28.5.22

HELEN VON ZEPPELIN

Dans le dernier numéro de « ROOTS », journal de la HIPS (Historic Iris Preservation Society) Cathy Engerer a dressé le portrait de Helen von Zeppelin, hybrideuse allemande de renommée mondiale ; la présente biographie est dérivée de cet article. 

 La pépinière « Gräfin von Zeppelin » existe toujours, c'est même l'une des principales exploitations dédiées aux iris présente en Allemagne. Elle a été créée par Helen von Zeppelin en 1948 a partir de sa propre collection d'iris. Elle se situe à Laufen, agréable petite ville blottie au pied de la Forêt Noire, un peu au sud-est de Freiburg et tout prêt des frontières avec la Suisse et la France. 

 Il n'est pas fréquent que des aristocrates tournent leur activité en direction des iris. Philippe de Vilmorin, en France, en est le plus bel exemple, et Helen von Zeppelin en est la continuatrice. Elle est née en 1905 à Metz, alors en Elsass-Lothringen (Alsace-Lorraine), dans une famille noble dont l'un des membres, Ferdinand, est l'inventeur des célèbres ballons dirigeables qui portent son nom, et dont Helen est la nièce. Revenue dans le château familial d'Aschhausen, dans le Württemberg, la jeune Helen fait montre d'indépendance et de goût pour les activités physiques dans la nature. Après la guerre de 1914 elle a pris la charge de l'entretien du domaine familial et a commencé à s'intéresser aux iris. A partir de 1926 elle est étudiante en horticulture à Berlin, en même temps qu'elle prend la charge de la propriété de sa grand-mère à Laufen où elle s'installe à temps complet en 1930. Elle acquiert de nouvelles terres et elle crée sa pépinière qui, au début vend plusieurs sortes de plantes mais qui se spécialise dans les iris au fur et masure que la collection s'élargit de manière à offrir un choix suffisant. L'affaire est entendue en 1948. Pendant la guerre, contrainte de délaisser les cultures ornementales pour se consacrer exclusivement aux légumes , la comtesse von Zeppelin a bien cru qu'elle allait perdre toute sa précieuse collection. Elle a donc conservé uniquement un rhizome de chaque variété qu'elle a dissimulé au milieu des choux et des salades ! Elle a même poursuivi ses hybridations, si bien qu'après guère elle a pu proposer ses propres réalisations en même temps que les variétés préservées. Cependant elle n'a pas cru devoir enregistrer ces nouvelles variétés. Ce n'est qu'une quinzaine d'années plus tard qu'elle s'est décidée à accomplir les formalités d'enregistrement pour deux seulement de ces obtentions : 'Scherzo', en 1958 et 'Aglaja von Stein' en 1962. 

 Helen von Zeppelin s'est adjoint les éminents service de Suzanne Weber. Les deux femmes dont les compétences se sont additionnées ont fait de pépinière de Laufen l'une des plus riches et des plus réputées au monde. Il est remarquable de noter que ce genre de collaboration est du même ordre que celle de Philippe de Vilmorin et de Séraphin Mottet ou celle, en Suisse, du docteur Bovet et de Gaby Martigner. Dans les cas de ce genre le lien de subordination s'efface pour laisser place à une étroite et fructueuse complicité. 

 La collection d'Helen von Zeppelin, avec le temps, a pris des proportions importantes ce qui a rendu son entretien difficile et coûteux de sorte que la comtesse a négocié sa sauvegarde avec le Merian Park de Bâle, où elle a été transférée et dont elle constitue l'une des attractions actuelles : plus de 1500 cultivars ! 


 Helen von Zeppelin est décédée en 1995. Sa fille Aglaja, puis son petit-fils Frederick ont continué l'exploitation de la pépinière jusqu'à nos jours. Elle a laissé le souvenir d'une grande dame profondément dévouée à la cause des iris.

