Question : « Sur votre conseil, en vue d’obtenir des iris plicatas, j’ai croisé deux variétés de ce modèle. J’ai semé les graines récoltées, beaucoup ont germé ; j’ai repiqué les petits iris et la plupart ont grandi normalement ; plusieurs ont fleuri cette année pour la première fois, mais parmi ces fleurs il y a très peu de plicatas, comment cela se fait-il ? Toutes les nouvelles plantes ne devraient-elles pas être plicatas puisque père et mère le sont ? »
Réponse : « Les variétés que vous avez utilisées comme parents sont effectivement porteuses du gène plicata, mais elles sont elles-même le résultat de croisements multiples qui ne concernaient pas que ce modèle et, par conséquent, l’application pure te simple des lois de la génétique fait qu’elle vont avoir pour descendants, certes, des petits plicatas, mais aussi des petits d’autres modèles dans des proportions bien connues des généticiens, mais qui, dans les faits, vont se trouver affectées par plusieurs phénomènes : par exemple, le nombre aléatoire de graines qui auront germé et de plantes qui se seront développées. Théoriquement, donc vous auriez du obtenir un certain nombre de plicatas en fonction du nombre de fois où ce gène (ou plutôt l’allèle récessif de ce gène) se sera présenté dans le génome des parents, mais des circonstances diverses et incontrôlables ont inévitablement perturbé cette belle ordonnance génétique. Et, par dessus le marché, vous ne savez pas combien de fois l’allèle en question était présent : le déterminer, après des années et des années (plus de 100 !) de croisements et pratiquement irréalisable ; donc vous ne pouvez matériellement pas savoir combien vous auriez pu obtenir de plicatas parmi les semis qui ont poussé. La rigueur scientifique est une chose, la réalité horticole en est une autre, mais il n’y a aucun caprice de fleurs ! »
Question : « Si j’avais croisé un plicata avéré (les fleurs en montrant à l’évidence le caractère), et une variété portant le gène plicata mais n’en ayant pas l’apparence, aurais-je obtenu le même résultat ? »
Réponse : « Théoriquement, oui. Seule la proportion de plicata aurait pu varier (toujours en théorie) mais vous ne pouviez pas la connaître avec précision. Si vous croisez deux plantes porteuses du gène plicata, vous pouvez être certain que vous récolterez des plicatas – c’est le principe qui régit la récessivité, et le modèle plicata est récessif – mais vous ne pourrez jamais savoir dans quelle proportion ! C'est la même chose chez les humains. Je prends un exemple personnel : j'ai les yeux bleus. Ce trait est récessif. Mon père avait les yeux bleus, mais pas ma mère. Pour que j'aie les yeux bleus il fallait cependant qu'elle soit porteuse du gène en question. Elle l'était par son propre père qui avait les yeux bleus. Il y avait donc des chances pour que l'un de ses enfants ait les yeux bleus. Ce fut mon cas et celui d'une de mes sœurs ; les deux autres enfants de la famille ont les yeux bruns... Comme chez les hommes, chez nos iris l'affaire est compliquée par le fait que nous n’agissons pas avec des plantes naturelles, mais avec des hybrides issus de croisements multiples et répétés (à l’heure actuelle on approche de la cinquantaine de générations), qui concernent des porteurs de gènes dominants et des porteurs de gènes récessifs, sans qu’on soit toujours absolument certains de la nature de ce que l’on croise. Dans la plupart des cas il y a donc une grande incertitude, et pour aboutir à ce que l’on désire obtenir il faut cultiver un très grand nombre de semis. Si l’on ajoute que, la chance aidant, on a trouvé parmi tous les petits nouveaux quelque chose qui ressemble à ce que l’on cherche, il faut encore plus de chance pour qu’il y ait, parmi ces nouveaux iris, une plante avec des fleurs belles et bien formées et bien proportionnées, portées par une plante élégante, vigoureuse et qu se multiplie sans difficulté : il y a plus de vilains petits canards que de superbes cygnes dans une couvée de frères de semis ! »
Celui qui se lance dans l’hybridation avec des intentions autres que ludiques, doit avoir des notions sérieuses de génétique, mais aussi une connaissance aussi développée que possible des pedigrees, une bonne dose de flair, une solide curiosité, beaucoup de patience, et il doit compter sur la chance !
Illustrations :
‘Abraham’ (Laporte, 2006) (Change of Pace X Broadway) – un plicata qui affiche son « plicatisme » ;
‘Moïse’ (Fur/Laporte, 2004) Frère de semis de ‘Abraham’, un plicata masqué !
Les parents :
‘Change of Pace’ (Schreiner, 1991) (Eagle's Flight X Cinnamon Girl)
‘Broadway’ (Keppel, 1979) (((((Irma Melrose x Tea Apron) x ((Full Circle x Rococo) x Tea Apron)) x April Melody) x Caramba) X Flamenco)
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