29.11.19

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissés au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé 'en attribuer trois par an. 

Notre feuilleton photographique va illustrer toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille.

2007

Enfin un succès pour Richard Ernst, l'obtenteur le plus négligé par les juges

'Daughter Of Stars' (Donald Spoon, R. 2000) 'Clarence' X 'Mind Reader' 


'Ring Around Rosie' (Richard Ernst, R. 2000) (('Edna's Wish' x 'Wild Jasmine') x sibling). 


'Starring' (Joseph Ghio, R. 1999) ('Notorious' x (('Success Story' x ('Fancy Tales' x 'Alpine Castle')) x (('Persian Smoke' x 'Entourage') x (('Strawberry Sundae' x ('Artiste' x 'Tupelo Honey')) x 'Borderline' sibling)))) X 'Romantic Evening'.

AU FÉMININ

Après nous être penché sur le sort des hybrideuses italiennes, on pourrait peut-être voir ce qu'il en est dans le reste de l'Europe. Les dames s'y intéressent-elles aux iris ? Dans quelle proportion ? Avec quel succès commercial ? C'est l'occasion d'une revue d'effectif qui envisage l'hybridation sous un jour inhabituel.

Pour commencer faisons un retour vers le passé. Dans la proto-histoire des iris, on est bien obligé de constater que la place des dames y est nulle ! Aucun nom de femme n'apparaît dans la liste des pionniers de l'hybridation en Europe. C'est un peu comme pour la musique classique : un question d'hommes, tout au long du 19e siècle, et même dans la première partie du 20e. Dans les années 1920/1930 on trouve d'illustres obtentrices aux Etats-Unis, mais point en Europe en dehors de l'Italie où des grandes dames ont choisi l'hybridation des iris comme passe-temps. Pour ce qui est du reste du continent, c'est un zéro absolu. Ce n'est qu'au début des années 1940 que les choses ont commencé à évoluer. Voyons ça Etat par Etat, mais sans la garantie de n'oublier aucun nom !

Grande Bretagne :

 Si l'on s'en tient à la liste des récipiendaires de la Médaille de Dykes Britannique, on découvre au début des années 1940 deux dames qui y ont été récompensées : Olive Murrell et Gwendolyn Anley.

Des deux, Olive Murrell est de loin la plus connue. Elle a commencé sa carrière dès les années 1920 en fondant la célèbre pépinière Orpington Nurseries, située dans le sud-est de l'Angleterre. Elle était en relation avec tous les grands hybrideurs américains de l'époque et a introduit en Europe bien des obtentions américaines et en particulier celles des frères Sass. Dans son pays elle s'est distinguée en mettant sur le marché le fameux iris jaune 'W.R. Dykes' à partir duquel elle a créé sa propre lignée d'iris jaunes. Cependant c'est avec une variété blanc-bleuté, 'White City' (1939) qu'elle a obtenu sa plus éminente récompense. Disparue en 1957, elle a laissé un grand vide dans le monde britannique des iris.

 La période d'activité de Gwendolyn Anley se situe au cours des années 1950. Plutôt que dans celles des obtenteurs professionnels, elle est à classer dans le catégorie des amateurs avisés puisqu'on ne trouve à son actif qu'une douzaine de variétés enregistrées dont les plus appréciées ont été 'Mirette' (1950), en gris-bleu, et 'Arabi Pasha' (1951), bleu violacé profond, BDM 1953, fils du précédent.

Pour la suite évoquons Maureen Foster, connue aussi sous son autre nom de Probert, qui a enregistré une poignée de jolies TB, comme 'Cregrina' (1990) ou 'Festival Crown' (1992)

Nora K. Scopes a été active dans les années 1970/1990. Cette personne, archétype de la vieille dame anglaise, a enregistré de nombreux iris, dans toutes les catégories, souvent très réussis. Son TB ‘Early Light’ (1983) a obtenu la Médaille de Dykes Britannique en 1989. Plusieurs autres variétés ont connu une renommée gratifiante : ‘Dark Rosaleen’ (1976), pourpre à reflets noirs, ou ‘Charivari’ (1991), très original plicata brun sur fond jaune chartreuse. Mais on peut aussi citer le BB 'Sparkling Lemonade' (1977), ou les grands TB 'Quiet Thought' (1989) et 'Lamorna' (1990).

