29.2.20

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissées au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé d'en attribuer trois par an.

Notre feuilleton photographique illustre toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille.

2018 

Les « nouveaux » dont on parlait en 2016 se hissent aux premières places. Les « anciens » vont avoir du mal...


'Notta Lemon' (Tom Burseen, R. 2009) 'That's All Folks' X ( 'Jaw Dropper' pollen parent, x 'Vegas Bound' pollen parent). 


'Bottle Rocket' (Michael Sutton, R. 2009) ('Connie Sue' x 'Let's Boogie') X ('Return Address' x 'Tropical Delight'). 


'Strawberry Shake' (Keith Keppel, R. 2011) 'In Love Again' X ('Crystal Gazer' x 'Adoregon' sibling).

SUPÉRIORITÉ AMÉRICAINE ?

Serait-ce comme en gouvernance ou en politique ? Un sorte d'alternance salutaire. Parce que, tout de même, c'est bien comme cela que les choses se passent. En matière d'iris, bien entendu. Depuis le début de l'hybridation forcée, le petit monde des iris a connu une véritable alternance. La première période a été celle de la France. Elle a duré, grosso modo, de 1830 à 1870. Le mouvement lancé par Marie Guillaume de Bure (1781/1842), ce benjamin d’une famille de libraires et d’éditeurs ayant pignon sur rue, qui occupait son oisiveté à cultiver et sélectionner des iris, a été poursuivi par son élève, le jardinier personnel du roi Louis-Philippe, Antoine-Henri Jacques (1782/1866), et une famille de véritables horticulteurs parisiens, les Lémon, de Belleville. La guerre de 1870, avec l'occupation de Paris par les Prussiens, a mis un terme à cette première aventure. Mais la ferveur pour les iris ne s'est pas pour autant arrêtée.

 Ce sont les Anglais qui ont pris la place. Mais ils ont abordé la question par une autre face. Les Français avaient choisi de sélectionner dans une grande quantité de semis les variétés qui présentaient des caractères originaux ou intéressants. En Grande-Bretagne on s'est penché sur la création de nouveaux croisements interspécifiques réalisés manuellement par des jardiniers ou des scientifiques curieux de créer des plantes franchement nouvelles. Ils avaient le champ libre : les continentaux européens n'étaient pas dans le coup, les Américains ne faisaient que s'éveiller à l'iridophilie. Les premiers à s'être fait connaître sont Peter Barr (1825/1909) et ses fils Rudolph (1861/1920) et William. Mais plusieurs autres horticulteurs comme George Reuthe leur emboîtèrent le pas. Notamment cet éminent professeur de Cambridge nommé Michael Foster (1836/1907), à qui l'on doit l'introduction des iris tétraploïdes dans la génétique des hybrides.

 La main passe. C'est justement grâce à ces iris tétraploïdes que les hybrideurs français sont revenus au premier plan au début du XXe siècle. Fernand Denis (1858/1935) a suivi le chemin tracé par Michael Foster et utilisé I. ricardi (une forme de I. mesopotamica rapportée de Palestine par A. Ricard) pour créer sa propre lignée d'iris tétraploïdes. Une autre famille d'hybrideurs français, les Verdier, qui avaient réussi à se maintenir malgré les difficultés dues à la guerre franco-prussienne se trouva là au bon moment pour profiter du mouvement . Il en est de même pour la famille Millet, de Bourg-la-Reine et surtout pour la fameuse famille Vilmorin, avec la personnalité de Philippe de Vilmorin (1872/1917) accompagné de son fidèle Séraphin Mottet. Ferdinand Cayeux (1864/1948) a très vite rejoint ces grands maîtres des iris et a même pris parmi eux une indétrônable première place. Ceux-là ont amené la France à reprendre le flambeau pour tout le début du XXe siècle, et jusqu'à la seconde guerre mondiale.

Une deuxième fois la guerre a tout bouleversé. L'Europe a eu d'autres occupations que les iris à partir de 1939 et le leadership est alors passé aux Américains qui se tenaient depuis longtemps en embuscade et chez qui la culture des iris avait pris une importance considérable depuis les années 1920. A vrai dire, s'il n'y avait pas eu en Europe des personnalités aussi marquantes que Amos Perry ou William D. Dykes en Grande-Bretagne, ou Ferdinand Cayeux en France, il y a longtemps que les Etats-Unis auraient été considérés comme la nouvelle patrie des iris. D'excellents hybrideurs s'y étaient fait un nom : Amasa-James Kennicott (1838/1863) avait donné l'exemple, bientôt suivi par un grand nombre d'autres comme Bertrand Farr (1848/1924), Grace Sturtevant (1865/1947) ou Benjamin Yoe Morrison (1891/1966)...

