31.8.18

HOMMAGE A BARRY BLYTH (la suite)

Ne retenir qu'une vingtaine de variété sur une production qui doit dépasser les 1200, toutes catégories confondues, n'est ni simple ni juste. Nous nous contenterons cependant de cela, parce qu'il faut bien se fixer des limites... 

6/6

'Valley of Dreams' (2013) : pour le nom... mais pas que... 


'Vanda Song'  (1996) : un pastel pour Vanda 


'Whisper her Name' (2011) : un nom si tendre, une fleur si belle... 


'Zillionnaire'  (1996) : de l'or pour finir

RETOUR SUR LA TECTONIQUE DES SÉPALES

Déjà en 2007 j'ai abordé ici la question de l'évolution des sépales des iris. Onze ans après il est possible de revenir sur ce sujet qui est toujours d'actualité. L'idée de ce retour m'est venue à l'examen d'un photo de la variété 'Reta Fry' (Terrell, 1964) que j'ai retenue à propos de la chronique sur les iris du modèle 'Joyce Terry'. Cette photo n'a rien d'exceptionnel et la remarque qui la concerne pourrait tout aussi bien s'appliquer à n'importe quelle variété de l'époque de 'Reta Fry'. Ce qui frappe sur ces photos c'est l'aspect des sépales qui restent encore très proches de ceux des iris botaniques du type « germanica ». On remarque des attaches très minces. Ce qui, à l'origine, n’est pas une anomalie puisque les sépales devaient initialement s’ouvrir largement et se rabattre pour laisser les insectes accéder facilement aux pièces sexuelles. En fait ils ressemblaient un peu aux feuilles de mâche, avec, en partant de la zone d’attache des pièces florales au-dessus des ovaires, une « queue » mince et étroite, s’étalant en une forme obovale, atténuée à la base, obtuse à l’extrémité. Cette apparence s'est accentuée quand la matière, la chair, des sépales s’est épaissie pour leur conférer une meilleure tenue dans le temps. Le poids de ces sépales plus épais a provoqué une retombée des bords de chaque côté de la nervure centrale, plus solide. Cet effondrement cesse quand le poids de la matière s'amenuise, c'est à dire vers la pointe. D'où cet aspect particulier que j'ai appelé ci-dessus « feuille de mâche ». Les spécialistes se sont bien rendu compte de ce défaut et une de leurs tâches a été de tenter d'y remédier. Par le jeu des sélections, ils sont peu à peu parvenus à obtenir des sépales cordiformes, donc s’élargissant très vite, comme les feuilles du tilleul par exemple, et prenant une texture voisine de celle des fleurs de magnolia. Peu à peu les sépales ont eu une meilleure tenue : au lieu de pendre tristement, ils se sont redressés, se tenant le plus près possible de l’horizontale. Mais ce n'est pas tout : en prenant rapidement de la largeur, ils ne laissent plus aucun espace entre eux et, même, viennent à se chevaucher, un peu comme les plaques tectoniques de la croûte terrestre. La fleur y gagne en ampleur ce qu’elle perd en accessibilité reproductrice : chez de nombreuses variétés modernes le chevauchement des sépales dissimule partiellement ou totalement les étamines et les styles. Dans la nature ce serait préjudiciable à une bonne pollinisation, mais en horticulture cela n’a pas d’importance puisque la fécondation est assurée par l’homme.

L’apparition des ondulations sur les fleurs d’iris a permis un autre progrès : une meilleure tenue des sépales. C’est le principe de la tôle ondulée, où la rigidité est atteinte par le mouvement donné au métal : il est notoire que les variétés ondulées ont des sépales plus rigides et plus dressés que les variétés plates (« tailored » comme on dit en américain).

Ainsi, de sépales mous et prenant vite une position rabattue, on est parvenu en un peu moins de cent ans, à des sépales presque horizontaux, ondulés voire crêpés, qui maintiennent la fleur élégante et fraîche pendant plusieurs jours, permettant de voir ouvertes sur une même tige plusieurs fleurs étagées, un peu comme on a coutume de voir chez les glaïeuls ou les cannas. C’est évidemment plus spectaculaire.