Pendant la même période Margaret Owen n'a enregistré que quatre variétés parmi lesquelles son 'Godfrey Owen' (1986) a été le plus apprécié.

Marjorie Brummitt s'est distinguée en enregistrant 32 variétés entre 1955 et 1982 dans les catégories rares en Europe des Iris de Californie et des iris de Sibérie, avec un indéniable succès puisque par trois fois elle a reçu la BDM : - en 1971 pour le SIB 'Cambridge' (1964), en 1976 pour le PCI 'No Name' (1968), et en 1979 pour le SIB 'Anniversary' (1965).

 Le rôle d'Olga Wells, en son jardin de Sissinghurst, est encore plus important. Elle s'est exercée à différentes catégories d'iris et ses variétés naines et médianes valent la peine, tandis que son TB 'County Town Red', présent à Florence en 2008, a été déclaré « meilleur iris rouge ». En 2019, son 'Hever Castle'(2011) a reçu la prestigieuse British Dykes Medal. A noter que ses TB résultent pour la plupart de croisements incluant une variété médiane ou naine, ce qui est assez exceptionnel.

Un mot pour finir à propos de Anne Blanco-White qui n'est pas à proprement parler une hybrideuse, mais qui a néanmoins obtenu un tout petit nombre d'iris du Japon et d'hybrides interspécifiques originaux.

Allemagne : 

La situation de l'Allemagne est un peu particulière. Elle a connu des heures glorieuses dans l'entre-deux-guerres, mais elle a eu du mal à revenir à la surface après les désastreuses années hitlériennes.Et dans ces moments difficiles les dames n'étaient pas présentes. Hertha van Nes, s'est fait connaître au cours de la période 1950/1970. Si elle a elle-même quelque peu hybridé (plus de cinquante variétés tout de même), en particulier les tout petits MDB, c'est plutôt une théoricienne de l'hybridation et de la place des iris dans le jardin, notamment par son livre « Iris im Garten ».

 Au cours de la même période la pépinière de la comtesse Hélène von Zeppelin, qui existe depuis les années 1920, et qui est l'une des plus importantes d'Europe, s'est enrichie des créations de sa propriétaire. On peut faire le rapprochement entre ce qui s'est passé chez la comtesse von Zeppelin et ce qui fut le cas de la maison de Vilmorin dans les années 1920. En France c'est le bras droit de Philippe de Vilmorin, Séraphin Mottet, qui dirigeait l'activité iridistique, en Allemagne c'est Suzanne Weber qui tenait le même rôle chez l'aristocratique pépiniériste. Entre 1948 et 1962 c'est une vingtaine de variétés nouvelles qui ont été signées Zeppelin mais deux seulement ont été officiellement enregistrées : 'Scherzo' en 1958 et 'Aglaia von Stein' en 1962. Suzanne Weber, quant à elle, même si elle n'a pas enregistré de nouvelles variétés, demeure une figure du monde des iris par son érudition et l'acuité de ses jugements.

 Par la suite c'est la Berlinoise Eva Heiman qui a fait son apparition. Nous lui devons une trentaine de grands iris dont le violet profond 'Berliner Nacht' (1980), descendant de 'Matinata', ou 'Berlin Ice' (1984), blanc bleuté. Cependant ce sont des variétés qui ne se trouvent guère que dans quelques collections allemandes.

 On ne sait pas si les obtentions des personnes qui vont suivre ont ou auront un destin plus universel, car in semble pas que le côté commercial de la chose soit un souci pour les obtentrices allemandes des temps modernes. Elles ne sont d'ailleurs ni nombreuses ni particulièrement prolifiques.

