Je suis adhérent de la HIPS (Historic Iris Preservation Society), que l’on pourrait appeler en français la Société Protectrice des Anciennes Variétés d’Iris. Dans le numéro d’automne 2010 de sa Revue « ROOTS », la quatrième de couverture est consacrée à quatre photos d’iris anciens dans les coloris de violet deux tons. Il y a notamment un cliché de ‘Germaine Perthuis’ (Millet, 1924). Cela m’a donné l’idée de rechercher dans mon stock de dix mille photos d’iris quelques autres variétés françaises anciennes dans les mêmes tons.
Elles ne manquent pas ! Ces bitones violets pourprés constituent même un élément fondamental du panel de coloris des iris antérieurs à la guerre de 39/45. A commencer par ‘Othello’ (Lemon, 1848) qui est un hybride naturel où se retrouve la couleur de base des Iris germanica, ce bleu violet, ou indigo, teinté de pourpre aux sépales, qui évoque tant de souvenirs chez les amateurs d’iris. ‘Othello’ n’est pas si sombre que son nom voudrait bien le laisser supposer : c’est un pur indigo de deux tons, plus sombre, évidemment, aux sépales, et d’une pureté de coloris magnifique. La photo de Laurie Frazer lui rend bien justice.
Une autre variété ultra célèbre reprend ce coloris fondamental : ‘Souvenir de Mme Gaudichau’ (Millet, 1914) dont le nom fleure bon l’ancien temps, mais dont les couleurs fraîches et gaies n’ont rien perdu de leur éclat. La comparaison des deux photos met bien en évidence les traits communs à cette variété et celle qui précède. A son indéniable beauté cet iris ajoute des qualités végétatives que les iris modernes peuvent lui envier. Ces qualités n’ont pas échappé aux grands hybrideurs de l’époque et en particulier au professeur Mitchell qui en a fait le père de son ‘Santa Clara’ (1931) dont on retrouve les gènes dans pratiquement tous les iris bleus actuels. Cette Mme Gaudichau est donc la grand’mère de presque tous les iris bleus (et de bien d’autres !).
Elle fut, entre autres, à l’origine d’un autre célèbre iris bleu, celui dont la photo a provoqué la présente chronique, ‘Germaine Perthuis’. D’un joli violet lustré, avec des sépales sombres, plus rouges, et des barbes orange qui réveillent l’ensemble, cette variété a fait le tour du monde. Voici la description qui se trouve dans un catalogue américain de 1926 : « C’est un descendant de Mme Gaudichau. Il a hérité des toutes les qualités éminentes de son parent : exceptionnelle vigueur, facilité de culture et grande liberté de floraison. Les énormes fleurs sont portées par des tiges solides de 90cm. Les pétales d’un agréable violet pourpré sont éclairés de tons plus pâles. Les sépales sont d’un riche violet archevêque. La fleur toute entière possède une apparence veloutée splendide et jusqu’à présent inégalée. (…) » Si, à l’époque, le major des hybrideurs français était Ferdinand Cayeux, on peut dire qu’il avait en la famille Millet de solides concurrents !
Il s’est lui aussi intéressé au modèle fondamental indigo deux tons. On peut prendre pour exemple la variété ‘Tanagra’ (F. Cayeux, 1939). Tout y est, les pétales clairs, les sépales plus sombres et nuancés de rouge ; les barbes sont blanches, ce qui marque la différence. Dans son pedigree on trouve ‘Dr. Chobaut’ (Millet, 1931), un bleu de lin, ‘Fortunio’ (F. Cayeux, ?) bleu ciel lilacé, et ‘Magali’ (F. Cayeux, 1931) rose crevette.
Cependant il semble qu’après ce ‘Tanagra’, le modèle n’ait plus intéressé les obtenteurs. Auraient-ils considérés qu’il manquait d’originalité, qu’il était trop voisin du coloris botanique d’origine ? En tout cas plus le choix des couleurs s’est accru, moins les teintes fondamentales ont été recherchées. L’indigo deux tons fait partie de ces démodés, aussi bien en France qu’en Amérique. En cherchant bien j’ai tout de même découvert un iris récent qui s’en approche. Il s’agit de ‘Splendeur des Tropiques’, une obtention de Luc Bourdillon, commercialisée par son frère, qui fait partie d’un lot d’iris très intéressants mais qui ne sont pas enregistrés, ce qui les prive de tout espoir de diffusion à l’échelle qu’ils méritent. Quoi qu’il en soit ce ‘Splendeur des Tropiques’ reprend le modèle ancestral : pétales lavande, sépales indigo avec des bords plus clairs et des barbes rouge minium. Malheureusement la maison Bourdillon ne donne pas le pedigree, ce que les amateurs regrettent.
Toutes ces variétés ont conservé les couleurs d’Iris germanica. Les anciennes ont également gardé la vigueur et la floribondité de l’ancêtre. Il serait souhaitable que les obtenteurs d’aujourd’hui retrouvent toutes ces qualités, presque cent ans après l’apparition de cette bonne Madame Gaudichau.
1 commentaire:
c'est formidable ! je viens de recevoir trois iris (un échange) et l'un d'entre eux serait un Tanagra (d'après une personne d'un site d'iris)
je suis ravie d'en apprendre autant !
:-)
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