6.11.15

CHRONIQUE D'UN AUTOMNE FLAMBOYANT

          Soit ! On peut regretter que ce ne soit plus celle 
          Où logeait, cet été, la nichée du moineau, 
          Mais dans ce beau soleil qui n'est plus aussi haut 
          Notre maison de feuille, en ce jour, étincelle. 

Assis sur le banc, et contemplant l'ampélopsis qui couvre la façade de son rideau doré, j'ai eu l'idée de ce petit quatrain et aussi celle d'une chronique ayant trait aux iris mordorés.

 Ils ne sont pas vraiment nombreux les hybrideurs qui se sont intéressé à ce coloris. Pourtant il n'est pas banal et on ne le rencontre guère que chez les chrysanthèmes et chez les iris. C'est une raison de plus pour en parler.

Les histoires des iris bruns et celle des « rouges » se chevauchent à tous moments. C’est que la différence entre ces deux couleurs se situe dans la dose de pigments anthocyaniques qui s’ajoute aux pigments caroténoïdes pour produire du brun. Le « rouge », qui est en fait un brun-rouge, est assez courant chez les grands iris, beaucoup plus que le brun proprement dit ou ses dérivés, cuivre, bronze, ocre… Ceux qui, à la belle époque de l'iridophilie, ont choisi de travailler les tons de brun et qui y ont affecté une partie de leur activité se comptent sur les doigts d'une main. Il y a les frères Sass, Fred DeForest, Rudolph Kleinsorge et les « Schreiner brothers ».

Pourtant l’un de ses premiers à s’être illustré dans cette voie se nomme James Kirkland, et c'est lui qui, avec ‘Copper Lustre’ (1934), a enlevé la Médaille de Dykes en 1938. Comparé aux autres variétés de son époque, cet iris n’était pas une plante bien réussie, mais pour ce qui est de la couleur, en revanche, il était au top. Chez les frères Sass, Jacob et son ‘Sunset Serenade’ (1941) et Hans, et son ‘Prairie Sunset’ (1939), plus vieux rose que cuivre, font aussi partie des initiateurs des iris bruns. Au même moment, Fred DeForest s'est également lancé dans l'aventure. Avec ‘Casa Morena’ (1941) ou ‘Argus Pheasant’ (1947), le second iris brun à avoir été décoré de la Dykes Medal en 1952, il a montré tout son talent. L'intervention de la fratrie Schreiner est plus tardive, c'est pourquoi, si l'on veut respecter l'ordre chronologique, c'est ici qu'il faut parler du docteur Rudolph Kleinsorge, celui qui a fait le plus pour les iris bruns. La grande majorité des variétés qu’il enregistra, environ une centaine, sont en effet dans les tons de jaune doré, brun, tabac, miel ou bordeaux. Pour simplifier, nous dirons que son parcours avec les bruns a commencé avec deux incontournables : ‘Tobacco Road’ (1941) et ‘Mexico’ (1943). Le croisement de ces deux iris a donné naissance à de nombreux cultivars bruns intéressants dont ‘Bryce Canyon’ (1944) ou ‘Pretty Quadroon’ (1948). Cependant c'est avec 'Daybreak' (1946) qu'il a obtenu sont meilleur spécimen. D'ailleurs cette variété aurait pu recevoir la DM en 1946 puisque cette année-là 'Daybreak' (un iris brun dont les sépales se teintent de rouge prune en allant vers le bord) fit match nul avec 'Ola Kala' (J. Sass, 1942), ce qui fit que, selon le règlement de l'époque, la médaille ne fut pas attribuée. Mais ce n’est pas à 'Daybreak' que le Dr Kleinsorge a du de devenir célèbre dans le petit monde des iris, mais plutôt à 'Tobacco Road' (1941), le premier iris réellement brun, qui a marqué son époque et constitue le point de départ de toutes les recherches sur les iris de cette couleur. 'Tobacco Road', qui poussait médiocrement et était de culture délicate, est néanmoins à l’origine, entre autres, de ‘Bryce Canyon’ (1944), cuivre rouge, et de ‘Pretty Quadroon’ (1948), brun rosé, cités plus haut, ainsi que de 'Voodoo' (1948) variegata miel/pourpre. Parmi ceux-ci, c'est ‘Bryce Canyon’ qui a acquis la plus grande célébrité et fut un réel succès commercial.

Bien d’autres variétés signées Kleinsorge présentent un évident intérêt. A commencer par 'Cascade Splendor' (1944), lumineux brun orangé de deux tons, ainsi que 'Sunset Blaze' (1948), riche brun rosé à barbes or, qui obtint la President’s Cup en 1949. 'Ballet Dancer' (1949), vieil or, 'Thotmes III' (1950), brun café, 'Solid Gold' (1951) mordoré, 'Toast an' Honey' (1953), brun miel assez foncé, et quelques autres qui précèdent un grand choix enregistré en 1955, où l'on trouve 'Beechleaf', brun rosé, 'Full Reward', ocre doré, et le très original 'Surprise Party', bicolore mauve souligné de sépales ocre. Vinrent par la suite, 'Nuevo Laredo' (1956), cuivre violacé, puis, pour finir, 'Bengali' (1961), amarante cuivré. Autant de superbe représentants de la famille des iris bruns.

 L'intervention des Schreiner se situe dans la droite ligne du travail de DeForest et de Kleinsorge. 'Bryce Canyon’ est à l’origine de ‘Copper Medallion’ (Schreiner, 1951) et de ‘Ginger’ (Schreiner, 1953) ; ‘Pretty Quadroon’ se trouve derrière ‘Tijuana Brass’ (Schreiner, 1967). ‘Olympic Torch’ (Schreiner, 1956), ‘Brass Accents’ (Schreiner, 1958), ‘Brasilia’ (Schreiner, 1960), ‘Bronze Bell’ (Schreiner, 1955) ou ‘Gaylights’ (Schreiner, 1965)viennent ensuite. ‘Bronze Bell’ est issu de ‘Copper Medallion’, ‘Ginger Snap’ (Schreiner, 1965) vient de ‘Brass Accents’, tout comme ‘Honey Chiffon’ (Schreiner, 1971), quant à ‘Roman Copper’ (Schreiner, 1973) et ‘Hot Line’ (Schreiner,1981) ils ont ‘Olympic Torch’ dans leur ascendance.

L'impressionnante liste ci-dessus dresse un abondant portrait des iris bruns ou mordorés. Aujourd'hui ces couleurs sont plutôt passées de mode, mais on peut être sûr qu'elles reviendront au premier plan quand on sera lassé des luminatas et distallatas qui ont envahi le marché. En cet automne flamboyant elles méritent bien un coup de chapeau.

 Illustrations : 


'Copper Lustre' 


'Argus Pheasant' 


'Tobacco Road' 


'Bryce Canyon' 


'Bronze Bell'

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