6.3.20

LA FLEUR DU MOIS

'Codicil' ( Sterling Innerst, 1984) 

('Appalachian Spring' x 'Navy Strut') X 'Evening Echo' 

C'est vrai que dans ces « Fleur du Mois » je ne parle guère que de variétés largement historiques (au sens que les Américains donnent à ce mot, c'est à dire « variété enregistrée il ya plus de trente ans »). Les jeunes gens qui s'intéressent aujourd'hui aux iris vont regarder ça avec un soupir de lassitude : « Humm ! Encore un de ses vieux trucs ! » Mais cela doit venir d'un goût personnel : quand j'étais collégien mes meilleures notes étaient en Histoire et Géographie ; maintenant je continue de m'intéresser aux choses de l'Histoire et la variété dont on va parler ce jour ne va pas dépareiller la collection ! Je me suis intéressé à cet iris à cause de son pedigree et surtout à cause de 'Evening Echo'. Très tôt j'ai été attiré par les variétés à barbes noires – parce qu'elles sont rares et originales – et 'Evening Echo' est un des plus beaux iris à barbes noires. Et si cette attirance est apparue c'est parce qu'Igor Fedoroff, qui fut l'un de mes mentors en iridologie, m'en avait envoyé un rhizome en m'expliquant qu'il avait lui-même reçu cette variété directement des mains de Melba Hamblen, son obtentrice, et qu'il s'agissait d'une rareté. 'Codicil' fait partie de la famille très sélect des iris à barbes noires (quand on dit noir, il faut faire la part de l'approximation car il s'agit en fait de barbes très sombres, allant du brun au violet profond). A ce titre il mérite bien que l'on dresse son portrait.

Puisque sa « mère » n'a pas de nom non plus que d'image connue, il nous faut remonter à la génération précédente et parler de 'Appalachian Spring' et de 'Navy Strut'. Le premier, 'Appalachian Spring' (Raymond Thomas, 1969) n'est pas le produit d'un hybrideur chevronné mais celui d'un simple amateur qui n'a enregistré en tout et pour tout que neuf variétés au cours des années 1965/1985. 'Appalachian Spring' est sa variété la plus connue. Dans le bulletin d'avril 1970 par l'intermédiaire duquel cet iris a été mis sur le marché, il est décrit comme : « (…) il a des boutons d'un vert extraordinaire qui s'ouvrent en de grosses fleurs blanc verdâtre frisées et ondulées avec une barbe orange. » La photo ci-jointe manque de netteté, hélas. C'est un descendant directe du célèbre 'Whole Cloth' (Cook, 1956) lui-même à l'origine d'une grande partie des variétés amoenas. Pour sa part, 'Navy Strut' (Schreiner, 1972) est un self bleu marine violacé très apprécié en son temps. Le côté paternel de 'Codicil' est celui qui lui a légué son caractère principal, sa barbe sombre héritée de 'Evening Echo' (Hamblen, 1977). Celui-ci est lui-même le descendant de trois variétés très différentes, dont 'Azure Accent' (Durrance 1967), un gris-bleu à barbes sombres qui lui viennent d’un parent aril, 'Arabi Pasha'. Le côté blanc provient de 'Swan Ballet', une variété de T. Muhlestein qui a obtenu la médaille de Dykes en 1959. Il faut se souvenir que ce genre de barbes noires a été exploité par plusieurs obtenteurs dont Sterling Innerst bien sûr avec notre 'Codicil', bleu vif à barbes très foncées, Melba Hamblen, avec 'Fontaine' (1989), Joë Ghio et son très original 'Intuition' (1977), et, surtout, Barry Blyth, en Australie, avec 'Inca Queen' (1983) et tous ses descendants. Quant à Walt Luihn, il a obtenu 'Song Of Norway' (1977), blanc bleuté à barbes bleu marine, par l'association de 'Noble Man' (Babson, 1970) et 'Blue Luster' (O. Brown, 1973), deux bleu profond excellents. En Europe, il y peu d’hybrideurs qui se soient intéressés aux barbes noires. En dehors de Lawrence Ransom et de son 'Barbouze' (2001) il n’y a guère que le Britannique Cy Bartlett qui ait effectué des recherches dans cette direction. Il a obtenu, à partir de 'Touch Of Bronze' (descendant de 'Inca Queen') , 'River Pearl' (1998), et à partir de 'Codicil', les deux frères de semis 'Space Mist' (1996) et 'Alien Mist' (1998) tous dans les tons de bleu avec barbes marine ou bronze foncé.

Nous voilà donc avec une variété plaisante et originale, bien dans le goût de son époque, qui ne pouvait qu'avoir un véritable succès. Succès qui, cependant, n'apparaît pas vraiment dans la descendance de 'Codicil'. A peine une vingtaine de variétés enregistrées en sont issues. Et les deux traits caractéristiques n'apparaissent pas forcément dans ces descendants. Celui qui en a obtenu les meilleurs produits est Sterling Innerst lui-même. A son palmarès il y a trois variétés intéressantes : 'Continuity' (1993) en bleu très frais, 'Helen K. Armstrong' (1993), bitone d'un joli bleu, et surtout l'amoena 'Cee Cee' (1995) qui se distingue par une superbe barbe presque noire. Darlène Pinegar a eu la chance d'obtenir 'Sister-my-Karen' (2002), en rose magenta, et 'Space Station' (1997) en bleu lavande clair, orné de barbes bleu vif et de longs éperons mauves, une incontestable réussite. Les autres n'ont pas franchement profité des apports de 'Codicil'. C'est dommage. Peut-être que le gêne de la barbe sombre ne se transmet pas automatiquement, qui sait ?

Quoi qu'il en soit, encore aujourd'hui 'Codicil' a sa place dans une collection de variétés si l'on veut y voir figurer des plantes qui sortent franchement de l'ordinaire.

Illustrations : 


'Codicil' 


'Appalachian Spring' 

'Navy Strut' 


'Evening Echo' 


'Cee Cee' 


'Space Station'

1 commentaire:

Yann a dit…

Bonjour,
Codicil est un iris que j'aime aussi beaucoup.
Chez moi, il ne pousse pas très haut mais est attendu avec impatience.
Cordialement.