20.5.11

FRISETTES ET FANFRELUCHES






Les avis sont très partagés à propos de ‘Decadence’ (Barry Blyth, 2004). Certains trouvent cet iris remarquable, d’autres le considèrent un peu comme une monstruosité ! Les uns et les autres appuient leur jugement sur le même argument : la fleur est vivement ondulée et crêpée. Vous me direz qu’il en faut pour tous les goûts et que ce n’est pas la première fois que les amateurs se divisent à propos d’un iris. Toutes les modifications de la forme ont, notamment, provoqué ces controverses. Les plus admiratifs de ‘Decadence’ sont, cependant, le plus souvent, des personnes qui regardent les iris en tant que spectateurs. Ils voient une fleur élégante, féminine, joliment tournée et d’une belle couleur. En s’arrêtant à ces caractéristiques, on peut dire qu’ils ont raison. ‘Decadence’ est effectivement une fleur qui fait de l’effet, roulée comme une star, maquillée comme une pin-up. Beaucoup de professionnels et d’amateurs confirmés sont moins enthousiastes. Que reprochent-ils ? Justement : Cette surabondance de frisettes, ces puissantes ondulations. Ils disent : trop, c’est trop, on n’est plus devant un iris mais devant une fleur déformée. Ils ajoutent des considérations sur la difficultés des fleurs trop crêpées à s’ouvrir correctement, car les pièces florales, agrippées les unes aux autres comme avec du ruban « velcro », ne parviennent pas toujours à ce séparer correctement, et soit se déchirent, soit restent accrochées et fanent tristement. Enfin ils constatent que la plante n’a qu’une vigueur fort modeste. Ce sont des arguments que seuls des connaisseurs éclairés des iris peuvent avancer et qui ne viennent pas à l’idée du simple spectateur.

Tout le problème de ‘Decadence’ est donc dans ces fanfreluches qui font son charme mais aussi son handicap. De qui tient-t-il cet aspect ? Un petit tour dans son pedigree va nous en apprendre beaucoup là-dessus.

Les parents immédiats se nomment ‘Temple of Time’ et ‘Louisa’s Song’. ‘Temple of Time’ (Blyth, 2001) provient de (Man about Town x Poetess sib). C’est une variété moyennement ondulée, qui se signale plutôt par son coloris de pêche et d’abricot. Sa particularité c’est d’être un enfant de deux variétés cousines, issues de deux frères, ‘Plume d’Or’ et ‘Plume d’Or sib’, lesquelles descendent d’un couple fameux, qui a donné à Blyth dix frères de semis enregistrés, (Dance Man x Rembrandt Magic) :

‘Man About Town’ (Blyth, 1998) (Plume d'Or x Cafe Risque sib)

‘Poetess sib’ (Blyth, 1999) (Plume d'Or sib x Bygone Era)

‘Plume d’Or’ (Blyth, 1994) (Dance Man x Rembrandt Magic).

Quoi qu’il en soit ce n’est pas parmi tout ce beau monde qu’il faut chercher l’origine des frisettes.

Si ce n’est l’un, c’est donc l’autre. Et l’autre c’est ‘Louisa’s Song’ (Blyth, 1999), produit du couple (Cloud Berry x About Town). C’est là en fait que se tient la source. Les pétales sont finement crêpés, les sépales amplement ondulés. En continuant de remonter les branches de l’arbre généalogique, on doit trouver plus haut des variétés portant ces signes distinctifs. Voyons voir.

‘Cloud Berry’ (Turner, 1996) est un iris couleur orchidée très clair orné de belles barbes minium, mais qui n’est que discrètement ondulé et frisé. ‘About Town’ (Blyth, 1996) (Bubble Up x Electrique) est-il frisé ? Beaucoup plus nettement que son compatriote ‘Cloud Berry’. Et de qui tient-il ces frisettes ? Pas de ‘Eletrique’, en tout cas, qui n’a pas vraiment ces traits. De ‘Bubble Up’ donc. C’est à prévoir, car ce n’est pas sans raison que Joë Ghio a baptisé ‘Bubble Up’ son iris rose de 1988. C’est d’ailleurs dans le travail de Ghio qu’il faut chercher ondulations et crêpage. Ceux-ci sont présents, très nettement, même, chez ‘Bubble Up’. Par crainte de fatiguer ceux qui ne naviguent pas avec l’aisance d’un pro de la généalogie dans les pedigrees façon Ghio, on ne retiendra parmi les ancêtres de ‘Bubble Up’ que la présence éminente de ‘Romantic Mood’ (Ghio, 1988) (Just Married X Caption). Et derrière celui-ci, ‘Caption’ (Ghio, 1986) (Creme de Creme x Highness sib) X (Artiste x Tupelo Honey). On peut s’arrêter là. On est remonté de cinq générations, au fil desquelles on a vu les ondulations et les crêpelures peu à peu s’accentuer, jusqu’à atteindre les bouillonnés de ‘Decadence’. Les photos valent sans doute mieux qu’un long discours pour illustrer cette évolution.

Les traits qui font la renommée de ‘Decadence’ se rencontrent-ils dans sa parentèle ? Je lui connais au moins quatre frères de semis enregistrés. Chacun de ceux-ci présente un aspect différent, aussi bien pour ce qui est du coloris que de l’apparence. En ce qui concerne les ondulations et les crêpelures, ‘Love Actually’ (Blyth, 2004) est le plus simple ; c’est un mauve rosé très classique, très peu ondulé. ‘Easy Living’ (Blyth, 2002), amoena violet, et ‘Looking Beautiful’ (Blyth, 2002), pêche sur mauve, ont de belles ondulations, mais restent dans un registre traditionnel. Seul le quatrième frère ondule et bouillonne. Il s’appelle ‘Hello it’s Me’ (Blyth, 2002), et c’est le plus proche de ‘Decadence’, à peine est-il un peu plus rosé, mais c’est tout.

En fait le trait de ‘Decadence’ le plus caractéristique n’est pas son aspect outrageusement ondulé, mais plutôt la bordure des sépales blanc gris ou tout au moins d’un ton clair, qui, à cause des larges ondulations, fait tout de suite penser aux jupons des danseuses de french cancan.


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