On dit souvent que c’est avec les vieilles recettes qu’on confectionne les meilleurs plats. Cela vaut aussi pour l’hybridation des iris. On peut remarquer que, ces dernières années, en dehors du modèle « distallata » créé par Keppel et Ghio puis repris par la plupart des obtenteurs, ce sont les modèles anciens qui apportent le plus de nouveauté. On crée de jeunes sujets en utilisant de vieux modèles.
Pour illustrer ce propos, on prendra l’exemple des dernières innovations chez les amenas, des combinaisons de couleurs inattendues chez les variegatas et des nouvelles découvertes chez les plicatas.
Les amoenas « new look ».
On ne revient pas sur la définition du modèle amoena : grosso modo des pétales blancs et des sépales bleus. Mais il y a déjà longtemps que ces dispositions ont été inversées. On a parlé à ce sujet de la souche ‘Avis’ (Varner, 1963) mais ce n’est ni la principale, ni la plus prolifique. La suivante, et peut-être la plus importante, est la souche ‘Surf Rider’ (Tucker, 1970). Enfin a troisième, la plus exemplaire et la plus productive, a pour origine l’espèce I. imbricata et c’est Paul Cook qui l’a utilisée pour obtenir ‘Wide World’ (1953), lequel peut en être considéré comme le point de départ. Depuis ces temps anciens, il y a toujours eu des amoenas inversés, mais un engouement nouveau c’est manifesté pour ce modèle à partir des obtentions remarquables de Keith Keppel et surtout de ‘Fogbound’ (1997) et ‘Crowned Heads’ (1997), puis ‘Alpenview’ (2002) et‘Wintry Sky’ (2002). Ces variétés ont apporté un approfondissement du contraste et une parfaite tenue de la fleur. Depuis, la plupart des obtenteurs ont apporté leur pierre à l’édifice et on ne compte plus les excellents amoenas inversés bleu/blanc. Mais les hybrideurs ne se sont pas contenté de reproduire indéfiniment le modèle en jouant sur les pigments bleu/violet. Ils ont créé une autre sorte d’amoenas inversés, concernant cette fois les pigments caroténoïdes (jaune, orange, rose…). Cette voie a essentiellement été explorée par Barry Blyth en Australie, et cela nous a valu ‘Alpine Region’ (1996) et quelques autres. Le défi a été relevé par d’autres hybrideurs avides d’originalité ou, à l’occasion, favorisés par la chance. En France ‘Somni’ (Dauphin, 2008) est un exemple convaincant.
On peut parier que sous peu vont apparaître d’autres amoenas inversés, en rose ou orangé sur blanc vraisemblablement.
L’inversion des variegatas.
Traditionnellement les variegatas ont des pétales jaunes (ou orangés) et des sépales bruns, grenats ou violacés, quelques fois bleus. La tentation a été de transférer la couleur sombre (brun ou violet) sur les pétales et, à l’inverse, de colorer les sépales de jaune. En fait, toutes les tentatives d’inversion des variegatas proprement dits n’ont pas encore abouti. Il semble donc que cette dénomination ne soit pas adaptée aux variétés qui s’en prévalent, même si le résultat visuel est bien celui-là, car aucun des iris présentant cet aspect particulier n’est issu d’une famille de variegata ! Si donc le terme de variegata est usurpé, à quel modèle peut-on rattacher celui qui nous intéresse aujourd’hui ? Il faut en réalité le relier aux amoenas inversés. Des amoenas inversés dont le blanc ( ou blanc bleuté) des sépales serait remplacé par un jaune plus ou moins saturé. Mais qu’importe, dans le cas présent c’est l’apparence qui est prise en compte ! Les variétés les plus emblématiques de ce modèle semblent être ‘Wonderful to See’ (Kerr 2000) et ‘Fare thee Well’ (Christopherson 2004). Dans la même veine, ‘Affaire’ (Blyth, 1993) a été une grande innovation. Des progrès restent à faire, car soit les couleurs sont un peu ternes, soit le jaune n’est pas franchement jaune, soit les deux. Mais on s’approche !
Les nouvelles perspectives des plicatas.
C’est dans le domaine des plicatas que le vieux modèle – toujours largement représenté parmi les variétés récentes - connaît ses plus intéressantes évolutions. Celles-ci se développent sur deux plans : les iris « à pois » et les bicolor-plicatas.
Les premiers ont reçu une consécration lorsque ‘Splashacata’ (Tasco, 1997) à reçu la Médaille de Dykes en 2005. Depuis, les obtenteurs les plus innovants ont suivi la même voie. A commencer par Rick Tasco lui-même, qui, peut-on dire, s’est fait une spécialité de ce modèle. ‘Celestial Explosion’ (2003), ‘Magic Quest’ (2007), ‘Temporal Anomaly’ (2007), ‘Camera Ready’ (2009) ou ‘Autumn Explosion’ (2013) en sont les plus explicites représentants.
Parallèlement, les bicolor-plicatas connaissent un extraordinaire développement depuis l’apparition de R41-4, un semis miraculeux de Barry Blyth dont Keith Keppel a immédiatement vu l’infinité des mélanges qu’il allait permettre. Keppel décrit comme suit l’élaboration de cet iris : « La lignée de R41-4 a commencé avec ‘Sunset Snows’ (Stevens, 1965) et comprend ‘Twist and Shout’ (Blyth, 1973), ‘Outer Limits’ (Blyth, 1972) et ‘Snowlight’ (Blyth, 1972). Cette lignée a été croisée, recroisée, intercroisée en tous sens, et à la quatorzième génération le bicolor-plicata est apparu. Là n’était pas le but recherché (par Blyth), mais le plicata est un caractère récessif qui peut être porté et caché pendant de nombreuses générations . » En associant le modèle plicata (sous ses différentes formes) et le modèle amoena (sous ses formes jaunes) Keppel a imaginé neuf sortes de combinaisons. Autant dire qu’une infinité de nouveaux iris était envisageable. Le semis KK#07-176B-020 est un récent exemple de ces nouvelles possibilités.
En s’appuyant sur les vieux modèles, les hybrideurs d’aujourd’hui proposent de jeunes sujets aux perspectives enthousiasmantes qui laissent augurer d’un avenir radieux pour nos fleurs préférées.
Illustrations :
· ‘Somni’
· ‘Affaire’
· ‘Autumn Explosion’
· semis Keppel KK#07-176B-020
1 commentaire:
Mention très bien à Gerard pour sa photo d' "Affaire", superbe !
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