Encore quelques images de dames du temps jadis...
Je ne sais pas si on peut appeler ça une annexion pure et simple, mais dans les faits, pour ce qui est des iris, le Canada fait en quelque sorte partie des Etats-Unis ! Les 18 Provinces canadiennes sont en effet rattachées à l'une ou l'autre des Régions de l'AIS, ces subdivisions qui constituent l'ossature fédérale de l'association. C'est l'occasion de se pencher d'une manière générale sur l'iridophilie au Canada et, plus particulièrement, sur la personnalité la plus remarquable de ce pays en matière d'iris : Isabella Preston.
Le Canada n'est pas, a priori, le pays rêvé pour cultiver les iris. Du moins les iris à barbes qui ont un tel succès plus au sud, partout aux Etats-Unis. Les iris à barbes n'ont une place qu'à la bordure méridionale du pays, le long de la frontière avec les Etats-Unis. Ailleurs le climat, trop froid l'hiver, ne permet pas leur culture. Mais d'autres iris s'y sentent à l'aise.
A commencer par l'iris versicolore (Iris versicolor), que les québecois appellent “clajeux” et qui est une espèce indigène de l'Amérique du Nord. C'est une plante des milieux humides qui se plait dans les marais et sur les rives des cours d'eau. C'est un peu l'équivalent américain de notre Iris pseudacorus, à ceci près que I. pseudacorus est de couleur jaune, alors que Iris versicolor est bleu. C'est la fleur emblématique officielle de la Province de Québec.
On trouve également l'iris de Sibérie (Iris sibirica) qui s’accommode aussi bien des terrains humides (mais pas inondés) que des températures négatives. Et c'est justement avec cette plante qu'Isabella Preston s'est fait connaître des iridophiles. Si elle est peu ignorée dans notre pays en dehors du cercle des spécialistes de l'horticulture ornementale, au Canada ce n'est pas le cas. Née en Grande-Bretagne, elle a suivi des études dans un un collège horticole pour femmes, puis à l'âge de trente ans elle a déménagé au Canada, et s'est installée dans l'Ontario où elle a travaillé dans une ferme fruitière pendant plusieurs années. Mais elle aspirait à accroître ses connaissances théoriques sur l'amélioration des plantes et s’est inscrite dans ce but au Collège d’agriculture de l’Ontario. En 1920, c'est l'encyclopédie Wikipedia qui le dit, elle vint s'établir à Ottawa (Ontario) où elle “travaille comme ouvrière à la ferme expérimentale d'Etat (FEC).” Là, “son travail est remarqué par W.T. Macoun, horticulteur au gouvernement fédéral, et elle se voit offrir bientôt un poste comme spécialiste en horticulture ornementale. Elle est la première à se consacrer uniquement à l’amélioration des plantes ornementales.” C'est à cette époque qu'elle s'est lancée, entre autres, dans l'hybridation des iris de Sibérie. Dans le supplément au bulletin du centenaire de l'AIS on peut lire : “ En 1924 elle a 92 semis qui fleurissent du croisement (I.sibirica X 'Snow Queen')”, ce dernier étant un I. sanguinea (ou considéré comme tel) récolté dans la nature au Japon par l'anglais Peter Barr en 1900. Elle regrettait que ces iris-là soient de petite taille et que les tiges florales ne s'élèvent pas davantage au-dessus du feuillage. C'est dans le but d'obtenir des iris de Sibérie avec une haute tige qu'elle a travaillé pendant des années. Elle aurait souhaité également obtenir un iris de Sibérie parfaitement blanc. Mais elle a échoué dans cette recherche. Elle a pris cet échec avec philosophie et écrit à ce sujet : “Comme dans tout travail de création de plantes, il y eut des désappointements. La plus grande plante avec des fleurs blanches était plutôt moche, avec des pétales beaucoup trop étroits. (...) notre désir d'obtenir un grand iris de Sibérie blanc ne s'est pas réalisé.” Comme le fait remarquer l'auteur de l'article en question : “Elle aurait été excitée par le fait que le grand iris de Sibérie blanc 'Swans in Flight' ait reçu la Médaille de Dykes en 2016”.
