Pour ceux qui n'auraient pas suivi, reprenons les règles de base. Il y a deux sortes de pigments pour colorer les fleurs d’iris : les pigments caroténoïdes, dans les tons de jaune, solubles dans les corps gras, qui se trouvent à l’intérieur des cellules florales, et les pigments anthocyaniques, dans les tons de bleu, solubles dans l’eau, et qui se situent dans le liquide intercellulaire. Ces pigments ne se mélangent pas, mais ils peuvent se superposer. Il y a aussi des gènes qui interviennent dans l’apparition des pigments, favorisant ou paralysant celle-ci. Ce sont ces gènes qui vont nous intéresser aujourd'hui.
Chez les iris à forte charge anthocyanique, les gènes inhibiteurs interviennent peu, ou pas du tout. En revanche chez ceux où la couleur du fond est celle qu'on voit le plus, ils s'en donnent à cœur joie et freinent au maximum l'apparition des pigments violacés. La disposition basique des plicatas qui veut que les pétales soient presque complètement colorés et les sépales de plus en plus marqués d'un plumetis de la couleur des pétales à mesure que l'on s'approche du bord, n'est plus de mise. Les gènes inhibiteurs de l'anthocyanine peuvent aller jusqu'à faire presque complètement disparaître les pigments violacés. Comme le fait remarquer Keith Keppel dans un de ses articles de vulgarisation, il existe des variétés de plicata qui, à l'oeil, paraissent entièrement blanc. C'est le cas, notamment, du fameux 'Laced Cotton'. Le modèle se révèle au tout début de l' éclosion de la fleur. A ce moment l'observateur exercé distinguera les traces bleues qui vont très vite s'effacer. En dehors de ça, il faut analyser le pedigree de la plante pour acquérir une certitude : l'iris en question sera un plicata si ses deux parents portent eux-même le gène plicata.
Avant d'arriver à ces cas extrêmes, il est évident qu'on peut rencontrer tous les niveaux possibles de coloration anthocyanique. Pour rester dans les limites de ces chroniques, nous allons étudier quatre exemples de cette disparition progressive de la couleur. Commençons par 'Pink Confetti' (Gibson, 1976) une délicieuse variété de la belle époque des iris. Le fond des fleurs de cet iris semble blanc, mais il doit comporter une certaine dose de pigments caroténoïdes puisque les dessins plicatas apparaissent comme étant rose magenta. La base des pétales est d'ailleurs un peu ivoire, mais le rose magenta prend vite le dessus et s'étale avec légèreté. Sur les sépales il laisse un large centre blanc crémeux et se contente de décorer les bords, avec un peu plus d'insistance au niveau des épaules. On est bien en présence d'un plicata, mais le modèle s'est fait discret. Vous connaissez 'Gigi' (Schreiner, 1971) ou son cousin 'Stitch in Time' (Schreiner, 1978) ? Ils se ressemblent beaucoup. L'une et l'autre proviennent de 'Stepping Out', d'une part, et de 'Magic Circle' (Schreiner, 1965) d'autre part, à qui ils doivent leurs traits particuliers. L'un et l'autre sont des plicatas a minima : tépales blancs liserés de bleu (tendre ches 'Gigi', vif chez 'Stitch in Time') ; des fleurs gracieuses et qui éclairent le jardin.
Un maître des plicatas comme Keith Keppel ne pouvait pas manquer d'offrir à ses fans des plicatas minimalistes. Cela fut le cas avec 'Snowbrook' (1987) puis son descendant 'Snowbelt' (1992). En l'occurrence, ce qui fait la particularité des plicatas se trouve limité à un liseré bleu sur le bord des sépales. On pourrait confondre avec un modèle « Emma Cook », mais la lecture du pedigree confirme bien que l'on est en présence d'un plicata : (((Vaudeville sib x Montage) x (Vaudeville x Charmed Circle)) x ((Montage x (((Gene Wild x Majorette) x Rococo) x Vaudeville sib)) x (Vaudeville x Charmed Circle))) X Charmed Life.
Pour terminer ce tour d'horizon, jetons un œil vers 'Lightly Seasoned' (Zurbrigg, 1979) chez qui le caractère plicata se résume à un léger poudrage de rose orchidée au cœur de la fleur et le long des veines des sépales. Le doute n'est pas permis, il s'agit bien d'un plicata : ((Illini Gold x Da Capo) x Halloween Party) X (semis x Jolly Goliath) (1)mais les gènes inhibiteurs interviennent à plein régime et ne laissent que peu de place à l'apparition du « plicatisme ».
On ne se lasse jamais du modèle plicata. Il nous donne à chaque apparition une impression de fantaisie et de fraîcheur qui fait vraiment plaisir. Et quand on sait que les hybrideurs sont loins d'avoir épuisé toutes ses ressources, on ne peut que se réjouir.
Illustrations :
'Pink Confetti'
'Stitch in Time'
'Snowbrook'
'Lightly Seasoned'
(1)'Da Capo', 'Halloween Party' sont des plicatas, 'Jolly Goliath' est issu de plicatas.
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