28.12.18

MEILLEURS VOEUX


A tous mes amis et à tous les lecteurs d' Irisenligne, tous mes meilleurs vœux pour 2019.

LA PUISSANCE ET LA GLOIRE

Le titre de cette chronique est emprunté au formidable roman de Graham Greene, qui connut dès sa parution un succès retentissant et reste l'œuvre la plus forte du grand écrivain anglais. Mais le sujet d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui du roman puisqu'il s'agit de la période dorée de l'activité d'hybrideur de Ferdinand Cayeux : les années1928/1938.

C'est aussi la période d'existence de la Médaille de Dykes Française, laquelle a débuté en 1928 et a cessé en 1938, interrompue par la guerre, et jamais remise à l'ordre du jour. Pendant cette décade Ferdinand Cayeux a joui d'une gloire mondiale et exercé sur le monde des iris une puissance jamais plus égalée.

Au cours de ces dix ans Ferdinand Cayeux a enregistré environ 260 variétés nouvelles ! Une telle production en dit long sur l'importance de l'entreprise et le travail fourni par son propriétaire. A l'époque on venait de partout en Europe, et même des Etats-Unis pour admirer les nouveautés dont un grand nombre a été distribué à travers le monde. Et ce succès commercial s'est trouvé doublé d'une abondante utilisation chez la plupart des hybrideurs, de sorte que l'on ne doit pas beaucoup exagérer si l'on dit que dans chaque iris d'aujourd'hui il y a un peu des variétés de Ferdinand Cayeux. Dans « The World of Irises », dans le chapitre consacré aux débuts de l'hybridation, Melba Hamblen a écrit : « Ferdinand Cayeux est entré en scène quelques années après ses compatriotes, mais il les a vite distancé à la fois par la quantité et la qualité des iris qu'il a introduits. Ces vainqueurs de la Médaille de Dykes (10 en dix ans!) comprennent des variétés bien connues des amateurs et des hybrideurs du monde entier ; et 'Pluie d'Or', Député Nomblot', 'Jean Cayeux' et 'Madame Louis Aureau' figurent au premier rang dans l'évolution des iris modernes. » Un peu plus loin, dans le même ouvrage on lit : « La Maison Cayeux et LeClerc a introduit le brun doré 'Jean Cayeux' en 1931 et le bitone chocolat 'Louvois' en 1936. L'un et l'autre furent immensément populaires, et 'Jean Cayeux' se trouve à l'origine de nos meilleurs bruns modernes. » Puis, encore plus loin, « Le plicata délicatement marqué 'Séduction' fut introduit en 1933 ; l'année suivante 'Madame Louis Aureau', plicata rose pourpré, ondulé et richement dessiné, a fait ses débuts et a remporté immédiatement la Médaille de Dykes française. Ces deux variétés ont été des ancêtres importants pour les plicatas modernes. » Et ce n'est pas fini ! Au chapitre des bicolores, « The World of Irises » cite les variétés 'Nene' (1928), 'Marquita' (1930) et 'Madame Maurice Lassailly' (1937). Autant dire que Ferdinand Cayeux s'est imposé dans tous les domaines.

Tout au long de la période considérée des variétés remarquables sont apparues. Nous allons nous arrêter sur quelques-unes.

La grande vedette de l'année 1928 est à coup sûr 'Pluie d'Or'. Le Bulletin de la Société nationale d'horticulture de France le décrit comme suit : « Tiges solides, bien ramifiées, portant un grand nombre grandes fleurs jaune franc. Plante vigoureuse dont les hampes atteignent 1 mètre de hauteur. C'est le premier iris à grandes fleurs jaune pur que nous connaissions à ce jour. » Et Ferdinand Cayeux explique : « Nous avons longtemps dirigé nos recherches à l'effet d'obtenir des iris jaune pur, à grandes fleurs, aux divisions ou semi-étalées, ou même presque horizontales. Nous sommes parvenus à obtenir des variétés jaune crème, jaune primevère comme 'Pluie d'Or', 'Phébus', jaune franc comme 'Tapis d'Or', 'Fleur d'Or', 'Toison d'Or', 'Eclador' et aussi jaune foncé presque jonquille comme 'Roi Soleil', 'Erromango', 'Raboliot'. » A côté de ça 'Don Juan', 'Nene', 'Zampa' savent aussi tenir leur place.

1929 est l'année de 'Député Nomblot', mais aussi de 'Evolution', 'Polichinelle', 'Toison d'Or' ou 'Vert Galant' , sacré Médaille de Dykes cette année-là et qualifié de « plus bel iris de l'année ».

En 1930, 'Député Nomblot' qui n'avait pas pu être récompensé comme il le méritait l'année précédente a reçu à son tour la Médaille de Dykes. Il a été aidé en cela par le fait que les enregistrement de l'année n'atteignaient pas le niveau des années précédentes. Signalons néanmoins 'Dona Sol' « divisions supérieures lie-de-vin ardoisé ; divisions inférieures grenat pourpre velouté », et aussi 'Helios' qui « marque une grande avance dans a recherche des variétés de teinte jaune à grande fleur ; divisions supérieures très grandes et particulièrement bien faites, jaune citron très pur ; divisions inférieures de même nuance, portant de fines et légères réticulations ou stries brun clair (...) ».

Avec 1931, on atteint un sommet où se distinguent plusieurs iris de grande valeur. 'Jean Cayeux', bien sûr, dont le portrait n'est plus à faire, mais aussi 'Madame Maurice Lassailly', 'Marquita', 'Président Pilkington', 'Sérénité' autant d'iris que l'on trouve encore souvent dans nos jardins.

1932 fut tout aussi riche et l'on ne sait qui il faut citer de préférence. Que ce soit 'Eclador', Médaille de Dykes, 'Beotie', 'Directeur Pinelle', 'Raboliot' ou 'Redalga', tous démontre la grande maîtrise de leur obtenteur.

Moins chargée, l'année 1933 comporte néanmoins des variétés exceptionnelles. A commencer par la Médaille de Dykes 'Alice Harding', d'abord baptisé 'Roi Soleil' (voir plus haut) mais dédié à Alice Harding après que cette dernière soit venue en France et l'ait admiré. A part ça, quelques autres nouveautés méritent l'attention, comme 'Plurabelle', 'Séduction' ou 'Volupté', décrit comme « fleurs de la plus grande dimension et d'une forme parfaite, divisions supérieures cuivre rouge, les divisions inférieures rouge grenat vif et chaud ».

En dehors de 'Madame Louis Aureau', variété-événement, les années 1934 et 1935 présentent moins d'intérêt. C'est si vrai que la Médaille de Dykes de 1935 n'a pas été attribuée à une nouveauté de l'année, mais à 'Madame Maurice Lassailly', introduite en 1931. En dehors de ces deux variétés, on peut retenir 'Voltigeur' (1934), 'Aubanel' (1935) ou 'Madame Ulmann', descendant direct de 'Madame Maurice Lassailly'.

Petite production en 1936, mais plusieurs variétés importantes : le variegata 'Agrippa', le jaune pur 'Drap d'Or', le célèbre bicolore 'Louvois', le bitone rouge betterave (et Médaille de Dykes) 'Olympio'.

Puis voici la dernière année de notre inventaire, 1937. C'est comme si, pressentant la conflagration à venir, Ferdinand Cayeux lançait son bouquet final. Près de soixante nouveautés ! Le choix des meilleures n'est pas facile :
le « petit » 'Ileana', « divisions supérieures jaune clair, les inférieures étalées, jaune bronzé bordé d'or » ;
le très pur 'Dame Blanche', d'un blanc éclatant ;
le bleu violacé 'Pulcinella' ;
le très traditionnel violet 'Symphonie'.
La Médaille de Dykes est revenue à une variété non encore enregistrée (mais qui le sera l'année suivante par René Cayeux au nom de son père), 'Nicole Lassailly', une variété très moderne, néglecta aux pétales bleu ciel, au-dessus de sépales indigo clair se dégradant vers le bleu pâle en allant vers les bords, et équipés de barbes blanches.

Ces très nombreux iris ne sont pas tous parvenus jusqu'à nous. Mais ceux que l'on trouve encore dans nos jardins, par leur fière allure et la multiplicité de leurs coloris confirment la puissance du génie de Ferdinand Cayeux et justifient sa gloire.

Iconographie : 


'Pluie d'Or'


'Député Nomblot' 


'Jean Cayeux' 


'Madame Louis Aureau' 

Au cours des prochaines semaines, une collection de photos va venir compléter l'échantillonnage présenté aujourd'hui.

22.12.18

WALTHER CUP : MEILLEUR ESPOIR

La Walther Cup (en version longue : Fred and Barbara Walther Cup) est attribuée chaque année à l'obtenteur de la variété qui cette année-là a obtenu le plus grand nombre de votes pour la « Honorable Mention », premier degré de la course américaine aux honneursquelle que soit sa catégorie. Autrement dit la variété récente qui a été particulièrement remarquée par les juges. La variété ainsi distinguée a le pied à l'étrier pour faire une jolie carrière. Ce qui est souvent le cas. Cette récompense est d'autant plus intéressante qu'au moment où elle est attribuée, les juges ne peuvent pas encore être influencés par une distribution importante ou un lobbying bien orchestré : ils désignent une variété récente, qui commence seulement à se répandre. On va voir au cours des prochaines semaines que si les juges désignent en général une variété particulièrement réussie, faire un parcours sans faute n'est cependant pas acquis d'avance. Comme dans le cursus scolaire il y en a qui brillent dans les petites classes mais qui ont néanmoins du mal à obtenir le baccalauréat ! 

2011/2015

2011 = 'Star in the Night' IB (P. Black, 2009) - AM 2013, Sass Medal 2016 


2012 = 'Ginger Twist' SIB (Schafer/Sacks, 2009) -AM 2014, Morgan-Wood Medal 2016. 


2013 = 'Judy Judy Judy' SIB (R. Hollingworth, 2004) - AM 2015, Morgan-Wood Medal 2017 

2014 = 'Holiday in Mexico' MTB (R. Probst, 2011) – AM 2016, Williamson-White Medal 2018 

2015 = 'Desert Snow' AB (P. Black, 2013), pas d'autre récompense 

Les TB ont perdu leur suprématie : cela fait huit ans qu'ils n'ont plus triomphé...

LE FONDATEUR

Cela fait un certain temps que l'on n'a pas vu ici le portrait d'un personnage important du monde des iris. Ce n'est pourtant pas que manquent ceux qui pourraient être portraiturés ! Le monde des iris est particulièrement riche en personnes remarquables. Allons donc aujourd'hui faire la connaissance de quelqu'un qui y tient une place prédominante, sans cependant s'être fait connaître pour ses qualités d'hybrideur. Il s'agit de John C. Wister, le premier président de l'AIS.

Aux Etats-Unis les individus exceptionnels sont innombrables et notre petit univers en est aussi riche que les autres. Souvent au cours des recherches que nécessitent les chroniques publiées ici, on rencontre des gens de haute volée, soit que ce soit des génies de l'hybridation, soit que ce soit des hommes de cœur, soit que ce soit des entrepreneurs infatigables. John C. Wister (1887/1982) fait partie essentiellement de cette dernière catégorie.

Dès son adolescence il s'est intéressé à l'horticulture et, après être sorti diplômé de l'Université d'Harward, il s'est spécialisé dans cette science et a étudié à l'Harvard School of Landscape Architecture ainsi qu'au New Jersey Agricultural College. Son métier fut donc celui d'architecte-paysagiste. C'était un homme d'une activité débordante et d'une curiosité exceptionnelle en ce qui concerne les plantes en général et leur utilisation dans le paysage en particulier. Il disait de lui « je crois que je suis seulement un compagnon ordinaire qui s'est trouvé à la bonne place au bon moment », mais c'était faire preuve d'une modestie excessive. Et si les iris ont été sa plante favorite – il s'y est intéressé dès 1918 et jusqu'à sa mort, et le nombre des variétés qu'il a cultivées doit dépasser le millier - , il a également été considéré comme une sommité en ce qui concerne les pivoines, les azalées, les chrysanthèmes, les roses, les lilas, les tulipes, les narcisses et les plantes bulbeuses en général. Cela s'est concrétisé par plusieurs ouvrages de référence en ces domaines et l'attribution des quatre plus hautes distinctions horticulturales américaines.

Son action dans l'iridophilie a abouti à faire de lui le premier Président de l'AIS dont il fut l'un des fondateurs en 1920 et qu'il dirigea pendant quatorze ans, avec patience et habileté, ne mesurant jamais sa peine et suscitant chez les autres un enthousiasme semblable au sien. Cette place ne lui fut jamais disputée et un de ses contemporains, R. S. Sturtevant a écrit à son sujet : « Il est probable que peu de ses membres réalisent que l'existence de l'AIS procède des efforts et de l'initiative d'un seul homme, John C. Wister ». Il fut également à l'initiative de la BIS (British Iris Society) qui pour cette raison fit de lui un membre d'honneur et lui attribua sa plus haute distinction, la Foster Memorial Plaque.

A côté de son infatigable dévouement à l'AIS, John Wister fit profiter de nombreux jardins d'iris de son art de paysagiste. Ce fut notamment le cas du Presby Memorial Garden. Voici ce qu'a écrit en 1968 à ce sujet la directrice du jardin, Barbara Walther : « Il a passé un temps infini à aménager le terrain, nous a montré comment planter et soigner les iris, et minutieusement organisé l'entière section historique dont il a été le donateur de presque toutes les plantes, ce qui en fait une des merveille du monde actuel des iris. »

Il avait un certain attachement envers notre pays, qui datait de sa participation au corps expéditionnaire américain engagé dans la guerre en 1916. A Bee Warburton, qui lui faisait un rapport sur le congrès d'Orléans de 1978, il a répondu : « Votre description du jardin de La Source à Orléans m'a fait revenir quelque chose en mémoire : Gertrude et moi avons été accueillis là-bas en 1965 par Marcel Turbat, le fils d'Eugène Turbat dont j'avais fait la connaissance en 1918, quand j'étais encore à l'Armée. J'ai possédé beaucoup d'arbres rares, d'arbustes et de plantes herbacées qui venaient de l'ancienne pépinière Gouchaut et Turbat, avant la guerre et avant l'époque de la quarantaine des plantes, de sorte que mes premières feuilles provinrent de là ; et nous avons entendu les cloches de la cathédrale sonner pour annoncer l'Armistice. Ce fut vraiment le plus grand frisson de toute ma vie. »

C'est pour toutes ces raisons que lorsqu'il fut question de trouver un dédicataire de la plus haute distinction attribuée à un grand iris de jardin (TB) l'honneur lui revint spontanément. Et cette Wister Medal, créée en 1998 seulement, a tout de suite été triplée, de sorte que chaque année ce n'est pas une mais trois Wister Medals qui sont attribuées. Parce que le nombre croissant de grands iris en compétition justifiait cette multiplication des récompenses. Grâce à cette triple médaille, le souvenir de John C. Wister se perpétuera au fil des années. Et ce n'est que justice.

Iconographie : 

'Hello Darkness' – premier récipiendaire de la Wister Medal ; 


'Notta Lemon' 


'Bottle Rocket' 


'Strawberry Shake' derniers a avoir reçu la médaille.

15.12.18

WALTHER CUP : MEILLEUR ESPOIR

La Walther Cup (en version longue : Fred and Barbara Walther Cup) est attribuée chaque année à l'obtenteur de la variété qui cette année-là a obtenu le plus grand nombre de votes pour la « Honorable Mention », premier degré de la course américaine aux honneursquelle que soit sa catégorie. Autrement dit la variété récente qui a été particulièrement remarquée par les juges. La variété ainsi distinguée a le pied à l'étrier pour faire une jolie carrière. Ce qui est souvent le cas. Cette récompense est d'autant plus intéressante qu'au moment où elle est attribuée, les juges ne peuvent pas encore être influencés par une distribution importante ou un lobbying bien orchestré : ils désignent une variété récente, qui commence seulement à se répandre. On va voir au cours des prochaines semaines que si les juges désignent en général une variété particulièrement réussie, faire un parcours sans faute n'est cependant pas acquis d'avance. Comme dans le cursus scolaire il y en a qui brillent dans les petites classes mais qui ont néanmoins du mal à obtenir le baccalauréat ! 