Cependant, si elle n'a pas réussi son grand rêve, elle a néanmoins obtenu des iris de Sibérie d'une grande valeur, que l'on trouve encore aujourd'hui dans les jardins de certains collectionneurs et aux Royal Botanical Gardens à Hamilton dans l'Ontario . Parmi ceux-ci il faut parler de 'Ottawa' (1928), et de 'Gatineau' (1932). Le premier a reçu un Award of Merit (AM) de la part de la RHS anglaise, tandis que le second a été honoré d'un AM de la Société Américaine des Iris (AIS).
Les iris de Sibérie, s'ils constituent son principal thème de recherche dans le domaine des iridacées, ne sont pas les seuls à avoir retenu son attention. A son compteur on peut ajouter quatre grands iris (TB) et un iris intermédiaire (IB) dont il est devenu bien difficile de retrouver la trace. Et le système de codification des couleurs en vigueur à l'époque ne donne qu'une description très imprécise de ce que peuvent être ces iris. On peut en avoir une idée avec 'Mrs. Neubronner', une variété de l'anglais George Reuthe, de 1898, parent mâle de deux de variétés de Mis Preston. En tout cas il s'agit de TB diploïdes, donc d'une sorte qui était déjà en voie de disparition dans les années 1930, supplantée par les variétés tétraploïdes.
Les iris n'étaient qu'une partie du travail d'Isabella Preston. En réalité ils ne constituent même qu'une toute petite partie de son activité. Toutes les plantes ornementales l'intéressaient. Elle est notamment connue pour ses rosiers (20 variétés), ses lilas (52 variétés) et ses lys, en particulier toute une série de lys à fleurs rouge ou orange foncé retroussées vers l’extérieur, unique en leur genre.
Isabella Preston fait partie de ces jardiniers “à l'anglaise”, nombreux dans la première moitié du XXe siècle, qui ont fait beaucoup progresser la culture des plantes ornementales, parmi lesquelles les iris ont une place de choix. L'American Iris Society ne s'y est pas trompée : elle lui a attribué en 1950 son “Hybridizer Award” qui rend hommage aux hybrideurs qui ont apporté une avancée significative dans l'horticulture des iris.
Illustrations :
'Ottawa'
'Gatineau'
'Snow Queen'
'Mrs. Neubronner' (Reuthe, 1898)
Maurice Boussard.
Maurice Boussard est décédé. Victime d'un grave AVC il y a quelques mois, il ne s'est jamais rétabli.
Le monde des iris a perdu une personnalité éminente. Grand spécialiste des iridacées, il possédait une collection de ces plantes ainsi que d'orchidées tout à fait exceptionnelle qui a été récupérée par Frédéric Depalle, et ainsi sauvée d'une perte irréparable. Il a présidé la SFIB à deux reprises : en 1961, tout d'abord, et jusqu'à la fin de 1972, quand cette association était une assemblée élitiste, plus bourgeoise qu’aristocratique néanmoins, mais composée essentiellement de notables et de retraités de la bonne société. L’association était avant tout une coterie de gens distingués qui se retrouvaient avec plaisir dans les voyages et excursions qui constituaient son activité principale. Maurice Boussard, sans en changer le caractère, a su lui donner une orientation plus scientifique qui se concrétisera par la transformation du Bulletin en une revue devient alors une référence en la matière, avec une mise en page soignée, une impression et des illustrations de qualité et un contenu à la fois récréatif et savant, orchestré par le docteur Ségui. En 1993 il en reprendra la direction, pour un court mandat de trois ans qui le mènera jusqu'à sa retraite professionnelle, qui sera également sa retraite de dirigeant de la SFIB.
Fort connu dans les milieux scientifiques, Maurice Boussard a fait partager ses immenses connaissances à tous les amis des iris par les nombreuses communications qu'il a publiées dans la revue.
Sa disparition est pour tous une grande perte et tant les botanistes que les irisariens conserveront longtemps son souvenir.
Quelques photos pour compléter la chronique précédente.
par Tom Waters (traduit par S. Ruaud)
Tom L. Waters est un chercheur américain, diplômé de physique et d'astronomie, passionné d'iris, qui demeure dans le comté de Santa Fé, au Nouveau-Mexique. Cet article a été publié sur le blog de l'American Iris Society. Il fait l'objet, ici, d'une transcription en trois courtes chroniques dont voici la dernière.