20.5.22

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Concours de Florence 2022 

 Voici les résultats du concours de Florence 2022. 
1 Fiorino d'oro = 'Matka Theresa' (Robert Piatek, 2019) 

2 'Controcorrente' (Roberto Marucchi, 2022) 
3 'Kriminal' (Augusto Bianco, 2018) 

4 semis Bianco non enregistré 
5 'Soleil sur Uluru' (Roland Dejoux, 2020) 

6 'Aria Sottile' (Angelo Garanzini, 2019) 

7 'Soleil de Laymont' (Roland Dejoux, 2019) 

8 'Archidado' (Simone Luconi, 2022) 
9 'Violetta' (Valeria Negri, 2022) 
10 'Tenue Speranza' (Mauro Bertuzzi , 2022). 

Le jury international était présidé par Jérôme Boulon qui est la personne française la plus compétente et la plus expérimentée dans ce genre d'exercice. Aucune variété américaine n'était en compétition : problème d'autorisation d'importation. Cela change évidemment les conditions du concours. Mais cela libère aussi l'espace aux variétés européennes, tout aussi valeureuses. 

Le triomphe de 'Matka Theresa' (Mère Thérésa) n'est pas un miracle ! Il s'agit d'une variété de grande classe, œuvre d'un obtenteur polonais prolifique et brillant, qui mérite amplement cette récompense. Les places d'honneur obtenues par les iris de Roland Dejoux reconnaissent le travail sérieux et opiniâtre de cet hybrideur. La présence dans ce palmarès de nombreuses variétés italiennes confirme le développement important de l'iridophilie chez nos voisins. Un phénomène que l'on constate aussi chez nous et un peu partout en Europe.

LE CHARME DES AMOENAS

Au mois de SEPTEMBRE 2010 , Irisenligne a publié un article sur l'historique des iris amoenas. Cet article va réapparaître cette semaine, un peu remanié pour tenir compte du développement de son thème. 

 De nos jours, obtenir un iris aux pétales blancs et aux sépales colorés – à l'origine bleus - est à la portée de tous ceux qui hybrident, mais il n’en a pas toujours été ainsi, et si le travail est maintenant facile, il fut un temps où cette disposition des couleurs était exceptionnelle. 

 Dans les années 30, obtenir un amoena était un événement. En effet, pour des raisons que l’on ne s’expliquait pas, alors que de très nombreux bicolores voyaient le jour, les iris blanc sur bleu restaient exceptionnels. On attribuait ce peu de résultats à une relative rareté des parents potentiels et au faible pouvoir germinatif des graines. Le défi d’obtenir des amoenas a provoqué une certaine émulation chez les obtenteurs de l’époque. De grands noms comme Geddes Douglas, Paul Cook ou Robert Schreiner l’ont relevé. C’est cependant Jesse Wills qui, le premier, a fourni une explication basée sur sa propre expérience et sur les travaux de ses confrères. Il a fait le point dans un article publié en 1946 dont Richard Cayeux a donné une excellente traduction dans son livre « L’iris, une fleur royale » :  « Les croisements entre amoenas, et même entre amoenas et les autres bicolores sont difficiles à réussir ; de plus le taux de germination des graines ainsi obtenues est inférieur à la moyenne. Quant au développement des plantules, il est lent, surtout la première année, ce qui retarde encore la floraison, de sorte que l’on doit souvent attendre la seconde, voire la troisième année, pour porter un jugement sur les iris provenant de ces hybridations. » Il ajoute, d’après ces constatations, que le blanc des pétales est un caractère récessif, et que « si les chances d’obtenir un amoena sont d’une sur trente-cinq, combien petite sont-elles quand seulement cinq ou six semis provenant d’un croisement peuvent pousser et fleurir ». Ces conclusions peu encourageantes ont incité l’AIS, sous la houlette de L.F. Randolph, d’inclure les amoenas dans une étude génétique sur la couleur des fleurs. 