Les variétés américaines ont envahi le marché mondial. Dans les années 1960 elles ne laissaient que très peu de place aux iris européens, en pleine remise en marche, et aux plantes de l'hémisphère sud qui, n'ayant pas eu à surmonter les dégâts de la guerre, pouvaient montrer les aptitudes de leurs obtenteurs. Ailleurs dans le monde, rien. Dans la check-list des années 1960 on peut lire les noms d'obtenteurs que tout le monde connait encore et dont certaines variétés ont toujours leur place dans les collections. Paul Cook, Tom Craig, Fred DeForest, Geddes Douglas, Orville Fay, David Hall, Walter Luihn, Tell Muhlestein, Gordon Plough, Fitz Randolph, Nate Rudolph, Kenneth Smith, Ed Watkins, figurent dans la liste des obtenteurs avc bien d'autres qui n'en sont qu'à leurs débuts mais qui deviendront célèbres dans les décennies suivantes. Au cours de celles-ci la place dominante des variétés américaines ne va pas s'amenuiser, au contraire, même si peu à peu des obtenteurs d'autres nation vont se faire une place au soleil. Jean Cayeux en France, Jean Stevens en Nouvelle-Zélande, Brian Dodsworth en Angleterre font partie de ces nouveaux obtenteurs non-américains.

 Cependant peu à peu les choses vont évoluer. Ce n'est pas que les Américains vont régresser, mais ce sont les gens d'ailleurs qui vont être de plus en plus nombreux et de plus en plus maîtres de leur art. Barry Blyth et Graeme Grosvenor en Australie, Harald Moos en Allemagne, Nora Scopes en Angleterre, Richard Cayeux puis les Anfosso en France vont s'imposer. On verra progressivement les grands concours internationaux couronner des variétés d'Europe et même de contrées aussi anecdotiques que l'Ouzbékistan. Et tout cela, c'était avant la disparition du rideau de fer et l'entrée en lice d'obtenteurs russes, tchèques, slovaques, polonais, ukrainiens, slovènes...

Aujourd'hui peut-on encore parler de supériorité américaine ? Tous les connaisseurs d'iris ont chaque année les yeux braqués sur les résultats de la Médaille de Dykes US. Cette récompense est toujours considérée comme couronnant la meilleure variété mondiale. Il est vrai qu'accordée après une compétition qui peut durer dix ans, après des éliminations dignes d'un tournoi de tennis du Grand Chelem décidées par des juges qui ont reçu une formation spéciale et un diplôme, on peut dire que la variété qui triomphe, même si le règlement avantage les variétés issues de grandes pépinières, frise sûrement la perfection. Mais aussi prestigieuse qu'elle soit, cette distinction ne concerne que des variétés nées aux USA ou au Canada. Les variétés non-américaines ne peuvent pas, statutairement, la recevoir. Il n'y a pas encore de Championnat du Monde des Iris. Et encore, une compétition mondiale n'est pas envisageable à l'heure actuelle, pour différentes raisons liées à plein d'impératifs contradictoires, aux susceptibilités nationales et au obstacles financiers et linguistiques. Il faut donc se contenter de ce qui existe : le parcours des honneurs américain, les concours européens, les compétitions de l'hémisphère sud... Et c'est à chacun de se faire son propre classement et à désigner son champion du monde personnel.

21.2.20

AU FEU !

Pour se débarrasser des mauvaises herbes, et des maladies qui affectent nos iris, rien ne vaut le feu. C'est du moins ce que s'est dit un amateur de la côte Est des Etats-Unis. Il en a fait l'expérience et raconte son innovation dans le dernier bulletin « IRISES » de l'AIS. Il est parti de l'idée selon laquelle le feu doit permettre de détruire les adventices qui s'installent dans les touffes d'iris ainsi que les feuilles mortes et les parasites qui infestent le sol. Dans son article il décrit avec minutie ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter lorsqu'on fait brûler ses iris.

 Il commence par rassurer ceux qui sont effrayés à l'idée de mettre le feu dans leur jardin et pensent que les flammes vont détruire purement et simplement les touffes incendiées. Il explique qu'il pratique le brûlis chaque année, en fin d'hiver, avant que le nouveau feuillage des iris ne soit développé. Il répand sur la bordure, y compris sur les touffes d'iris, une fine couche de paille un jour où la pluie ne risque pas d'intervenir inopportunément. Il y met le feu en prenant bien soin de contenir l'incendie aux parties qui doivent être nettoyées. Quand tout ce qui se trouvait sur le sol a été brûlé, les iris ne ressemblent plus guère à une plate-bande de fleurs, mais il paraît que ce traitement extrême plait particulièrement aux iris qui, aussitôt, reprennent leur croissance et profitent de l'engrais naturel que constitue la cendre qui les recouvre. Un mois après ce traitement les touffes ont récupéré et se présentent en pleine forme... Les feuilles sèches ont été détruites ainsi que les maladies qu'elles supportaient, les œufs et larves d'insectes nuisibles ont disparu, les plantes adventices aussi.

 Mais ce traitement radical n'a-t-il que des avantages ? L'auteur de l'article ne l'affirme pas ! Il attire l'attention sur les risques propres au brûlage sur les bâtiments proches et les plantes avoisinantes et admet que ce n'est pas une méthode applicable en milieu urbain, et il reconnaît que les insectes utiles n'échappent pas aux ravages des flammes. Il insiste aussi sur le fait que cette forme d'écobuage peut avoir des effets néfastes sur les iris si le feuillage de l'année est assez développé et si les rhizomes sont un peu trop sortis de terre et il reconnaît que les étiquettes d'identification des variétés doivent être ôtées puis remises en place, avec le risque d'erreur d'identification qui résultent de ces manipulations.

Certains pépiniéristes ou obtenteurs français pourraient être intéressés par la méthode – on a vu pendant des années les céréaliers de certaines régions incendier les champs après les moissons – mais ils savent bien que la plupart des préfectures ont, par arrêté, interdit totalement les brûlages, tant pour les risques d'incendie que pour la pollution générée par le feu. Et c'est très bien ainsi. L'assainissement par le feu présente sans doute quelques avantages, mais les dégâts sur le faune sont considérables (et d'ailleurs notre iridophile américain avoue qu'il doit après cela acheter des larves de coccinelles pour remplacer celles que son initiative auront anéanti). Aux USA les préoccupations écologiques n'ont pas encore atteint leur niveau européen !

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissées au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé d'en attribuer trois par an. 

Notre feuilleton photographique illustre toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille. 

2017 

Retour des Schreiner aux premières lignes. Pour les autres, c'est une joute entre deux vieux lions...

'Reckless Abandon' (Keith Keppel, R. 2009) 'Platinum Class' sibling, X 'Pirate Ahoy' 

'Beauty Becomes Her' ( Paul Black, R. 2010) 'Antiquity' X ('Arctic Express' x ('Prince of Pirates' x 'Romantic Evening')) 


'Black Is Black' (Schreiner, R. 2010) ('Black Butte' x 'Dark Passion') X ('Paint It Black' x 'Thunder Spirit').

UN IRIS EN 2019

par Jérôme Boulon 

Nous sommes en fin d'hiver et la saison 2020 approche à grands pas.

Il m'est toujours difficile de faire un bilan de la saison qui s'est écoulée.

Pour 2019 cependant, j'ai eu la chance, d'aller dans le Gers chez Roland Dejoux (Les Iris de Laymont), de visiter les Iris Cayeux à Poilly-les-Gien dans le Loiret, de passer du temps dans la grande collection du Parc Floral de Paris (Vincennes) que ce soit dans les iris du concours Franciris 2019 ou dans la collection stricto sensu du Parc, et bien sûr de scruter attentivement tous les iris de mon jardin, qu'ils soient variétés nommées ou semis, et aussi ceux présents dans le jardin de mes parents. Au travers de mes pérégrinations printanières, j'ai eu l'occasion de voir des centaines de variétés nommées et un nombre important de semis en observation.

Alors ? Quels sont le ou les iris qui m'ont marqué cette année ? 

 Le premier et le seul qui me vienne à l'esprit avec le recul des quelques mois qui ce sont écoulés depuis la floraison, c'est 'Lueur d' Azur' enregistré en 2011 par Alain Chapelle (Le Jardin d'iris Bubry). Touffe magnifiquement développée dans mon jardin, longue floraison et branchement exemplaire, belle fleur très lumineuse avec sa jolie association de jaune et bleu, certains diront un variegata. Certes ! Mais un variegata de grand classe. Tout m'a séduit cette année dans cette belle variété d'iris. C'est sans conteste mon coup de cœur de l'année 2019.

J'ai d'autres noms de variétés ou de numéro de semis d'iris qui m'ont frappés, interpellés, ou pour lesquels j'ai eu un coup de coeur, mais avec le filtre des quelques mois passés depuis le printemps 2019, c'est bien 'Lueur d'Azur' mon chouchou de 2019.

Que dire de plus sur cette belle variété ?

D'abord, son pedigree : 'First One' X 'Decadence'

Ses parents sont donc 'First One' du côté maternel : Un iris enregistré par Alain Chapelle en 2007, lui même issu du croisement ('Yaquina Blue' X 'Rebecca Perret'), croisement réalisé en 2000 si l'on en croit son numéro de semis 2000/10-1 ; 'Decadence' est, lui, l'apporteur de pollen : je ne présente pas cette célèbre et controversée variété obtenue par le maître Australien Barry Blyth. On peut donc voir qu'au travers de ses parents et grand-parents 'Lueur d'Azur' est une variété issue de variétés connues et réputées. Les chiens ne font pas des chats ! Les sangs des iris des lignées Schreiner, Cayeux et Blyth sont mêlés dans mon totem de 2019.

 Le talent d'Alain Chapelle a été de sélectionner, via cette succession de deux croisements, ce beau et robuste variegata qu'est 'Lueur d'Azur'.

Illustrations : 


 'Lueur d'Azur' 

'First One' 


'Yaquina Blue' 


'Rebecca Perret'

7.2.20

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissées au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. 
 Mais depuis 1998 l'AIS a décidé d'en attribuer trois par an. Notre feuilleton photographique illustre toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille.

 2016 

Cela donne l'impression d'un duel entre Thomas Johnson et Keith Keppel. Mais gare ! Il y a des concurrents qui affûtent leurs armes et dont on va parler dans les années à venir.


'Sharp Dressed Man' (Thomas Johnson, R. 2010) ('Paul Black' X 'Saturn')


'Haunted Heart' (Keith Keppel, R. 2009) ('Last Laugh' x ('Électrique' x 'Romantic Evening'))) X ('Hello It's Me' x 'Reckless In Denim').


'Tuscan Summer' (Keith Keppel, R. 2009) sibling de 'High Octane' pollen parent, X 'Drama Queen'.

LA FLEUR DU MOIS

‘Afternoon Delight' (Richard Ernst, 1983)
 ('Countryman' x 'Outreach') X ( 'Mary Frances' x 'Lombardy') 

S'il y a un hybrideur qui a été ostracisé, c'est bien de Richard Ernst qu'il s'agit ! Son parcours dans la carrière fut pourtant exemplaire. Né à Silverton, en Oregon, dans une famille vouée entièrement aux iris, il a naturellement pris la succession de son père à la tête de Cooley's Gardens, Inc lorsque la santé de ce dernier s'est irrémédiablement altérée. Déjà, depuis une quinzaine d'année il avait embrassé la carrière d'hybrideur. Ses premiers enregistrements datent de 1983. Les registres de l'AIS indiquent qu'il a enregistré 252 variétés, tous des TB à l'exception d'un seul BB. Pourtant cette importante production ne lui a valu que 49 HM, 7 AM une seule Wister Medal, en 2007, pour 'Ring Around Rosie' (2000). Ce ne sont pourtant pas les variétés de premier plan obtenues par lui qui manquent et qui ont connu, commercialement, un succès que ses pairs lui ont refusé. Parmi ces variétés aimées du public et diffusées partout à travers le monde, se trouve 'Afternoon Delight', qui est aussi l'une des ses premières introductions.