Pia Altenhofer, de Halle, se signale par une démarche originale pour ce qui est de l'attribution d'un nom à ses obtentions : elle choisit un vocable qui n'a pas de signification particulière mais se contente de bien sonner à l'oreille ! C'est un moyen infaillible de ne pas risquer une homonymie nécessairement rejetée par le registrar ! Elle a déjà à son compteur plus de cinquante variétés nouvelles dans toutes les catégories d'iris, mais son activité a l'air de s'arrêter ces temps derniers...

Gertrud Boffo, de Bad Vilbel, près de Frankfurt, a enregistré son premier iris en 2006, 'Echinor', qui a immédiatement été primé à Munich. Depuis un seul autre iris a été enregistré, on peut donc plutôt parler d'une obtentrice occasionnelle que d'une professionnelle.

 La troisième dame à s'intéresser à l'hybridation s'appelle Margitta Herrn, de Leipzig. Elle a appris le métier avec Manfred Beer, un personnage important dans le monde allemand des iris. Elle a enregistré son premier cultivar en 2010 et s'est aussitôt fait remarquer par l'originalité de ses choix dans ses croisements. Son 'Miltitzer Tanzparty' (2011) ('Frison-Roche' X 'Berlin Snow') a été primé à Munich en 2012. C'est tout pour l'instant, à ma connaissance...

La semaine prochaine nous continuerons ce tour d'Europe.
(à suivre...). 

  Illustrations : 

 - 'Arabi Pasha' 


- 'Hever Castle' 

- 'Cregrina' 


- 'Echinor' 


- 'Miltitzer Tanzparty' -

22.11.19

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissés au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé 'en attribuer trois par an. 

Notre feuilleton photographique va illustrer toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille. 

2006 

Les trois vainqueurs de cette année monteront tour à tour sur la plus haute marche.

'Golden Panther' (Richard Tasco, R. 2000) 'Guadalajara' X ('Marsh Light' x 'Dazzling Gold'). 


'Happenstance' (Keith Keppel, R. 2000) ('Femme Fatale' x (('Nefertiti' x 'Playgirl') x 'Presence')) X 'Social Event'. 

'Queen's Circle' (Frederick Kerr, R. 1999) 'Victoria Circle' X 'Christiana Baker'.

AU TOUR DES IRIS DE TABLE

Il y a une semaine le dernier article se terminait ainsi : « Dans une prochaine chronique nous irons voir si les MTB, l'autre catégorie d'iris médians, se trouve mieux lotie. » Eh bien mettons-nous au travail.

I : Quelques mots à propos des iris de table (MTB).

 Bien qu’ils soient apparus très tôt dans l’histoire des iris, il fallut attendre les années 50 pour que soient définis les traits spécifiques des MTB. On parlait déjà d’iris de table dans les années 30, mais la désignation MTB proprement dite n’est apparue qu’avec la définition du groupe. Ce sont Mary Williamson, au début, puis Alice White, dans les années 50, qui ont misé sur les iris de table, en faisant valoir leur intérêt décoratif tant pour le jardin que pour la fleur coupée. C’est d’ailleurs pourquoi la médaille catégorielle qui est dédiée aux MTB se nomme la Williamson-White Medal.

Ils se présentent avec des tiges fines et flexueuses dont la hauteur idéale se situe aux alentours de 55cm, portant des fleurs gracieuses voisinant 8cm de large, et fleurissant en même temps que les grands iris. Beaucoup moins spectaculaires que ces derniers, ils ont longtemps été un peu dédaignés par les hybrideurs. Le fait que ce soit des iris diploïdes limitait la forme des fleurs (qui restaient étroites et un peu raides) et le choix des coloris. Mais depuis quelques années ils connaissent un regain d’intérêt sensible depuis qu’ils ne sont plus simplement diploïdes. En effet on trouve de plus en plus de tétraploïdes, plus riches en coloris et plus ondulés ou frisés, obtenus par l’apport de gènes d’iris de bordure (BB). Dans la catégorie des MTB on trouve désormais toutes les couleurs et associations qui existent chez les grands barbus (TB) sur de mignonnes petites fleurs, qui s’épanouissent en grand nombre sur des touffes qui prennent vite de l’importance. Voilà des qualités qui font tout l'intérêt des iris de table. Par dessus le marché leur vigueur, leurs faibles besoins en surface de jardin, qui autorise leur culture sur un balcon, une terrasse ou une rocaille devraient leur valoir d’apparaître dans les catalogues. C'est désormais le cas aux Etats-Unis, et on constate que les juges s'y intéressent de plus en plus.

