Ce titre fait référence à l'exode des Acadiens, chassés de Nouvelle Ecosse par la prise de contrôle du pays par les Britanniques au milieu du 18e siècle et partis vers les terres encore françaises de Louisiane. Mais il ne concerne pas un événement aussi dramatique puisqu'il se contente de relater les tribulations de ma collection personnelle d'iris jusqu'à son transfert à l'ancien presbytère de Champigny sur Veude où elle vit désormais une nouvelle vie.
Commencée en 1982, ma collection d'iris a déménagé cinq fois en trente-trois ans ! Cela peut sembler beaucoup mais en fait c'est bien peu. Car on dit qu'il faut déplacer les iris tous les trois ou quatre ans. Dans ces conditions c'est au moins huit fois qu'elle aurait du changer d'emplacement. Heureusement les iris sont des plantes de bonne composition et chez moi elles se sont accommodées assez heureusement de ces séjours prolongés, tout comme de l'ingratitude du sol.
Amorcée à Limoges, la collection a été transportée en Touraine en 1985. Ce déplacement n'était pas du tout prévu, donc au printemps 1984 il n'y a eu aucun repérage garantissant que les plantes ne perdraient pas leur identité. Par bonheur je disposais d'un plan rigoureux de la plantation et, les touffes n'étant ni très importantes ni très nombreuses, le transfert a pu se dérouler sans trop de peine …et surtout sans perte ni de variétés ni d'identifications. Mais l'emplacement de cette nouvelle iriseraie n'était pas idéal : pas assez d'ensoleillement et plans trop serrés. Défaut de jeunesse...
Les circonstances ont voulu qu'à l'automne de 1989 il faille de nouveau déménager. Le voyage n'était pas bien long – à peine dix kilomètres – mais cette fois encore rien n'avait été prévu et les touffes avaient beaucoup grossi et s'étaient fréquemment rejointes. Au printemps 1990 les dégâts sont apparus. Plusieurs variétés n'avaient pas repris et il y avait pas mal de mauvais étiquetages. Cependant j'ai pu remédier à cette situation avec assez de facilité grâce à mes plans écrits et ma connaissance des variétés. Il n'y a donc eu que demi-mal. C'est à ce moment qu'en pratiquant des échanges avec d'autres collectionneurs le nombre des variétés plantées s'est mis à croître rapidement. L'emplacement réservé s'est révélé très vite trop exigu et il a fallu songer à un nouveau déplacement. Mais cette fois tout avait été organisé méticuleusement au préalable !
Ainsi le nouveau terrain avait-il été labouré, enrichi en engrais de fond, et les bordures créées suffisamment larges pour pouvoir voir venir des expansions généreuses de chaque touffe. Mais retirer et replanter plus de 200 variétés n'a pas été une petite affaire ! Le résultat a été parfait et la nouvelle plantation a pris ses aises dans son nouveau terrain, même si la nature argilo-calcaire du sol n'était pas ce qu'il y a de plus favorable. Les iris tolèrent cependant des conditions ingrates et, sans se développer rapidement, les touffes ont néanmoins donné pendant de nombreuses années des fleurs abondantes. On était en 1995.
Cinq ans plus tard j'ai commencé à constater que les touffes vieillissaient, les pousses récentes venaient à chevaucher les plus anciennes et celles disposées vers l'extérieur débordaient nettement sur les allées rendant celles-ci plus étroites et compliquant le travail de tonte au cours de l'été. Par dessus le marché le nombre des variétés ne cessait de s'agrandir, obligeant à s'approcher des arbres et, par conséquent plaçant les nouvelles plantes dans des conditions peu favorables à leur reprise et leur accroissement naturel. Je constatais qu'après une pousse raisonnable tant que les feuilles des cerisiers ne s'étaient pas étalées au-dessus d'eux, les iris mal placés donnaient des signes de malaise : les feuilles perdaient de leur rigidité,prenaient une teinte plus pâle et s'écroulaient au sol tandis que les tiges florales restaient malingres et souvent dépourvues de fleurs.