Dans le précédent article je me demandais si les fleurs d’iris avait atteint une perfection sans possibilité d’amélioration. Aujourd'hui on voit bien qu'elles ont continué d’évoluer. Cela n'a pas été nécessairement pour transformer fondamentalement les fleurs que l’on apprécie, mais pour apporter d’autres éléments. Les fleurs bouillonnées en sont un, pas toujours bien maîtrisé, mais qui, comme le reste, se perfectionne et se modère. Mais on n'en est pas encore à ce qu’imagine Richard Cayeux pour l’iris du futur lorsqu’il évoque, dans son livre « L’iris, une fleur royale », les iris barbus du troisième millénaire :  « On peut donc dès aujourd’hui imaginer de nouveaux modèles de fleurs d’iris : des iris « spiders » (à divisions très longues et très fines…), des iris aux divisions bordées de cils… » ainsi que des fleurs à l’aspect de I. paradoxa, c’est à dire avec des sépales « très petits, horizontaux, portant une forte barbe noire et des pétales violets et chatoyants nettement plus grands ». Ce qui s'est développé, en revanche, ce sont des iris sans pétales, c’est à dire avec une forme plate, un peu comme celle des iris du Japon, où les six pièces florales sont des sépales ou pseudo-sépales, se recouvrant largement. Aux Etats-Unis on parle de « flatties », mais les avis sont très partagés sur l'esthétique de ces fleurs.

 On ne sait donc pas ce que l'avenir nous réserve, mais on est capable d'apprécier les perfectionnements apportés à la tenue des sépales. Et l'on ne peut s'empêcher de considérer que les fleurs d'iris modernes ont acquis au fil du temps une tenue supérieure et une grâce indéniable.

Iconographie : 

 'Clarinette' (Vilmorin, NR circa 1940)- sépales étroits « à l'ancienne » 


'Frontier Marshall' (Schreiner, 1965) - variété « tailored » 


'Bursting Bubbles' (Ghio, 2000) – sépales très larges 


'Rogue Trader' (Blyth, 2007) – sépales très ondulés 


'Sea Power', Keppel, 1999) – sépales bouillonnés

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Louisiana Story

Puisqu'elle se déroulait en Louisiane, la Convention américaine de 2018 a forcément mis l'accent sur les iris de Louisiane, les autres catégories n'appréciant pas vraiment le climat tropical de La Nouvelle Orléans.


President's Cup (variétés originaires de la Région AIS organisatrice) : 'Acadian Sky' (Musacchia, 2016) ;

Franklin Cook Cup (variétés originaires des autres Régions) : 'Watermelon Wizard' (H. Nichols, 2011).

24.8.18

ECHOS DU MONDE DES IRIS

RÉCOMPENSES AMÉRICAINES 2018

La semaine dernière on a fait état de laMédaille de Dykes attribuée à 'Haunted Heart' (Keppel, 2009) devant 'Sharp Dressed Man' (T. Johnson, 2010) (à un point près !) et 'Sari's Dance' – MTB – (G. Spoon, 2007).


Voici les autres récompenses concernant les iris barbus.


WISTER MEDAL (TB) 'Notta Lemon' (Burseen, 2009) 'Bottle Rocket' (M. Sutton, 2009)) 'Strawberry Shake' (Keppel, 2011)

KNOWLTON MEDAL (BB) 'Sheer Excitement' (Tasco, 2011)


SASS MEDAL (IB) 'Cat in the Hat' (P. Black, 2009)

WILLIAMSON WHITE MEDAL (MTB) 'Holiday in Mexico' (Probst, 2011)

COOK DOUGLAS MEDAL (SDB) 'My Cher' (P. Black, 2011)

CARPANE WELCH MEDAL (MDB) 'Kayla's Song' (D. Spoon, 2008)

HOMMAGE A BARRY BLYTH (la suite)

Ne retenir qu'une vingtaine de variété sur une production qui doit dépasser les 1200, toutes catégories confondues, n'est ni simple ni juste. Nous nous contenterons cependant de cela, parce qu'il faut bien se fixer des limites... 

5/6 

'Quantum Light' (2015) : la perfection formelle 


'Rembrandt Magic' (1992) : un généreux géniteur 


'Some Are Angels' (1996) : pourquoi pas un blanc pur ? 


'Tempesto' (2007) : un sommet chez les bicolores inversés

IMAGINE !

«Nous sommes humains parce que nous avons accès à ce qui n'existe pas.» (J. C. Rufin – Le Grand Coeur)

 Aussitôt lue, la phrase ci-dessus m'a entrainé dans une longue réflexion, comme il m'arrive souvent d'en avoir, pour un oui, pour un non. Je cherchais justement un sujet pour une nouvelle chronique, et celui-ci m'a paru évident : comment un amateur d'iris en vient-il à se lancer dans l'hybridation ?

Avoir accès à ce qui n'existe pas, c'est peut-être ce qui nous différencie le plus des animaux (devrait-on dire « des autres animaux » ?) Nous, les hommes, avons la faculté de ne pas nous contenter du présent et celle de nous projeter dans l'avenir, même si l'avenir tel que nous le voyons à un moment donné ne se réalisera pas exactement comme nous l'imaginons pour toutes sortes de raisons et d'interférences avec les actions des autres et même d’éléments et d'événements extérieurs. Mais cette capacité d'aller vers ce qui n'existe pas est là. Elle est même si présente qu'elle est indissociable de notre vie. Nous réfléchissons, puis nous agissons en fonction de ce à quoi nous avons réfléchi et de ce que nous projetons.

Parfois certains animaux semblent accéder à cette capacité. Je me rappelle un documentaire animalier où une troupe d’éléphants s'organisait pour sauver un éléphanteau tombé dans une rivière dont il ne pouvait pas escalader les rives escarpées. Les adultes, constatant cette situation, ont entrepris de creuser une rampe dans la terre meuble de la rive pour que le petit, trop lourd pour être soulevé à bout de trompe, puisse grimper et se sortir de ce mauvais pas, poussé par derrière par ses mère et sœurs. Cette organisation forcément réfléchie procède-t-elle du même phénomène que celui d'une création humaine ? On peut se poser la question. Cependant la création est éphémère. C'est une adaptation à une situation d'urgence, admirable certes, mais cela n'est pas exactement une réalisation consécutive à une réflexion créatrice complexe, faisant appel à des connaissances autant qu'à du rêve, même si s'en est une amorce. Il lui manque la part de l'imaginaire. Cela place quand même les éléphants sur la voie de la création. Une voie que n'atteint pas le petit oiseau sur sa branche, qui vit l'instant mais n'envisage pas l'avenir. Cette faculté semble n'être qu'humaine.

 Avoir accès à ce qui n'existe pas, c'est certainement ce qui motive l'amateur d'iris quand il se lance dans l'hybridation. Lorsqu'un amateur d'iris envisage de créer ses propres variétés, c'est parce qu'il conçoit quelque chose, un iris qu'il voit doté de telle ou telle caractéristique, de telle ou telle apparence. Il rêve. Ce rêve peut ne pas être particulièrement précis, les contours de la fleur peuvent rester vagues. Il peut même se limiter à une idée, une fleur sans traits définis, mais qui concrétiserait une curiosité et donnerait corps à un désir de créer quelque chose de personnel. Cette plante qui n'existe pas (ou pas encore) il la voit avec plus ou moins de netteté et son désir de lui donner une existence va le conduire à se lancer dans une aventure créative..

Pour cette aventure certains vont procéder sans plan, sans autre réflexion que le désir de créer et de voir ce que son geste va donner. D'autres, plus méthodiques ou plus désireux d'obtenir une création réussie, vont approfondir le sujet, étudier la génétique, la généalogie, la botanique, l'horticulture. Chacun va agir en fonction de son tempérament, de son souci de la perfection ou de son attirance pour l'inconnu. Lorsque j'explique à des auditeurs comment il faut procéder pour polliniser un iris et réaliser un croisement, certains ne sont intéressés que par la connaissance des gestes techniques : le comment faire leur suffit ; d'autres s'interroge sur les variétés à choisir pour espérer réussir un iris qui ne soit pas le résultat du seul hasard. Il y a une infinité de degrés dans l'imagination. Avoir accès à ce qui n'existe pas ouvre la porte à l'inconnu. Pour certains il peut même être excitant d'avancer sans savoir où l'on va, alors que d'autres choisiront un chemin aussi précisément jalonné que possible.

