10.7.15

A L'OMBRE DU CRATAEGUS

En réalisant le croisement (Kir sib (1) X Iriade) j'avais dans l'idée de créer un amoena inversé, en comptant sur l'avancée fournie par 'Iriade' (Laporte, 2004). J'étais cependant loin d'imaginer ce que j'allais récolter !

Rien d'extraordinaire au plan des graines : seulement 23 ont germé et poussé. Au bout de trois ans, toutes avaient fleuri... C'est là que la surprise et l'émerveillement ont commencé. J'avais dans le petit coin où j'avais planté ces jeunes semis un véritable kaléidoscope : une sorte de résumé de ce que peut être une collection d'iris ! En dehors du rose, toutes les couleurs de la palette actuelle des iris était représentée. De loin, c'était très joli. En s'approchant, cela l'était beaucoup moins. En effet sur ces 23 jeunes iris combien pouvaient présenter un quelconque intérêt ? Vraiment très peu... Il y avait une majorité de néglecta bleu lavande, tous plus ou moins de couleur délavée, terne, à part un, dont les sépales centrés de bleu vif veiné plus sombre n'aurait pas été négligeable si ce n'était que ses fleurs semblaient être celles d'une variété centenaire : pétales en arche, certes, mais tellement mous qu'ils s'effondrait en quelques heures, sépales étroits retombant tristement le long de la hampe. Il y avait aussi plusieurs fleurs dans les tons de jaune, mais un jaune bourbeux, souvent infus de gris à la base des pétales. J'ai trouvé également un iris maigrichon, qui rappelait vaguement les couleurs de son ancêtre 'Moon Mistress' (Osborne, 1976), c'est a dire un orange abricot, mais toujours avec un arrière fond de gris qui gâchait tout. La couleur de l'autre ancêtre 'Wedding Vow' (Ghio, 1972) était présente chez deux variétés : l'une, bien blanche et d'une bonne tenue, mais avec une ou deux malheureuses fleurs sur chaque hampe, jamais plus ; l'autre blanche également mais teintée de bleu-gris à la base des pétales et sur les épaules des sépales, avec des fleurs assez nombreuses et bien faites, mais d'une apparence à la fois raide (pas une ondulation) et fragile (pas d'épaisseur). J'ai regretté cette faiblesse car le coloris était intéressant. J'ai gardé du pollen que j'ai déposé sur la fleur d'un iris blanc que j'aime bien, 'Gwennaden' (Madoré, 2001). Le résultat de cette deuxième génération a été très décevant car je n'ai plus retrouvé le coloris qui m'intéressait.

 J'ai cru un instant que j'avais obtenu ce que je cherchais en constatant qu'un de ces semis présentait tous les traits de 'Spécial Mozart' (P. Anfosso, 1991), parent de 'Iriade'. Mais je dus déchanter car, en dehors de coloris, somme toute plutôt présentable, il fallait bien admettre que la plante était malingre et chétive et que la hampe florale avait bien du mal à s'extraire d'une touffe de feuilles étroites et qui se pliaient à mi-hauteur...

Je désespérais de trouver quelque chose de valable dans tout ce lot. Le dernier iris à fleurir se trouvait planté trop près d'un Crataegus oxyacantha qui le dissimulait sous ses basses branches qui se développaient fâcheusement vite. Dans cette situation peu favorable, je craignais que mon iris retardataire ne fleurisse jamais. Il s'est cependant décidé sur le tard, en fin de mai de la troisième année. Sa hampe avait une bonne hauteur et ses boutons plutôt nombreux. Son feuillage ample et abondant s'étalait en un joli vert un peu bleuté. J'étais vraiment curieux de voir ce que cela allait donner. Le 24 mai, jour de mon anniversaire, la première fleur s'est épanouie. Je n'ai pas pu la voir dès le matin parce que j'étais absent ce jour-là, mais quand je suis revenu à la maison, en fin de journée, je suis bien vite monté (2) au jardin pour voir s'il y avait du nouveau. Et là, oh surprise, une jolie fleur exactement comme celle dont je rêvais : pétales d'un joli bleu tendre, un peu plus soutenu à la base, sépales bien blancs avec un soupçon de jaune en bordure des épaules, et barbes jaune vif égayant l'ensemble ; avec ça les ondulations donnaient de la tenue à la fleur, sans excès. Le tout était soutenu par une hampe qui, en un tout autre emplacement, plus ensoleillé et plus dégagé, ne pouvait que prendre plus de tonus. Bref une plante qui montrait tous les signes d'une réussite. Voici pourquoi cette variété plaisante a été conservée et baptisée. Son nom ? 'Zone d'Ombre' (2012), en souvenir de l'emplacement mal éclairé où elle a fleuri pour la première fois, au milieu des branches agressives d'un Crataegus oxyacantha.

(1) Le 'Kir sib' en question est un iris gris bleuté, d'un coloris intéressant, mais dont la fleur a conservé l'aspect vieillot de la mère, 'Beghina'. 

(2) Oui, chez moi, on « monte » au jardin car il se situe plus haut que la maison : on y accède par un sentier qui grimpe au milieu des lilas et des seringas. 

Illustrations : 



'Fumée sans Feu' (sibling de 'Kir' - non enregistré) 


'Moon Mistress' 


'Iriade' 


'Zone d'Ombre'

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