13.12.13

LES NOUVEAUX CONCURRENTS

Le marché des iris en France, mais aussi en Europe, a subi de profondes modifications au cours des dernières années. Il y a encore dix ans, une poignée de producteurs se partageait la clientèle. Chacun avait sa spécificité, mais pour qui voulait se procurer des iris de qualité il fallait s’adresser à eux. Maintenant les marchands d’iris sont plus d’une dizaine. Comment cette inflation a-t-elle pu avoir lieu en si peu de temps ? C’est ce à quoi j’ai réfléchi et je vais donner ici mon opinion personnelle sur le sujet.

Au moment où les quatre « grands » se partageaient le marché, les collectionneurs d’iris se montraient d’une discrétion remarquable. C’est à peine si quelques-uns s’étaient fait connaître au travers de la SFIB et des services que cette association mettait à leur disposition. Mais la SFIB a essayé de structurer ce microcosme et a, à maintes reprises, insisté pour que ses membres se lancent dans l’hybridation, en démontrant combien cette opération était facile et amusante. Elle a également expliqué pourquoi il était important de faire enregistrer ses cultivars et comment il fallait le faire. Elle a été écoutée : plusieurs de ses membres, parmi les moins âgés, se sont risqués à hybrider, et peu à peu on a vu le nombre des enregistrements s’accroître.

Les plantes en question n’étaient pas, au début, d’une qualité remarquable, mais bientôt leurs obtenteurs se sont rendu compte de leurs lacunes et de leurs erreurs, et ils ont progressé très vite. Les producteurs ayant pignon sur rue ont considéré avec une certaine indifférence le travail de ces gens qui prétendaient faire aussi bien que leurs fournisseurs attitrés. Ils n’ont pas acheté les variétés françaises nouvelles.

 Mais c’est plutôt frustrant, quand on a obtenu un bel iris, de savoir qu’il ne quittera jamais son jardin d’origine. Comment faire pour en faire profiter les autres amateurs ? Au même instant un nombre croissant de personnes s’est mis à pratiquer l’informatique, et les échanges par e-mail ont rapidement explosé, avec l’apparition de blogs et de sites peu coûteux. Cette prolifération a ouvert de nouveaux horizons aux collectionneurs-obtenteurs : il leur devenait possible de faire connaître leur travail à tous ceux que cela pouvait intéresser ; les échanges entre correspondants se sont alors multipliés.

 Que faisaient les entreprises historiques pendant ce temps ? Elles ont continué leur chemin, proposant à leur clientèle soit leurs propres obtentions, quand elles étaient aussi obtenteurs, soit des variétés américaines ou australiennes, excellentes pour la plupart et sans mauvaises surprises ni pour le producteur ni pour l’acheteur. Certes elles ont commencé à apercevoir un certain effritement de leurs ventes, mais elles pouvaient mettre cela sur le compte de la crise ou celui d’un tassement passager. Il est probable qu’elles n’aient pas senti venir le danger.

Les producteurs amateurs ont été encouragés par le succès de leurs ventes par Internet. Ils se sont enhardis et ont ouvert leurs jardins aux amateurs de fleurs de leur secteur. Ceux-ci, informés dans la presse locale, sur les réseaux sociaux en plein essor et par le bouche-à-oreille, ont afflué à ces journées portes ouvertes où ils pouvaient voir en fleur les plantes qu’ils allaient acheter à un prix très avantageux. Cet engouement a donné un nouveau courage aux obtenteurs-amateurs. Ils ont créé des sites Internet, publié des catalogues. Ils ont ajouté des variétés étrangères à leur offre et, bref, sont devenus de nouveaux commerçants.

C’est à ce moment que les entrepreneurs historiques ont commencé à s’inquiéter. La SFIB organisait des commandes groupées auprès de fournisseurs étrangers, facilitant la mise en vente en France de variétés originales qu’eux-mêmes hésitaient à acquérir pour les mettre à leurs catalogues. D’ailleurs ils se sont aperçu qu’ils allaient forcément avoir une longueur de retard sur leurs nouveaux concurrents car ces derniers, vendant chaque variété en tout petit nombre, peuvent très vite les proposer aux clients, alors que les « grands » sont obligés d’attendre d’avoir un stock conséquent pour faire de même. En ce domaine, perdre deux ou trois ans est rédhibitoire. Ils ont donc tenté de réagir. Les plus solides ont développé leurs ventes à l’étranger, comptant sur leur notoriété et leur réputation d'excellence pour s’assurer une nouvelle clientèle. D’autres ont essayé de rattraper le temps perdu en proposant de très belles variétés « made in France », en participant aux commandes groupées de la SFIB ou en se lançant à leur tour dans l’hybridation qu’ils avaient négligée ou oubliée depuis longtemps. Ils ont enfin entrepris de se diversifier en se mettant à vendre de plus en plus d’autres produits que les iris.

