L'iris n'est décidément pas une plante facile. Quand on veut en forcer la nature, il se regimbe et exprime sa détermination à conserver ce que l'évolution lui a conféré. Ce n'est pas qu'il s'oppose à des modifications mineures, comme celle de l'ampleur de sa fleur ou celle des couleurs de celle-ci, mais dès que l'on s'intéresse à sa structure génétique, il entre en résistance. Prenez l'exemple de l'iris rouge. C'est un défi que bien des hybrideurs ont tenté de relever, mais à quoi ont-ils abouti jusqu'à présent ? Tournez-vous vers la remontance et le rêve d'un iris « semper florens », et que voyez-vous aujourd'hui ? Et l'iris « flore pleno » ? Avance-t-on dans cette direction ? Ce sont les trois questions qui vont être abordées dans cette chronique.
À la recherche de la fleur double.
Il y a les roses pompon, les œillets pompon, les dahlias pompon et des tas d’autres fleurs doubles auxquelles le surnom de pompon n’est pas habituellement donné. Mais il n’y a pas encore d’iris pompon.
Des iris dotés d’excroissances à l’extrémité des barbes, que l'on appelle en français « iris à éperons », ont été, dès leur apparition, considérés comme la base de futurs iris « flore pleno », autrement dit « à fleurs doubles ». Mais ils sont restés jusqu’à nos jours des iris différents, avec des sépales souvent surchargés de pointes ou de pétaloïdes plus ou moins esthétiques. Pas de véritables fleurs doubles. Au fil des années ces agréments supplémentaires ont gagné en importance et en fiabilité. Dans les premiers temps ils étaient assez médiocres de taille et n’apparaissaient que sur les fleurs de tête, ensuite ils s’amenuisaient au fur et à mesure que la floraison atteignait les corolles inférieures, pour disparaître carrément. Souvent leur présence n’était qu’aléatoire, une année avec, une année sans… Peu à peu cela s’est arrangé. La consistance des appendices s’est accrue ; de gros semi-pétales sont apparus, quelquefois fort disgracieux, quelquefois franchement extravagants, mais jamais encore on ne les a considéré comme de véritables pétaloïdes, et jamais l’aspect global de la fleur n’a donné l’apparence d’un pompon, tout rond et tout sympathique. Depuis peu de véritables pompons ont fait leur apparition chez certains obtenteurs américains comme Leonard Jedlicka ou Tom Burseen, mais on ne peut toujours pas parler de fleurs doubles. Peut-être est-ce parce que les fleurs doubles proviennent d'une transformation des étamines en organes pétaloïdes, et que sur les iris on ne touche pas à ces étamines, mais seulement à la pointe des barbes qui sont génétiquement d'une autre nature. Et quand bien même on tenterait de muter en pétales les étamines de l'iris, on aurait du mal à atteindre l'apparence de fleur double puisqu'il n'y en a que trois sur une fleur d'iris !
A l'heure actuelle on reste donc en panne en ce domaine. Attendons ce que l'avenir nous réserve...
À la recherche de la floraison permanente.
Il y a quelques semaines la question des iris remontants a été abordée ici.La conclusion en était plutôt frustrante : la recherche des remontants n'avance plus. Pourtant, comme beaucoup, j'aurais bien aimé trouver dans mon jardin des fleurs d'iris en toute saison. Oui, mais j'ai été déçu par ces variétés que l'on qualifie de remontantes. De nos jours les spécialistes de cette question font, comme moi, la constatation selon laquelle, malgré une recherche qui atteint bientôt un siècle, les iris remontants restent capricieux, gourmand en eau et d'une fidélité aléatoire.
Certes, depuis que les frères Sass ont fait la promotion de ces iris « polyanthésiques », il y a eu du progrès. Certaines variétés récentes remontent un ou même plusieurs fois entre la fin de la période normale de floraison et les premières gelées (dans mon jardin, c'est le cas de 'Lichen' (Byers, 1988), mais on reste éloigné d'une floraison permanente comme celle de certains rosiers ou bégonias.