 ‘Wabash’ (E. B. Williamson 36) a marqué le début d’une longue histoire. Cet iris aux pétales blancs et aux sépales bleu pourpré liserés de blanc, est le point de départ des iris amoenas. Il est le résultat du croisement de deux autres produits du même obtenteur, ‘Dorothy Dietz’ (Williamson 30) et ‘Cantabile’ (Williamson 31). Il est aussi à l’origine de ‘Bright Hour’, une obtention qui a profité des études lancées par l’AIS. 



 Cependant 'Wabash’ n’a pas eu de véritable descendance. C’est en grande partie à cause des travaux de Paul Cook et de ce qui est advenu à partir de l’apparition de ‘Progenitor’. De cette plante insignifiante sont venus ‘Melodrama’ (Cook, 1956), ‘Whole Cloth’ (Cook, 1957), ‘Emma Cook’ (Cook, 1957), ‘Miss Indiana’ (Cook, 1961) et d'autres d'un intérêt exceptionnel qui nous valent de disposer aujourd'hui d'un panel pratiquement infini d'iris amoenas et bicolores. Paul Cook n'a pas poursuivi dans la direction ainsi tracée. Il a laissé cette tâche à d'autres, lesquels ont multiplié à l’infini le modèle amoena. Leur travail est parti essentiellement de ‘Whole Cloth’, celui des trois principaux descendants de ‘Progenitor’ qui affiche le plus franchement les caractéristiques du modèle. 

 Aujourd’hui les amoenas sont innombrables et on en trouve dans tous les coloris. Avec des sépales bleus –ou violet – bien entendu, comme l’inaltérable ‘Alizés’ (Cayeux, 1991) ou son petit cousin ‘Deltaplane’ (Cayeux, 1993) ; en jaune comme ce qu’en un temps obtenait Barry Blyth, en Australie, et qui nous vaut ‘Alpine Journey’ (1983) ou ‘Aura Light’ (1996) ; en rose, ce dont Dave Niswonger s’est fait une spécialité qui a abouti à ‘Champagne Elegance’ (1987) et qui fut l'inaccessible Graal de Barry Blyth – voir ' Bashful Love' (2014) - et dans toutes les autres couleurs y compris le « vert » comme chez ce semis de Stéphane Boivin, pas encore enregistré. 








 On n’a pas fini de parler des amoenas car c’est un modèle qui plaît à tout le monde. Son succès dure parce que l’association du blanc des pétales, au coloris vif des sépales, par son contraste, attire l’œil tout en générant une impression de douceur et de calme. Les amoenas sont effectivement charmants.





14.5.22

DE LA BARBE AUX ÉPERONS

Au mois de mars 2006 – seize ans déjà – Irisenligne a publié un article intitulé « Extension du domaine de la barbe », un titre houelbecquien qui n’annonçait pas quelque chronique sulfureuse mais s'adaptait fort bien au sujet qui y était traité. Cet article va réapparaître cette semaine, un peu remanié pour tenir compte du développement de son thème : la barbe et ses extensions. 

 La nature ne manque jamais d’imagination quand il s’agit d’assurer la perpétuation des espèces. Pour certains iris, ceux qui sont dits « eupogons » ou « pogoniris », qui sont ceux dont on parle le plus souvent ici, elle a préparé un leurre étonnant pour convaincre les insectes, et en particulier les gros bourdons qui sont seuls suffisamment volumineux pour pouvoir se charger du pollen de la plante, d’entrer jusqu’au cœur de la fleur. Elle a d’abord créé pour eux une vaste piste d’atterrissage : les sépales, mais pour mettre toutes les chances de son côté, elle a ajouté des guides fallacieux : les barbes. Elles ont l’apparence de ces champs d’étamines où les insectes savent instinctivement qu’ils vont trouver du délicieux nectar. Ils vont donc se poser sur ce champ, mais là, point de nectar, point de pollen non plus. Alors ils s’enfoncent plus avant vers le cœur de la fleur en suivant cette ligne conductrice toute tracée. Ils trouveront enfin ce qu’ils recherchent, mais au passage ils seront passés sous les anthères des étamines, auront provoqué leur inflexion et reçu sur leur dos poilu le pollen de la fleur. Ce pollen, ils le déposeront tout aussi involontairement sur les lames des stigmates de la fleur dans laquelle ils pénétreront ensuite. La fécondation croisée se trouve assurée par cet astucieux système pour lequel la fleur à fait preuve d’une rouerie admirable. 

