4.7.14

A PLEINE CHARGE

La multiplicité des solutions qu’offre le modèle plicata est absolument formidable. C’est en cela que ce modèle est absolument unique dans le monde des iris et qu’on pourrait en parler indéfiniment. Cette fois on va un moment s’attarder sur ces fleurs dont on se demande si elles sont des plicatas ou des unicolores (des « selfs » comme on dit en américain) tant elles sont abondamment couvertes par les dessins propres au modèle.

Rappelons le principe. Il y a deux sortes de pigments pour colorer les fleurs d’iris : les pigments caroténoïdes, dans les tons de jaune, solubles dans les corps gras, qui se trouvent à l’intérieur des cellules florales, et les pigments anthocyaniques, dans les tons de bleu, solubles dans l’eau, et qui se situent dans le liquide intercellulaire. Ces pigments ne se mélangent pas, mais ils peuvent se superposer. Il y a aussi des gènes qui interviennent dans l’apparition des pigments, favorisant ou paralysant celle-ci, suivant leur destination et responsables de la présence, ou de la disparition des pigments, au gré de leur disposition dans telle ou telle partie de la fleur. Avec ce matériel se réalise toute la coloration des fleurs.

 Le modèle plicata « de base » se présente de la façon suivante : des pétales ou les pigments caroténoïdes sont absents ou inhibés, donc qui paraîtraient blancs si les pigments anthocyaniques n’intervenaient pas pour les colorer, presque entièrement, en bleu ou en violet, et des sépales eux-aussi blancs, mais où les pigments violacés, les mêmes que sur les pétales, font leur apparition, de façon de plus en plus abondante à mesure que l’on approche du bord, ou la coloration peut être totale. L’exemple parfait de cette disposition classique peut être la variété ‘Going my Way’, universellement connue.

 Le fond sur lequel se superposent les pigments violacés peut être non pas entièrement blanc, mais plus ou moins imprégné de pigments plus ou moins jaunes. Par effet d’optique, la couche de pigments violacés répandue sur ce fond va donner une coloration apparente allant du brun clair au rouge amarante, mais de toute façon la couleur du fond apparaîtra, seule, au centre des sépales, sous les barbes. Elle sera bientôt ( plus ou moins) attaquée par les pointillés de pigmentation anthocyanique qui vont devenir de plus en plus denses. Au bord, les pigments violacés occuperont tout le terrain, à moins qu’un autre phénomène ne fasse naître un liseré où la couleur du fond réapparaîtra !

 Arrêtons-nous à ces seules dispositions de couleur, mais sachons qu’il peut y en avoir bien d’autres, ce qui explique la complexité des solutions et le nombre infini des combinaisons possibles.

 Il arrive donc que le fond d’une fleur plicata soit presque entièrement recouvert par les pigments anthocyaniques. Extérieurement le spectateur ne distinguera peut-être qu’un peu de blanc ou de jaune au travers des plumetis violacés (ou brunâtres), sous les barbes. Parfois il faudra même se référer au pedigree de la plante pour obtenir l’assurance qu’on est bien en face d’un véritable plicata ! Les fleurs ayant cet aspect sont parmi les plus belles du modèle, et nous allons en examiner quelques-unes parmi les plus réussies.

 J’aime bien, en particulier cette variété ancienne qui s’appelle ‘Chief Hematite’ (Gibson, 1983), où l’ensemble, d’un joli roux, ne trahit son caractère plicata que sous l’aspect de petits points clairs à l’entour des barbes. Elle a figuré longtemps dans ma collection, avant d’être supplantée par une variété plus moderne. Ce successeur fut, peut-être, ‘Rustic Dance’ (Gibson, 1980), chez qui la charge anthocyanique masque presque intégralement le fond jaune, et dont les traits se retrouvent, en Australie, sur 'Conimbla' (Nilsen, 1992) qui en est issu. En 1980 Gibson a également mis sur le marché ‘Queen in Calico’, un plicata très chargé, à l’origine lui-même de plicatas lourdement marqués comme 'Nebbiolo' (Ransom, 2000), 'Reine de Cuers' (Dauphin, 2008) ou 'Sirop de Framboise' (L. Bourdillon, circa 2004).

 Dans ce genre, le spécialiste des plicatas, Keith Keppel, a eu aussi son mot à dire. Par exemple avec ‘High Octane’ (2007), où le fond jaune est visible au centre des sépales, dans une ordonnance parfaite.

D'autres exemples de ces iris à pleine charge peuvent être cités : 'Changing Winds' (Tompkins, 1994), qui semble pourpre veiné et pointillé de blanbc, alors que c'est l'inverse qui est la réalité ; 'Power Surge' (Ghio, 1991), d'un coloris plus sombre, ainsi que son descendant direct 'Star Surge' (G. Sutton, 1999) ; 'Bronco Brown' (Hamner, 1982), en brun ; 'Spacelight Sketch' (Nejedlo, 1998) et son descendant 'Dreaming Clown' (Muska, 1999).

 On pourrait en citer plein d'autres, mais il faut bien s'arrêter !

Les plicatas ne sont pas près de cesser d'intéresser les hybrideurs car des gens comme Keith Keppel découvrent chaque années de nouvelles combinaisons. Qu'ils soient à pleine charge ou minimaliste, on en découvrira donc encore beaucoup de nouveaux.

Illustrations : 


'Chief Hematite' 


'Reine de Cuers' 


'High Octane' 


'Changing Winds'

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