 II : Les iris de table et les récompenses officielles.

Qu'ils reçoivent la Williamson-White Medal est tout à fait normal puisqu'elle a été créée pour eux, mais on s'aperçoit qu'ils apparaissent de plus en plus fréquemment dans les autres classements et récompenses. Leur première apparition au sommet s'est produite en 1991 avec l'attribution de la Walther Cup à 'Frosted Velvet' (K. Fisher, 1988), un très sympathique petit amoena d'aspect très moderne. Un nouveau succès est intervenu en 1995 lorsque 'Bangles' (L. Miller, 1993) a remporté la Franklin's Cup ; avant de triompher deux ans plus tard à la President's Cup. Il faudra cependant attendre encore dix ans pour qu'un autre MTB entre en scène. Ce sera 'Dividing Line' (Bunnell, 2005) et la Hager Cup, qui remettra ça deux ans plus tard, avant de poursuivre sa marche jusqu'à la Dykes Medal en 2014. Curieusement on remarque que ce 'Dividing Line' a une certaine ressemblance avec son prédécesseur 'Frosted Velvet'... L'année 2014 fut une année faste pour les MTB puisque 'Holiday in Mexico' (R. Probst, 2011) a reçu la Walther Cup, beau succès pour une sorte de retour aux sources avec un faux air de l'Iris variegata des origines. La Hager Cup sourit particulièrement aux MTB puisque deux de ses représentants l'emportent exæquo en 2010. Il s'agit de 'Dallas Mahan' (C. Mahan, ) et de 'Survivor' (L. Miller, ). Ensuite c'est en 2015 qu'apparait un rude concurrent pour les récompenses ultérieures, quand 'Moose Tracks' (L. Miller, ) s'attribue la Hager Cup. Exploit qu'il renouvellera l'année suivante à la Convention de Newark, avant de remporter en 2017 la Walther Cup, ce qui semble démontrer que les MTB sont doués pour devenir les meilleurs espoirs du monde des iris ! Et c'est encore un MTB, 'Chocolate Fountain' (K. Fisher, 2011), que l'on trouve au premier rang pour la Hager Cup en 2017. Cela commence à faire beaucoup pour une catégorie encore assez peu répandue.

 III : Les iris de table en France

En France il n'y a que Lawrence Ransom qui se soit sérieusement intéressé aux MTB. Il en a eu jusqu'à vingt-deux à son catalogue. Mais sa disparition a signé celle de la catégorie dans notre pays. De toute façon on n'a jamais compté chez nous que trois variétés étiquetées « France » : 'Mumu' (J. Peyrard, 2001), 'Petite Celia' (J. Peyrard, 2005) et 'Psy' (L. Ransom, 1994). Certes Loïc Tasquier a bien enregistré près de quarante variétés de cette catégorie, mais elle ne peuvent pas être qualifiées de françaises puisqu'obtenues aux Pays-Bas...

On pourrait se dire que si les obtenteurs français ne se bousculent pas pour cultiver les MTB, du moins l'offre de nos pépiniéristes en contient-elle un certain nombre. Hé bien non ! Rien à l'horizon si ce n'est 'Dividing Line', aux Iris de la Baie, et encore cette plante est-elle rangée dans un chapitre où il se trouve au milieu de BB et IB.

