Certains les appellent « umbratas », dans un latin de cuisine coutumier dans le monde des iris. Cette appellation peu orthodoxe dans le domaine de la linguistique correspond à un modèle de fleur qui n’est pas récent, mais qui s’est développé assez largement à la jonction des XXeme et XXIeme siècles. Elle désigne des iris dont la couleur générale est claire, essentiellement aux pétales, mais aussi sur la partie extérieure des sépales, avec au centre de ces derniers une large tache de couleur sombre.
Le porte drapeau de ce modèle pourrait être ‘Ringo’ (Shoop, 1979) en ce sens qu’il est l’un des tout premiers à afficher une large flaque sombre sur des sépales blanc rosé. Mais, en raison d’origines moins franchement établies, je préfère confier cette fonction à ‘Ecstatic Echo’ (Merle Daling, 1983). A moins qu’on ne préfère désigner pour ce rôle son géniteur ‘Stunning’ (John Nelson, 1977) auquel il ressemble beaucoup. Mais on pourrait aussi remonter jusqu’à ‘Wine and Roses’ (Hall, 1963), l’ancêtre du précédent, chez qui les traits caractéristiques du modèle se trouvent amorcés. Ce ‘Wine and Roses’ est l’une des variantes d’une série entreprise par David Hall, qu’il a lui-même appelée « flamingo pink », et qui a fait son apparition en 1942. Ces « flamingo pinks » remontent en fait à 1926, quand Hall réalisa ses premiers croisements ayant pour but de donner de la consistance à cette couleur débutante à ce moment qui est le rose orchidée, celui que les anglo-saxons désignent sous le nom de « pink », alors que le mot « rose » s’adresse au rose crémeux. Il a fallu à David Hall une constance et une ténacité exceptionnelles pour arriver à son but puisqu’il a dit lui-même : « Imaginez le frisson de satisfaction que j’ai ressenti en atteignant mon objectif après 17 ans de travail et la culture d’environ 20000 semis. » Il a continué sur sa lancée et « Wine and Roses », 21 ans plus tard, fait partie des « flamingo pinks », avec cette différence que ses pétales sont rose orchidée mais ses sépales beaucoup plus près du grenat, avec un liseré de la couleur des pétales.
Passer de ‘Wine and Roses’ à ‘Ecstatic Echo’ a consisté à développer la largeur du liseré des sépales tout en approfondissant la teinte de la tache centrale.
On pouvait s’attendre à ce que ‘Ecstatic Echo’ ait une importante descendance compte tenu de l’originalité de son modèle. Mais il n’en a rien été : seulement trois ou quatre enregistrements, dont, à ma connaissance un seul a retrouvé le fameux modèle. Il s’agit de ‘Lights Camera Action’ (Baumunk, 1999), qui est vraiment en plein dans le mille. Jusqu’à aujourd’hui aucun autre descendant de ‘Ecstatic Echo’ n’a retrouvé les traits de ce dernier.
Cependant le modèle s’est tout de même perpétué, mais avec d’autres origines. On ne peut donc pas dire qu’il soit définitivement fixé. L’obtention la plus proche de sa définition est peut-être ‘Yosemite Sam’ (Spoon, 1999). Ce qui est intéressant c’est que les deux parents de cette variétés ne laissaient pas penser à la réapparition du modèle « umbrata ». Je ne connais pas de descendant de ce ‘Yosemite Sam’.
C’est Barry Blyth qui a développé avec le plus de bonheur une souche d’iris « umbrata ». Il y est parvenu tout d’abord avec ‘Magharee’ (1983), même si le côté obscur n’est pas absolument convaincant car trop clair, à mon avis. Ce ‘Magharee’ a eu une certaine descendance, mais dans celle-ci seuls ‘Exclusivity’ (Innerst, 1999) et ‘Opal Brown’ (Duane Meek, 1996) ont retrouvé (ou à peu près) les traits du modèle. Deux descendants de ‘About Town’ (Blyth, 1996), lui-même mauve avec gros spot prune, méritent d’être cités : ‘Lily my Love’ (Blyth, 1999), un peu terne, et ‘Coffee Whispers’ (Blyth, 1999) lui, bien dans la ligne. Mais c’est sans doute ‘Mastery’ (Blyth, 2000) qui renoue le mieux avec le modèle. Il semble qu’il en tienne les caractéristiques de ‘Latin Melody’ (H. Nichols, 1988) que l’on peut qualifier d’ « umbrata », avec un gros spot pourpre et un fond ivoire. A noter une nouvelle fois que les parents de cette variété ne la prédisposaient pas spécialement à devenir un « umbrata »…
En entreprenant cette étude, je m’attendais à trouver une trace d’iris aril dans les pedigrees des « umbratas », mais je n’ai rien trouvé de tel. Il est vrai que l’apport des arils dans les grands iris actuels est, pourrait-on dire, imperceptible. Quoi qu’il en soit, le modèle – ou pseudo-modèle – « umbrata » est intéressant en ce sens qu’il apporte au jardin une touche colorée et franchement peu commune.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire