En 2007, ici même, j'ai parlé des iris noirs « à la française ». Je faisais remarquer que le noir n'est pas une couleur qui inspire beaucoup les obtenteurs français. Mais peut-être les choses ont-elles changé en un peu plus de dix ans ? Ces dix années ont été marquées par un développement considérable des obtentions françaises. De nouveaux hybrideurs doués ont fait leur apparition et leur travail s'est peut-être porté vers les couleurs sombres et en particulier celle qu'on appelle le « noir » chez les iris. L’iris noir, c’est un peu comme pour la tulipe de la même couleur, on s’en approche de plus en plus, en France comme ailleurs, mais l’obtiendra-t-on jamais ? Voyons voir !
Depuis le dernier article bien des choses se sont passées et on peut dire que nos hybrideurs ont bien travaillé.
C'est Bernard Laporte (et les graines qu'il a généreusement offertes à Virginie Fur) qui a ouvert le bal. Avec 'Sire de Bréal' (Fur-Laporte, 2004) on est sur la bonne voie, mais cet enfant du croisement (Night Ruler X Blackout) qui réunit deux iris sombres des années 1985/90 est tout de même davantage un violet foncé qu'un noir. Gérard Madoré a suivi dans la direction indiquée, en faisant appel, cette fois, à ce qu'il y a de plus noir à l'époque. 'Armorique' (2005) et 'Guilvinec' (2007) ont de belles grosses fleurs bien sombres ; 'Armorique' est sans doute le plus réussi des deux, avec des barbes entièrement noires. En 2009 Bernard Laporte a eu la main heureuse et son 'Dakar' agrémenté de barbes à éperons est d'un beau noir qui n'était pas attendu du croisement (Designer Gown X Ostrogoth).
Richard Cayeux, qui jusque-là n'avait pas manifesté d'appétence pour les fleurs noires, s'est lancé avec un descendant de 'Dusky Challenger', décrit exactement comme « pétales pourpre-violet foncé ; sépales proches du noir ; barbes violet-noir ». Son Nom ? 'Eclipse de Mai' : un premier essai transformé. Il a continué dans une voie aussi bien engagée avec 'Nuit Satinée' (2012), un enfant de (Badlands X Black Suited) remarquable à tous points de vue. Vient ensuite 'Premier Cru' (2013) qui, comme son nom le laisse supposer, est un noir vineux souligné par une barbe rouge sombre très inhabituelle. Le croisement inverse de celui qui a donné 'Premier Cru' est responsable de 'Votre Majesté' (2017) dont les pétales d'un violet rougeâtre, s'associent à des sépales franchement noirs : une belle fleur.
Bernard Laporte a remis ça en 2013 avec un iris baptisé 'Résistance' (Honky Tonk Blues X Saturn), somme toute assez voisin du précédent qui à le même parent mâle, mais en plus clair. En 2017 il nous a offert deux magnifiques iris noirs :
'Black Sublime', le bien nommé, très noir avec barbes bleu nuit ;
'Nuit Noire', issu du même croisement (Sambuca X Hello Darkness) et tout aussi noir avec des barbes encore plus sombres.
Deux iris bien dans la ligne de ce qui se fait aujourd'hui, qui ont toute leur place dans nos jardins.
'Macassar' (J.C. Jacob, 2016), pourtant issu du croisement de deux des plus beaux noirs (Black is Black X Black Suited), doté d'une forme majestueuse façon Schreiner, me semble un peu clair pour être considéré comme noir, mais il faudrait le voir de près pour émettre un jugement définitif à ce sujet. 'Jais Moqueur' (A. Chapelle, 2016) se présente sous une forme fortement ondulée, ce qui n'est pas banal pour un noir, qu'il tient de son « père » 'Sea Power'. Des barbes franchement noires ajoutent à son originalité.
J'ai gardé « pour la bonne bouche » deux plantes qui m'ont paru répondre parfaitement à la notion d'iris noir. Ce sont deux nouveauté proposées cette année par une nouvelle venue dans le monde des hybrideurs français : Christine Cosi. Elle vient d'enregistrer (en 2018) 'Chouchou d'Albin' et 'Et Patati et Patata', deux frères de semis du croisement (Ghost Train X Midnight Oil). Christine Cosi est une excellent photographe. Il y a donc tout lieu de penser que ses deux iris sont aussi réussis dans la réalité qu'ils semblent l'être en image. L'un et l'autre se présentent en noir soutenu mais avec des griffures blanches très fines autour des barbes sans doute résurgence des gènes plicatas issus de 'Snowbrook', ancêtre de 'Midnight Oil'. Sur 'Chouchou d'Albin' ces barbes sont couleur moutarde ; sur 'Et Patati et Patata' elles sont bleu marine pointé de gris. Cela semble bien être des avancées dans le domaine des iris noirs.
En quelques années les obtenteurs français qui étaient un peu à la traîne dans le domaine qui nous intéresse aujourd'hui ont rattrapé leur retard et, seulement avec les variétés citées ci-dessus, on pourrait constituer une magnifique bordure noire qui aurait certainement du succès auprès des visiteurs du jardin !
Illustrations :
'Armorique'
'Nuit Satinée'
'Nuit Noire'
'Et Patati et Patata'
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