AU MAURITSHUIS
Le musée baptisé Mauritshuis se trouve aux Pays-Bas, dans le centre de la ville de La Haye, la capitale politique du pays. C’est un petit musée, établi dans l’ancienne demeure du prince Maurice de Nassau, construite en 1640 à proximité immédiate de l’enceinte médiévale où siège le gouvernement néerlandais : les fenêtres du Mauritshuis donnent directement sur celles du bureau du Premier Ministre, situé dans une petite tour octogonale à l’angle sud-ouest de l’enceinte. Mais pourquoi parler de cela dans un endroit consacré par définition aux iris ? Parce que ce musée, l’un des plus prestigieux d’Europe, qui abrite un grand nombre de chefs d’œuvres de Vermeer et de Rembrandt, est un lieu où l’on peut aussi admirer de nombreuses toiles intimistes des maîtres hollandais du 17eme siècle, et en particulier des bouquets de fleurs exceptionnels, dans lesquels l’amateur d’iris découvrira souvent sa plante préférée.
Le sol gorgé d’eau des Pays-Bas n’est pas a priori le terrain de prédilection des iris. Mais ce sol est parfaitement drainé et à la fois sableux et humifère. Les iris y poussent donc convenablement, et ceci n’est pas un effet des techniques modernes de culture puisque ces fleurs sont souvent présentes dans les tableaux des années 1650/1700 qui s’accrochent aux cimaises du Mauritshuis.
Les iris représentés sont le plus souvent des pallidas traditionnels, d’un bleu tendre avec des barbes orangées (Roelandt Savery : nature morte –1603-). Mais on y voit aussi quelques variegatas primitifs aux pétales jaunes verdâtres et aux sépales veinés de brun (Ambrosius Bosschaert : bouquet dans une niche –1617-), et d’autres modèles plus surprenants. Un iris entièrement bleu vif, devenant blanc sous les barbes également blanches apparaît au milieu d’une composition très réaliste, ce qui laisse à penser que le peintre n’a pas rêvé la couleur qu’il a choisie pour cet iris à la fleur plutôt grosse et bien dressée pour l’époque. Mais la surprise la plus évidente provient d’un iris blanc, aux sépales cernés de bleu indigo : un modèle « Emma Cook » du 17eme siècle ! A l’époque on ne se souciait pas d’hybridation, mais les insectes se sont toujours chargés de cette tâche et, dans le cas présent, ils ont réussi un joli coup !
De nos jours on représente le plus souvent les fleurs d’iris avec l’un des sépales au premier plan et le dôme des pétales bien apparent. Les peintres du 17eme ont généralement choisi la présentation contraire, c’est à dire le revers d’un des pétales bien évident, et les trois sépales dessinés de profil (par exemple Jan van Huysum). C’est la présentation traditionnelle de la « fleur de lys » héraldique. En revanche Daniel Seghers, dans ses guirlandes de fleurs, peint les iris sépale en avant. Ce qui frappe l’observateur de ces toiles, c’est l’extraordinaire fraîcheur des couleurs et la finesse des détails. Il faut voir comment les poils des barbes d’iris sont délicatement représentés, avec leur base orangée et les pointes bleuissantes. Les photos numériques d’aujourd’hui ne sont pas plus nettes. De même les veines légèrement plus sombres que le voile des pièces florales apparaissent avec précision ainsi que les marbrures brunes qui se trouvent toujours aux épaules des sépales. Le travail des peintres atteint une précision scientifique qui démontre qu’à cette époque les iris avaient étaient à un stade d’évolution qui n’a plus guère progressé. Les iris du Mauritshuis sont les mêmes que ceux qu’on rencontre encore un peu partout. Il faut attendre que M. Lémon, dans les années 1850, découvre les variétés pollinisées par les insectes et commence à les sélectionner, pour que débute une longue aventure, qui dure encore.
Il n’empêche que s’attarder devant les bouquets hollandais du Mauritshuis est un plaisir esthétique que l’amateur d’iris savoure avec délices.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire