1.4.11

SUR LES BORDS DE LA WILLAMETTE





III. Portland

‘Willamette Mist’ n’est pas seulement le nom, charmant, d’une variété d’iris enregistrée en 2001 par la maison Schreiner ; c’est aussi un phénomène bien réel que connaissent bien les habitants de Portland. Cette énorme agglomération se situe au débouché de deux vallées, celle de la Willamette, que l’on commence à bien connaître, et celle de la Columbia, qui termine sa traversée des fameuses gorges qui lui permettent de descendre des hauts plateaux oregonais. Un vent régulier et puissant, que l’on pourrait comparer à notre Mistral français, entraînent vers l’ouest les poussières du désert de Harney et les pollutions générées par les industries situées dans les gorges. Tout cela se mélange au-dessus de Portland aux pollutions humaines, industrielles et agricoles issues de la vallée de la Willamette. Il en résulte une sorte de smog qui affecte fréquemment la grande ville. Les pluies, fréquentes, lessivent l’air, mais déversent vers la Columbia tous les polluants accumulés, et font que l’océan, à l’embouchure du fleuve, est l’un des endroits au monde où la mer est le plus polluée. Pour lutter contre ces poisons, la ville de Portland a imaginé il y a quelques années un astucieux système de décantation des eaux pluviales à base de lagunes et de plantes vivantes. C’est qu’elle tient à sa réputation de capitale américaine de la rose ! Mais si cette fleur y est abondamment cultivée, on pourrait dire la même chose des iris. Et cela n’est pas nouveau.

Portland, ce fut le pays de George Shoop et des Jones – Bennett et Evelyn. On ne fait plus le portrait de George Shoop, celui qui avait pour signature la barbe rouge de ses iris. One Desire (1960), Latin Lover (1969) ou Ringo (1979) sont des noms qui parlent à tout le monde . Les Jones, quant à eux, se sont signalé par l’éclectisme de leur travail, majoritairement orienté vers les iris nains, mais marqué aussi par de vrais réussites chez les grands iris. Il y a aujourd’hui à Portland un obtenteur et producteur qui a déchaîné les critiques l’été dernier, Bruce Filardi. Si l’expérience a été décevante pour certains, il faut espérer qu’elle aura été instructive pour cet homme, certainement dénué d’intentions malhonnêtes. En tout cas, à son crédit il faut placer sa superbe collection d’iris anciens dont certains sont assurément parmi les plus rares du monde. Dans l’agglomération de Portland se trouve la cité de Tigard, là où se tiennent les Craig, Jim et Vicki. Un peu plus loin, à Canby plane le souvenir de Catherine et Fred DeForest. Ces deux-là ont été, à leur époque, parmi les meilleurs hybrideurs et leurs produits ont fait le tour du monde. Lui a régné sur les années 50 avec des variétés aussi célèbres que ‘By Line’ (1952) ou ‘Rehobeth’ (1953), tous deux Florin d’Or, ainsi que ‘Color Carnival’ (1948) ou ‘First Violet’ (1951), qui obtint la D.M. en 1956. A son épouse Catherine, qui prit sa succession, appartiennent ‘Alenette’ (1969) et ‘Bayberry Candle’ (1969). Chet Tompkins habitait aussi Canby. D’une exceptionnelle longévité, il est l’obtenteur d’un grand nombre de variétés, dans tous les domaines, et si on lui fait souvent le reproche de se laisser aller à enjoliver un peu le pedigree de ses iris, il n’empêche qu’il nous a donné des variétés inoubliables comme ‘Camelot Rose’ (1965), l’inimitable ‘Ovation’ (1969), ‘Genesis’ (1977) ou ‘Apollodorus’ (1988). Vancouver est sur la rive droite de la Columbia, donc en Washington, mais, le fleuve traversé, c’est Portland, en Oregon. Vancouver, et Salmon Creek, c’est le domaine de Terry Aitken, un hybrideur qui fait parler de lui depuis le début des années 80 et qui est devenu une des figures de marquante du monde des iris. Des iris comme ‘Stellar Light’ (1985) ou ‘Cracklin’ Caldera’ (2003) ont assis sa réputation.

Tout ce qui précède est suffisant pour apporter la preuve qu’à côté de Salem et des rives de la Willamette, Portland, une agglomération de plus de deux millions d’habitants, n’est pas seulement une grande ville industrielle, mais aussi une cité agricole de premier rang. Elle est une étape dans le pèlerinage que tout irisarien rêve de faire un jour en Oregon et sur les bords de la Willamette, tout comme un musulman dévot s’efforce de faire celui de La Mecque. L’auteur de ces lignes, lui, se contente de voyager – et de rêver - sur les cartes de son atlas et ses livres de géographie et ses documents sur les iris. Mais ceux qui sont allés là-bas peuvent témoigner de ce que le voyage, le vrai, en vaut la peine.

Illustrations :

  • ‘Willamette Mist’ (Schreiner’s garden, 2001)
  • ‘One Desire’ (George Shoop, 1960)
  • ‘Ovation’ (Chet Tompkins, 1969)
  • ‘Stellar Lights’ (Terry Aitken, 1985)

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