1.7.11

GRACE STURTEVANT





GRACE STURTEVANT : LA PREMIÈRE GRANDE DAME DES IRIS

« Une bonne substance et une bonne forme, une couleur attrayante et par-dessus tout un agréable équilibre entre tous ces éléments sont les requis du premier rang ; une bonne hauteur, un bon branchement et une bonne taille des fleurs sont éminemment désirables. Les nouvelles variétés doivent pouvoir se distinguer surtout par la couleur qui doit être un signe de reconnaissance. Les variétés qui ne sont que de simples modifications ou de légères variations de ton n’ont pas leur place parmi les nouveautés de prix. Il n’y a pas un seul modèle idéal. La couleur, en masse est peut-être la plus grande contribution de l’iris à l’agrément du jardin, mais bien que beaucoup de variétés anciennes soient bonnes en groupes, la demande se porte sur les nouveautés – nouvelles combinaisons de couleurs ou couleurs nouvelles, avec accroissement de la hauteur de la plante et du calibre des fleurs. Si une variété a de l’individualité, et est plaisante, cela semble être une bonne raison pour son introduction, même si une pousse vigoureuse et un comportement sans problèmes sont aussi à bien considérer. Un haut niveau de qualités est nécessaire pour un obtenteur, s’il veut que ses introductions conservent leur valeur. » Ces propos, qui ont encore toute leur acuité, ont été tenus dans les années 1920 par Grace Sturtevant, la première grande dame des iris.

Elle était née en 1860 à Boston, dans une bonne famille de descendants des premiers colons de l’Amérique. Son père fut le premier directeur de la « New York Experimental Station » pour les recherches en botanique et ses travaux ont eu une influence prépondérante sur les progrès de l’agriculture américaine. Mais elle eut une adolescence difficile puisque la mort prématurée de sa mère fit de la jeune fille la maîtresse de maison d’une famille de quatre enfants, jusqu’à ce que son père se remarie. Elle, l’aînée des enfants Sturtevant, suivit des études à l’Ecole des Beaux-Arts de Boston, ce qui lui permit de faire le dessin de nombreuses plantes étudiées par son père.

Elle avait beaucoup d’affinités avec son jeune demi-frère Robert Swann Sturtevant. Elle lui communiqua le virus des iris et, ensemble, ils firent l’acquisition d’une pépinière qui devint rapidement l’endroit à visiter au moment de la saison des iris. Car Grace se mit à pratiquer l’hybridation et enregistra ses premiers semis en 1912. Très vite ses obtentions furent remarquées et primées et elle acquit une réelle notoriété dans un monde encore bien petit.

Elle s’intéressa en particulier à la couleur des iris et fit des recherches scientifiques sur ce sujet. Pour elle la couleur était l’élément primordial dans l’attrait exercé sur le spectateur devant un massif d’iris, d’où ses remarques notées au début de cette chronique. A noter que le côté commercial du métier d’hybrideur n’était pas la moindre de ses soucis. Elle fut d’ailleurs la première personne à commercialiser ses propres cultivars.

Elle a enregistré un grand nombre de nouvelles variétés, mais, avec le temps et l’approfondissement de sa connaissance des iris, elle se montra éminemment sévère avec elle-même, n’hésitant pas à retirer du marché certaines plantes déjà commercialisées, au motif qu’elle les trouvait pleines de défauts et indignes de la perfection vers laquelle elle avait choisi de tendre. Si l’on cherche un exemple de cette obsession de la perfection, il se trouve dans ‘Shekinah’ (1918), qui fut sûrement le plus bel iris jaune de son époque, avec des sépales vraiment jaune d’or et des pétales beaucoup plus clairs. Pour arriver à ses fins, par une voie encore inexplorée, elle utilisa le pollen de ‘Aurea’ (Jacques, 1830) sur un iris pallida, le plus pâle qu’elle ait trouvé. Le but atteint, elle a persisté avec ‘Gold Imperial’ (1924) et ‘Primrose’ (1925). Et n’oublions pas que ‘Shekinah’ est le parent féminin de ‘Pluie d’Or’ (F. Cayeux, 1928) qui fut à son tour le meilleur jaune de son temps ; tout comme de ‘Amber’ (Dykes, 1924).

Grace Sturtevant est également à l’origine des iris rose orchidée, avec ‘Dream’ (1918) puis ‘Wild Rose’ (1921), tandis que ‘Rose Madder’ (1920) est dans le pedigree de variétés célèbres comme ‘Dauntless’ (Connell, 1929 - DM 29), ‘Coralie’ (Ayres, 1931 – DM 33) et ‘Rosy Wings’ (Gage, 1938 – DM 39).

Par ailleurs, ‘Sindjkha’ (1918) en deux tons de mauve, ‘Mother of Pearl’ (1921) en bleu glacier ou ‘Taj Mahal’ (1921) en blanc pur, furent considérés longtemps comme des fleurs parfaites.

En parallèle avec les grands iris, elle travailla sur les Intermédiaires (IB) et les iris nains (SDB) ce qui n’était pas courant dans les années 20/30.

Jusqu’à son décès, en 1945, elle sera restée attachée au monde des iris qu’elle aura exploré sous tous ses aspects, avec toujours la même conviction et la même exigence. Sous ses apparences de grande bourgeoise, Grace Sturtevant a rassemblé les qualités – et les défauts – de ce qui a fait le succès et la fortune du peuple américain : intelligence, travail, audace, aptitude à entreprendre et à prendre des risques, sens des affaires… Clarence Mahan, dans la conclusion du chapitre qu’il lui a consacré dans son livre « Classic Irises and the Men and Women who Created Them », résume parfaitement la personnalité de cette femme hors du commun : « Elle a utilisé sa connaissance de la science et de l’art pour créer une beauté extraordinaire. Elle a travaillé dans un domaine considéré alors comme l’un de ceux réservés aux hommes et dans lequel les femmes ont réussi, depuis, à s’imposer. Grace Sturtevant a montré la voie. »

Sources : Anne Lowe, in ROOTS Vol. 15 Issue 2, Fall 2002 ;

Clarence Mahan in Classic Irises and the Men and Women who Created Them.

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