2006/2010 

2006 = 'Decadence' (B. Blyth, 2001) - AM 2008, Wister Medal 2010. 


2007 = Florentine Silk' (K. Keppel, 2004) - AM 2009, Wister Medal 2011, Dykes Medal 2012 


2008 = 'Bluebeard's Ghost' SDB (P. Black, 2006) – AM 2010 ; Cook-Douglas Medal 2012 

2009 = 'Bundle of Love' SFTB (P. Black, 2007)- AM 2011, Knowlton Medal 2013 


2010 = 'Eye of the Tiger' SDB (P. Black, 2008) - AM 2012, Cook-Douglas Medal 2014 

Trois informations à retenir : Un iris australien, naturalisé américain, qui a fait une carrière miraculeuse ; d'autres catégories que les TB se hissent au sommet ; une variété, 'Bundle of Love', pour laquelle il n'existe pas de catégorie précise, qui rafle la récompense destinée aux BB.

LE JOUR OÙ LA PLUIE VIENDRA

Toutes les espèces d'iris n'ont pas les mêmes exigences ni les mêmes réactions en ce qui concerne leur besoin en eau. Tout dépend, en fait, de la situation dans les régions dont elles sont issues. Un iris des régions désertiques n'aura pas les mêmes exigences qu'un autre provenant de zones tropicales. Iris bucharica, qui tient son nom de la région de Boukara en Asie Centrale, et Iris nelsonii, qui pousse en Louisiane, sont forcément foncièrement différents en ce qui concerne leur besoin en eau.

 Disons pour commencer un mot des véritables iris d'eau, ceux qui poussent dans les fossés, au bord des lacs et des étangs ou dans le espaces marécageux. En Europe on parle des iris faux-acores (I. pseudacorus) aux fleurs jaunes, chantés par les poètes et révérés par les historiens qui y voient l'origine de la Fleur de Lys, emblématique de la monarchie française. En Amérique ce sont les I. versicolor qui jouent le même rôle et jouissent de la même attention. Ceux-là sont de couleur bleu tendre, ou bleu-violet et, pour certaines espèces (I. kermesina), d'un rouge pourpré spectaculaire. Là-bas on les appelle « blue flag », ils sont regardés comme les fleurs typiques du pays et le Québec en a même fait son emblème.

Pour ce qui est de l'immersion, on pourrait croire que les iris de Louisiane en soient friands puisque les espèces que l'on a croisées pour leur donner naissance proviennent de contrées quasi tropicales, chaudes et humides, et poussent le plus souvent dans les bayous inondés. Mais dans la pratique, ils prospèrent en terrain humide, certes, mais surtout légèrement acide et riche en matières organiques. Ce sont de gros gourmands ! Et il leur faut de l'eau car ils redoutent particulièrement la sécheresse. D'où leur aptitude à prospérer à l'ombre de grands arbres au feuillage léger qui laissent passer une douce lumière, et leur évite une évaporation trop intense. Après les grands iris barbus, ce sont les iris les plus cultivés actuellement. Les plus grands hybrideurs qui se sont consacrés à eux se situent en Australie, ce qui peut paraître paradoxal, mais le sud de la grande île est particulièrement arrosé et ils y ont trouvé des conditions qui leur conviennent parfaitement, de sorte qu'ils en ont fait leur véritable pays d'adoption.

Sans qu'ils vivent franchement dans l'eau, les plus avides d'humidité doivent être les iris du Japon. Quand je vois une de ces fleurs, je ne puis m'empêcher de penser à ces artistes chinois qui font tourner des assiettes au sommet de fines baguettes avec une grâce et une habileté étonnantes. Les fleurs très aplaties de ces iris se balancent au vent à l'extrémité de tiges fines et solides, au-dessus des plans d'eau où ils poussent. Mais ce ne sont pas des iris d'eau ! Ils se développent très bien, et même plutôt mieux, dans des terrains acides, riches en éléments nutritifs, pourvu que l'humidité y soit maintenue pendant tout la période printanière et en particulier pendant la période de la floraison. Cependant ils montrent toute leur élégance lorsqu'ils sont légèrement immergés au moment où ils sont en fleur. C'est alors un spectacle purement japonais qui laisse une impression inoubliable. En dehors de ce moment, leurs besoins en eau ne sont pas sensiblement plus importants que celui de bien d'autres plantes.

On a tendance à considérer les iris de Sibérie comme des iris d'eau. Ce n'est pas exact. En effet s'ils admettent volontiers les espaces marécageux, ils se plaisent aussi dans les terrains hors d'eau pourvu que ceux-ci soient bien arrosés et maintenus frais, et que le sol soit riche en humus et surtout bien meuble : pas de terrain argileux et compact. Ce sont des iris qui aiment l'humidité, mais ce ne sont pas des iris à immerger. Leurs jolies petites fleurs, le plus souvent dans les tons de bleu, créent une ambiance délicieuse au printemps dans les jardins humides mais bien ensoleillés. Des hybrideurs passionnés leur ont consacré leurs travaux, de sorte qu'on en trouve aujourd'hui de toutes les couleurs propres aux iris, ce qui accroît leur popularité. Ils connaissent aujourd'hui un véritable engouement au point que l'un d'entre eux, 'Swans in Flight' d'un blanc immaculé, a enlevé la Médaille de Dykes.

