations vont apporter deux conséquences essentielles pour la modernisation des fleurs : d'une part celles-ci vont devenir plus élégantes, d'autre part les pièces florales vont acquérir une nouvelle rigidité qui améliorera leur aspect, mais aussi leur tenue au vent et à la pluie, et accroîtra leur longévité. Peu à peu toutes les variétés nouvelles, ou presque, vont acquérir ce caractère.

Flounced Première

Nous sommes en 1960 quand Lloyd Austin enregistre 'Flounced Première'. Cette fleur est l'exemple même d'une transformation de première importance. Les barbes ont maintenant tout à fait perdu leur rôle naturel d'appât pour bourdons. Elle son cantonnées au rôle d'élément décoratif, et, dans ce cas, pourquoi ne pas profiter d'une modification spontanée qui consiste en un allongement de ces barbes et le développement fantaisiste de cet appendice ? Austin a joué à fond la carte des barbes modifiées et lancé une nouvelle forme de fleur qui va connaître un développement lent mais irrépressible. Il y aura désormais deux types de fleurs : celles avec et celles sans les appendices pétaloïdes au bout des barbes.

Queen in Calico

Les fleurs d'iris sont devenues fort différentes de celles créées par la nature. Elles ont grossi, surtout depuis l'apparition de la tétraploïdie dans les années 1930, elles ont pris de la substance ce qui prolonge leur existence et leur garantit de rester élégantes plus longtemps, elles sont à la fois ondulée et plus ou moins frisées, et leurs sépales ont acquis de la largeur et de la rigidité, ce qui les rend plus gracieuses. 'Queen in Calico' (Gibson, 1980), réunit tous ces éléments auxquels il ajoute un coloris plaisant et un grand nombre de boutons floraux. C'est un iris moderne ; les modifications qui vont survenir maintenant n'interviendront qu'à la marge.

Sea Power 

Avec 'Sea Power' (Keppel, 1999) on a un exemple de l'iris contemporain. Les caractères réunis dans les fleurs telles que 'Queen in Calico' sont accentués jusqu'à la limite de ce qui est actuellement possible, mais sans nuire à la beauté de la fleur. C'est notamment le cas des ondulations. Ici elles sont abondantes et serrées : la fleur reste bien proportionnée mais elle a un aspect bouillonné très glamour. On est fort loin de la fleur d'origine. C'est un objet féminin, luxueux, qu'on admire comme un bijou ou une création de grand couturier.

Super Model

'Sea Power' et 'Super Model' (Johnson T., 2007) sont des fleurs de la même génération. L'une et l'autre jouent sur des traits qui sont poussés jusqu'à la limite de ce qui est acceptable. Ici ce sont les bords dentelés, voire laciniés. Au-delà, pétales et sépales, naturellement enroulés ensemble dans le bouton, se trouveraient tellement imbriqués qu'ils ne parviendraient plus à se séparer harmonieusement. Certains commencent à craindre ce genre d'excès de sophistication et regrettent le temps des fleurs simples et paysannes. Comme en toute matière le balancier a atteint son point extrême, il commence à repartir en sens inverse...