C'est qu'il ne peut y avoir remontée que si la variété d'iris en cause a la faculté de se passer de période de dormance à la suite d'une floraison normale. Autrement dit elle recommence un cycle végétatif dès que le précédent est terminé. Il existe maintenant des quantités de variétés qui disposent de cette faculté, ou, tout au moins d'un semblant de capacité à remonter. Elles refleurissent le plus souvent une seconde fois, rarement plus. Cela ne fait pas une floraison permanente. Et par dessus le marché cette aptitude à la remontance est assujettie à des conditions de culture un peu particulière : beaucoup d'eau, beaucoup de soleil, pas mal d'engrais... En dehors de ces soins particuliers il est rare qu'un iris fasse une ou plusieurs nouvelle floraison. Les inconditionnels de cette aptitude ont mis beaucoup d'espoir dans leurs recherches, mais ils se rendent compte aujourd'hui, avec une certaine lassitude qu'ils n'obtiennent pas ce dont ils rêvent.
À la recherche de l'iris rouge.
L'iris rouge ? C'est comme la tulipe noire, on fantasme à l'idée de l'obtenir – et d'en tirer un profit non négligeable – mais jusqu'à présent toutes les tentatives ont échoué. Il y a eu la tentative de traitement de certaines graines aux rayons gamma, qui a fait un véritable flop. Il y a eu l'essai de transfert des pigments des barbes (quand elles sont rouges) dans l'ensemble de la fleur, mais ce fut un échec. Il y a eu la manipulation consistant à saturer par croisements répétitifs les pigments que l'on trouve chez certains iris dont la couleur se situe entre l'orange vif et le brun rosé, mais le rouge véritable n'a jamais été atteint. Il y a eu enfin la grande manœuvre génétique imaginée par Richard Ernst, qui a mobilisé les horticulteurs et les généticiens de l'Université de l'Oregon (et sans doute aussi beaucoup d'argent), mais dont on n'a plus jamais entendu parler, après des annonces alléchantes.
Je ne sais pas s'il y a encore des recherches tournées vers l'iris rouge. Y en aura-t-il dans l'avenir ? Sans doute car le sujet est particulièrement porteur d'espoirs.
J'ai bien peur que sur ces sujets comme sur d'autres, l'iris ne
réussisse à triompher de toutes les manipulations qu'on lui fait subir,
et que la nature sera plus forte que les hommes. C'est ce que l'on
constate en de nombreuses circonstances. Prenez l'exemple du chien.
Voilà un animal que l'homme a transformé comme nul autre. Mais voit-on
des chiens qui se tiennent exclusivement sur leurs pattes de derrière ? Y
en a-t-il qui soient totalement herbivores ? La nature se laisse
manipuler jusqu'à un certain point, mais au-delà de ce point elle sait
parfaitement résister. Elle a pour elle une arme imparable : le temps.
Illustrations :
Un iris à pompon
Un remontant fidèle, 'Yosemite Star' (G. Sutton, 2003)
Un remontant occasionnel, 'Lightly Seasoned' (Zurbrigg, 1979)
Un « rouge » approximatif, 'Signal Red' (D. Spoon, 2006)
1 commentaire:
Iris doubles:
les iris barbus doubles n'existent pas encore, par contre les Iris de Sibérie doubles existent, comme 'Rigamarole' (Bauer Coble 2000)
http://www.ensata.com/Siberian/Rigamarole.JPG
et d'autres notamment des mêmes obtenteurs.
Les iris concernés n'ont pas de styles et sont donc stériles comme "pod parent".
Par contre, utilisé comme "pollen Parent", il ne semble pas que ce caractère soit dominant: voir 'Purple Web' (Zeidel 2014)= 'Lemon Veil' X 'Rigamarole'
J.C. JACOB
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