'Afternoon Delight' est décrit comme : « pétales d'un brun rosé et infusé de bleu lavande, légèrement dentelés ; sépales bleu lavande avec une bordure brun rosé doré, épaules jaune d'or, traces de blanc auprès de la barbe jaune ». C'est un modèle et un coloris qui n'étaient pas rares pendant l'âge d'or des iris (1970/1990), mais qui, en la circonstance, prenaient une importance qu'ils n'avaient pas connue auparavant. Malgré ses qualités cet iris a mis 10 ans pour parvenir au stade des AM, et n'a pas avancé au-delà dans l'échelle des honneurs.

 Ses géniteurs ne sont pas des variétés enregistrées, mais on connaît ses grands-parents. Il s'agit de deux variétés jaunes et de deux variétés mauves. 'Countryman' (Gaulter, 1975), une variété bien connue, est un iris jaune avec un spot blanc sous les barbes ; 'Outreach' (J. Nelson, 1968), jaune avec un large centre blanc, est d'un modèle bien connu sous le nom de « Joyce Terry pattern », il a figuré longtemps dans les catalogues de notre pays et, dans mon jardin, a connu une carrière honorable. Pour ce qui est de la branche mauve, il s'agit d'une part de 'Mary Frances' (Gaulter, 1971), une variété dont on ne fait plus la description tant elle est connue et reconnue après avoir obtenu la Médaille de Dykes en 1979, et qui est toujours largement présente dans nos jardins y compris dans le mien - donc maintenant dans la collection du presbytère de Champigny / Veude - , et d'autre part de 'Lombardy' (Gaulter, 1973), autre numéro de la série des iris mauves de Larry Gaulter, cependant moins connu que le précédent. On peut s'étonner qu'un croisement entre un iris jaune et un iris mauve puisse aboutir à un assemblage de couleurs où ni le jaune ni le mauve ne sont présents. Cependant en approfondissant la recherche il apparaît que l'un des ascendants de 'Outreach', 'Foreign Affair' (J. Nelson, 1963), est décrit comme : « pétales au revers brun doré et face pourpre pensée ; sépales pourpre pensée liseré brun ; barbes jaune pointé bleu », un coloris qui provient de 'Hudson Bay' (G. Plough, 1957) : on peut se ressembler de plus loin !

Du côté de sa descendance, 'Afternoon Delight' n'est pas mal loti. Mais on s'aperçoit que de ses 63 rejetons directs, 40 on été obtenus par Rick Ernst lui-même, lequel, apparemment, était convaincu des aptitudes de son cultivar. Les autres utilisateurs sont des amateurs à l'exception de Tom Burseen et de nos compatriotes Mélie Portal et Gérard Madoré. Dans la liste des 40 variétés obtenues par Rick Ernst figurent de nombreux iris qui ont eu une belle carrière commerciale (grâce évidemment au catalogue maison de Cooley's Gardens, à l'époque encore plus important que celui de la famille Schreiner). Parmi ces jolies fleurs, notons plusieurs amorces d'amoenas inversés comme 'Envisioned Dream' (1990) ou 'Rainbow Goddess' (1994), des fleurs roses (ou magenta) comme 'Hidden World' (1990) ou 'Feminine Fire' (1991), mais surtout des variétés à l'aspect proche de celui de 'Afternoon Delight' : 'Different World' (1991), 'Waffle Talk' (1994)... Il paraît que c'est dans la déclinaison à l'infini d'un même modèle que se trouverait le désamour entre Ernst et les juges américains... Quand on voit ce qui se produit de nos jours, avec tous ces iris quasi semblables qui apparaissent chaque année, on se dit que les juges vont avoir du mal à distinguer les futurs récipiendaires des récompenses !

 A côté des variétés enregistrées par Richard Ernst, faisons une petite place aux deux variétés françaises issues de 'Afternoon Delight' : 'Feu de St Jean' (M. Portal, 2011) et 'Roazhon' (G. Madoré, 2013). La première est un  « rouge » de deux tons, bien classique, la seconde, dernière obtention de son hybrideur, dédiée à la ville de Rennes (Roazhon en breton), affiche les mêmes tons que 'Afternoon Delight', son parent femelle.

C'est avec des fleurs comme 'Afternoon Delight', qu'on constate aujourd'hui que les iris ont sérieusement évolué depuis quarante ou cinquante ans. On est en face d'une fleur élégante, mais dont le classicisme est maintenant très daté.