 Les barbes auraient pu en rester là : assurer le cheminement des bourdons. Mais les hommes, lorsqu’ils ont commencé à jouer eux-mêmes le rôle du bourdon pour ne polliniser les fleurs que dans le sens qu’ils souhaitaient et améliorer par l’hybridation les iris à barbes, ont compris que ces appendices pouvaient présenter un intérêt esthétique. Ils en ont fait un sujet de recherche et d’approfondissement. 

 A vrai dire, aux débuts de l’hybridation, les barbes n’ont pas particulièrement fait l’objet de l’attention des hybrideurs. Elles étaient blanches, ou jaunes, et c’était très bien comme ça : la couleur tranchait bien par rapport à celle des tépales et de ce fait constituaient un guide parfait. Il a fallu attendre les années 1940, et l’apparition du facteur « mandarine » pour que l’on commence à s’intéresser aux barbes en elle-même. Ce fut avant tout pour tenter de transférer les barbes mandarines vers des fleurs d’une autre couleur ; Les premiers résultats intervinrent quand des iris violets furent ornés de barbes mandarines. Ce fut le cas pour 'Enchanted Violet' en 1958. Mais pour obtenir un vrai bleu avec des barbes vraiment rouges, il fallut encore attendre longtemps, peut-être jusqu’à 'Actress' (Keppel 1976) ou 'Vivien' (Keppel 1979) ! Entre-temps, les barbes mandarines avaient envahi des fleurs de bien d’autres couleurs : rose, bien sûr, mais aussi amarante, blanc, jaune… Un peu plus tard, même le noir : 'Night Game' (Keppel 1996) a été ainsi agrémenté. Il en a été de même pour la plupart des associations de couleurs ou de teintes, jusqu’à ces fameux iris que l’on qualifie de tricolores (pétales blancs, sépales bleus, barbes rouges) dont la famille Cayeux s’est fait une spécialité – 'Parisien' (1994), 'Ruban Bleu' (1997), mais pour lesquels les Américains ne sont pas longtemps restés à la traîne - voir 'Gypsy Lord’ (Keppel 2005). 






 Le travail sur la couleur des barbes ne s’est pas arrêté aux barbes mandarines. Des couleurs originales sont apparues, bleu nuit entre autres, comme le célèbre 'Evening Echo' (Hamblen 1977) ou 'Codicil' (Innerst 1985) ; moutarde, bronze – 'Touch Of Bronze' (Blyth 1983)… Mais le défi le plus difficile a sans doute été d’introduire des barbes bleues dans des iris jaunes ou roses. Le résultat est aujourd'hui acquis. 


 Mais certains se sont dit que ces barbes, quelle qu’en serait la couleur, pouvaient être un attrait supplémentaire soit parce que leur importance pouvait donner du caractère à une fleur, soit, au contraire, parce qu’en se faisant discrètes elles permettaient d’attirer l’attention sur les autres qualités de la fleur. De là est né le souci de jouer avec l’importance des barbes. Certains cultivars se présentent avec des barbes proéminentes, épaisses, vivement colorées, d’autre à l’inverse ne sont dotés que de barbes infimes dans les tons de la fleur, pour passer presque inaperçues. Tel fut le cas, par exemple  de 'Close Shave' (Duane Meek, 1994) qui porte fort bien son nom puisque ses barbes sont quasi inexistantes ou de 'Chenille' (Keppel, 2010) dont les énormes barbes minium s’étalent sur le plastron ivoire des sépales. 