Si chez nous, les MTB font un flop magistral, peut-être en trouve-t-on ailleurs en Europe ? Je n'ai pas fait le tour de tous les sites qui proposent des iris, mais ceux que je connais sont bien muets sur le sujet et seuls l'anglaise Olga Wells et le franco-hollandais Loïc Tasquier, cité ci-dessus, s'intéressent à la question. On peut même dire que ce n'est qu'aux Pays-Bas que les MTB sont représentés.

Pour l'instant les MTB sont chez nous dans une grande misère, mais on peut espérer que l'enthousiasme qui caractérise Loïc Tasquier sera contagieux et que bientôt ses collègues lui emboîteront le pas !

Illustrations : 


'Moose Tracks' 


'Survivor' 


'Mumu' 


'Boute-en-Train' (Tasquier, 2018)

16.11.19

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissés au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé 'en attribuer trois par an. 

Notre feuilleton photographique va illustrer toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille. 

2005

Nouveau triomphe pour Keith Keppel.

'Fogbound' (Keith Keppel, R. 1997) 'Wishful Thinking' X 'Spring Shower'. 


'Sea Power' (Keith Keppel, R. 1998) 'Yaquina Blue' X 'Jazz Me Blue'. 

'Uncle Charlie' (Donald Spoon, R. 1997) 'Honky Tonk Blues' X 'Silverado'

IRIS DE BORDURE OU IRIS MARGINAUX ?

La semaine dernière on s'intéressait ici au sort des iris intermédiaires et l'on constatait que malgré qu'ils soient devenus fertiles comme les autres iris à barbes, leur appréciation de la part des acheteurs d'iris n'avait pas augmenté et que leurs ventes restaient faibles. Cette fois on va tâcher de savoir si les iris de bordures, qui en sont voisins, connaissent un sort différent.

Commençons par faire un peu mieux connaissance avec cette catégorie de plantes. La bible de l'iridophile, « The World of Irises », décrit les BB comme « (…) tiges de 41 à 70cm, avec des fleurs pour la plupart d'un diamètre de 10 à 13cm, sur des tiges rigides et érigées, le feuillage plus court que la hampe florale, fleurissent en même temps que les TB dont ils sont une version plus petite avec une taille de fleur réduite en proportion de leur hauteur. » Ce sont donc des TB qui n'atteignent pas la taille réglementaire de cette catégorie. L'AIS a tout fait pour les rendre intéressants, avec très certainement une arrière-pensée commerciale : cela valorise des plantes qui ont toutes les qualités pour être des TB mais qui sont trop basses pour obtenir cette qualification. Sans cette catégorie sur mesure, ce serait des iris à envoyer au compost. Mais la difficulté réside justement dans l'appréciation de cette hauteur fatidique. Bien sûr lorsqu'on se trouve au bas de l'échelle il n'y a pas de problème, mais quand on se rapproche de la hauteur maximale, la classification va être fonction de la hauteur atteinte chez l'obtenteur, qui peut être inférieure à ce qu'elle peut être ailleurs en fonction des conditions de culture ou de climat. On connaît plein d'exemples d'iris dits de bordure qui atteignent ou dépassent les 70cm. C'est le cas de 'Lemon Up' ou de 'Orange Pop' que j'ai évoqué ici en 2004 ; c'est aussi celui de 'Batik', le célêbre « broken color », généralement plus élevé que bien des variétés qualifiées de TB. On voit donc le côté artificiel de la distinction.

Si l'on s'en tient à cette notion de hauteur des tiges, le distinguo entre iris de bordure et iris intermédiaires n'est pas facile à faire et beaucoup de confusions sont apparues , surtout depuis que la période de floraison des uns et des autres s'est rapprochée en raison des apports génétiques tendant à prolonger la période de floraison des IB et à hâter le début de celle des BB et TB. L'AIS a donc modifié la définition de la catégorie des IB en faisant allusion aux espèces originelles entrant dans leur composition. En conséquence, les deux catégories ne sont plus assimilables.

