12.10.19

L’EUROPE DES IRIS EN 2019

En 2001 puis en 2013 j'ai fait le point ici sur la situation de l'iridophilie en Europe. Dans notre monde en perpétuelle évolution, les iris n'échappent pas aux bouleversements que nous vivons.

L’Europe, (de l’Atlantique à la frontière de la Russie), sur le plan de l’iridophilie comme sur beaucoup d’autre, est handicapée par le cloisonnement des Etats et les barrières linguistiques. Chaque pays, dans le domaine qui nous intéresse, a ses goûts et ses habitudes, auxquels s’ajoutent dans une certaine mesure, des problèmes climatiques. De sorte qu’à chaque pays correspond une situation particulière.

L’Europe du Nord est absente de l’iridophilie. Norvège, Suède, Finlande, Danemark, ont un climat peu favorable à la culture des iris et de ce fait les amateurs y sont rares, voire inexistants. Les Pays-Bas, pourtant réputés pour leurs cultures florales, sont plus particulièrement branchés bulbeuses et culture intensive, les iris, hormis les iris de hollande, bien entendu, y étaient peu rencontrés jusqu’à ce que Loïc Tasquier, un Français d’origine, installé près de Nimègue y développe une intense activité d’hybrideur orientée en priorité vers les iris nains et médians. Il y a fait au moins une émule plus qu'une amie à lui, Marianne Joosten, s'est lancée et a enregistré à ce jour sept variétés nouvelles. La Belgique a connu une certaine activité iridistique par le passé, mais celle-ci s’est presque éteinte. Cependant un jeune amateur très doué, Etienne Nouwen, se prépare à mettre sur le marché des grands iris de son cru qui paraissent tout à fait remarquables et révèlent un bon goût très encourageant.

L'Allemagne est un pays important en matière d’iridophilie. On n'oublie pas les variétés de la Maison Goes et Koennemann dans l'entre-deux-guerres. Chaque année de nombreuses variétés nouvelles y apparaissent et plusieurs obtenteurs ont une véritable notoriété. Harald Moos, Dietmar Görbitz, Eberhard Fischer ou Manfred Beer font partie de la première génération d'obtenteurs venus sur le marché à la fin du Xxe siècle. Plusieurs autres enregistrent chaque année des variétés nouvelles de grands iris. Le plus doué d'entre eux pourrait bien être Klaus Burkhardt qui a déjà été honoré au concours de Florence. Thomas Tamberg de son côté, est depuis longtemps un spécialiste des iris de Sibérie et des hybrides interspécifiques (sib-color, cal-sib, sib-tosa…). Ce qui pèche en Allemagne ce sont les circuits de distribution de ces fleurs. Certains ont réussi à se faire connaître aux USA mais sur notre vieux continents il y a encore beaucoup à faire !

La Grande Bretagne fut longtemps un grand pays en matière d’iris. Elle reste l’un de ceux qui attribuent chaque année une médaille de Dykes (elle fournit d’ailleurs les autres médailles portant cet illustre nom). Les amateurs y sont toujours nombreux, mais les hybrideurs s’y font plus rares. Barry Dodsworth, Robert Nichol et Nora Scopes ont été jusqu’à leur mort les plus connus d’entre eux ; hélas la relève est longue à venir et la vénérable BIS (British Iris Society) souffre actuellement d'un réel problème de renouvellement de ses cadres.

En Europe du Sud, question de climat peut-être, les iris sont pratiquement inconnus, cependant en Espagne on note un frémissement sous la forme de deux ou trois entreprises artisanales qui proposent un catalogue entièrement dédié aux iris. Il n’y a que l’Italie qui compte un grand nombre d’amateurs. Ce pays se distingue même par le fameux concours de Florence qui récompense chaque printemps une variété de grande qualité. Au plan de l’hybridation, l’Italie connaît, un peu comme en France, de plus en plus d'hybrideurs intéressants. Augusto Bianco a élevé peu à peu son entreprise au rang des plus importantes d’Europe, et s'est lui-même distingué plusieurs fois dans les grandes compétitions. Des gens comme Luigi Mostosi, Roberto Marucchi, Lorena Montanari ou Tiziano Dotto ont été rejoints par des jeunes qui entendent bien trouver leur place au soleil. Au plan commercial plusieurs nouvelles pépinières spécialisées se sont ouvertes ces temps derniers ce qui démontre bien l'appétence grandissante des Italiens en matière d'iris.