 Cependant le véritable développement de la barbe a eu lieu quand, au début des années 60, Lloyd Austin et ses émules ont entrepris de tirer parti de certaines excroissances originales apparues sur les barbes. Austin a dit qu’il avait débuté ses recherches sur les barbes à partir de deux semis provenant de cette origine qu’il avait remarqués chez son voisin Mitchell L’un de ceux-ci a été baptisé 'Advance Guard' (1945) et fut très certainement le premier du genre à porter un nom. Pourtant les iris à barbes n’étaient pas nouveaux puisque les tout premiers seraient apparus chez Henry Sass dans les années 30 ! Cependant, à cette époque, cela était considéré comme une anomalie et systématiquement rejeté. C’est bien à Lloyd Austin qu’on doit d’avoir su tirer avantage de ces malformations. 


 Dès le début, il a essayé d’apporter à ces nouveautés toutes les améliorations qui étaient possibles, de manière à ce que les éperons et autres pétaloïdes, confèrent aux fleurs une personnalité excitante mais aussi esthétique. C’est lui qui a inventé l’expression « Space Age » pour désigner ces nouveaux iris, leur attribuant du même coup une identité synonyme de modernité. Le premier des SA qu’il a enregistré s’appelle 'Unicorn' (1952), et c’est aussi un plicata. Beaucoup de temps et beaucoup d’efforts plus tard, les SA ont conquis leur place dans le monde des iris. Mais il a fallu que les promoteurs de ces fleurs vainquent bien des résistances et bien des doutes. C’est avant tout à Monty Byers, le génial obtenteur californien, que l’on doit le fait qu'ils aient aient été enfin reconnus. La consécration en ce domaine lui est venue post mortem quand 'Conjuration' (1989 – DM 98), puis 'Thornbird' (1989 – DM 97) et 'Mesmerizer' (1991 – DM 2002) ont décroché la Médaille de Dykes. 


 Aujourd’hui les iris 'space age' n’ont plus guère de détracteurs. Il faut dire qu’ils ont fait des progrès gigantesques et que le principal de leurs défauts à été surmonté. Il s’agit de ce que très souvent l’extension des barbes exerce des tensions sur les sépales qui déforment ces derniers de manière très inesthétique. Mais les obtenteurs ont éliminé les semis ainsi martyrisés pour ne retenir que des fleurs de belle apparence. 

 Au début, les extensions n’étaient que des éperons, prolongations des barbes par une pointe plus ou moins redressée, apparentes surtout sur les fleurs du haut de la tige, mais moins évidentes sur les fleurs inférieures. Puis vinrent des appendices plus développés, se terminant par des excroissances plus larges, sortes de cuillères. On a trouvé aussi de longs filaments dressés vers le ciel (comme sur 'Spooned Blaze' (Austin, 1964), puis des pétaloïdes plus ou moins larges et de formes variées. Tous ces développements apportent et apporteront encore quelque chose d’intéressant puisque cela va dans le sens d’une multiplication des pièces florales, sorte de modèle « flore pleno » des iris. 'Mesmerizer' est une bonne approche de ce modèle, mais des iris plus récents sont encore plus près de la définition, 'California Dreamin’ '(G. Sutton 2003) en est un nouvel exemple. 


 De nos jours de nombreux hybrideurs enregistrent des ‘space age’ dont les appendices prennent des formes de plus en plus diversifiées. Le slovaque Ladislaw Muska a donné l'exemple. Parfois les pétaloïdes ont un peu l’aspect d’un champignon (girolle ou mousseron), avec un pied étroit et un chapeau en trompette aplatie, à d'autres moments ce sont de larges quasi-pétales assortis à la couleur des sépales. Aux USA, l'obtenteur Leonard Jedlicka a découvert dans ses semis de véritables pompons très prometteurs, malheureusement les plantes porteuses de ces excroissances , uniformément d'un rose terne, ne garantissent pas un véritable avenir à ce phénomène. Cependant le travail d'hybrideur exige de la patience et de la suite dans les idées. C'est pourquoi il a pris récemment un développement auquel personne ne s’attendait : taille, couleur, appendices constituent maintenant des champs d’expériences très diversifiés, qui démontrent que la modification des fleurs d’iris n’est pas sur le point de s’arrêter.