Cela veut-il dire que les BB se sont véritablement singularisés ? Il me semble au contraire que ce soit les IB qui, identifiés non seulement par leur taille et leur époque majoritaire de floraison, ont été nettement distingués en leur ajoutant la notion d'origines génétiques. Nos iris de bordure restent donc des avortons de TB. D'où la difficulté pour les pépiniéristes de leur trouver une place dans leurs catalogues.

Pour se simplifier la chose, il semble bien qu'ils aient (du moins en France) choisi de n'en pas proposer ou, du moins, d'en proposer le moins possible. C'est le cas chez Cayeux où je n'ai trouvé dans le catalogue 2019 que deux BB répertoriés : l'un, 'Cartouche' parmi les grands iris, l'autre, 'Lady of the Night' parmi les Intermédiaires !

La situation est à peu près la même chez tous les pépiniéristes français. Les iris de bordures figurent généralement en mélange avec les intermédiaires. C'est comme si il n'y avait aucune différence entre les deux catégories, ou que leur existence était simplement anecdotique. De toute façon ils sont extrêmement peu nombreux, sauf aux Iris de la baie où on en compte une vingtaine !

On peut dire, au vu de ces décomptes, que les BB sont peu ou mal connus dans notre pays. C'est, à mon avis, la conséquence de ce que la catégorie est mal identifiée et qu'elle n'a d'intérêt ni pour les clients, ni pour les producteurs ! Je ne sais pas si elle a du succès ailleurs, mais j'en doute car les même causes produisent les mêmes effets. On peut donc affirmer que les iris de bordure sont aussi des iris marginaux et qu'il n'ont pas de véritable avenir. Dans une prochaine chronique nous irons voir si les MTB, l'autre catégorie d'iris médians, se trouve mieux lotie.

Illustrations : 


'Cartouche' (R. Cayeux, 2009) 


'Baboon Bottom' (B. Kasperek, 1993) 


'Fruit Stripe' (M. Sutton, 2008) 


'Acidulé' (L. Tasquier, 2017)

1.11.19

UN PEU D'ELOIGNEMENT

La semaine prochaine, pas d'Irisenligne. On se reverra le 15 novembre.

LA FLEUR DU MOIS

'Beverly Sills' (Ben Hager,1978) 
 'Pink Pirouette' X 'Vanity' 

 Voici l'exemple parfait d'une progression impeccable dans la carrière des honneurs à l'américaine : High Commendation 1979, 1980 ; Honorable Mention 1981 ; Award of Merit 1983 ; American Dykes Medal 1985. C'est celle d'une variété absolument réussie, qui a connu un succès mondial et sans doute rapporté pas mal d'argent aux pépiniéristes qui l'ont mise à leur catalogue. La description donnée par Ben Hager et des plus simples : « Unicolore dentelé rose corail, barbes mandarine ». Il est vrai qu'il n'y a rien de plus à dire, même si celle qui figure dans le catalogue Cooley de 1993 est un peu plus explicite : « Self rose corail de forme exquise, très frisé et très large (…) qui pousse très vigoureusement, avec un très grand nombre de boutons et un branchement parfait. » Cette fois tout est dit.

C'est un pur produit d' endogamie, c'est à dire du croisement de deux variétés de la même couleur dans le but de réunir les qualités de l'un et l'autre des parents. En l'occurrence, le parent femelle est 'Pink Pirouette' (W. Newhard, 1968), une variété peu connue mais de bonne réputation, issue de 'Rippling Waters', tandis que le parent mâle se trouve être 'Vanity' (Hager, 1974), le fameux iris rose qui a reçu la Médaille de Dykes en 1982. Avec de tels parents 'Beverly Sills' avait tout ce qu'il faut pour être une plante de grande classe.

Elle tient son nom d'une grand cantatrice new-yorkaise qui a tenu tous les grands rôles de soprano du répertoire : une voix très souple avec un aigu exceptionnel mais un grave un peu éteint. Avec ce parrainage, la plante disposait d'un atout supplémentaire car la diva était très connue dans son pays.