Jusqu'à présent nous avons vu les espèces ou variétés d'iris qui ont besoin d'une humidité abondante. Mais il existe aussi des iris qui poussent en milieux arides. Ce sont ceux qui sont originaires des steppes d'Asie Centrale ou des zones plus ou moins désertiques du Moyen-Orient. Ces espèces, et les hybrides qui en descendent, ont la particularité de disposer de six barbes (trois sur les sépales et trois sur la face interne des pétales). Ce sont les Hexapogons, I. regelia, I. Oncocyclus...Leurs hybrides sont regroupés sous le nom d'iris Arils et, s'ils sont croisés avec des iris barbus classiques, sous celui d'Arilbreds. Ces iris-là n'ont pas besoin de beaucoup d'eau. Au contraire il leur faut un sol bien drainé, léger et enrichi en humus et en engrais. Leur culture n'est point facile mais leurs couleurs surprennent par leur originalité et leurs motifs exotiques. Le réchauffement que chacun constate de nos jours leur est tout à fait favorable et on peut leur prédire un bel avenir pour peu que les hybrideurs puissent remédier à leur délicatesse.

Chacun sait que nos iris de jardin ne sont pas non plus gourmands en eau. Ils se contentent le plus souvent de celle que le ciel leur envoie (1). Leurs longues feuilles étroites et pointues recueillent la moindre humidité atmosphérique et celle-ci glisse le long de ces toboggans naturels pour alimenter le rhizome. C'est pourquoi ils souffriront vite d'un excès d'eau si celle-ci stagne à leur pied et c'est aussi pourquoi ils poussent si facilement sur les terrains en pente, et même sur les talus. Ce sont des plantes qui sont bien adaptées au climat européen tempéré, mais si le changement climatique devait tirer leur environnement vers des conditions plus méditerranéennes, ils auraient sans doute plus de mal à survivre. Les amateurs et les hybrideurs des pays baltes verraient leurs difficultés s'amenuiser alors que ceux d'Europe de l'Ouest, devraient peut-être se tourner vers les iris de Louisiane !

Souvent les amis des iris scrutent le ciel d'été et guettent le jour où la pluie viendra. Ce jour-là leurs variétés en sommeil commenceront à ce réveiller, et ce sera pour eux le retour de l'espérance d'une floraison printanière réussie. Finalement la pluie fait plus plaisir au jardinier iridophile qu'à l'iris lui-même !

 (1) Une alimentation en eau abondante, pourvu qu'elle soit méticuleusement contrôlée, n'est pas dangereuse pour ces iris. Les rhizomes en profiteront pour grossir et prendre une allure avantageuse mais pas forcément garante d'une résistance à toute épreuve.

7.12.18

LA FLEUR DU MOIS

'La Part des Anges' (Michèle Bersillon, 2008) 

Fogbound X (Sapphire Hills x Surf Rider) 

En terminant le déménagement des mes iris, courant septembre, j'ai remarqué combien 'La Part des Anges' avait bien poussé et quelle était sa vigueur. Il se trouve maintenant transféré au presbytère de Champigny sur Veude où j'espère qu'il prospérera comme il l'a fait dans mon jardin. On en aura une idée au printemps prochain.

C'est une variété dont m'a fait cadeau son obtentrice il y a déjà un peu de temps, du temps où nous avions des relations cordiales qui se sont détériorées par la suite. Mais cette situation n'enlève rien aux qualités de cette plante et à l'intérêt que je lui porte. Ce sont ces qualités qui m'ont déterminé à évoquer cette variété dans la série des « Fleurs du mois ».

Michèle Bersillon est une hybrideuse rare, mais éclectique. En vingt ans d'exercice elle n'a enregistré que vingt-six variétés, dans quatre catégories différentes. Toutes excellentes, ce qui démontre sa rigueur dans ses sélections et l'opportunité de ses croisements. Celui dont 'La Part des Anges' est issu en est la démonstration. En effet il allie la modernité d'un iris Keppel unanimement recherché, 'Fogbound', et le fruit de deux variétés plus anciennes, elles aussi très appréciées à tous points de vue, 'Sapphire Hills' et 'Surf Rider'. Je suppose que l'objectif était double : d'une part obtenir un amoena bleu inversé, d'autre part conférer aux semis venus du croisement la robustesse des iris « vintage ». Le résultat est un peu différent, mais il vaut la peine. Côté amoena, cela n'a pas totalement réussi car le contraste pétales/sépales de 'La Part des Anges' est insuffisant pour qu'on considère la variété comme faisant vraiment partie des amoenas inversés, mais côté robustesse, s'est OK. Et le bleu tendre de la fleur, avec cette pointe de rose sur les barbes qui rappelle celle de 'Fogbound', en fait une variété bien agréable.

Deux mots à propos de ses trois parents. 'Fogbound' (Keppel, 1997) est un iris charmant, qui tient son coloris de base de ses deux parents, 'Spring Shower' (Keppel, 1993) et 'Wishful Thinking' (Keppel,1995) ; ce dernier portant lui-même les gênes de la barbe rose apportés par son propre parent mâle 'Spring Tidings' (Shoop, 1989). 'Fogbound' a raté d'un cheveu la Médaille de Dykes en 2006, battu sur le fil par son frère d'écurie 'Sea Power' (Keppel, 1998), mais a tout de même remporté la Wister Medal (2005) et le concours de Moscou en 2004. Il a été utilisé à maintes reprises par les hybrideurs du monde entier. 'Sapphire Hills' (Schreiner, 1971) est une des meilleures réalisations de ses obtenteurs, du temps de leur splendeur classique. Lui aussi a engendré une descendance nombreuse et fructueuse. 'Surf Rider' (James Tucker, 1970) fait partie des premiers amoenas inversés et, à ce titre, a connu une diffusion mondiale.

