17.11.06


ALLER CRESCENDO

Pas facile de croire que Joë Ghio savait où il allait quand il a entrepris de réaliser la magistrale salade génétique qui a abouti à son iris baptisé PUCCINI (98) !

Coucher sur le papier le pedigree de cette variété n’est pas quelque chose de simple et facile. Pas moins de 34 variétés différentes interviennent, souvent à plusieurs reprises, de sorte que les parenthèses s’ajoutent aux parenthèses dans un imbroglio qui doit bien amuser le spécialiste du genre qu’est Joë Ghio, lui qui jongle avec tout cela avec une incroyable dextérité. En tout cas le résultat est là : croisées et recroisées ces trente quatre variétés ont donné naissance à un iris particulièrement original et nouveau, ce PUCCINI qui se présente avec des pétales bien blancs (mais avec un filet d’or à la crête des styles), des barbes mandarine et des sépales dont le fond blanc est orné d’or aux épaules et parcouru de fines veinures violacées. C’est là toute la nouveauté de cette fleur. Une nouveauté qui a amené Keith Keppel, autre utilisateur de la même série de croisements, à donner au modèle ainsi créé le nom de « distalata », de « distal », néologisme américain qui me paraît signifier « éparpillé » ou quelque chose comme ça.

PUCCINI a pour partie maternelle une variété nommée PROTOTYPE, enregistrée en 2000 seulement, de sorte qu’elle n’apparaît pas sous son nom dans le pedigree de PUCCINI, mais dans le détail de ses composants. Pour faire simple on peut donc résumer PUCCINI à : (Prototype x 88-180 P) X 92-75 D4, sachant que la partie mâle de ce 92-75 D4 est aussi… 88-180 P !!

Mais qu’est-ce qui se cache derrière ces numéros de semis plutôt ésotériques ?

Les éléments majeurs se trouvent dans 88-180 P (et par conséquent dans 92-75 D4) et s’appellent FANCY TALES et STRAWBERRY SUNDAE. Penchons-nous un peu sur ces deux variétés dont la seconde, au moins, n’est guère connue chez nous.

FANCY TALES (Shoop 80) se présente avec des pétales blancs et des sépales en dégradé de mauve violacé avec des épaules pêche. C’est une variété sur les origines de qui Shoop est resté peu disert, se contentant de dire qu’il s’agit d’un semis dans lequel on remonte à WHOLE CLOTH, WINE AND ROSES et à des semis amoenas roses. STRAWBERRY SUNDAE (Schmelzer 77) est un amoena orange clair dans le pedigree duquel on retrouve ce WINE AND ROSES cité ci-dessus. Il ne peut pas faire de doute que le coloris de PUCCINI (et de sa « mère » PROTOTYPE) tienne dans ces deux variétés-là. Le blanc des pétales vient de WHOLE CLOTH, les griffures pourpres en bas des sépales, de même que les épaules marquées de jaune, proviennent de WINE AND ROSES et des semis amoenas rose ou orange, même si ce n’est pas évident quand on regarde WINE AND ROSES, mauve vif et grenat.

Voilà pour le point de départ. Mais Ghio ne s’est pas arrêté à ces deux variétés, il a poursuivi son travail et tenté, d’année en année, d’améliorer le résultat obtenu. Ce crescendo en est à son quatrième perfectionnement.

Au départ il y a donc eu PROTOTYPE, le bien nommé. Puis est venu PUCCINI. Ensuite est apparu EXPOSE (2003). Pour celui-là, Ghio a pris l’élément maternel de PUCCINI, il y a ajouté ROMANTIC EVENING, une des variétés les plus recherchées du moment pour ce qu’elle apporte en brillant des couleurs, en grâce de la fleur et en vigueur de la plante, et un élément nouveau, IMPULSIVE (Ghio 2001). Et cela c’est une idée de génie car cet IMPULSIVE descend de CINNAMON SUN, une des premières variétés à présenter les fameuses griffures violacées, tenues elle-même de PEACH SUNDAE par qui l’on remonte à WINE AND ROSES. Voilà donc cette particularité présente deux fois, dans PUCCINI et dans IMPULSIVE. Comme il fallait s’y attendre, EXPOSE enrichit la panoplie, notamment grâce à une fleur plus ondulée et à la teinte abricot des épaules qui a gagné du terrain sur les sépales.

En 2005, Ghio a proposé une étape supplémentaire sous le nom de MAGIC HAPPENS (voir photo) où les griffures violettes sont accentuées, les couleurs plus vives et la fleur encore mieux formée et ondulée. Joë Ghio ne s’avance pas sur le pedigree de cette variété, sans doute a-t-il perdu les éléments d’identification, mais je parie volontiers qu’il a repris les éléments précédents auxquels il a ajouté quelque chose : une sorte d’épice qui rend le plat encore plus appétissant !

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