Illustrations : 


 'Afternoon Delight' 


'Outreach' 

'Lombardy'

'Waffle Talk' 


'Feu de St Jean'

CE QUI CLOCHE

Dans le petit monde des iris tout tourne autour des récompenses délivrées chaque année par l'American Iris Society (AIS). On aurait pu penser que les décisions prises aux Etat-Unis ne pouvaient guère avoir d'effets ailleurs dans le monde, mais c'est tout le contraire. En effet les USA ont pris un tel poids dans ce qui concerne les iris que tout ce qui se passe là-bas à des répercussions dans tous les autres pays. C'est particulièrement vrai pour ce qui est des coupes et médailles qui ont été instituées pour récompenser les plus belles variétés. Rappelons brièvement en quoi consiste le système des honneurs :
1) les « Honorable Mentions » - pour effectuer un premier tri parmi les très nombreuses variétés mises sur le marché américain chaque année ;
2) les « Awards of Merit » - second niveau sélectionnant un nombre limité de variétés pouvant prétendre aux plus hautes récompenses ;
3) les Médailles catégorielles – une par catégorie (trois pour les TB) ;
4) la Médaille de Dykes – distinction suprême, toutes catégories confondues, attribuée à une seule variété chaque année.

Pour chaque niveau chaque variété reste en lice pendant trois ans ; dès qu'elle a été honorée elle passe dans le panel du degré supérieur. Pour évaluer tous ces iris il y a des juges – nombreux – qui ont reçu une formation particulière, qui visitent chaque année le plus grand nombre possible de jardins et repèrent puis notent les variétés dont on leur a fourni la liste. Ils tiennent une fiche au nom de chacune des variétés appréciées et donnent une note globale à chacune, qu'ils envoient au Comité de notation lequel fait les additions et dresse la liste des lauréats. Dans une chronique publiée récemment sur le blog de l'AIS, Tom Waters, un irisarien bien connu, fait le procès de ce système. Comme je l'ai fait moi-même ici plusieurs fois, il fait remarquer que les obtentions des grands hybrideurs, que l'on peut voir dans de nombreux jardins parce qu'elles sont bien commercialisées, sont outrageusement avantagées par rapport à celles des petits obtenteurs dont les ventes restent faibles, puisque les premières, vues fréquemment, sont beaucoup plus souvent notées que les secondes. Il en déduit que ce ne sont pas forcément les meilleurs variétés qui sont récompensées, et que le système ne joue donc pas toujours en faveur d'une élévation du niveau général des iris. Il propose donc un autre système d'appréciation où les variétés ne reçoivent pas une notation binaire (je la retiens ou je ne la retiens pas) mais une note attribuée selon un barème valorisant leurs caractéristiques. En fin de compte chaque iris recevrait une note générale moyenne, ce qui rétablirait une certaine égalité entre variétés abondamment rencontrées par les juges et variétés plus confidentielles. La démonstration de Tom Waters est la suivante : « Supposons qu’environ 400 juges votent. L'iris A, issu d'un célèbre hybrideur, que beaucoup d'amateurs d'iris commandent,l est donc distribué et cultivé à grande échelle. 350 de ces juges l'ont vu dans un jardin. C'est un bel iris, mais seulement 10% des juges qui l'ont vu pensent qu'il devrait remporter le prix. 10%, c'est encore 35 juges! Considérons maintenant l’iris B, introduit par un jardin d’iris plus petit qui ne vend que quelques iris chaque année. Peut-être que seulement 20 juges l'auront vu. Mais l’iris B est extraordinaire! Il est tellement bon à tous points de vue que 90% des juges pensent qu'il devrait remporter ce prix ! Mais 90% de 20 juges cela ne fait que 18 voix, si bien que l’iris B n’obtient que la moitié des suffrages de l’iris A, bien que ce soit clairement lui le meilleur. » Il ajoute ces précisions : « Considérons à nouveau nos deux iris hypothétiques. Supposons que les juges qui votent pour l'iris digne de l’attribution l’évaluent à 5 étoiles et ceux qui l’ont vu mais ne croient pas en lui lui attribuent 3 étoiles. L'iris A, que 350 ont vu mais pour qui seulement 10% ont voté, aurait une note moyenne de (315 x 3 + 35 x 5) / 350 = 3,2. L'iris B, pour lequel seuls 20 juges, mais 90% ont voté, aurait une note moyenne de (2 x 3 + 18 x 5) / 20 = 4,8. Iris B est clairement le vainqueur, comme il se doit.