6.5.22

LA FLEUR DU MOIS

‘Brin de Folie' (R. Cayeux, 2020) 
('Conjuration' x 'Chevaler de Malte') X semis 98174B * 

*= (semis 9089B x 'Snowbrook') x semis 9572A 

 Cet iris fait la couverture du catalogue 2022 de la Maison Cayeux. Et c'est une fleur à la fois élégante et originale, d'où la décision d'en faire la Fleur de ce mois de mai, qui marque le début de la quatorzième année de cette rubrique. 

 C'est l'occasion de faire un petit résumé de cette longue période. Dans la recherche des origines de la rubrique, j'ai du manquer quelques pages car je ne retrouve que 144 portraits alors que se sont écoulés 150 semaines... A moins que ce soit mon décompte qui soit fautif ! C'est une belle collection de variétés de toutes origines et de tous types qui ont eu droit à une petite présentation. Elles sont toutes représentatives d'un modèle, d'une catégorie ou d'une origine géographique. Parmi les pays d'origine, on trouve une forte majorité de variétés américaines (80) ce qui est proportionnel à la production de plantes originaires de ce grand pays. Il y a aussi beaucoup d'iris français (34) et européens (17) mais il manque tout de même quelques origines importantes comme la Pologne ou la Nouvelle-Zélande ; mais ce défaut va être corrigé dans les mois qui viennent. On pourrait faire aussi à ce florilège le reproche de comporter de nombreuses variétés des années 1970 et 1980, ce qui doit paraître horriblement ancien au public d'aujourd'hui. La balance va être un petit peu redressée avec le portrait de ce jour qui concerne une variété parmi les plus récentes. 

 'Brin de Folie' est décrit de la façon suivante par son obtenteur lui-même : « Pétales crème infusé de jaune acide, sépales lavande très pâle à cœur jaune canari, parcourus de fines stries violettes. Barbes orange au cœur puis prolongées d'un éperon jaune ». Une fleur originale, donc ; à quel modèle la rattacher ? Pas au modèle plicata, auquel on pense dès le premier abord, pas non plus au modèle distallata avec lequel il a néanmoins des accointances, disons plutôt que c'est un iris « à rayures » qui a quelques traits communs avec un autre iris Cayeux : 'Sorcellerie' (2017), même si le pedigree est très différent. 

 Parlons un peu de celui-ci. Même si les renseignements qui nous sont fournis sont très incomplets vu qu'on nous donne des numéros de semis plutôt que des noms de variétés. Les trois seuls que nous connaissons sont : 
- 'Conjuration' (Byers, 1988) 
- 'Chevalier de Malte' (Cayeux, 1987) 
- 'Snowbrook' (Keppel, 1986). 'Conjuration' est une variété bien connue et multi-récompensée. Elle descend du célèbre couple (Skyhooks x Condottiere) et apporte à 'Brin de Folie' les petits éperons qui l'ornementent. Chevalier de Malte' n'apparaît pas trait pour trait dans 'Brin de Folie'. Mais 'Condottiere' se trouve deux fois dans sa généalogie et sans hésitation on peut attribuer ses qualités végétatives à cette formidable variété, champion toutes catégories, qui fait partie du tout petit club des iris dont les gènes vont bientôt se rencontrer dans à peu près tous les derniers iris. 'Snowbrook', admirable de candeur et de grâce, fait partie des variétés de base de Keith Keppel. Bien souvent il s'est montré capricieux mais quand il se décide à fleurir, c'est un régal : c'est un plicata minimaliste, plus blanc que coloré de bleu tendre, d'une forme parfaite, qu'on apprécie d'autant plus que sa floraison n'a pas lieu tous les ans (cela dit, certains protesteront car chez eux il est vigoureux et fidèle, mais ce n'est pas l'opinion générale). Cet inconvénient n'a pas empêché les hybrideurs de faire appel à lui en maintes circonstances . De grandes variétés en descendent directement. C'est le cas de 'Belle Fille ' (M. Smith, 2011), 'Noble Gesture' (Keppel, 2009), 'Pay the Price', (Grosvenor, 1999) ou 'Splashacata' (Tasco, 1997). 

