Dans le langage botanique, lorsqu’on parle d'Iris variegata, c’est pour évoquer une petite plante diploïde, originaire d’Europe sud-orientale, d’à peine 40 cm de haut, dont la fleur est constituée de trois pétales jaunes et de trois sépales blancs veinés de grenat. On est évidemment loin des variegatas de nos jardins actuels qui, s’ils tiennent tout de même beaucoup de cet ancêtre, ont incorporé beaucoup d’autres gènes et sont aussi devenus tétraploïdes.
Il est intéressant de suivre l’évolution des variegatas au cours des années. Prenons, pour point de départ la variété 'Fries-Morel' (Lemon, ca. 1840). Nous sommes devant un iris qui tient encore beaucoup de l'espèce botanique de départ : pétales jaune, sépales blancs où s’étalent des stries intenses d’un rouge pourpré. C'est la même chose pour 'Gypsy Queen' (Salter ca. 1859). On peut passer ensuite à 'Loreley' ( 1901), variegata diploïde obtenu en Allemagne par Goos et Koenemann. Le modèle n'a pas beaucoup évolué en soixante ans ! La description pourrait être la même que celle des variétés précédentes. Il faut attendre 1932 et 'Crown Prince', de Kleinsorge pour trouver un variegata où les pétales sont de couleur vieil ivoire, et où les traces de veinage sur les sépales n’apparaissent plus que sous les barbes, le reste étant d’un grenat uniforme. Mais on n'est plus dans l'ère des diploïdes et les transformations sont plus faciles et plus nombreuses.
Pour arriver au modèle actuel, avec ses pétales parfaitement jaunes et ses sépales entièrement rouges ou grenats, il a fallu travailler dur et ajouter beaucoup d’ingrédients divers à l’espèce de base. Ces travaux se sont orientés dans trois voies. Soit ajouter au modèle initial les gènes d’iris jaunes, brun-rouge ou pourpre foncé. Soit croiser un variegata et un autre bicolore. Soit enfin marier entre eux deux variegatas.
Une toute première approche du modèle se situe chez 'Extravaganza' (Douglas 1940), qui a des pétales blanc crémeux et des sépales rouge bourgogne. Croisé avec 'Frank Adams' (Lapham 1937) qui est un brun-rouge apprécié à son époque, il a donné naissance à ce qui reste un des meilleurs variegatas : 'Accent' (Buss 1952), un iris de haute taille avec des pétales d’un jaune très pur et des sépales d’un brun uniforme ornés de barbes dorées.
Cependant c’est à Opal Brown que l’on doit une grande partie du développement des iris variegatas. Elle a en effet sélectionné, au début des années 60, une variété que l’on peut qualifier de variété de base dans ce coloris. Il s’agit de 'Gypsy Lullaby' (O. Brown 1960), un iris jaune/violacé qui est à l’origine de 'Pipes Of Pan' (O. Brown 1963), qui est crème / pourpre, puis de 'Gala Madrid' (Peterson 1968), qui est cuivre / pourpre. Ajoutons à ce panel 'Tambourine' (Babson 1969), un iris or et magenta, dont on ne sait pas grand chose des origines. Avec les descendants de ces quatre iris-là, on maîtrise une grande partie du pedigree des variegatas modernes.
La plupart des descendants de 'Gala Madrid' sont des variegatas. Pour n’en citer que quelques-uns, connus parce que commercialisés en France, parlons de 'Cairo Lyric' (Peterson 1973) qui a des pétales couleur caramel au-dessus de sépales acajou, 'Oritam' (Hoffmeister 1977), 'Corbières' (Ségui 1982) et 'Glad Rags' (Hager 1985). Une autre variété de base se nomme 'Barcelona' (O. Brown, 1967) et elle a, aussi, une belle progéniture : 'Capricorn Dancer' (B. Blyth 1978), 'P.T. Barnum' (J. Meek 79), et surtout 'Gypsy Caravan' (Moldovan 1978) qui dispose d’une descendance exceptionnelle dans les tons du modèle, avec, entre autres, 'All That Jazz' (Denney 1981), 'Fiesta Time' (Schreiner 1986), 'Vigilante' (Schreiner 1991) et 'Andalou' (R. Cayeux 1994). Quant à 'Tambourine', on trouve parmi ses descendants des variétés comme le sombre 'Albuquerque' (Peterson, 1974) ou 'Shaman' (DuBose, 1979), mais ses enfants les plus nombreux se rencontrent dans l'association jaune/bleu dont il sera question une autre fois.
Par la suite de nouveaux variegatas sont apparus car même si le modèle n'a plus le succès qu'il a connu dans les années 1980, certains obtenteurs s'y intéressent encore. 'Country Charm' (Schreiner, 1998) en est la preuve, de même que 'Bold Encounter' (P. Black, 2003). Tirant davantage sur l'orange, 'Lovely Senorita' (Schreiner, 2002) est une autre évolution du modèle. Chez nous j'ai noté un certain nombre de variegatas qui ne passent pas inaperçus : 'Brasero' (R. Cayeux, 2002), 'Grenade' (R. Cayeux, 2008), 'Soleil du Mexique' (Chapelle, 2010), 'Torrent de Lave' (Chapelle, 2013), 'Santiago Castroviejo' (R. Cayeux, 2014), 'Gracias a la Vida' (Chapelle, 2017), 'Bachianas Brazileiras' (Chapelle, 2018) et aussil le semis NB 13-23-01, pas encore enregistré mais très remarqué au dernier concours FRANCIRIS©. Cela n'est pas une liste exhaustive, bien sûr...
Comme on vient de le voir avec les rejetons de 'Tambourine',la variante jaune/bleu, a donné des plantes admirables sur lesquelles nous reviendrons un autre jour car, comme disait Rudyard Kipling, « ceci est une autre histoire ». Arrêtons-nous aujourd'hui à la version jaune/brun qui, pour être très classique, n'en possède pas moins ses admirateurs comme le sont Richard Cayeux, Nicolas Bourdillon et le Breton Alin Chapelle. Les uns et les autres poursuivent leur marche en avant sur ce chemin pavé des briques jaunes cher au magicien d'Oz.
Illustrations :
'Gypsy Queen'
'Cairo Lyric'
'Shaman'
'Gracias a la Vida'
NB 13-23-01
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