Dans ce système, les juges saisiraient une note pour chaque iris qu’ils auraient évalué. Ils n'auraient pas à choisir, comme dans le système actuel celui qu'ils considèrent comme le meilleur pour recevoir un prix. Ils pourraient attribuer une note élevée à un certain nombre d’iris mais s’ils leur voyaient de graves insuffisances, ils pourraient leur attribuer des cotes faibles, ce qui réduirait la note moyenne et réduirait le risque que les iris les plus médiocres obtiennent des récompenses. » Cela semble effectivement plus équitable.

 Ce système aurait, à mon avis, un autre avantage : alors qu'aujourd'hui les obtenteurs proposent chaque année des variétés nouvelles de plus en plus nombreuses, ce qui aboutit à disperser les votes, chaque iris aurait les mêmes chances, qu'on le rencontre à tous bouts de jardin ou qu'il reste une rareté.

Il faut cependant relativiser le risque de voir un iris de faible qualité obtenir une médaille. En effet l'expérience démontre que les variétés primées sont en général de bons iris. C'est le cas entre autres des variétés signées Keppel ou Schreiner. Y a-t-il des cas d'erreur flagrante ? Je n'en vois pas, hormis peut-être l'attribution de la Médaille de Dykes à 'Mesmerizer' qui, à mon avis, n'a obtenu cette récompense que parce que la mode des éperons était alors à son comble et qu'il était indispensable qu'un iris de ce modèle soit distingué ; les juges auraient ainsi cédé à la mode. Mais c'est peut-être une médisance de ma part! On a vu aussi le cas de variétés valeureuses et correctement commercialisées inexplicablement écartées par les juges. En sens inverse il y a de nombreux exemple de variétés très méritantes qui sont passées à la trappe pour cause de diffusion insuffisante (et en conséquence de manque de voix).

 Il n'existe sans doute pas de système parfait, mais on peut, comme le fait Tom Waters, imaginer quelque chose qui pourrait être meilleur que le système actuel.

Illustrations : 

'Debby Rairdon' (H. Kuntz, 1964) : un outsider parvenu à la gloire. 


'Mesmerizer' (M. Byers, 1990) : une récompense de circonstance ? 


'Afternoon Delight' (R. Ernst, 1983) : un cas d'ostracisation ? 

'Country Manor' (El. Kegerise, 1972) : un iris remarquable injustement négligé.

1.2.20

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissées au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé d'en attribuer trois par an. 

Notre feuilleton photographique illustre toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille. 

2015

Année calme...

'Money In Your Pocket' (Paul Black, R. 2007) 'Walking On Air' X 'Walking On Air' sibling. 

'Snapshot' (Thomas Johnson, R. 2007) 'Bold Vision' X 'Next Millennium'. 

'Temporal Anomaly' (Richard Tasco, R. 2007) 'Tennessee Woman' X 'Celestial Explosion' sibling.

TROIS ÉPOQUES, TROIS FLEURS

Depuis les débuts de l'hybridation artificielle, les hybrideurs n'ont eu de cesse d'apporter des améliorations constantes à l'apparence de la fleur d'iris de façon à la rendre plus résistante et plus belle. Les trois fleurs dont il va être question maintenant en apportent une agréable preuve. Il s'agit de trois fleurs bleues, la couleur la plus répandue mais dont on pouvait imaginer qu'elle n'intéressait plus les hybrideurs tant elle était courante et tant on pouvait penser qu'elle avait atteint son apogée. Mais il n'en est rien et l'on découvre chaque année de nouveaux iris bleus présentant toujours quelque chose de neuf qui renouvelle l'attirance des amateurs vers cette couleur.