Une variété aussi réputée ne pouvait qu'avoir une importante descendance. Et c'est bien le cas puisque 88 variétés sont inscrites sous son nom dans les documents de l'AIS ! Parmi ceux-ci, plein de variétés célèbres : 'Anna Belle Babson' (B. Hager, 1984), 'Designer Gown' (J. Ghio, 1984), 'Desiris, L. Ransom, 1993) – un de mes favoris - et toute une série d'obtentions de la famille Anfosso : 'Artifice' (Pierre Anfosso, 1990) ; 'Riviera Stop' (Pierre Anfosso, 1990) ; 'Antigua Soleil' (Laure Anfosso, 1991) ; 'Carmagnole' (Laure Anfosso, 1989) ; 'Flûte Enchantée' (Laure Anfosso, 1991) ; 'Luciole' (Laure Anfosso, 1991), tous ces derniers issus du croisement (Beverly Sills X Sky Hooks).

Dans mon jardin, je ne peux pas dire que 'Beverly Sills' se soit montré particulièrement efficace. Pousse lente, tiges fragiles, multiplication parcimonieuse...Et par-dessus le marché fleurs qui n'attirent pas l'oeil... Pas de chance sans doute : il n'est pas rare qu'une variété qui se fasse remarquer dans un endroit soit beaucoup plus discrète dans un autre. D'ailleurs j'ai pu voir cet iris en d'autres jardins que le mien et mon opinion sur lui tient plus de ces autres occasions que de mes observations à domicile !

'Beverly Sills' présente un autre trait curieux : aucune des photos prises de lui ne me paraît vraiment satisfaisante ; disons que c'est une fleur peu photogénique. Pour en apprécier la grâce et la douceur du teint, il n'y a rien de tel que de l'admirer « sur le sujet » comme on dit chez les peintres. C'est certainement dans ces conditions que les juges américains qui l'ont encensé ont pu se faire une idée de sa valeur. Ce qui prouve bien qu'un simple cliché peut desservir une plante et qu'il ne faut pas se fier entièrement à ce moyen.

Illustrations : 


'Beverly Sills' 


'Pink Pirouette' 


'Vanity' 


'Carmagnole'

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissés au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé 'en attribuer trois par an.

Notre feuilleton photographique va illustrer toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille. 

2004 
Les plicatas pointillés inventés par Richard Tasco obtiennent la reconnaissance des juges.

'Poem Of Ecstasy' (Ben Hager, R. 1995) ('Merry Madrigal' x 'Mother Earth') X 'Adventuress'. 

'Splashacata' (Richard Tasco, R. 1997) 'Purple Pepper' X ('Snowbrook' x Jesse's Song). 


'World Premier' (Schreiners, R. 1998) 'Yaquina Blue' X semis inconnu.

LES INTERMÉDIAIRES GRANDISSENT !

Que ne ferait-on pour avoir un titre accrocheur ! Non, les iris intermédiaires ne prennent pas de la hauteur ; s'ils grandissent c'est en renommée et en intérêt pour les amateurs.

