25.11.10

TÉPALES







Le mot ne figure pas au « Petit Robert », mais dans un vieux « Larousse » on en donne la définition suivante : « Chacune des pièces de l’enveloppe florale ou périgone ». Ainsi on appelle « tépales » les pièces, pétales et sépales, qui constituent la fleur. Chez l’iris, et particulièrement les iris des jardins (germanicas), ce sont des éléments d’une importance considérable car c’est essentiellement sur eux que repose le travail des hybrideurs : non seulement leurs couleurs, mais aussi leur forme et leur aspect général.

Commençons par attirer l’attention du lecteur sur une particularité. Chez la fleur d’iris, ce qui est visible, c’est d’une part l’extérieur des pétales, d’autre part l’intérieur des sépales. Alors que dans la plupart des fleurs le spectateur voit la face intérieure de tous les tépales. Et il se trouve aussi que la partie externe des pétales présente un choix de couleurs moins étendu que celui de l’intérieur des sépales. Cela n’est pas extraordinaire car c’est un trait commun à la plupart des fleurs : prenez n’importe laquelle et vous constaterez que la face externe, celle qui n’apparaît que si l’on retourne la fleur ou si on la regarde par en-dessous, est bien moins colorée que la face interne ; souvent même elle a peu de couleur et se trouve suffusée de chlorophylle, ce qui en rapproche l’aspect de celui des bractées quand celles-ci sont bien visibles. Chez l’iris la coloration de l’extérieur des pétales est un élément primordial et elle présente plusieurs traits importants : elle peut soit être semblable à celle de l’intérieur des sépales, donnant une fleur unicolore, soit évoluer vers une teinte qui est ou plus claire ou plus foncée que celle des sépales, tout en restant dans la même tonalité générale ; soit être plus ou moins différente, soit qu’elle tranche franchement avec celle de la partie inférieure de la fleur, soit qu’elle présente une teinte voisine dans le spectre. Elle peut quelquefois porter plusieurs couleurs, en mélange ou disposées côte à côte, fonçant ou s’éclaircissant en allant vers le cœur de la fleur, le même dégradé, ou son inverse, apparaissant sur les membrures qui donnent leur solidité et maintiennent la verticalité des pétales. Mais dire que l’extérieur des pétales est richement coloré ne veut pas dire que l’intérieur est incolore ou terne. Le plus souvent il est lui-même coloré comme l’extérieur, avec cependant un peu moins de brillant, comme si la fleur, sachant que cette partie d’elle-même n’allait pas être vue, ne se donnait pas la peine de lui accorder le même éclat.

Si les pétales peuvent être richement colorés, il semble toutefois que la nature a porté encore plus d’attention à la coloration des sépales. Tout au moins de leur partie exposée au regard, l’intérieur, car le plus souvent l’extérieur paraît amplement négligé. Tout l’effort de la plante porte sur ce qui se voit ! Et pour ce qui est de l’intérieur des sépales elle déploie l’essentiel de son génie. Essayer de citer tous les aspects, toutes les colorations et associations de couleurs que peut prendre la face interne des sépales est pratiquement impossible. Et personne n’a dit son dernier mot ! Régulièrement de nouvelles fantaisies font leur apparition, ce qui garantit que la fleur d’iris n’est pas près de paraître monotone aux yeux de ses admirateurs. Tout cela avec un nombre somme toute assez limité de pigments (1), mais avec un panel de gènes qui interviennent ici ou là, s’associent ou se contrarient de manière à multiplier les combinaisons possibles jusqu’à l’infini, ou presque.

De plus, aux sépales proprement dits viennent s’ajouter, sur les iris qualifiés de « barbus », ces appendices étranges que l’on appelle les barbes, qui viennent ajouter une autre source de fantaisie à une fleur qui n’est pas avare de diversités.

Voilà pour les couleurs, mais les tépales présentent encore bien d’autres sources d’intérêt. Arrêtons-nous un moment sur la forme. Par principe, pétales et sépales s’élèvent du nœud floral, à la base de la fleur et à partir d’un mince filet doté de nerfs robustes, se développent et s’évasent pour s’étaler largement en présentant tous leurs attraits. Beaucoup d’efforts ont été déployés par les hybrideurs pour hâter l’étalement des tépales de sorte que la fleur gagne en élégance et en rigidité. Essentiellement chez les grands iris, la moindre modification dans le sens recherché de l’apparence des tépales a été exploitée et favorisée : dès leur sortie du tube périanthique, les tépales ont été amenés à s’élargir très vite de manière à donner de l’ampleur et de la solidité à la fleur, non seulement en se raidissant par eux-même, mais encore en se chevauchant pour se soutenir entre eux ; l’apparition d’ondulations sur ces tépales a également été exploitée, dans le même but c’est à dire donner de la tenue aux fleurs, sans qu’elles s’alourdissent : un peu comme en ondulant la tôle métallique ont lui assure une meilleure rigidité. Le résultat est spectaculaire et il n’est pour s’en rendre compte que de comparer la fleur d’un iris ancien (depuis l’origine de l’horticulture des iris jusqu’aux années 1930/40) et celle d’une variété moderne. On arrive même aujourd’hui à ce qui peut être pris pour un excès : cet extrême bouillonné des tépales qui caractérise certaines variétés récentes. Comme pour toutes choses, le balancier, d’ailleurs, est reparti en sens inverse et des fleurs au dessin plus net sont maintenant développées, ce qui devient possible sans faire perdre de la tenue à la fleur grâce à un renforcement de l’épaisseur des tépales.

En deux cents ans d’hybridation, les tépales des iris –on parle toujours des grands iris des jardins et de leurs dérivés nains ou intermédiaires – ont subi d’autres transformations : augmentation du volume, augmentation de l’épaisseur, ajout de nouveaux caractères…

A propos de ce dernier point il faut évoquer l’apparition des extrémités laciniées ou crêpées ainsi que le développement des appendices pétaloïdes à la pointe des barbes. Les fines dentelures apparues dans les années 1940 ont été exploitées abondamment pour donner de la grâce aux fleurs. Parfois elles ont pris une telle densité qu’elles peuvent nuire à l’éclosion de la fleur à cause de l’imbrication des différents tépales, mais, bien maîtrisées, elle confèrent un charme indéniable. Quant aux pétaloïdes, leur extension ne remonte qu’aux années 70, mais ils se sont largement développés et les fleurs qui en comportent sont désormais suffisamment banales pour se rencontrer dans tous les catalogues. Là comme en toutes choses, les excès peuvent gâcher le spectacle : des appendices trop lourds ou trop extravagants arrivent à enlaidir la fleur plutôt qu’a accroître ses attraits. mais on peut compter sur la modération et le bon goût des grands hybrideurs pour s’arrêter à temps et rechercher de préférence l’effet « flore pleno » qui, s’il se produit, donnera un nouvel essor aux iris.

Les transformations des tépales n’ont pas fini de nous surprendre ; d’une part parce que la nature est riche de possibilités que l’on ne soupçonne même pas, d’autre part parce que les obtenteurs sauront toujours mettre en valeur ce qui peut ajouter quelque chose à nos fleurs préférées. En ce domaine, pétales et sépales – ou tépales – ont encore quelque chose à dire.

(1) Sans oublier que des recherches se poursuivent pour tenter d’obtenir, un jour, ce fameux iris rouge qui attire la convoitise de tant d’hybrideurs !

Aucun commentaire: