12.9.15

L'IRIS A PARFUM

C'est la très jolie photo que Milan Blazek m'a envoyée pour mon dernier anniversaire qui m'a inspiré pour faire une recherche sur l'iris à parfum. Car elle a été prise dans la région du Chianti, près de Florence, dans une plantation d'iris destinés à la parfumerie. Comme on peut voir, les iris ont envahi une combe entourée de grands arbres. Pour y aller il faut grimper par un petit chemin au flan d'une agréable colline. Les endroits idylliques, cela se mérite...

 Pendant très longtemps, alors que la main d’œuvre était abondante et bon marché, la culture des iris à parfum a été une spécificité de la Toscane : les princes, qu'ils soient florentins, milanais, vénitiens ou romain, raffolaient de cette senteur de violette qui pouvaient à la fois ajouter à l'attrait des gentes dames et masquer les senteurs obscures des cités italiennes. Au cours du XXeme siècle, cette culture de même que la préparation laborieuse du parfum ont été peu à peu abandonnées : trop de travail ! Mais au cours des vingt dernières années les plus grands parfumeurs ont eu de plus en plus recours à l'orris root, autre nom de la racine d'iris pour la parfumerie. Du coup la culture a repris, en Toscane, bien entendu, et particulièrement dans les collines du Chianti entre Florence et Sienne, mais aussi au Maroc, en Chine (bien entendu!), puis en France même, dans la région de Grasse, pour le compte de la maison Chanel.

Voilà donc l'iris qui est de nouveau cultivé pour sa racine et les essences qu'elle contient. Pendant très longtemps, au moins depuis le XVIIeme siècle, on a utilisé pour cet usage le fameux Iris florentina, de couleur blanche, forme particulière de Iris germanica dont il n’est qu’un sous-hybride un peu chétif, aux fleurs blanc bleuté, un peu molles, mais recherché pour tout autre chose que ses fleurs : l’irone extrait de ses rhizomes. Longtemps cet iris de Florence a été une des richesses d'une vaste région allant du Chianti à toute l’Italie du Nord, jusqu’à la région de Vérone, au pied des Alpes. La recherche scientifique faisant des progrès, on s'est aperçu que I. pallida var. dalmatica, autrement dit l’iris de Dalmatie, était deux fois plus riche en irone que I. florentina. Celui-ci a été rapidement délaissé pour son cousin d'outre-Adriatique, lequel a fini par le supplanter complètement. Ce que l'on voit aujourd'hui dans les champs est donc I. dalmatica, reconnaissable à sa délicieuse couleur bleu pâle, qui possède deux caractéristiques très originales. D’abord sa multiplication ne s’obtient pas de façon sexuelle, mais uniquement de façon végétative, ce qui garantit la pérennité des caractères (et démontre par conséquent que la multiplication végétative n’entraîne aucune dégénérescence de la plante). Ensuite ses rhizomes contiennent beaucoup d’irone, substance extraite pour obtenir ce parfum très spécifique que l'on appelle aussi « essence de violette ».. Cependant on conserve encore quelques plantations de I. florentina, moins riche et moins subtil, mais dont la puissance peut s'avérer utile en parfumerie.

La fleur de I. pallida a un parfum inoubliable et prononcé, des plus délicieux. De ce fait beaucoup s'imaginent que c'est cette fleur qui est utilisée en parfumerie, mais il n'en est rien. Ce qui compte, c'est le rhizome ! Pour l'obtenir, les iris restent en place dans les champs pendant au moins trois ans. Les rhizomes sont alors déterrés, sélectionnés, nettoyés épluchés puis coupés en rondelles qui sont mises à sécher sur des clayettes dans une pièce ventilée et chauffée à 30 °C, pour que les rhizomes perdent 60 % de leur eau et puissent se conserver en concentrant leur fameux irone. Il va falloir trois ans de séchage avant que les rondelles de rhizomes, devenues grises et dures, ne soient broyées et envoyées à la distillation. Celle-ci s'effectue après macération dans l'eau froide. On obtient alors une substance de couleur et de consistance crémeuse. Ce «beurre d'iris» appelé aussi «concrète» sera à son tour distillé pour donner l'absolu, qui est la base des parfums. Il ne faut pas moins de 13 tonnes de rhizomes frais pour obtenir un seul kilo de l'extraordinaire produit, ce qui explique son prix exorbitant (près de 100 000 euros le kilo). Les spécialistes disent que « son odeur est complexe et délicate, poudrée, boisée, paillée, beurrée, violette, tout en étant linéaire et très persistante. » Pour le commun des mortels, elle est simplement riche et profonde : combinée à d'autres senteurs, elle aboutit à des parfums complexes mais toujours délicieux, comme ce « Terre d'Iris » (Miller Harris) que j'ai eu le plaisir de humer il y a quelques semaines dans un grand magasin parisien.


Aujourd'hui, des parfums à base d'iris, il y en a de plus en plus. Le plus réputé est peut-être « Infusion d'Iris » de Prada, mais on trouve aussi « Iris Noir » d'Yves Rocher, « Chanel n° 19 », « Bois d'Iris » de Van Cleef et Arpels, « Songe d'Iris » de Rochas, « Iris Ukioyé » de Hermès...


Ainsi notre fleur préférée peut-elle présenter de l'intérêt pour son rhizome, cette tige souterraine, mystérieuse, qui la nourrit et abrite ses gènes pour l'éternité. Comme quoi, dans l'iris, tout est bon !

Illustration : 

 - Champ d'iris à parfum.

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