21.4.19

STRIATA

ou Les iris à Rayures

La mode est un éternel recommencement. Dans notre petit monde cet aphorisme se vérifie ces temps-ci avec un retour en force des iris à rayures. On ne peut pas dire que ce modèle de fleur soit une nouveauté, car des iris à rayures, il y en a depuis fort longtemps. Prenez, par exemple le « vieux » ‘Marquita’ (Cayeux 1931), dont les sépales sont richement veinés de bleu violacé avant que cette couleur ne prenne le dessus vers le bord. Chez ce ‘Marquita’ on retrouve la disposition qui était celle de ‘Fries Morel’ (Lémon, 1840): du crème aux pétales et des rayures amarante aux sépales. En botanique on parle du modèle « variegata ». La présence de ces rayures provient du « père » de ‘Marquita’, ‘Helios’ (Cayeux 1928), où elles apparaissent, nettement moins contrastées. Je n’ai pas le pedigree de ‘Helios’, mais je ne serais pas étonné qu’on y trouve ‘Fries Morel’ à un moment ou un autre. Entre-temps cependant on est évidemment passé de la version diploïde à la version tétraploïde, avec transfert pur et simple du modèle. A quelques années de distance, Ferdinand Cayeux a renouvelé l’opération avec ‘Paillasse’ (1936). Ce ‘Paillasse’ est un descendant direct de ‘Marquita’ ; il n’est donc pas étonnant qu’il en ait hérité des traits.

Veines, stries et rayures font donc partie du panel génétique de tous nos iris. Elles ont parfois été mises en avant comme élément décoratif, voire même comme seule valeur de certaines variétés comme 'Circus Stripes' (Plough 1975), par ailleurs bien médiocre. Mais le plus souvent elles ont été chassées, considérées longtemps comme un défaut là où on recherchait la pureté des couleurs. Jusqu'à la fin des années 1990, cela était encore bien marqué dans les esprits : Richard Cayeux, par exemple , qui n’a pas hésité à enregistrer des iris ayant de fortes marques aux épaules, comme 'Creme Glacée' (1994) ou 'Marbre Bleu' (1993), écrit en 1996 dans son livre, « L’Iris, une Fleur Royale », à propos justement de ce dernier cultivar :  « bien que généralement la sélection fasse rejeter les fleurs à sépales striés… » Maintenant cette exclusion n’est plus de mise et nombreux sont ceux qui considèrent les iris rayés comme des plantes qui apportent quelque chose de nouveau dans un domaine où les innovations deviennent plus rares qu’il y a cinquante ans.

C'est le cas du grand hybrideur américain Thomas Johnson (quelqu'un qui prend d'année en année plus d'importance dans le monde des iris). Dans le catalogue de 2019, qui vient d'être mis en ligne, on trouve une série d'iris à rayures tout à fait intéressante. J'en ai compté cinq, tous plus jolis les uns que les autres. On va en dresser un rapide portrait, en respectant l'ordre alphabétique, qui est bien commode.

'Hip Hip Horray' Celui-là fait sans hésitation partie de la lignée consacrée aux fleurs rayées. Les lignes violettes vont en s'accentuant en s'approchant du bord des sépales. semis TG159ZZ: All About Me X Mardi Gras Ball 'Champagne Dream' Les lignes de texture, d'un joli mauve foncé, donnent à cette fleur beaucoup de charme et d'originalité. semis TG68E: TC339A: ((Hysteria x Blyth O201A): (Lets Romp sib. x Mango Daiquiri sib.)) X Haunted Heart

'Leave me Breathless' Ton Johnson dit que c'est exactement ce qu'il s'attendait à trouver quand il a réalisé le croisement. En français on peut traduire son nom par « A couper le souffle ». Les rayures indigo qui couvrent les deux tiers des sépales sont effectivement tout à fait époustouflantes. semis TG160ZZ: Read Between the Lines X TC339A: ((Hysteria x Blyth O201A): (Lets Romp sib. x Mango Daiquiri sib.))

'Trending' Difficile de dire si cette variété fait partie ou non des iris à rayures. L'effet « rayures » est en effet surtout constitué par les veines de textures , un peu sombres. Mais tout l'effet exceptionnel de cette fleur vien de sa barbes violettes et proéminentes. Une merveille ! semis TH5A: Note to God X Haunted Heart.

'That's Entertainment' D'un genre tout différent de ceux qui précèdent, cet iris fait partie de la grande famille des variegatas. Mais ses sépales aux dessins torturés le rangent aussi dans celle des « striatas ». A noter sur le photo l'étroite imbrication des pétales les uns dans les autres. Une fleur très inhabituelle. semis TG374ZZ: Cosmic Melody X Inconnu (étiquette illisible).

 Le modèle « striata », comme on pourrait le désigner, est maintenant bien installé et apporte une note nouvelle dans nos jardins. Mais avec cinquante neuf nouveautés (dont neuf nains ou médians), Tom Johnson ne va-t-il pas asphyxier le marché ? Et comme son compagnon Paul Black en présente cinquante-huit, on est véritablement inondé de nouveaux iris. Est-ce souhaitable ? Je n'en suis pas convaincu. Même si dans cette pléthore, je ne trouve vraiment rien à retirer !

Illustrations : 

'Hip Hip Horray'


'Champagne Dream' 


'Leave me Breathless' 


'Trending' 


'That's Entertainment'

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