4.9.15

'GIBSON GIRL' ET LES REMONTANTS

Ceux qui lisent les chroniques publiées ici savent sans doute que je ne suis pas un franc admirateur des iris remontants. Pourtant j'aurais bien aimé trouver dans mon jardin des fleurs d'iris en toute saison. Oui, mais comme bien d'autres, j'ai été déçu par ces variétés que l'on qualifie de remontantes. De nos jours les spécialistes de cette question font, comme moi, la constatation selon laquelle, malgré une recherche qui atteint bientôt un siècle, les iris remontants restent capricieux, gourmand en eau et d'une fidélité aléatoire. Mike Lockatell, celui qui, à l'heure actuelle connaît le mieux la question a bien été obligé de faire le constat suivant : « « Après beaucoup d'optimisme au cours de la dernière partie du XXe siècle, les avancées dans le développement des iris remontants semblent toujours aussi rares ». Quelque peu lassés, les plus ardents chercheurs sont devenus bien discrets et on constate aujourd'hui un net désintérêt pour la question. Mike Lokatell lui-même, avoue son désarroi dans un article paru dans « Irises », la Revue de l'AIS : « Qui sera le successeur des Percy Brown, Raymond Smith ou Lloyd Zurbrigg ? » Il n'y a toujours pas de réponse.

 On peut se demander pourquoi les choses sont à ce point décevantes.

 Les premiers à s’intéresser vraiment à la question de la remontance ont été les frères Sass, dans le Nebraska, aux Etats-Unis. Y a-t-il une question à laquelle ces deux-là n’ont pas cherché de réponse ? Dès 1924, ils enregistraient 'Autumn King', un grand iris bleu violacé, qui devait être suivi de nombreux autres au cours des années 20 et 30. Dans les décennies qui suivirent plusieurs hybrideurs s’essayèrent à l’obtention de remontants. Percy Brown en fait partie. Son 'Fall Primrose' (1953) est un des premiers à avoir été franchement reconnu comme remontant. Cependant c’est Jim Gibson et son 'Gibson Girl' (1946) qui ont réellement marqué le coup d’envoi de la recherche en remontance. Ce 'Gibson Girl' n'était pas destiné à donner naissance à des iris remontants. Il était avant tout un des premiers éléments de la recherche de Gibson dans les iris plicatas. Il s'est révélé, accessoirement, apte à donner naissance à des remontants. Il faut dire que ses deux parents, 'Tiffany' (H.P. Sass, 1938) et 'Madame Louis Aureau' (F. Cayeux, 1934) ont été reconnus comme porteur du gène de la remontance, et, comme il s'agit d'un gène récessif, sa présence chez ces deux variétés permettait de provoquer sa manifestation dans leur rejeton.

Cela a été confirmé « de visu » dans la descendance de 'Gibson Girl'. Malheureusement le commun des mortels ne peut pas connaître tous les descendants de cette variété car, comme c'était fréquent à l'époque, les renseignements fournis lors de l'enregistrement se contentent d'indiquer des numéros de semis, sans préciser qui se cache derrière ces numéros. Il faut disposer des carnets de l'obtenteur pour connaître la réelle parenté.

Ce fut sans doute le cas de Lloyd Zurbrigg, ami de Gibson, puisqu'il a déclaré que 'Halloween Party' (Gibson, 1970) descendait de 'Gibson Girl' et était remontant. 'Halloween Party' n'a eu que quelques descendants, lesquels ont tous montré qu'ils possédaient le gène de la remontance. Citons 'Hallowed Thought' (Zurbrigg, 1976), 'Spirit of Memphis (Zurbrigg, 1976), 'Fiji Dancer' (Zurbrigg, 1978), 'Lightly Seasoned' (Zurbrigg, 1979)... 'April Melody' a manifesté les mêmes aptitudes. Il faut dire que, pour cela, il est bien doté : Keith Keppel, qui détient les carnets de Jim Gibson, confirme que 'Gibson Girl' apparaît treize fois dans son pedigree ! 'April Melody' est une des variétés les plus utilisées en hybridation dans les années 1970/80, d'abord en vue d'obtenir des iris plicatas, mais aussi pour des remontants, plicatas ou non quand les hybrideurs ont su que cette variété était porteuse du gène de la remontance. A partir de là on peut imaginer combien de variétés modernes sont potentiellement remontantes.

Il faut y ajouter la descendance de tous les autres semis issus de 'Gibson Girl' et, eux, précisément identifiés. Et ils sont nombreux.

Ainsi en est-il de 'Cross Stitch' (Zurbrigg, 1973) qui a engendré en particulier 'English Cottage' (Zurbrigg, 1976), 'Garden Grace' (Zurbrigg, 1981) et 'Lady Essex' (Zurbrigg, 1990). De même pour 'Dante's Inferno' (Moores, 1978), à l'origine de 'Peach Reprise' (Moores, 1981) ou de 'Purgatory' (Moores, 1983). 'Autumn Tryst' (Weiler, 1993) est un enfant de 'Lilac Stitchery' (Jensen, 1989). 'Northern Spy' (Zurbrigg, 1960) a donné naissance à cinq variétés, toutes remontantes, dont 'I Spy' (Zurbrigg, 1970). 'Replicata (R.G. Smith, 1964) a donné 'Da Capo' (Zurbrigg, 1968) et 'Grand Baroque' (Zurbrigg, 1968).

A la génération suivante on ne peut plus citer tous les iris remontants confirmés qui ont été enregistrés ! Contentons-nous des plus connus, comme 'Immortality' (Zurbrigg, 1982), 'Earl of Essex' (Zurbrigg, 1979), 'Winterland' (Byers, 1989), 'Zurich' (Byers, 1989), 'Istanbul ' (Byers, 1989), 'Lichen' (Byers, 1988) … Il y a trente ans de cela ! Alors, aujourd'hui ? Autant dire qu'on peut à tous moments obtenir des variétés remontantes.

Mais voilà. Une évidente lassitude a atteint tous ceux qui ont cru dans l'avenir des iris remontants. Ils ont constaté à quel point cette aptitude était capricieuse et se sont mis à douter de l'intérêt de continuer les recherches en ce sens. Peut-être la remontance reviendra-t-elle à la mode ? On se souviendra alors que 'Gibson Girl' aura été l'un des principaux géniteurs de ce caractère.

Illustrations : 


'Gibson Girl' 


'Cross Stitch' 


'Autumn Tryst' 


'Winterland'

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