ANALYSE ET COMMENTAIRES
d’un texte de Keith Keppel à propos du travail d’hybridation
Chaque année, dans son catalogue, Keith Keppel se livre à un certain nombre de réflexions sur l’hybridation des iris et le travail de l’hybrideur. Les lecteurs d’Irisenligne trouveront ici une analyse et des commentaires sur les réflexions de 2011 de celui que chacun considère comme la référence mondiale en matière d’hybridation.
« Très souvent je reçois un courrier d’un débutant en hybridation qui me demande ce qu’il pourrait croiser. Ce qui rend cette question très délicate, c’est que souvent celui qui la pose ne sait pas ce qu’il veut faire. »
J’ai reçu moi-aussi ce genre de courrier, et, comme Keppel, je demande d’abord à son auteur de faire le choix d’un programme d’hybridation. Par exemple – c’est très à la mode – les amoenas inversés. Il faut bien avoir un but pour se mettre en route ! Hybrider, c’est un peu comme se plonger dans un dictionnaire : on a une recherche à faire, mais il arrive bien souvent qu’on parte dans une direction toute différente, quand on commence à lire une entrée. Alors, choisissons une destination, quitte à bifurquer en cours de route.
« Quand j’étais Registrar pour l’AIS, j’étais étonné de voir que certains iris provenaient de variétés anciennes, inférieures. Le fait de croiser deux super-iris n’empêche pas qu’on puisse obtenir des choses sans intérêt, mais en croisant deux nanars, on est sûr de notre fait !».
Attention ! Croiser deux variétés anciennes ne peut guère, sauf coup de chance exceptionnel, donner naissance à une variété moderne. Mais l’utilisation d’un iris ancien peut apporter un bien sous la forme d’une meilleure résistance de la plante ou d’une croissance moins aléatoire. Les iris modernes sont devenus fragiles, sensibles aux maladies. Leur rendre vigueur et santé peut être le fait de l’intervention d’une variété qui n’a pas subi les conséquences de la consanguinité. Certains hybrideurs, comme Jim Hedgecock (1), pratiquent de cette façon. Ce que je ne sais pas c’est si leur expérience est vraiment concluante…
« Un nouvel hybrideur (c’était la première année qu’il voyait ses semis en fleur) a demandé l’enregistrement de six semis, et tous les six provenaient du même croisement. »
Ça, c’est évidemment l’erreur à ne pas commettre ! Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on peut oser un coup pareil, et je ne suis pas certain, même, que Barry Blyth ait raison quand il le fait. Il faut effectivement être très sélectif, et même sévère avec soi-même dans le métier d’hybrideur, comme l’est Michelle Bersillon, en France, par exemple. On n’est pas obligé de mettre au compost des semis qu’on trouve plaisants, mais il ne faut enregistrer que les tout meilleurs, ceux qui présentent une avancée dans leur domaine, et qui sont à la fois, vigoureux, résistants, bien balancés et riches en fleurs. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on est capable de faire ces choix. Bien des obtenteurs chevronnés s’amusent à parler de leurs débuts et de ce qu’ils ont osé proposer à l’enregistrement à cette époque.
Suit une anecdote concernant Orville Fay qui a un jour écrit à Keppel à peu près ceci : « Quand je réponds à une demande d’information, je me demande toujours quel âge peut avoir celui qui m’interroge. S’il a plus de 45 ans, je me dis que je perds mon temps. Il faut au moins dix ans pour devenir un bon hybrideur et avoir une idée précise de ce que l’on fait. »
Keppel approuve cette opinion. Je ne la partage pas complètement. Ces messieurs, me semble-t-il, se montrent un peu trop condescendants et cela me paraît exagéré de dire qu’on ne devient bon qu’après un interminable apprentissage. Pour certains c’est sans doute vrai, mais il y a beaucoup d’obtenteurs qui ont réussi très vite dans le métier. Tout est affaire de génie et de chance. Keppel lui-même a obtenu sa première Médaille de Dykes avec ‘Babbling Brook’ en 1972, pour un iris enregistré en 1969, alors que son premier enregistrement ne remonte qu’à 1962, et ses débuts dans le métier qu’à la fin des années 50.
Quoi qu’il en soit, les avis de Keith Keppel sont toujours intéressants et doivent être pris en considération par chacun de ceux qui veulent se lancer sérieusement dans l’hybridation.
(1) voir ‘Crazy Horse’ (Hedgecock, 1990) (Going My Way X Hey Looky)
Voici une analyse qui met bien en évidence ce que tout travail créatif doit comporter : à la fois un but à poursuivre et une vigilance de tous les instants vis-à-vis des résultats obtenus. C’est grâce à cette vigilance que sont ouvertes les nouvelles voies d’exploration. J’y ajoutrai qu’une petite dose de bousculade des préjugés (quand ce n’est pas les interdits) est nécessaire afin de progresser.
RépondreSupprimerCela s’applique bien sûr au travail scientifique aussi bien qu’à la création artistique. L’hybridation à des fins de cr&tion de nouvelles variétés n’échappe pas à cette règle. Merci à Sylvain de rappeler ces principes de base.
Astorkhan
J'ajouterai que le fait d'avoir choisi un but pour ses efforts d'hybridation n'empêche pas de faire aussi des croisements "coup de tête" de temps en temps.
RépondreSupprimerMB