TROISIEME MYTHE : Le feuillage de l'iris devrait être coupé à l'automne
C'est un rituel auquel certains jardiniers tiennent beaucoup : tailler les touffes d'iris en août ou septembre avec des cisailles ; cela donne l'impression d'une zone de guerre au défoliant, à moins qu'il ne semble que quelqu'un soit entré dans le jardin avec une tondeuse à gazon réglée à 20cm. Malheureusement, ces iris vont être dès lors privés d'une grande partie de leur source de nourriture : la photosynthèse dans les feuilles vertes.
Pourquoi est-ce que les gens font ça? Qu'est-ce qui leur fait penser que couper les feuilles en deux est bon pour leurs plantes? Je pense qu'il y a deux sources à ce mythe. La première est que de nombreuses plantes vivaces ont besoin d'une coupe à certaines périodes de l'année, pour stimuler une nouvelle croissance et une nouvelle floraison dans certains cas. Mais si vous êtes un jardinier observateur, vous remarquerez que l'anatomie de ces plantes est différente de celle des iris. Ces plantes ont des bourgeons le long de leurs tiges. Le retrait du sommet des tiges encourage la croissance des bourgeons inférieurs, ce qui donne des plantes plus touffues et plus vigoureuses. Mais les iris ne poussent pas de cette façon. Toutes les feuilles d'un éventail émergent d'un seul bourgeon à la pointe du rhizome. Lorsque vous coupez un panache de feuilles, vous ne faites que couper celles-ci en deux, sans retirer les bourgeons supérieurs pour stimuler les bourgeons inférieurs en vue d'une nouvelle croissance.
La deuxième source de ce mythe est que lorsque les iris sont divisés ou déplantés, l'éventail est traditionnellement coupé. C'est ainsi que les iris sont généralement vendus: à racine nue, avec des racines et un éventail rognés à environ 15/20cm. Cette coupe est une bonne idée pour un iris qui a été déterré ou divisé. Sa croissance a été interrompue et il faudra du temps pour qu'une nouvelle croissance émerge du rhizome. Pendant ce temps, un grand éventail de feuilles peut affaiblir la plante en puisant trop d'eau et d'énergie dans le rhizome. Les feuilles perdent de l'eau par transpiration, que les vieilles racines endommagées ne sont pas en mesure de reconstituer. Un grand éventail facilite également la verse ou le déracinement de l'iris nouvellement planté. Mais ces raisons ne s'appliquent qu'aux plantes qui ont été arrachées ou divisées; elles ne s'appliquent pas du tout aux plantes laissées en croissance dans le sol, non perturbées.
Certains ont dit que la taille à l'automne aide à décourager les ravageurs, qui pondent leurs œufs dans les feuilles à cette période de l'année. Cependant, les œufs hivernent dans des feuilles mortes et sèches, ils ne vivent pas sur des feuilles vertes. Il est utile de retirer le feuillage mort; couper les feuilles vertes en deux ne l'est pas. La procédure recommandée pour lutter contre la pyrale consiste à retirer tout le feuillage mort et à le brûler à la fin de l'hiver ou au début du printemps.
Certains pensent simplement que les éventails coupés semblent plus propres. C'est compréhensible. À la fin de l'été, le feuillage de l'iris semble souvent assez fatigué et peu attrayant. De nombreuses feuilles sèchent aux extrémités, deviennent un peu pâles et molles, et souffrent peut-être des dommages causés par les insectes ou d'autres maladies. Ironiquement, si vous coupez les feuilles en dessous, l'endroit où vous les avez coupées va juste brunir et sécher, donc au lieu de feuilles hautes avec des extrémités sèches, vous avez des feuilles courtes avec des extrémités sèches. Cela en valait-il vraiment la peine?
Conclusion : Couper à mi-hauteur les éventails verts d'un iris à l'automne n'aide pas la plante, et peut l'affaiblir légèrement, car vous réduisez sa capacité de production alimentaire grâce à la photosynthèse. Les iris sont robustes, et ce léger affaiblissement est quelque chose que la plupart d'entre eux peuvent supporter sans trop souffrir, mais pourquoi leur infliger ce traitement ? Il soigne l'aspect de votre jardin, mais cela ne profite qu'aux sensibilités esthétiques du jardinier. Cela n'aide en rien les iris. Si vous voulez nettoyer à cette période de l'année, limitez votre activité à l'élimination du feuillage mort et des feuilles sèches. Ne coupez pas les feuilles vertes!