Cette projection dans l'avenir n'affecte pas seulement les néophytes. Les hybrideurs chevronnés imaginent aussi ce qu'ils pourraient ou voudraient obtenir. Le meilleur exemple de cette réflexion vers ce qui n'existe pas se rencontre chez Keith Keppel, le pape des iris plicatas et l'un des maîtres actuels de l'hybridation. Son enthousiasme de jeune homme éclate au grand jour lorsqu'il fait un inventaire minutieux et méticuleux des différentes possibilités, et envisage les innombrables occurrences des mélanges. Son esprit s’ouvre vers l’infini et son plus grand regret est de savoir que la durée de sa vie ne sera pas suffisante pour qu'il puisse constater l'apparition de coloris ou de mélanges de couleurs nouveaux, qu'il imagine, mais qu'il craint de n'avoir pas le bonheur de voir dans la réalité. Car imaginer ce qui n'existe pas sera moins enthousiasmant si l'on ne peut envisager de constater par soi-même la réalisation de ses rêves. Mais par bonheur on peut aussi toujours imaginer, en dépit des limites que notre nature d'être vivant nous fixe, d'avoir la chance de durer suffisamment pour jouir du résultat de ce que l'on aura fait pour rendre réel ce que notre esprit a conçu et ce que notre main à fabriqué.

L'amateur qui devient hybrideur n'a sûrement pas l'ambition de se montrer l'égal de Keith Keppel ou de quelque autre hybrideur de génie, mais il est saisi par le besoin de créer quelque chose qui n'existe pas et, en cela, il agit en être humain.

Iconographie :


 - Quatre semis Keppel, exemples de sa créativité.

17.8.18

HOMMAGE A BARRY BLYTH (la suite)

Ne retenir qu'une vingtaine de variété sur une production qui doit dépasser les 1200, toutes catégories confondues, n'est ni simple ni juste. Nous nous contenterons cependant de cela, parce qu'il faut bien se fixer des limites...

4/6 

'Magic Man' (1979) : 'Cabaret Royale' revisité 


'Never Been Kissed' (2007) : voilà un nom typiquement « Blyth » ! 


'Oxford Countess' (2007) : moderne et riche 


'Painted Flutes' (2007) : traditionnel et cependant unique

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Et de huit ! 


Keith Keppel est assurément le plus grand hybrideur de tous les temps. 'Haunted Heart' (2009) vient de remporter la Médaille de Dykes 2018. C'est la huitième consécration de son obtenteur.

1 – 'Babbling Brook' (1972)
 2 – 'Crowned Heads'(2004)
3 – 'Sea Power' (2006)
4 – 'Drama Queen' (2011)
5 - 'Florentine Silk' (2012)
6 – 'Gypsy Lord' (2015)
7- 'Montmartre' (2017)
8 – 'Haunted Heart' (2018)

Cette variété est le produit de l'intime collaboration entre Keppel, aux USA, et Blyth, en Australie. Et si la fleur exhibe la perfection classique des produits Keppel, la couleur est typique du travail de Barry Blyth.

Le parcours dans l'échelle des honneurs a été exemplaire : Honorable Mention en 2012, Award of Merit en 2014, Wister Medal en 2016. On ne peut guère aller plus vite !

Pedigree : semis Blyth N48X : ('Royal Sterling' x semis Keppel 99-42Y : ('Last Laugh' x semis 95-49B: ('Electrique' x 'Romantic Evening'))) X semis Blyth N213 : ('Hello It's Me' x 'Reckless in Denim').

LA FLEUR ET LA PLANTE

Il cultive des milliers de variétés d'iris. Le vallon dans lequel il est installé est remarquablement exposé et délicieusement paisible. Son activité prospère et son amour des iris ne fait que croître et embellir. Pourtant voici ce qu'un de ses amis m'a écrit : "Il est un peu désabusé par les nombreux iris qu'il achète de par le monde car il estime (...) que même si son terrain caillouteux ne permet pas réellement de juger d'un branchement, pas mal d'iris sont enregistrés alors qu'ils ne le méritent pas. Il est vrai que lorsque l'on parcourt ses champs de milliers de variétés modernes, on est parfois déçu de voir que des iris encore vendus au prix fort sont juste acceptables." Cela apporte de l'eau à mon moulin. Il n'y a pas longtemps en effet j'ai, ici même, exprimé mes doutes à propos de la prolifération des nouvelles variétés, et mes craintes pour l'avenir des compétitions d'iris (1). Ce que constate notre ami collectionneur remet ces questions sur le tapis.