 'Brin de Folie' est une fleur toute neuve. Elle n'a donc pas encore de descendants, mais il ne serait pas surprenant qu'elle en ait dans les prochaines année car c'est un iris plein de promesses. 

 Illustrations : 


 'Brin de Folie' 


'Conjuration' 


'Chevalier de Malte' 


'Snowbrook' 


'Sorcellerie'

VISITE EN RÉGION CENTRE

Dans notre pays on assimile souvent la culture des iris avec la partie sud. En fait l'origine de cette culture s'est située en Région Parisienne avant de gagner le Centre ou le Sud. Et de nos jours elle s'est étendue à l'ensemble des régions. La Région Centre-Val de Loire est depuis longtemps un endroit où la culture des iris est bien implantée. Les pépinières d'iris n'y sont pas les plus nombreuses mais celles que l'on y trouve font partie des plus importantes de notre pays. 

 A commencer par la fameuse Maison Cayeux. C'est en banlieue parisienne qu'elle a commencé à exister, à Vitry sur Seine exactement. Mais la croissance urbaine, aussi près de Paris, a fini par la chasser et elle a trouvé refuge en Orléanais. Une terre ingrate, rocailleuse, morainique. A peu près à l'endroit où, capturée par une humble rivière, le grand fleuve de Loire, qui se dirigeait à l'origine vers la Seine, a brusquement pris la direction de l'Ouest pour devenir ce qu'il est maintenant. Au sommet d'un coteau pierreux, le patriarche Ferdinand Cayeux a, dans les années 1930, transféré son entreprise de création et de commerce d'iris. Ces plantes ne sont pas exigeantes il leur suffit d'un sol quelconque, bien drainé et abondamment ensoleillé. A Poilly lès Gien elles ont tout ce qui leur faut. Ferdinand Cayeux, jusqu'à la guerre 1939/1945, puis son petit-fils Jean, relayé par Richard au début des années 1970 ont fait prospérer une remarquable entreprise devenue peu à peu l'une des plus importantes au monde dans ce genre d'activité. Elle a créé une foule d'iris parmi les plus beaux du monde, et ce, depuis le début du XXe siècle ! Déjà dans les années 1920/1930 on venait de partout admirer les créations de Ferdinand Cayeux. Des variétés comme 'Thaïs' (1926), 'Mme Louis Aureau' (1934) ou 'Jean Cayeux' (1931) ont été utilisées en hybridation par les plus grands obtenteurs et sont à l'origine de véritables dynasties. 

La réputation de l'entreprise ne s'est pas arrêtée avec la disparition de son fondateur. Jean Cayeux a remarquablement pris sa succession. Son 'Condottiere' (1978) fait partie des variétés ayant la plus abondante descendance directe et ses gènes se trouvent maintenant dans à peu près tous les iris actuels. En 1993 il a enregistré le début d'une formidable lignée, celle des iris tricolores qui a commencé avec 'Vive la France' (1993) et s'est poursuivie avec 'Bal Masqué' (1993), 'Marbre Bleu' (1993), 'Rébecca Perret' (1993), puis 'Parisien', 1995) 'Ruban Bleu' (1997) et quelques dérivés comme 'Hortense C.' (1995) ou 'Volute' 1995), toutes à base du « cluster » (Condottiere X Delphi). Richard Cayeux a poursuivi l'exploitation de ce cluster, que l'on retrouve chez 'Sixtine C.' (1995), 'Chevalier de Malte' (1997), 'Cumulus' (2000) et même chez 'Vertige' (2020). Cet infatigable créateur a mis sur le marché plus de 200 variétés dont plusieurs ont acquis une renommée mondiale, comme 'Aurélie' (2005) – Florin d'Or en 2007 ou 'Barbe Noire' (2015) – Prix Philippe de Vilmorin, Franciris© 2017. 

