Le chemin serpente et ondule au milieu des collines gersoises. A un moment, on tourne à droite entre deux bâtiments et arrive devant l'iriseraie de Roland Dejoux. Les plantes sont alignées dans le sens de la pente vers un profond vallon, jadis fréquenté par les bestiaux en pâture mais qui retourne inexorablement à la forêt depuis que les animaux ne quittent plus leurs étables. Le paysage est admirable, la campagne bossue se partage entre cultures et étendues boisées sur lesquelles le vent vigoureux fait chanter les frondaisons. On ne se lasse pas de laisser le regard contempler cet agréable spectacle.
Mais l'on n'est pas là pour ça ! Il faut joindre l'utile à l'agréable et s'avancer entre les bordures impeccablement alignées et parfaitement désherbées. La terre blonde et finement sarclée accueille les alignées d'iris dont de nombreuses touffes sont déjà en fleur en cette fin d'avril plutôt fraîche. On laisse de côté les premières rangées où se trouvent les variétés les plus anciennes – elle sont plantées par année d'enregistrement et ordre alphabétique – et on examine les dernières plantations et, surtout, les nouvelles variétés en cours d'appréciation.
Roland s'est pris de passion pour l'hybridation mais entend se montrer rigoureux dans sa sélection. Il n'hésite pas à éliminer des variétés aux fleurs superbes mais dont les tiges ne présentent pas ces décrochements en candélabres qui assurent un bon développement aux branches latérales. Pas plus d'indulgence pour les plantes pauvres en boutons ou dont les branchements ne promettent pas une floraison prolongée. Même sort pour les plantes dont les fleurs ne brillent pas par leur richesse de coloris ou l'originalité de leur modèle. Un geste rageur écrase les tiges des spécimens rejetés. En revanche une attention méticuleuse est accordée aux iris qui ont échappé à la première éliminatoire. La forme de la fleur, les ondulations, la consistance des tépales sont longuement examinées. La moindre imperfection conduit à une longue réflexion qui se termine bien souvent par un nouveau rejet sans appel. Le maître des lieux tient cette implacable rigueur à son apprentissage d'hybrideur auprès de son ami Barry Blyth chez qui il est allé passer plusieurs printemps australiens. Melbourne, c'est très loin, mais pour l'amateur d'iris, c'est bien pratique puisque les iris y sont en fleur en octobre ! Sous la houlette de Barry Blyth, et avec ses conseils aussi patients que généreux, il a appris comment choisir les bons parents en vue des croisements les plus prometteurs, et ce que c'est que la rigueur sélective pour ne retenir que les meilleures variétés.
Son goût personnel le guide semble-t-il assez nettement vers les iris plicatas. Il déclare très justement que dans le domaine des couleurs traditionnelles, il est devenu très difficile de présenter quelque chose qui sorte de l'ordinaire, alors que chez les plicatas, les possibilités étant pratiquement infinies, obtenir un semis intéressant et original reste tout à fait accessible. Il a réalisé en Australie une foultitude de croisements dont les premiers passaient cette année l'examen d'admission. Et très nombreux sont ceux qui sont pleins d'avenir. Les iris de Laymont verront très certainement leur catalogue s'enrichir prochainement de plusieurs de ces iris aux nuances infinies et aux combinaisons de couleurs surprenantes, tout en réservant une place à des variétés plus classiques comme ce 'Soleil de Laymont' qui attirait tous les regards en cette fraîche matinée de printemps.
Comme son mentor des antipodes, Roland Dejoux ne se fixe pas nécessairement une ligne de conduite en matière de croisements. Il mise plutôt sur la multiplicité de ceux-ci, au prix d'un énorme travail de récolte des graines, de semis, puis de repiquage des jeunes plantules, avant une longue période d'appréciation des nouveaux iris, et un hypothétique enregistrement de quelques rescapés assurément réussis. Cela explique qu'après tant d'années de pratique de l'hybridation aussi peu de variétés nouvelles aient été retenues.
Autre raison de notre présence en ces lieux, depuis le décès de Lawrence Ransom, les iris retenu par ce dernier mais dont le sort final n'était pas réglé sont arrivés chez Roland Dejoux. Cette année il fallait procéder à une dernière observation. C'est ce à quoi la matinée du dimanche a été consacrée. La même rigueur que pour les cultivars maison a été appliquée et le jugement s'est révélé très sélectif car le cheptel à apprécier s'est révélé plutôt décevant. Peu de nouveautés signées Ransom entreront sur le marché dans les prochaines années. Et il y aura certainement plus d'arilbreds que de grands iris.
Après ces quelques heures au grand air, c'est à regret qu'on s'est éloigné de cette pépinière qui fait honneur à son propriétaire. Elle est très certainement l'une des plus plaisantes et des mieux tenues que je connaisse. Ce week-end en Occitanie n'est pas près d'être oublié !
Illustrations :
vue de la pépinière
'Soleil de Laymont'
semis plicata Dejoux
Merci pour ce remarquable reportage que je découvre à mon retour de Franciris.
RépondreSupprimerAmitiés
Roland
Nous connaissions au moins deux producteurs de compost d'iris à travers le monde (Keppel et Blyth). En voici désormais un troisième !!
RépondreSupprimerC'est dur sans doute, car nombre d'entre nous hébergeraient sans doute dans leur jardin beaucoup de ces iris compostés. Mais la qualité a un prix…