'La Part des Anges' est donc un joli iris bleu tendre, aux pétales un peu plus vifs que les sépales, et agrémenté d'une barbe pointée de rose. Au jardin il fait un bel effet. Ses parents sont des variétés précieuses et reconnues comme faisant partie des meilleures (1). Cel dit il aurait peut-être mérité d'êtreencore amélioré, notamment pour accentuer le contraste pétales/sépales. Jusqu'à présent son obtentrice n'a rien enregistré de tel. Cela viendra-t-il ? 'La Part des Anges', tel qu'il est, souffre d'un défaut d'un autre ordre : sa diffusion. Ilest apparu au catalogue Cayeux en 2013 mais n'y a fait qu'une brève incursion puisqu'elle n'a duré que trois ans...On ignore la raison de cette disparition soudaine. Il est dommage qu'il en soit ainsi carc'est une variété qui aurait sa place dans la plupart des collections.

Illustrations : 



'La Part des Anges' 


'Fogbound' 


'Sapphire Hills' 


'Surf Rider' (1) 

Le couple (Sapphire Hills x Surf Rider) a donné naissance en direct à 'Ecume de Mer' (Bersillon, 2009), qui est un iris blanc pur, remarqué au concours de Munich en 2009.

WALTHER CUP : MEILLEUR ESPOIR

La Walther Cup (en version longue : Fred and Barbara Walther Cup) est attribuée chaque année à l'obtenteur de la variété qui cette année-là a obtenu le plus grand nombre de votes pour la « Honorable Mention », premier degré de la course américaine aux honneursquelle que soit sa catégorie. Autrement dit la variété récente qui a été particulièrement remarquée par les juges. La variété ainsi distinguée a le pied à l'étrier pour faire une jolie carrière. Ce qui est souvent le cas. Cette récompense est d'autant plus intéressante qu'au moment où elle est attribuée, les juges ne peuvent pas encore être influencés par une distribution importante ou un lobbying bien orchestré : ils désignent une variété récente, qui commence seulement à se répandre. On va voir au cours des prochaines semaines que si les juges désignent en général une variété particulièrement réussie, faire un parcours sans faute n'est cependant pas acquis d'avance. Comme dans le cursus scolaire il y en a qui brillent dans les petites classes mais qui ont néanmoins du mal à obtenir le baccalauréat ! 

2001/2005 

2001 = 'Starwoman' IB (M. Smith, 1997) - AM 2003, Sass Medal 2005, Dykes Medal 2008 


2002 = 'Happenstance' (K. Keppel, 2000) - AM 2004, Wister Medal 2006 


2003 = 'Delirium' IB (M. Smith, 1999) - AM 2005, Sass Medal 2007 


2004 = 'Cat's Eye' SDB (P. Black, 2002) – AM 2006 ; Cook-Douglas Medal 2008 


2005 = 'Paul Black' (T. Johnson, 2002) - AM 2007, Wister Medal 2009, Dykes Medal 2010. 

Cette fois, rien que des meilleurs, le but de la Walther Cup est atteint.

BIEN DE CHEZ NOUS

Il y a plus d'une douzaine de personnes en France à l'heure actuelle qui enregistrent de nouvelles variétés. Cela signifie que nos compatriotes ont surmonté leur apréhension et pris conscience de la qualité de leur travail d'hybrideurs. Richard Cayeux est le seul qui fasse ça de façon vraiment professionnelle, deux autres bénéficient de la pépinière familiale pour diffuser leurs nouveaux iris ; les suivants soit hybrident par distraction, pour le seul plaisir, soit essaient de commercialiser eux-même leurs cultivars. Mais le marché des iris est un marché de niche et il n'y a pas la place dans notre pays pour un grand nombre d'entreprises commercialement rentables. Comment faire alors pour accroître le rayonnement de la production française et offrir aux hybrideurs une reconnaissance de l'excellence de leur travail ?

A vrai dire la situation française n'est pas tellement différente de celle des autres pays européens. Parce que depuis quelques années, ailleurs comme en France, l'enregistrement de nouvelles variétés explose. Il y a dix ans, en 2008, le fascicule des enregistrements et mises sur le marché (R&I) édité par l'AIS notait 107  variétés européennes nouvelles, tous groupes confondus. Sur ce nombre, dis ans plus tard, combien ont réussi à être mises sur le marché ? En Italie 2 ou 3 entreprises vendent des iris ; en Allemagne elles ne sont pas plus nombreuses, en Grande-Bretagne, c'est pire et dans l'Est de l'Europe, c'est quasiment inexistant. Et ces pépinières distribuent surtout des variétés américaines ou australiennes. Et quand on dit australiennes, il s'agit essentiellement des nombreuses variétés obtenues par Barry Blyth, le seul à voir ses produits sur tous les marchés du monde. Les autres hybrideurs australiens sont beaucoup moins bien représentés. A l'avenir la place de l'Australie risque de s'amoindrir car Blyth vient de cesser son activité et les deux beaux-frères Grosvenor et J.C. Taylor ont plus de 80 ans...

