« Parents inconnus » (en anglais « Unknown parentage ») est une expression qu'on trouve relativement souvent dans les descriptions de nouvelles variétés d'iris. Elle peut correspondre en fait à deux situations très différentes. Dans l'un et l'autre cas elle signifie que l'obtenteur n'est pas en mesure de fournir le pedigree de la plante qu'il enregistre. Mais il peut y avoir plusieurs raison à cette impossibilité. Il se peut qu'un incident ait amené la perte ou la destruction du document où les renseignements étaient notés. Il peut arriver aussi que le papillon placé sur la capsule où mûrissent les graines disparaisse ; ou que l'étiquette repérant un semis soit emportée par un événement climatique ou un incident de jardinage. Doit-on pour autant renoncer à semer les graines ou faut-il détruire la plantule ? La plupart des hybrideurs choisissent une autre voie : s'ils en arrivent à la décision d'enregistrer la plante accidentée, ils la déclarent comme étant de parents inconnus. Il en sera de même si la plante est issue d'un croisement naturel (d'un « bee pod » comme on dit chez les anglophones). D'autre part beaucoup d'hybrideurs amateurs ne prennent pas la peine de noter le nom des variétés qu'ils croisent pour s'amuser. S'ils veulent enregistrer un cultivar ainsi obtenu, ils le feront également avec la petite phrase « parents inconnus ». Cette expression fait la preuve que celui qui l'utilise n'a pas cherché à falsifier le pedigree de son obtention, mais elle n'a en général pas bonne presse parmi les hybrideurs, professionnels ou pas, car elle signifie que, si l'iris est utilisé dans un croisement on aura des doutes sur ses aptitudes et le résultat du croisement sera forcément un peu hasardeux.
Pourtant de nombreux iris d'une grande renommée, obtenus par les plus grands noms de l'irisdom, sont dans ce cas. Il en est ainsi pour 'Lula Marguerite' (DeForest, 1959) une variété qui a fait le tour du monde et qui est toujours présente dans de nombreux jardins. Ce handicap n'a pas empêché des hybrideurs ayant pignon sur rue de l’utiliser dans leurs programmes d'hybridation. On trouve que c'est le cas de Tell Muhlestein, de Keith Keppel, Gordon Plough ou Chet Tompkins, même si les variétés ainsi obtenues n'ont pas toujours atteint la célébrité.
Encore plus célèbre est 'Burnt Toffee' (Schreiner, 1977). Cette variété au coloris indescriptible a eu un très large succès, et chez nous elle est très connue. Ce qui est étonnant, c'est qu'un de ses frères de semis, un certain 'G 1519-A', donc a priori aussi incertain quant à ses origines, a fait les beaux jours de la maison Schreiner qui en a obtenu des variétés intéressantes comme 'Fashion Queen' (2004) ou 'Lenten Prayer' (1998).
'Frosted Pumpkin' (Maryott, 2002) est aussi né sous X. J'ai lu récemment que c'était une des meilleures ventes de la pépinière de Jim Hedgecock, Comanche Acres I.G. !
On atterrit en Europe avec 'Terra del Fuoco' (Bianco, 2005). Car il n'y a pas que les hybrideurs américains qui poussent le scrupule jusqu'à préférer ne rien indiquer plutôt que d'affirmer des choses qui peuvent être erronées. Cette rutilante variété n'a que des qualités et son obtenteur a été bien inspiré de l’enregistrer malgré l'absence de pedigree.
Le cas de 'Debby Rairdon' (Kuntz, 1965) est tout à fait différent. Il s'agit typiquement de l'obtention d'une personne qui ne faisait ça que pour le « fun ». En la circonstance le résultat a passé toutes les espérances qu'on peut avoir pour un croisement que l'on réalise dans ces conditions. Pensez ! Vendre tout son stock à une professionnelle avisée, et voir son iris franchir toutes les étapes de la course aux honneurs jusqu'à décrocher la Médaille de Dykes, ça, c'est gagner le gros lot !
Autre fleur, autres circonstances. 'Clarence' (Zurbrigg, 1991) a, dès son apparition excité la curiosité de tous ceux qui s'intéressent aux iris. C'est une variété qui a toutes les qualités : une bonne plante de jardin, une splendide association de couleurs dans un modèle qui n'est pas si fréquent (luminata), une aptitude confirmée à remonter... Cela aurait du le conduire au plus haut niveau des honneurs, mais il a raté la dernière marche, certainement à cause de son pedigree incertain. Toutes sortes de conjectures ont été faites à propos de ses parents. Las avis convergent facilement pour dire que du côté maternel, il faut voir 'I Do' (Zurbrigg, ) ou l'un des descendants de ce riche géniteur. Mais du côté paternel de multiples hypothèses ont été avancées, néanmoins les opinions les plus sages tablent sur 'Victoria Falls' ou l'une des variétés qui en sont issues comme 'Sugar Blues' (Zurbrigg, 1984) ou 'Bethany Claire' (Zurbrigg, 1984). C'est le risque, avec la mention « parents inconnus » : les suppositions les plus diverses peuvent apparaître.
Il est une dernière variété née sous X qui mérite un commentaire. Il s'agit de l'indéboulonnable 'Stepping Out' (Schreiner, 1964). L'absence de pedigree avéré n'a pas du tout nui à sa carrière. Aussi bien au plan commercial – c'est un des iris les plus répandus à travers le monde – qu'au plan des honneurs - HM en 1965, F. Cook en 1966, AM en 1967, Dykes Medal en 1968 - ou celui des croisements – près de 200 semis enregistrés -, et il est resté jusqu'en 2011 parmi les vingt premiers du symposium annuel de l'AIS ! Il faut dire que, s'agissant d'un plicata, il est certain qu'il en porte le gène, ce qui favorise son utilisation.
L'appellation « parents inconnus » peut donc aussi bien être sans conséquence sur la destinée d'un iris qu'avoir sur celle-ci des suites fâcheuses. Chez les humains être né sous X pose souvent des problèmes psychologiques qui peuvent avoir des répercussions dans bien des domaines. Chez les iris les choses sont évidemment moins dramatiques, mais elles ne sont pas non plus totalement anodines.
Illustrations :
Lula Marguerite
Frosted Pumpkin
Terra del Fuoco
Clarence
Un autre "né sous X" ultra célèbre, en tçete de lu classement de l'iris préféré aux USA (Iris symposium)depuis de nombreuses années, près de 30 ans après sa commercialisation: "Dusky Challenger" (Schreiner 1986).
RépondreSupprimerJ.C. Jacob