 La Région Centre-Val de Loire abrite aussi une autre entreprise familiale importante : la Maison Bourdillon. L'activité des deux familles est bien différente, puisque chez les Bourdillon les iris ne constituent qu'une facette d'une entreprise qui a d'autres cordes à son arc, comme les pivoines, les pavots, les hémérocalles et, dans un tout autre domaine, les myrtilles. C'est Michel Bourdillon dans les années 1960 qui s'est lancé dans la culture et la commercialisation des iris. Ses fils Luc puis Pascal ont poursuivi sur la lancée, Luc étant également tenté par l'hybridation, dans les années 1990, avant de laisser la place à son frère Luc quia fait prospérer la pépinière jusqu'à ce que Nicolas rejoigne l'affaire familiale et se mette à son tour à l'hybridation, avec un succès immédiat. La majorité des obtentions de Luc Bourdillon n'a pas été enregistrée mais une variété comme 'Libellule de Sologne' (2015) est une agréable réussite. L'habileté et le bon goût de Nicolas se sont manifestés dès ses premiers choix – voir le variegata 'Beauté de Sologne' (2020) ou la série de SDB enregistrée également en 2020 et en particulier le sympathique 'Le Bleu du Ciel'. Autre variétés attirant l'attention les rejetons de 'Spring Madness' (T. Johnson, 2009) que sont 'Bernassier' (2021), 'Palette de Peintre' (2021) et l'original 'Vieilles Vignes' '2021) aux tons éteints mais rares.


A côté de ces deux importantes affaires, le monde des iris en Région Centre, c'est aussi le Parc Floral de la Source, à Orléans et d'assez nombreux amateurs qui disposent de belles collections, soit dans des jardins privés amoureusement soignés soit dans des châteaux où ces fleurs constituent un complément d'attrait touristique. Parmi ces amateurs certains s'amusent à hybrider, pour leur plaisir, sans intention commerciale. Ainsi Gérard Raffaelli, qui a enregistré deux iris dont le variegata sombre baptisé 'Charlie Forever' (2017). 


 La même année 2017 Joelle Franjeulle, qui tient sa pépinière d'iris à Romorantin, a également enregistré deux variétés. D'origine exclusivement slovaque, 'Délices d'Epices' (Bratislavan Prince X Going Green) joue dans le même registre que le précédent et exploite les teintes fumées. Elle commercialise une riche collection où figurent des variétés d'Europe Centrale et Orientale qu'on ne trouve pas ailleurs. 


 Avant d'en terminer, il faut évoquer un cas particulier : celui de Michèle Bersillon. Dans un tout petit jardin situé au bord de la Loire, elle hybride pour son plus grand plaisir et obtient, depuis un peu plus de vingt ans des variétés remarquables qui démontre une bonne connaissance des règles de l'hybridation et un goût très sûr. Dommage que cette personne se tienne volontairement en dehors du monde français des iris et ne fasse pas partager à ses collègues ses obtentions qui s'intéressent aux grands TB mais aussi les MDB, SDB, IB et BB. Habituée de la compétition allemande qui se juge chaque année à Munich, elle y a reçu plusieurs récompenses qui confirment son talent. C'est le cas de 'Comme un Volcan' (2008), Médaille d'Or en 2010. 


 Ainsi se termine ce tour, forcément incomplet, de l'iridophilie en Région Centre. On y trouve tous les aspect de ce petit monde qui y confirme son caractère bien spécial et bien sympathique.