 Les variétés modernes présentent deux caractéristiques opposées. Le plus souvent elles sont dotées de fleurs superbes, ondulées voire bouillonnées, gracieuses, bien proportionnées, bref parfaitement justiciables d'un enregistrement. Presque à tous les coups elles portent au moins trois tiges ou rameaux et au minimum sept boutons. Mais en sens inverse elles affichent de sérieux défauts :

- les fleurs s'agglutinent sur la tige et se gênent mutuellement au moment de leur éclosion ;
- les branches latérales ne s'écartent pas assez de la tige principale, ce qui, de nouveau, nuit à l'épanouissement des fleurs et à l'aspect général de la plante ;
- ces mêmes branches latérales apparaissent parfois à faible distance les unes des autres en sorte que le bouquet de fleurs prend l'apparence d'un corymbe dressé au sommet d'une tige dénudée, lourd à porter et ayant donc tendance à verser à la première ondée ;
- les tiges inférieures, plantées très bas et de courte taille, ne s'élèvent pas au-dessus du feuillage ce qui dissimule les fleurs qu'elles portent et qui ne sont plus regardées qu'en vue plongeante, un peu comme c'est le cas pour les iris nains.

Voilà pour l'aspect général de la plante, mais qu'en est-il des qualités végétatives ? C'est peut-être à ce propos que les déceptions dont se plaint notre collègue sont le plus flagrantes :
- les plantes que l'on reçoit, de belle apparence, s'avèrent souvent gorgées d'eau et, mises en terre, vivent sur leur réserves avant de commencer d'émettre de nouvelles racines et, par conséquent, demandent du temps avant de repartir ;
- l'adoucissement du climat permet de planter de plus en plus tard, souvent même encore en octobre ; conjuguée au phénomène précédent, ce décalage dans le temps peut aboutir à une reprise trop tardive pour que la nouvelle plante puisse fleurir dès le premier printemps après sa mise en culture ;
- le développement de la nouvelle plante est assez souvent lent et difficile ;
- elle met souvent plus de trois ans avant de former une touffe présentable, quand elle ne végète pas plusieurs années et n'émet de fleurs qu'épisodiquement ;
- fragiles, ces plantes modernes sont sensibles aux maladies et en particulier à la pourriture, cette dernière devenant un véritable fléau pouvant ravager profondément une collection.

Ces constatations jettent le doute sur la qualité des iris d'aujourd'hui et, pour confirmer ce qui a été dit au début de cette chronique, lorsqu'on demande leur opinion aux amateurs rencontrés ici ou là aux fêtes des plantes du printemps, ceux-ci déplorent particulièrement les défauts des variétés récentes qu'ils acquièrent. Ces doléances sont d'autant plus profondes que les fleurs dont on voit les photos dans les catalogues ou sur Internet sont avantageuses et attrayantes.

Le problème est donc bien réel (et pas seulement le fait d'un vieux grincheux nostalgique du "bon temps" !) J'en attribue l'origine au fait que les semis que l'on réalise de nos jours donnent naissance à un nombre de plus en plus important de cultivars séduisants (d'où l'apparition de nombreux frères de semis dans les enregistrements). Pressés d'offrir à leur clientèle des nouveautés attirantes et rémunératrices, les obtenteurs, qui sont le plus souvent également pépiniéristes, paraissent tentés de se montrer moins sélectifs et de proposer un nombre croissant de nouveautés. Tout le monde n'est pas dans ce cas évidemment , mais la tentation est grande et certains y cèdent.

C'est sans doute ce qui est à l'origine de ce que constate notre homme du début, et qui pourrait conduire certains à se désintéresser plus ou moins des iris...

(1) voir Irisenligne avril 2018.

12.8.18

LA FLEUR DU MOIS

'Roman Noir' ( Lawrence Ransom, 1996) 

(Khaki Print X Trescols) 

Ce n'est pas parce que je parle essentiellement de grands iris que je n'éprouve aucune attirance pour les autres catégories. Les SDB, entre autres, me tiennent beaucoup à cœur. En particulier les obtentions de Lawrence Ransom que je trouve génétiquement intéressantes et esthétiquement bien réussies. Et comme je relatais, la semaine dernière, la récompense obtenue en Grande-Bretagne par Loïc Tasquier pour son SDB noir 'Oda Rae' je me suis rappelé un autre petit iris très sombre et très joli : 'Roman Noir'. Dans mon jardin il n'a jamais bien poussé et la fidélité de sa floraison était sujette à caution, mais chaque fois qu'il a bien voulu fleurir il m'a fait un grand plaisir. Ses pétales sont d'un joli bleu assez soutenu et ses sépales très proches du noir sont éclairci par les barbes, bien visibles, bleu lavande. Ce coloris n'est pas triste du tout et, lorsque la touffe est suffisamment étendue, cela fait une tache vive et fraîche dans le jardin, à un moment où les fleurs sont le plus souvent jaunes ou blanches.