En 2003 j'ai du me résoudre à envisager un nouveau « dérangement ». A défaut de disposer d'espace pour un transfert classique, j'ai choisi d'inverser les bordures fleuries et les allées engazonnées. Plus facile à concevoir qu'à réaliser ! Ce nouveau transfert ne s'est pas déroulé dans de bonnes conditions, ni de préparation préalable du terrain, ni de transplantation. En empiétant un peu (et en dépit des protestations de mon épouse) sur la partie du jardin en principe inaccessible aux iris tel que cela avait été tacitement conclu entre nous, la collection a pu être remise en terre. Pour pallier le manque de préparation du terrain j'avais cru bon de demander à un ami propriétaire d'ânes de me fournir quelques m³ du fumier de ses bêtes. Les iris ont apprécié cet enrichissement de leur pauvre substrat et dès le printemps 2004 ont abondamment fleuri. Mais les adventices ont également profité de l'apport en azote. De sorte que les désherbages sont devenus une véritable corvées et que, je l'avoue, certaines bordures ont été assez mal traitées. Vaille que vaille la situation s'est prolongée ainsi pendant plusieurs années...
Jusqu'à ce qu'il soit absolument nécessaire de mettre à l'ordre du jour un nouveau déplacement. Mais pour aller où ? Ajoutons que, devenant octogénaire, l'entretien de la collection me devenait de plus en plus pénible. Je me désolais de cette situation quand, par hasard, j'ai entendu dire que la petite bourgade de Champigny sur Veude, à 20 km de chez moi, songeait à créer une animation autour de l'iris pour valoriser son exceptionnel patrimoine architectural et attirer les touristes. L'affaire fut rondement menée. A l'été 2015 un nouveau « dérangement » a été mis en route. Mais une fois de plus, rien n'était organisé au préalable puisqu'en juin je ne savais pas encore quoi faire de mes iris.
Cette fois il fallait transporter en camionnette près de 350 variétés. Cela s'est fait avec beaucoup d'improvisation et l'identification des variétés s'est révélée souvent hasardeuse, de même que la replantation qui a suivi. Néanmoins mes chers iris n'ont pas été perdus. Ils ont même trouvé la terre riche et humifère du jardin de curé particulièrement à leur convenance. Il faut dire que le jardin où ils ont été implantés jouit des meilleures conditions : sol profond, humide mais sans eau stagnante, ensoleillement maximum, espace suffisant et même généreux... Un paradis pour des iris.
Au printemps 2018, pour la fête inaugurale de la nouvelle iriseraie, les iris étaient au mieux de leur forme. La seule chose qui pêche encore concerne l'identification de quelques variétés incorrectement labellisées à la suite du déménagement précipité de la collection. Elle devrait se faire cette année, et si elle n'est pas possible avec assez de sécurité, les variétés en question devraient être mises au rancart.
La floraison 2019 a été superbe. Les touffes les plus anciennes étaient énormes et abondamment fleuries, les acquisitions récentes, essentiellement en provenance de dons de la part de pépiniéristes français, étaient toutes en bonne santé. Champigny est devenu véritablement ce que souhaitait le maire actuel : la cité des iris.
Le récit de ces tribulations, en dehors de leur côté anecdotique, n'aurait guère d'intérêt si l'on ne devait pas en tirer quelques leçons :
le choix du nouvel emplacement, qui doit être suffisamment étendu, dépourvu de grands arbres trop ombrageants, bien ressuyé...
la nécessité d'une préparation méticuleuse du terrain choisi la transplantation ;
l'anticipation du déplacement, non pas seulement dans le choix du nouveau terrain mais aussi dans l'organisation du transfert (étiquetage des variétés, dressage du plan de plantation...)
Posséder une collection d'iris, dès qu'elle devient un peu importante, est une entreprise qui demande effort et persévérance, mais quelle récompense quand toutes ces fleurs explosent dans votre jardin !
Illustrations :
- Quatre vues de la collection au cours des ans.
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