La situation à laquelle ils sont confrontés les met dans l’embarras. Ils peuvent sûrement regretter de n’avoir pas accordé plus de foi aux produits des hybrideurs français auxquels ils ont, en quelque sorte, laissé la bride sur le cou pour devenir leurs concurrents. Ils ont aussi manqué d’à-propos en ne croyant pas à l’évolution vers le meilleur des productions européennes. Mais, même en ouvrant leurs catalogues à ces deux sources de renouvellement, auraient-ils pu maîtriser l’apparition de leurs mini-concurrents ? Cela n’est pas sûr, parce que la révolution informatique a considérablement facilité cette concurrence et, dans un marché de niche comme celui des iris, créé les meilleures conditions pour cet éparpillement.

Cela dit, personne n'a intérêt à voir souffrir les vieilles maisons. Elles touchent un grand nombre d’acheteurs qui ne sont pas forcément des collectionneurs auxquels elles assurent un service de premier choix, et en ce sens elles servent grandement la cause des iris. Souhaitons-leur de trouver une parade astucieuse à la concurrence à laquelle elles sont confrontées, et sachons qu’en ce domaine comme dans tant d’autres toutes les « start-up » n’auront qu’un vie de courte durée et que, de toute manière, elles auront à pérenniser leur entreprise.

Illustrations : 

Quatre variétés françaises obtenues par des non-professionnels :

· ‘Boutefeu’ (Jacob, 2012) 


· ‘Cap vers le Large’ (Chapelle, 2011) 


· ‘Damgan’ (Madoré, 2007) 


· ‘Nevado del Ruiz’ (Laporte, 2006)

5 commentaires:

  1. Non, non, non! Les quatre obtenteurs cités ci-dessus SONT bien des producteurs professionnels car ils mettent en vente leurs obtentions ainsi que quelques iris d’autres créateurs. Qu’ils puissent vivre ou pas de cette activité, c’est une toute autre affaire…

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  2. Quelle virulence dans le ton de Anonyme qui n'a pas le courage de signer ses propos.
    Je signale à cette personne semble-t-il ignorante des iris que G. Madoré a cessé toute activité dans le domaine des iris en fin 202, et que s'il a enregistré 2 nouveaux iris millésimés 2013, Roazhon et Gaor, c'est par amitié pour G. Briére, ancien responsable du jardin de Brocéliande.
    Je précise pour ma part, qu'étant considéré comme professionnel, parce que déclaré comme cotisant solidaire à la M.S.A. sur 20 ares de culture, s'il avait fallu que je vive de mes revenus, je serais mort de faim depuis longtemps. J'ai opté pour cette solution pour être en règle avec tout le monde.
    Cela ne m'empêche pas de recevoir dans mon jardin des professionnels pour prélever le pollen qui les intéresse, de faire des échanges de pollen avec des membres de la SFIB ou de faire de l'hybridation pour des tiers membres de la SFIB.
    Cela ne m'empêche pas non plus d'être présent à Saint Jean de Beauregard au printemps, à Courson à l'automne, pendant 4 jours à chaque fois en proposant des plantes vendues au profit EXCLUSIF de la SFIB, sans demander de remboursement de frais d'hébergement ni de frais d'essence.

    Que les hypocrites anonymes et langues de vipères jettent le masque.

    J.C. JACOB

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  3. On se calme SVP !
    Veillons à ne pas s'invectiver, même si le sujet est sensible.
    Pour répondre à la première remarque : c'est une question de proportion. Les obtenteurs en question sont tous des retraités qui essaient de se procurer un surcroît de ressources. Un vrai professionnel vit (ou essaie de vivre) de son seul travail de producteur.

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  4. Ah ! Comme regarder les photos d’iris est apaisant… ;
    Moi j’aime bien ce BOUTEFEU mais j’ai l’impression que je vais devoir attendre…je ne le vois pas en vente.
    Niba

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  5. Personne Jean Claude ne doute de ton intégrité et de ton dévouement.
    Ceux qui pensent que la SFIB est un moyen de s'enrichir devraient adhérer. Ils nous aideraient et se rendraient vite compte qu'il n'en est rien.
    Le monde des iris a besoin de tout le monde, producteurs grands et petits, hybrideurs et amateurs.
    "Que cent fleurs s'épanouissent"…

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