Dans les Etats de l'ancienne URSS, où la production iridistique est considérable, ce sont les obtenteurs eux-même qui se chargent de vendre leurs produits et quelquefois ceux de leurs collègues, mais il n'existe pas de véritable réseau commercial et les variétés occidentales y sont bien représentées.

Ces constatations amènent à la conclusion que seuls les variétés nord-américaines et celles, australiennes, de Barry Blyth sont correctement distribuées à travers le monde (mais pour ces dernières leur présence va aller en diminuant puisque, comme on vient de le voir, leur auteur a pris sa retraite). Avec plus ou moins de réussite des obtenteurs européens ont conclu des accords de commercialisation avec de petites pépinières américaines mais on est loin d'une franche réciprocité ! Y a-t-il un remède à cette situation frustrante ?

Je n'en vois guère dans l'immédiat, tout au moins au plan strictement français. Parce que la vénérable maison Cayeux fait de plus en plus de place à ses propres obtentions et que ce choix, respectable, n'ouvre pas beaucoup la porte aux variétés d'autres obtenteurs : on ne peut pas tout faire ! La maison Bourdillon suit un peu le même chemin puisque les variétés « home made » vont en se multipliant et que sa collection reste très conventionnelle. Iris en Provence manifeste actuellement un plus large esprit d'ouverture. C'est une attitude encourageante dont j'espère qu'elle va prendre de l'ampleur car il n'y a plus lieu d'être circonspect à l'égard des productions françaises et européennes en général, alors que la qualité des variétés américaines apparaît de plus en plus délicate (ou compliquée comme on dit en parlant moderne !). Alors que là-bas la course à la rentabilité et au chiffre d'affaire prend une ampleur inquiétante, au détriment de la vigueur et de la floribondité, il me semble que les pépinières européennes ont tout intérêt à se tourner vers les variétés de notre vieux continent – et françaises en particulier – pour renouveler leurs catalogues. On peut rêver d'une offre où les variétés américaines se limiteront aux iris de quelques obtenteurs chevronnés et portés sur le qualitatif, et où la plus grande place sera attribuée aux variétés bien de chez nous.

Iconographie : 

Cinq variétés récentes et françaises (parmi tant d'autres) qui mériteraient une plus large diffusion : 


 'La Grande Mademoiselle' (Martin Balland - 2016) 


'Princesse Laura' (Sébastien Cancade - 2014) 


'Contre Allée' (Jérôme Boulon - 2017) 



'Aime Bay' (Stéphane Boivin - 2015) 


'Vin du Sud' (Bénédicte Habert - 2017)

2.12.18

WALTHER CUP : MEILLEUR ESPOIR

La Walther Cup (en version longue : Fred and Barbara Walther Cup) est attribuée chaque année à l'obtenteur de la variété qui cette année-là a obtenu le plus grand nombre de votes pour la « Honorable Mention », premier degré de la course américaine aux honneursquelle que soit sa catégorie. Autrement dit la variété récente qui a été particulièrement remarquée par les juges. La variété ainsi distinguée a le pied à l'étrier pour faire une jolie carrière. Ce qui est souvent le cas. Cette récompense est d'autant plus intéressante qu'au moment où elle est attribuée, les juges ne peuvent pas encore être influencés par une distribution importante ou un lobbying bien orchestré : ils désignent une variété récente, qui commence seulement à se répandre. On va voir au cours des prochaines semaines que si les juges désignent en général une variété particulièrement réussie, faire un parcours sans faute n'est cependant pas acquis d'avance. Comme dans le cursus scolaire il y en a qui brillent dans les petites classes mais qui ont néanmoins du mal à obtenir le baccalauréat ! 

1996/2000


1996 = 'Feature Attraction' (Schreiner's Gardens, 1994) – AM, 1998 ; President's Cup 1994 


1997 = 'Fancy Woman' (K. Keppel, 1994) – AM, 1999 ; Wister Medal, 2001. 


1998 = 'Protocol' IB (K. Keppel, 1994) - AM 2000, Sass Medal 2002 


1999 = 'Diabolique' (Schreiner's Gardens, 1997) - AM 2001, Wister Medal 2003 


2000 = 'Midnight Oil' (K. Keppel, 1997) – AM 2002 

Pas de grand champion dans ce quintette, mais rien que des variétés excellentes qui ont bien justifié l'espoir mis en elles.

MON FRANGIN D'AMÉRIQUE

Je m'appelle 'Fashionista'. Je suis né en Australie, tout près de Melbourne, sur la pépinière bien connue de l'obtenteur Barry Blyth. Pendant presque un demi-siècle, ce passionné d'iris a effectué des milliers de croisements, et a enregistré une quantité incroyable de nouveaux cultivars, dont une majorité de grands iris. Je fais partie de cette catégorie pour laquelle Barry Blyth a obtenu une célébrité mondiale. Sa spécialité, ce sont les iris bicolores, et il se trouve que justement je suis un iris bicolore.

