I. Les anciennes souches
L’apparition des iris amoenas inversés bleus ne date pas d’aujourd’hui, mais ils atteignent un degré de diffusion considérable. Il est temps de se pencher sur leurs origines et de retracer leur hérédité.
On distingue trois principales souches, c’est à dire trois variétés qui sont à l’origine d’une lignée d’amoenas inversés bleus.
Commençons par la souche ‘Avis’. C’est celle qui est mise en avant par Keith Keppel dans son approche des « dark tops » en général et bleus en particulier. ‘Avis’ (Varner, 1963) présente bien les traits spécifiques des amoenas inversés. Cette apparence ne lui vient pas directement de ses parents, on peut donc dire qu’il constitue le point de départ d’un nouveau modèle. ‘Avis’ provient d’une part de ‘Arctic Skies’, déjà légèrement inversé, d’autre part de deux cultivars dans les tons de rose orangé, l’un issu de ‘Mary Randall’, l’autre provenant d’un semis de David Hall. Ce semis a été recroisé avec ‘Enchanted Pink’, puis, à la génération suivante, avec un jaune de la famille de ‘Mary Randall’ pour donner enfin naissance à cet ‘Avis’ qui nous intéresse. Parmi ses descendants, le plus intéressant est ‘Sea Venture’ (Bennett Jones, 1972), qui provient du croisement d’ ‘Avis’ et d’un blanc teinté de lilas : ‘Eternal Love’ (Schmelzer, 1966), et qui est un véritable « dark top» aux pétales tendrement bleus et aux sépales qui, s’ils n’ont pas « la blancheur sanglotante des lys » comme disait Stéphane Mallarmé, n’en sont pas moins plus clairs que les pétales. A partir de ‘Sea Venture’, on est véritablement dans le domaine des « dark tops ». ‘Spécial Mozart’ (Anfosso, 1991) est directement issu de ‘Sea Venture’ et on verra plus loin qu’il a contribué lui-aussi au développement des amoenas inversés bleus.
La souche ‘Avis’ n’est ni la principale, ni la plus prolifique. La suivante, sur ce plan, est plus importante. Il s’agit de la souche ‘Surf Rider’. Cet iris a des pétales parme, des sépales d’un blanc laiteux où le bleu resurgit au cœur, et des barbes blanches. La fleur est peu ondulée, mais de texture épaisse ce qui lui confère une bonne tenue. Néanmoins ce qui a fait le succès de ‘Surf Rider’ (Tucker, 1970) c’est l’originalité de son coloris. Pour en arriver là, James Tucker a utilisé un semis de ‘Stepping Out’, associé à ‘Joy Dancer’. On ne décrit plus le premier, plicata emblématique mis sur le marché par la maison Schreiner en 64 et récompensé de la Médaille de Dykes en 68. ‘Joy Dancer’ est un autre produit Tucker, enregistré en 69, qui a attiré sur lui l’attention à Florence où il a obtenu la seconde place en 74. C’est un mauve lilas à barbes jaunes qui a pour pedigree (Crinckled Beauty X Rippling Waters). Ni l’un ni l’autre de ces antécédents ne sont des « dark top », ‘Surf Rider’ est donc le point de départ d’une nouvelle souche. Si son originalité et sa fraîcheur lui ont valu une renommée mondiale, elles ont aussi tenté certains hybrideurs qui ont essayé d’en améliorer les caractéristiques. Trois des plus grands noms s’y sont essayés : Joë Ghio, Ben Hager et Sterling Innerst. Ghio a obtenu ‘Little Much’ (84) dans lequel se rejoignent les souches ‘Avis – par ‘Sea Venture’, encore une fois – et ‘Surf Rider’. Il est décrit comme ayant des pétales bleu moyen, des sépales blancs et des barbes blanc bleuté. Il répond bien à la définition des « dark tops ». A la même confluence que ‘Little Much’ se trouve ‘Incantation (Ghio, 1987) qui se présente un peu comme un amoena inversé mais le contraste est atténué car la base des pétales est plus vivement colorée que le haut, pratiquement blanc, tandis qu’on retrouve le bleu des pétales aux épaules des sépales. ‘Ballerina Blue’ (Innerst, 1986) réunit ‘Surf Rider’ et ‘Sea Venture’, mais il n’a pas les qualités de ses cousins Ghio, ni celles de ses cousins Hager, et en particulier de ‘Timescape’ (1990).
Parlons maintenant de la troisième souche, la plus exemplaire et la plus productive. Elle a pour origine l’espèce I. imbricata. Voici ce qu’écrivait Keith Keppel à son sujet : « Originaire des montagnes du Caucase et du nord de l’Iran, ce diploïde de taille moyenne a des fleurs jaune verdâtre marquées de veines brun pourpré aux épaules. » Et Paul Cook, qui l’a utilisée en premier a écrit : « I. imbricata comporte indubitablement un gène inhibiteur qui supprime, certes incomplètement, les anthocyanes des grands iris. Cette suppression est d’habitude plus complète dans les sépales de la fleur que dans la partie supérieure, ce qui caractérise les bicolores inversés. » Partant de ce constat Paul Cook a utilisé I. imbricata pour obtenir ‘Wide World’ (1953), lequel peut être considéré comme cette fameuse troisième souche. Derrière lui, la première étape fut ‘Blue Fantasy’ (Louise Branch, 1958), puis vint ‘Edge of Winter’ (Schreiner, 1983). A partir de là on est en plein dans les « dark tops » avec au premier rang ‘In Reverse’ (Gatty, 1993) qui est proche de la perfection, avec des pétales nettement bleus et des sépales blanc bleuté ( sans parler de la qualité de la fleur qui a la grâce onduleuse de tous les iris de Gatty). Cet ‘In Reverse’ est à la base d’un grand nombre de « dark tops », notamment par l’entremise de ‘Honky Tonk Blues’, une variété qui a un grand rôle dans la multiplication actuelle des « dark tops ».
(à suivre)
Très intéressant, j'adore 'In Reverse' que je trouve somptueux et je suis contente d'en savoir un peu plus sur lui. Merci pour ce blog super passionnant!
RépondreSupprimerlisa