'Trescols', son « père », fait partie des choses surprenantes plusieurs fois proposées par les amis Peyrard et Ransom. Il n'est ni spectaculaire ni vivement coloré, mais il dégage une impression d'étrangeté qui tire l’œil. Quand on le voit pour la première fois on dit « qu'est-ce que c'est que ça ? » et l'on se renseigne sur cette petite plante bizarre. On ne peut pas savoir ce qu'elle va apporter dans un croisement puisqu'elle est « de parents inconnus » mais c'est la surprise garantie, et quand cette surprise s'appelle 'Roman Noir' on est forcément tout content.

Le côté maternel est fourni par une variété à laquelle on ne pense pas forcément : 'Khaki Print' (Weiler, 1982). Je ne sais pas où Lawrence Ransom s'était procuré cette variété plutôt discrète mais néanmoins titulaire d'un pedigree flatteur, avec deux médaillés Cook-Douglas parmi ses antécédents. C'est de ce côté là qu'il faut chercher le coloris sombre de 'Roman Noir', et en particulier chez 'Bloodspot' (T. Craig, 1966), un SDB qui prend des airs de pensée avec son large spot grenat foncé sur les sépales.

On ne sait pas si Lawrence Ransom avait en projet de procéder à des croisements utilisant 'Roman Noir' dans l'un ou l'autre sens, il nous a quitté bien trop précipitamment. Ce qui est une réalité c'est le SDB 'Qui l'Eut Cru', obtenu par Loïc Tasquier en 2013, issu en direct de 'Roman Noir', uni pour la circonstance avec un SDB adorable du canadien Chuck Chapman : 'Forever Blue' (1996). Petit plicata clair, 'Qui l'Eut Cru' ne ressemble guère à sa maman, mais il a certains traits de 'Forever Blue' qui en font tout l'intérêt. Ainsi 'Roman Noir' a-t-il une descendance fort éloignée de ses couleurs froides mais vives. Mais les gênes sont là et, qui sait, peut-être à la génération suivante, ou à une autre plus lointaine, reverra-t-on surgir le bleu lavande ou le bleu-noir, sur une fleur qui rappellera l'ancêtre né dans les collines d'Aquitaine. Pourquoi pas à l'issue d'un croisement (Oda Rae X Qui l'Eut Cru) par exemple ?

Iconographie : 

'Roman Noir' 


'Trescols' 


'Bloodspot' 


'Forever Blue' 


'Qui l'Eut Cru'

HOMMAGE A BARRY BLYTH (la suite)

Ne retenir qu'une vingtaine de variété sur une production qui doit dépasser les 1200, toutes catégories confondues, n'est ni simple ni juste. Nous nous contenterons cependant de cela, parce qu'il faut bien se fixer des limites... 

3/6 

'Inner Journey'  (1995) : un coloris très apprécié de son obtenteur 


'Just Witchery'  (2011) : de la sorcellerie ? 


'Katie Pie'  (1998): rose, au fil des semis... avec une touche inimitable 


'Latin Tempo' (1973) : une riche descendance

IRIS ET PORCELAINE

Il y a quelques semaines,en visitant la manufacture de porcelaine de Meissen, en Saxe, et en voyant le processus de fabrication, j'ai fait le rapprochement avec ce qui se passe avec les iris plicatas. Une fois l'objet créé, c'est à dire moulé ou tourné, cuit une première fois, trempé dans le bain d'émaillage et cuit à nouveau, il est décoré de la main des artistes que sont les ouvrières chargées de ce travail admirable. C'est à peu près ce que la nature à prévu pour les plicatas traditionnels : on part d'une base immaculée, c'est à dire d'un blanc pur issu d'une fleur dont les pigments caroténoïdes sont inhibés, et on applique sur cette base des dessins anthocyaniques. Les porcelaines de Meissen sont le plus souvent décorées en bleu de cobalt, ce qui correspond presque exactement à ce que donnent les pigments anthocyaniques sur les plicatas originels ! Voilà donc des objets d'art dont la base d'un blanc absolu est délicatement ornée de différents dessins bleu profond. Le rapprochement avec les iris est saisissant.