L'association du rose et du bleu n'est pas celle qui est la plus appréciée des décorateurs modernes. Elle ne l'était pas non plus de ceux qui ont réalisé les sculptures et les peintures des églises baroques du 18eme siècle, en Europe, qui lui préféraient l'alliance du rose et du vert tendre, laquelle s'accordait bien avec les flots d'or qui ornaient ces édifices. Mais pour les iris, c'est différent. Il y a de très nombreuses variétés de cette sorte. Les spécialistes s'accordent pour dire que les bicolores à pétales roses et sépales bleus ou indigo ont été une création d'une élégante dame américaine, Melba Hamblen, qui a été la première a développer les iris portant ces couleurs. Elle a choisi pour point de départ la variété ‘Lilac Champagne’, enregistrée par elle en 1964 qui allie le jaune pâle et le bleu clair et qui provient de variétés bleus, roses et bicolores blanc et bleu que l'on appelle aussi amoena; elle a travaillé son sujet et est parvenue à ‘Touché’ (1966) qui est déjà un aboutissement, avec ses pétales rose pâle et ses sépales lavande, marqués d’une flamme plu sombre. Ce ‘Touché’, considéré comme un géniteur intéressant, a été utilisé de nombreuses fois non seulement par Mme Hamblen, mais également par beaucoup d’autres obtenteurs. Il se trouve que, dans ce coloris, elle a obtenu au moins deux variétés très belles : ‘Sugarplum Fairy (1979) et ‘Mary D’ (1987), qui ont eu l’un et l’autre une fort belle descendance.

 A côté de ‘Touché’, mais toujours à partir de ‘Lilac Champagne’, vint ‘New Rochelle’ (1973), une autre avancée dans les bicolores rose/bleu, lui-même à l’origine de ‘Heavenly Harmony’ (1977), lequel a engendré ‘Karen’ (83) , l’un des plus beaux de la série, et ‘Frances Gaulter (1982). Enfin, par celui-ci on parvient à ‘Adventuress’ (1984), encore plus vif que ‘Karen’. Je suis un descendant de cet 'Adventuress'.

Vous voulez connaître mon arbre généalogique ? Le voici : Candy Clouds X Poem of Ecstasy. 'Candy Clouds' est aussi un produit de Barry Blyth, enregistré en 2002. C'est un iris rose corail, teinté de magenta aux épaules. 'Poem of Ecstasy' est originaire de Californie ; il est apparu chez Ben Hager, en 1995. C'est de cette variété que je tiens mon coloris, qui la tient elle-même de cet 'Adventuress' dont on parlait il y a un instant. Vous voyez, je descend de 'Frances Gaulter' et, par elle, de 'Lilac Champagne'. Je ne suis donc pas un ovni dans la grande famille des bicolores rose et bleu, et au moins trois de descendants immédiats de 'Poem of Ecstasy' sont proches de mon coloris : 'Broken Heart' (2006), de Tom Johnson, 'Testament' (2006), produit posthume de Ben Hager, et 'Vinna Hora' (2016), obtenu par Zdenek Seidl, en Bohême. Cependant je préfère mes couleurs douces aux leurs, plus vives, et, à mon goût, moins raffinées.

Je suis assez fier de dire aussi, que j'ai un demi-frère en Amérique. Quelqu'un de tout à fait célêbre ! Vous avez forcément entendu parler de lui, c'est 'Florentine Silk' de Keith Keppel, le plus bel iris des États-Unis (et peut-être du monde!) en 2012. Nous avons en commun notre « père » 'Poem of Ecstasy' ; nous sommes donc vraiment très proche parents, et d'ailleurs nous nous ressemblons comme des jumeaux. Regardez ça ! Des deux, je suis le plus clair, mon rose est très tendre et mon bleu, lavande, parfaitement uni. Mon frangin est de teinte un peu plus vive et contrastée ; le bleu de ses sépales est plus varié, avec un centre plus foncé et des bords grisés. Et en plus il est beaucoup plus bouillonné que moi ! Je dois l'avouer, c'est sans doute lui le meilleur de nous deux et il n'a pas usurpé sa récompense.

 'Florentine Silk' n'a pas de frères de semis enregistrés. Mais moi, j'en ai trois ! Ils s'appellent 'Poetic Walk', 'Ruby Haze' et 'Sirocco Mist', tous enregistrés en 2005, comme moi. Chez Barry Blyth, il n'est pas rare de trouver des familles nombreuses. Dans le cas présent, je suis le seul de cet acabit. Mes frères de semis sont tous les trois dans les tons de mauve. Mais s'il est enfant unique, 'Florentine Silk' a déjà plusieurs très beaux descendants. J'en citerai deux, tout récents et bicolores comme nous : 'Moment to Treasure' (T. Johnson, 2016) et 'Dawn's Silence' (Robin Shadlow, 2017). En ce qui me concerne, je ne suis pas peu fier de mes rejetons. 'Ballerina Queen' (B. Blyth, 2007), 'Mayfair Melody' 'B. Blyth, 2010) et 'Dressed to Impress' (J. Ghio, 2017) sont très proches de moi pour ce qui est du coloris. 'Sunset Plaza' (B. Blyth, 2008) ne nous ressemble pas : hasards de la génétique !

Vous voyez, tout ce beau monde porte les gènes de 'Adventuress' et, en remontant encore plus loin dans notre généalogie, de l'ancêtre 'Lilac Champagne'. Et cela grâce au travail de cette charmante Melba Hamblen à qui nous devons tout. Nous pouvons lui dire un fameux merci !

 Filiation résumée : 'Lilac Champagne → 'New Rochelle' → 'Heavenly Harmony' → 'Frances Gaulter' → 'Adventuress' → 'Poem of Ecstasy' → 1) 'Florentine Silk' ; 2) 'Fashionista' 

Iconographie : 


Fashionista' 


'Florentine Silk' 


'Poem of Ecstasy' 


'Ballerina Queen'


'Dawn's Silence'