PIROSKA
De nombreuses personnes n'aime pas la couleur orange. Du moins en tant que couler de fleurs. Je ne fais pas partie de cette catégorie et, dans mon jardin, les fleurs oranges sont nombreuse. Qu'il s'agisse, entre autres, de la bignone qui, cette année est particulièrement florifère, ou des hémérocalles « fulva » qui éclairent tout un coin un peu ombragé. Et puis, à la saison, il y a les iris. Ma collection en recèle plusieurs que je contemple avec plaisir. Pourtant les iris orange ne sont pas les plus belle plantes de l'espèce. Je ne sais pas pourquoi mais, le plus souvent, les tiges sont courtes, les plantes un peu prostrées, comme si un feu intérieur les brûlait. Elles ont, de plus, la réputation d'être un peu fragiles et de mal supporter les variations climatiques. En revanche, pour ce qui est de la couleur, il est difficile de faire plus éclatant.
L’orange est une couleur qui a eu du mal à s’imposer dans le monde des iris. Son apparition, qui coïncide avec celle du rose, a d’abord consisté en une teinte abricot qui était considérée en général, dans les années 50, comme une imperfection dans la recherche du rose pur. Cette présence de jaune gênait les hybrideurs qui se sont alors évertués à la faire disparaître. Seul un très petit nombre d’entre eux a misé sur cette couleur intermédiaire. La première variété abricot à présenter des qualités réelles a été 'Apricot Glory' (Muhlestein 1954), un iris abricot à barbes du même ton, avec uns substance épaisse. Cette variété a été largement exploitée par ceux qui trouvaient quelque intérêt à cette nouvelle couleur. Notamment par Melba Hamblen qui a enregistré en 1956 'Valimar', un iris très réussi. Mais par la suite, on s’est plutôt efforcé d’accroître la saturation de l’orange, et les recherches vers l’abricot ont été plus ou moins délaissées. On peut suivre cette évolution avec ‘Orange Parade’ (Hamblen 59), ‘Chinese Coral’ (Fay 62) ‘Mission Sunset’ (Reckamp 62) ou ‘Son of Star’ (Plough 69). Ce dernier peut être même considéré comme le premier iris vraiment orange, sans traces des points jaunes qui gâchent souvent les premiers iris orange, les autres n’ayant fait que montrer le chemin. Il faut rendre cette justice à Jean Cayeux, qu’il s’est attaché à poursuivre son travail en direction d'un orange doux, ce qui l’a amené à introduire deux frères de semis, 'Piroska' (1978) et 'Roger Renard' (1978), deux variétés remarquables et toujours appréciées.
'Piroska' a longtemps figuré à l'inventaire de ma collection, et ce n'est qu'à cause de la nécessité de faire de la place pour des variétés modernes qu'elle en a été retirée. J'aimais (et j'aime toujours) ses fleurs bien proportionnées d'un joli orange clair uniformément étalé sur toute la fleur.
Cette variété, tout comme son « cousin » 'Roger Renard', sont des descendants de 'Marilyn C' (Luzon Crosby, 1957), un iris pas vraiment spectaculaire, mais qui a eu un énorme succès en hybridation et qui se trouve à l'origine de très nombreux iris abricot, orange ou rose pâle. Dans le cas de 'Roger Renard' il est associé à 'Flaming Dragon' (Fay, 1965), mais pour 'Piroska' il est croisé avec 'Orange Chariot' (Fay, 1962), frère de semis du précédent. 'Orange Chariot' a intéressé bon nombre d'hybrideurs dans le but d'obtenir essentiellement des variétés roses, jaunes ou orange. Ses plus célèbres descendants s'appellent 'Ming Dinasty' (Moldovan, 1969), 'Carolina Gold' (L. Powell, 1970), 'Far Corners' (Moldovan, 1978) ou 'Orange Celebrity' (Niswonger, 1983). Lui-même est un descendant de 'Frances Kent' (DeForest, 1948), un iris qui ne paie pas vraiment de mine (abricot pâle au pétales, blanc crémeux aux sépales), mais dont le potentiel génétique a été largement exploité, et particulièrement en association avec 'Mary Randall' (Fay, 1950). On doit à ce croisement certaines variétés très appréciées comme , 'Risque' (Gatty, 1974) mais aussi 'Irene Nelson' (B. Jones, 1975) et 'Roman Candle' (B. Jones, 1974). Il fait partie de ces croisements remarquables dont Keith Keppel a fait un usage intensif, comme c'est le cas pour 'Catalyst' (Keppel, 1979), 'Punkin' (Keppel, 1981), 'Heathen' (Keppel, 1988) ou 'Day Glow' (Keppel, 1996). A noter que les superbes iris orange(1) qui sont la spécialité de Lorena Montanari sont le résultat d’un seul croisement (Crackling Caldera X Rustle of Spring) où l'on rencontre, chez 'Crackling Caldera', 'Irene Nelson' dont on vient de voir qu'il est issu du croisement de Frances Kent et de Mary Randall ! Tout finit par se retrouver !
'Piroska' n'a pas eu de longue descendance, mais il existe au moins une variété qui en découle et qui fait les beaux jours de bien des jardins. Il s'agit de 'Marcel Turbat' (J. Cayeux, 1993) qui est sans doute le plus bel iris orange obtenu par Jean Cayeux car 'Mandarin' (non enregistré), obtenu à partir d'une autre source, n'a pas la même brillance. Pour constater une nouvelle amélioration il faudra attendre 'Feu du Ciel' (R. Cayeux, 1993), enfant de 'Marcel Turbat'.
L'orange, que l'on appelle parfois tango, avec ses nuances allant de l'abricot à l'orange brûlé, est une couleur attrayante, qui se remarque tout de suite dans un jardin. La famille Cayeux l'a bien compris et son grand mérite a été de faire preuve de constance et de persévérance, jusqu'à obtenir les variétés superbes qu'elle nous propose aujourd'hui.
(1) - ‘Ferragosto’ (Montanari, 2008)
‘Fratello Sole’ (Montanari, 2009)
‘Valeria Romoli’ (Montanari, 2010)
Illustrations :
'Piroska'
'Orange Chariot'
'Punkin'
'Marcel Turbat'
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