Trempant leurs fins pinceaux dans un mélange de pigments en poudre et d'eau, les décoratrices (ce sont essentiellement des femmes qui font ce métier) déposent délicatement un trait de couleur d'un bleu-indigo sombre sur le bord des objets. Que constate-t'on avec les plicatas du modèle 'Stepping Out' ? Une ornementation identique. Comme avec la porcelaine, le trait peut être fin, identique sur les pétales et les sépales ; c'est le cas pour une fleur comme 'Tea Apron' (Reynolds, 1960), variété fétiche des débuts de Keith Keppel, ou de 'Gigi' (Schreiner, 1971), descendant direct de 'Stepping Out'. La couche de couleur peut aussi par endroit et pour certains motifs être plus épaisse ; les exemples de ce type sont innombrables chez les plicatas, c'est même le type de référence, comme on le trouve sur 'Charmed Circle' (Keppel, 1968) ou les grands classiques qui s'appellent 'Going my Way' (Gibson, 1971) ou 'Rondo' (Schreiner, 1972). On en voit encore chaque année dans les catalogues (cela se tasse un peu, mais voyez le superbe 'Grapetizer' (Johnson, 2009) ou le magnifique 'Oreo' (Keppel, 2017).

Si l'illustration l'exige, les décoratrices de Meissen peuvent réaliser de grands aplats de couleur (un peu comme le font les porcelainiers de Limoges avec leur célèbre « bleu de four »), ce qui a son pendant sur certains plicatas où le fond blanc est presque entièrement recouvert par la couverture anthocyanique comme c'est le cas pour l'ancien 'Winner's Circle' (Plough, 1971), tout comme pour les récents 'Dancing in the Dark' (Johnson, 2011) ou 'Midnight Velvet' (Johnson, 2013).

La nature peut cependant être plus inventive que les êtres humains. C'est ainsi qu'elle a produit des plicatas assez différents des précédents, tout en conservant la couleur bleu sombre. Il peut s'agir de fines rayures couvrant tout ou partie de la base blanche, comme on peut le voir sur 'Autumn Circus' (Hager, 1990), ou de multiples petites taches, comme des gouttes de bruines tel celles qui apparaissent sur les créations de Rick Tasco : voir 'Celestial Explosion' (2003).

A Meissen, comme dans les autres manufactures de porcelaine, on n'utilise pas seulement le bleu de cobalt pour décorer les objets. Toutes les couleurs sont en fait obtenues. A commencer par un bleu clair, très utile pour les ciels des décors baroques ou rococos.Chez les plicatas, c'est une couleur fréquentes, qui apparaît sur des variétés comme l'ancien 'Jeanne d'Arc' (Verdier, 1907), le superbe 'Rococo' (Schreiner, 1959) ou 'Gentle Rain' (Keppel, 1976) ou encore 'Earl of Essex' (Zurbrigg, 1979), ainsi que l'australien 'Star of the Morn' (Grosvenor, 2005).

Et ce n'est pas tout ! On croit souvent voir un fond blanc chez certains plicatas alors que celui-ci est en fait faiblement teinté de jaune ou d'orangé. A cause de ça, les dessins anthocyaniques, par illusion d'optique, semblent tendre vers le magenta, le grenat voire même le brun. Ce sont aussi des couleurs fréquentes dans les décors des porcelaines. C'est ce petit jeu qui donne leurs couleurs à 'Masterplan' (Keppel, 1995), 'Mariposa Autumn' (Tasco, 1999) ou 'Ghirardelli Square' (Keppel, 2016).

 Il y a bien d'autres rapprochements à faire entre les iris plicatas et les objets de porcelaine, qu'elle soit de Meissen, de Sèvres ou de Limoges. Nous pourrions continuer d'explorer ces subtiles convergences, mais dans le dernier paragraphe nous nous sommes déjà éloignés de ces couleurs de base que sont le blanc immaculé de la porcelaine elle-même, et le bleu profond des ornementations originelles. Les iris plicatas du style de 'Stepping Out' connaissent aujourd'hui une certaine perte d'affection de la part du public et des obtenteurs. C'est qu'il existe maintenant tellement d'autres coloris disponibles ! La porcelaine sait aussi faire usage de multiples couleurs, mais ce qu'il y avait de points communs possibles avec les iris n'a plus rien alors d'exceptionnel. Est-il alors nécessaire d'en parler ?

Iconographie :

'Gigi' 

'Going my Way' 


'Winner's Circle' 


'Midnight Velvet' 


'Autumn Circus' 


'Celestial Explosion' 


'Rococo' 


'Star of the Morn' 

'Mariposa Autumn' 


'Ghirardelli Square'