De même qu'en Allemagne ce sont des hybrideurs de l'Est du pays qui constituent la plus grande part du cheptel actuel des obtenteurs, de même dans les anciennes républiques socialistes (Slovaquie, République Tchèque, Pologne.... Un foisonnement particulièrement étonnant existe en République Tchèque, même s'il s'agit d’un pays qui a une longue tradition iridophilique. Souvenons-nous de Zdenek Smid (qui remporta le Florin d’Or en 1985 avec ‘Libon’) ainsi que de Milan Blazek, toujours actif mais qui fut, du temps des communistes, un véritable précurseur. Aujourd'hui le plus éminent obtenteur est certainement Zdenek Seidl, dont 'Chachar' remporta le concours de Paris en 2017 et le concours de Florence cette année ! En Slovaquie Ladislaw Muska a acquis dans les années 1980/90 une réputation mondiale avant que l’âge et la maladie ne l’éloignent. Il a trouvé un successeur éminent en la personne de Anton Mego, qui fait partie maintenant des meilleurs hybrideurs au monde et qui a accompli la performance d'obtenir une Wister Medal en 2008 pour son superbe TB 'Slovak Prince'.

A côté, la Pologne suit le même chemin, même si les conditions climatiques rigoureuses gênent le travail des hybrideurs. Néanmoins des amateurs de plus en plus nombreux comme Jerzy Wosniak, Zbigniew Kilimnik, Henryk Polaszek et surtout Robert Piatek obtiennent des iris aux fleurs jolies et originales dont on commence à pouvoir apprécier les qualités puisqu'ils apparaissent enfin chez nous dans les collections de quelques hardis pépiniéristes, et concourent dans les compétitions occidentales. Cependant, à ce niveau, ils se sont montrés délicats à s'acclimater...

On pourrait croire que cultiver des iris en Lituanie relevait d'une certaine témérité. C'est pourtant ce que fait un certain Laimondis Zakis qui exhibe sur Internet ses réalisations. En dehors de leur apparence, on ne sait rien de ces iris puisque leur obtenteur n'en fait pas le commerce et, même, s'enferme dans sa bulle puisqu'il refuse d'enregistrer ses variétés au motif qu'elles ne doivent pas sortir de son jardin...

Ailleurs en Europe de l'Est, le présence des iris est encore confidentielle, même si en Hongrie et en Roumanie certains se lancent dans leur commercialisation et, bien entendu, réalisent des croisement dans les résultats présentés sur Internet ont une bonne allure.

A ce stade, on a fait le tour de l'Europe des iris. On constate qu'il est en pleine expansion, ce qui fait bien plaisir. Mais on n'a pas parlé de la Russie et de l'Ukraine où l'iridophilie se développe à toute vitesse. Les variétés qui en proviennent commencent tout juste à atteindre nos contrées. On parvient donc à se forger une idée sur leurs qualités végétatives, mais il est encore trop tôt pour émettre un jugement à leur sujet. Attendons encore deux ou trois ans et nous serons fixés. En tout cas remercions les pépiniéristes qui en proposent déjà en France. Plus les implantations seront nombreuses et plus vite nous pourrons nous prononcer.

Illustrations : 

'Bontje Kermis' (Tasquier, 2010) 


'Charmanda' (Burkhardt, 2014) 

'Chachar' (Seidl, 2013) 


'Pokalunek Nocy' (Piatek, 2014)

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