Le pourpre est une couleur riche, noble, symbole de l'autorité et du pouvoir. Mais ce n'est pas sous cet angle-là qu'elle nous intéresse en ce moment, il nous importe plus de savoir quelle est sa place dans la coloration des fleurs d'iris. Examinons-la d'une extrémité à l'autre de l'espace qu'elle occupe en matière de saturation des pigments.
A mon avis elle commence avec le rose qualifié de « orchidée », celui que les anglais, décidément bien mieux outillés que nous, nomment « pink ». Puis elle s'intensifie et nous passons au rouge « magenta », un rouge violacé issu du langage de l'imprimerie et de la teinture. En matière florale on parlera de rouge « fuchsia », qui est une couleur éclatante, ou flashy pour faire moderne à moins qu'on ne préfère dire rouge « groseille » ou « framboise ». Si nous rajoutons une dose de couleur, nous passons au rouge « amarante » qui peut être « grenat », voire « acajou ». A ce moment la différence avec ce que nous appelons le pourpre est assez subtile. Voilà donc tout l'éventail des teintes pourprées. Des teintes que l'on rencontre fréquemment chez les iris.
Le rose orchidée fut longtemps le seul rose à la disposition de hybrideurs. Il a perdu de son intérêt le jour où l'on a réussi à obtenir du rose pur, rendu plus éclatant par une pointe de jaune. Dans les années 1940/1950 les grands maîtres sont Paul Cook, Orville Fay et David Hall. Contemporains et amis, ces trois personnages ont marqué l'histoire de iris et des iris orchidée en particulier, et comme ce sont des habitants du Middle-West, on peut dire que le rose orchidée est la couleur de cette partie des Etats-Unis. 'Dreamcastle' (Cook, 1943) est peut-être le premier iris de cette couleur qui soit vraiment remarquable, tant par son coloris que par la perfection de sa fleur. Mais avec 'Pink Bountiful' (Cook, 1949) on atteint une étape encore plus perfectionnée, même si cette variété n'a pas eu le même succès que la précédente. 'Mary Randall' (Fay, 1950) et 'Vanity Fair' (Hall, 1950) continuent dans la même direction. L'une et l'autre sont d'absolues réussites, Tout comme, dix ans plus tard, 'Pink Magic' (Hall, 1959), 'Esther Fay' (Fay, 1960) et 'Dave's Orchid' (Hall, 1960). Enfin, point final de la série, 'Fashion Fling' (Hall, 1965) est une plante encore bien présente dans nos jardins. Mais le rose orchidée n'a jamais été abandonné par les hybrideurs et dans les temps modernes on en trouve encore régulièrement. Par exemple 'Inga Ivey' (Hamblen, 1985), 'Hélène C.' (R. Cayeux, 1994) ou 'Vienna Waltz' (Keppel, 2000).
Passons au « générique » magenta, qui est une version plus saturée du précédent. C'est une couleur très répandue chez les iris, et présente depuis longtemps. La preuve avec le bien nommé 'Magenta' (F. Cayeux, 1927). A l'époque dite classique le très célêbre 'Raspberry Ripples' (Niswonger, 1969) est à ranger dans cette tranche, de même que 'Strawberry Sensation' (L. Powell, 1978) ou 'Extravagant' (Hamblen, 1983) qui est un peu plus vif et qu'on peut qualifier de rouge fuchsia. Vingt ans plus tard, 'Eye for Style' (Blyth, 2006) ajoute à cette couleur une abondance de frou-frous caractéristique de l'époque. Pour ne pas oublier ce qui se fait chez nous, citons 'Rose Bonbon' (Dalvard, 2005), d'une fraîcheur très classique. La période contemporaine n'oublie pas le rose magenta. Témoin : 'Up in Flames' (T. Johnson, 2010).
Avec le rouge amarante, on est au plus près de ce qu'on imagine (ou que j'imagine) quand on évoque la couleur pourpre. Avec 'Numa Roumestan' (F. Cayeux, 1928) ou 'Député Nomblot' (F. Cayeux, 1929) on est déjà dans ce coloris. Mais cela va prendre du velouté et de la profondeur. 'Claret Mahogany' (Austin, 1963), une variété bien oubliée aujourd'hui, montre bien l'évolution qui s'est produite en trente ans. Et cela continue avec 'Cranberry Ice' (Schreiner, 1976), puis 'Lady Friend' (Ghio, 1981), peut-être l'iris le plus rouge quu ait été obtenu, à moins qu'il ne s'agisse de 'Mulled Wine' (Keppel, 1982). Mais le rouge amarante séduit toujours les hybrideurs et on trouve de nos jours des variétés excellentes comme 'Almandin' (Le May, 2011) ou 'Tiff' (Lauer, 2013) décrit comme « sang de boeuf » ou « rubis ». A ce point de concentration, on hésite entre le pourpre et le fameux brun-rouge si fréquemment rencontré.
Et cela nous amène au plus vif du coloris, quand il y a du violet dans l'apparence même si la couleur est plutôt tournée vers le rouge. Cela donne des iris de toute beauté dont les teintes chaudes et majestueuses viennent apporter au jardin de la richesse et de la force. Le maître absolu en la matière (comme dans bien d'autres d'ailleurs) est Joseph Ghio qui est l'auteur d'une progression formidable. On peut en placer l'origine à 'Battle Royal' (1993), et continuer avec 'Rogue' (1994), un peu plus clair, puis Ennoble' (1996), 'Vizier'(1997), 'Ransom Note' (2000), 'Cover Page' (2001), 'Infrared' (2002), 'House Afire' (2002), 'Iconic' (2009), 'Cardinal Rule' (2010)... et j'en oublie forcément !Quel boulot !
La couleur pourpre va très bien aux iris. Les obtenteurs le savent bien et en ont usé avec délectation. Que ce soit en Amérique, en France ou n'importe où, les variétés pourpres sont partout présentes et font le bonheur des irisariens.
Iconographie :
'Dreamcastle', 'Fashion Fling', 'Vienna Waltz' ;
'Raspberry Ripples','Eye for Style', 'Up in Flames' ;
'Numa Roumestan', 'Lady Friend', 'Tiff' ;
'Battle Royal', 'Vizier', 'Cardinal Rule'.
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