5.5.17

RENDEZ-VOUS AU 'MAJESTIC'

On ne se rend pas forcément compte des changements intervenus dans l'aspect des iris depuis les années 1980. Il faut feuilleter un ancien catalogue et le comparer à un catalogue d'aujourd'hui pour comprendre combien les iris ont évolué. Ils ont changé dans la forme : on est passé des discrètes ondulations comme celles qui ornaient 'Titan's Glory' ou 'Edith Wolford' aux bouillonnés de 'Sea Power' ou 'Décadence' ; ils ont aussi changé dans les couleurs et les modèles : les indémodables étaient présents : plicatas divers et variegatas ; ils sont toujours là, mais aucun « dark top » dans le catalogue Cayeux de 1988, aucun luminata, aucun « space ager », aucun « broken color » et il n'était pas encore question d'ombrata ou de distallata ! Le monde des iris se transforme au même rythme que le monde tout court...

Parmi les modèles ou associations de couleurs qui sont d'apparition récente, nous allons évoquer ces fleurs, dont on ne sait pas encore comment les appeler, ou se juxtaposent différentes couleurs dans des associations audacieuses et des dégradés originaux. Tout le monde se souvient de 'Burnt Toffee' (Schreiner, 1977) décrit comme :  « Pétales couleur chocolat clair, balayé de bleu lavande du centre vers les côtes ; sépales d'un cholocat plus soutenu, avec du chocolat sombre sur les épaules et une tache bleue au centre ; barbes allant du doré éteint au bleu. » C'était quelque chose d'étrange au moment de sa mise sur le marché. C'est longtemps resté une exception. Pour trouver une fleur qui s'en rapproche il a fallu attendre le début des années 2000. Peut-être d'ailleurs peut-on situer le point de départ du nouveau modèle à 'Berry Scarry' (Black P., 2005) qui est décrit comme : « Pétales gris-orchidée pastel, plus sombre aux bords (…) ; sépales violet pourpré au centre devenant rouge violacé, large bords gris perle translucide, poudrage blanc autour des barbes orange (...) ». Le pedigree est (Off Color Joke X (Skyblaze x Tom Johnson)), et dans ce couple on devine une amorce du modèle chez 'Off Color Joke' (Black P., 1997) avec ses pétales gris lavés de mauve et ses sépales parcourus de traces violettes. On trouve à peu près la même chose chez 'Comic Opera' (Sutton G., 2005), mais avec une toute autre origine. Cette fois le panel de couleurs s'enrichit aux sépales avec du brun tavelé de violet, comme la peau de certains serpents. A partir de ce moment on peut dire, en langage actuel, que l'affaire était dans les tuyaux.

Quelqu'un qui a repéré le bon filon, c'est le texan Tom Burseen. Toujours à la recherche de la nouveauté et de la surprise, cet obtenteur original a fabriqué quelque chose de proche de ce qu'avaient fait ses deux prédécesseurs, mais y a ajouté une couleur supplémentaire, à partir du quasi-distallata 'Ring Around Rosie', c'est à dire une coloration poudrée brune au centre des sépales.

Il a attribué à ses nouveautés des noms improbables : 'Swearin Ima Blarin' (2010) et 'Dewuc Whatic' (2010). Dans ces deux iris on aperçoit des ascendances broken color qui surgissent aléatoirement sur certaines fleurs. Le côté broken color, d'ailleurs, est exploité pour quelques autres variétés richement colorées, mais victimes aussi, d'une certaine instabilité chromatique. C'est le cas de 'Cranfil's Gap' (2010) qui descend de 'Gnu Again' (Kasperek, 1993), tout comme 'Maggie Beth' (2012).

L'idée de fleurs dont les couleurs s’entremêlent comme chez les broken color, mais de façon plus harmonieuse, a fait son chemin parmi les hybrideurs. En Slovaquie, Anton Mego, a obtenu 'Bratislavan' (2010) qui répond exactement au but recherché, avec des pétales jaune caramel fumé, et des sépales bleu lavande clair liserés de jaune, même si le pedigree ne fait pas appel à des Broken colors. Conscient sans doute de l'intérêt de ce nouveau modèle, Mego a poursuivi ses recherches et sur six variétés enregistrées en 2015, cinq en font partie. Par une autre voie, Robert Piatek, en Pologne, a obtenu 'Etsitu' (2013), mélange de plicata ('Spacelight Sketch') et de dark top ('Andrus' : une lignée exclusivement centre-européenne. Ceci démontre l'originalité et l'inventivité des hybrideurs tchèques, slovaques et polonais auxquels nos catalogues français ne font pas assez de place pour l'instant.

Aux Etats-Unis aussi on se lance dans cette direction. C'est le cas de Paul Black, comme on l'a vu avec 'Berry Scary'. Il a récidivé avec 'I'm All Shook Up' (2013) et encore plus vigoureusement avec 'Big Band' (2016), ces deux derniers ayant une parenté commune : (Meritage X Pharaoh's Spirit). De la part d'un génie comme Paul Black cette nouvelle lignée n'est pas étonnante. Ce qui l'est, en revanche, c'est que la vénérable institution Schreiner s'est elle-même lancée dans l'aventure. Son catalogue 2017 fait état de deux variétés de cet acabit. Il s'agit de 'Express Yourself' (Great Smokey Dawn X Dakota Smoke) qui présente des « pétales or embrumés d'héliotrope, s'assombrissant vers l'extérieur », et des sépales dont « les stries violet clair s'étalent sur le fond blanc, et complètent joliment le marquage brun doré des épaules ». Encore plus contrasté, 'Rum is the Reason' montre des pétales bleu lavande vif et des sépales d'une sorte de rouge bourgogne qui se transforme en brun ocre en allant vers les bords. L'effet est saisissant. Le résultat commercial sera-t-il à la hauteur ?

Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute que ce nouveau modèle va se répandre rapidement, car les autres hybrideurs ne voudront pas être en reste. La mode ne fait que commencer. D'ailleurs Anton Mego a poursuivi sa trajectoire et sa dernière réalisation dans la série, baptisée 'The Majestic' (2017), est tout à fait pleine de promesses. Il est certain que des iris comme celui-ci donneront des envies, non seulement aux collectionneurs, mais aussi aux hybrideurs eux-même qui vont chercher à faire aussi bien.

Iconographie : 


'Berry Scarry' 


'Comic Opera' 


'Big Band' 

'The Majestic'

1 commentaire:

  1. La photo de 'Comic Opera' porte les marques de l'attaque du virus (taches sombres)

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