 'Zampa' (F. Cayeux, 1926) 

Commençons par 'Zampa'. Peut-on faire plus bleu que ce bleu-là ? On n'est pourtant qu'en 1926. Ce qui frappe, c'est la pureté de la fleur : la couleur bleue est parfaitement uniforme. Pétales et sépales sont bleus presque pur - à peine une légère coloration violacée qui ne fait que souligner le bleu général – , marbrures blanches très discrètes sur les épaules, et superbes barbes jaunes. Quand il a réalisé cette splendeur, Ferdinand Cayeux n'en était pas à son coup d'essai. Déjà 'Gloriae' (1924) était une belle réussite, mais les sépales étaient plus violacés que les pétales. Avec 'Zampa' l'amélioration est indéniable. Dommage que les documents officiels ne fournissent aucune information sur le pedigree de l'un et de l'autre de ces variétés... Notons aussi la forme parfaite de la fleur ; les proportions sont excellentes , les sépales ne s'écroulent pas, les pétales forment un dôme parfait. Trait caractéristique de l'époque, il n'y a pas la moindre ondulation, c'est un classicisme absolu. En ce temps-là, ne l'oublions pas, les ondulations n'étaient pas considérées comme de gracieuses fantaisies mais au contraire comme des défauts à éviter autant que possible.

La Médaille Française de Dykes n'était pas encore instituée, mais l'aurait-t-elle été, il est à parier que 'Zampa' l'aurait obtenue.

 'Pacific Panorama' (N. Sexton, 1960) 

Analysons le chemin parcouru en trente et quelques années. Ce qui frappe ce sont les ondulations qui étaient totalement absentes chez 'Zampa'. Ici elles sont bien présentes, mais restes discrètes. Cela donne à la fleur de la légèreté et de la souplesse. En revanche du côté de la couleur il n'y a pas vraiment d'amélioration : le bleu semble même à la fois moins vif et moins lumineux. On ressent une impression de froideur accentuée par les barbes blanches, pointées de bleu et l'absence de marbrures aux épaules. 'Pacific Panorama' a obtenu la Médaille de Dykes en 1965, après un parcours sans faute dans l'échelle des honneurs. Ses qualités il les doit à ses deux parents : 'Swan Ballet' (T. Muhlestein, 1953) a également reçu la DM, en 1959 ; 'South Pacific' (K. Smith, 1952) était considéré comme le meilleur bleu de sa génération, avec tous les attraits de son parent féminin 'Cahokia' (E. Faught, 1948) et de 'Lady Ilse' (K. Smith, 1950), tous deux issus de 'Great Lakes' (L. Cousins, 1938), le plus fameux des bleus des origines.

Quels que soient ses mérites, je trouve que 'Pacific Panorama', néanmoins typique de son époque, n'a pas fait des progrès fantastiques depuis 'Zampa'.

'Sea Power' (K. Keppel, 1998) 

Près de quarante ans se sont écoulés depuis 'Pacific Panorama' au cours desquels bien des changements sont intervenus dans l'apparence des iris. 'Sea Power' en est la parfaite illustration. C'est un « bleu de chez bleu » puisque ses parents sont de cette couleur et qu'ils descendent l'un et l'autre d'une lignée de bleus où l'on retrouve d'ailleurs plusieurs racines déjà rencontrées chez 'Pacific Panorama' et 'Pacific Panorama' lui-même. C'est une famille où l'on collectionne les Médailles de Dykes et les autres décorations ! En ce qui concerne le coloris, on était parvenu bien avant à une quasi perfection, c'est à dire un coloris pratiquement exempt de violet et uniformément distribué. Reste la forme de la fleur. Et là on constate du changement ! Les ondulations modérées de 'Pacific Panorama' se sont accentuées ; elles apparaissent abondamment sur les sépales mais c'est essentiellement sur les pétales qu'elles règnent. A ce niveau, on ne parle plus d'ondulations mais de bouillonné. Un travail qui fait penser aux jabots de soie des cravates agrémentant les chemises des beaux messieurs de la cour de Louis XV, en France. Au milieu de ces flots de frisettes les barbes, blanches, sont à peine apparentes. La fleur y a gagné un raffinement qui séduit mais les puristes craignent que ces parures rococo ne compliquent l'épanouissement des pétales. Quoi qu'il en soit, et seulement sur le plan de l'esthétique, l'évolution saute aux yeux et la fleur y a gagné en élégance.

Que nous réserve l'avenir ? Est-on parvenu à un point de non-retour ? Y a-t-il des évolutions à attendre ? Si elles se produisent, seule la nature – même si les hybrideurs l'aident – en est détentrice. Mais on peut faire confiance au génie humain pour aboutir à toujours plus de beauté.

Illustrations : 
 



'South Pacific' 


'Pierre Menard' (Eva Faught, R. 1946), frère de semis de 'Cahokia' et au pedigree de 'Sea Power'.