Tant qu'ils sont restés stériles les iris intermédiaires n'ont pas présenté beaucoup d'intérêt pour les jardiniers qui sont très souvent tentés de se risquer à effectuer des croisements. Pas beaucoup d'intérêt non plus pour les hybrideurs professionnels qui mesuraient la difficulté à développer cette catégorie de plantes uniquement en réalisant des croisements entre grands iris et iris nains, avec la difficulté supplémentaire constituée par l'obligation de conserver d'une année sur l'autre le pollen des grands iris à déposer sur les lèvres stigmatiques des iris nains. Mais les choses ont évolué lorsque, un peu comme ce fut le cas pour les grands iris, un jour, les intermédiaires sont devenus fertiles. Du coup, ils ont attiré l’attention. Dans un article sous-titré « Un mythe anéanti », publié en 1998 dans la revue «The Medianite» dédiée, comme l'indique son nom, aux iris moyens, l’obtentrice américaine Marky Smith, celle qui aura la chance de voir son IB ‘Starwoman’ remporter la Médaille de Dykes en 2008, a fait une synthèse de ses travaux sur les iris intermédiaires. Elle a effectué de nombreux croisements entre des intermédiaires utilisés comme parent femelle et, soit des nains standards, soit des grands iris. Au début de 98 elle a choisi trente-trois IB (intermédiaires) qu'elle a d'abord fécondé avec du pollen prélevé sur des SDB (iris nains), alors en fin de floraison, puis, un peu plus tard, avec du pollen de TB (grands iris). Cette expérience a été tentée avec des variétés dont elle pouvait espérer obtenir des semis intéressants et dont la fertilité pollinique était reconnue. Une démarche identique a été suivie par l’amateur franco-néerlandais Loïc Tasquier, qui en a rendu compte dans le n° 158 de Iris & Bulbeuses (2008) et par l’obtenteur russe, depuis décédé, Sergeï Loktev.

Certains des iris fécondés n'ont rien donné, mais les plus nombreux ont produit, au moins dans l'un ou l'autre des croisements, quelques voire de nombreuses graines. En dépit d'un taux assez faible de germination des graines provenant des ces croisements, cette expérience a été un véritable succès. A tel point qu’aujourd’hui, on peut dire que les IB sont des iris fertiles à peu près comme les autres.

Pour faire simple, disons que les iris intermédiaires, dits IB, résultent d'un croisement entre iris nains et grands iris. Cependant, comme ce type de croisement n’est pas homogène, la classification des iris préfère s’en tenir à une notion de taille : les iris intermédiaires sont ceux dont la hampe florale mesure entre 40 et 69 cm et qui sont en fleur entre les SDB et les TB. Cependant en rester là ne serait pas satisfaisant : il faut entrer dans la « fabrication » de ces iris pour bien comprendre l’origine de leur taille et les particularités qui les caractérisent. Si, au début, les iris intermédiaires vrais étaient issus de croisements TB X SDB ou vice-versa, dans la proportion 50/50, au fil du temps on a essayé des croisements plus complexes qui ont abouti à des produits classés IB en raison de leur taille mais résultant de croisements 75% TB X 25% SDB comme ‘Vamp’ (Gatty 71) ou ’Oklahoma Bandit’ (Nichols 79), 75% BB X 25% SDB, voire 50% TB X 50% IB comme ‘Voilà’ (Gatty 72) ou ‘In a Flash’ (P. Black 2000). Ce sont ces variétés mixtes qui ont réussi à donner naissance à des IB fertiles. Mais certains croisements classiques se sont également montrés fertiles. Vous me suivez ?

Aujourd'hui les IB ont acquis tous les traits des grands iris, y compris les éperons et les couleurs rubanées. Ils conservent en propre leur taille, moyenne, et une forme de fleur qui permet à l'oeil un peu exercé de faire la différence entre un IB et un BB malgré qu'ils fleurissent à peu près au même moment. Ils rencontrent un succès croissant auprès des jardiniers amateurs en raison de leur taille raisonnable et de la possibilité de les cultiver dans des jardins souvent exigus de nos villes. Ils font aussi l'affaire pour les jardins en forte pente ou sur les talus et, du fait de leur taille sans excès, dans les endroits exposés, puisqu'ils offrent moins de prise au vent. On peut ajouter le fait que le prix de vente de ces iris est des plus économiques. Avec tous ces avantages on pourrait imaginer un vaste succès commercial. Mais il n'en est rien. Prenons pour exemple le catalogue Cayeux 2019. Après 59 pages consacrées aux grands iris, tout juste trois pages sont affectées aux IB. Le choix est néanmoins remarquable, avec notamment 1/3 d'obtentions maison, ce qui compense un peu le petit nombre de variétés proposées. Dans ce choix on trouve des variétés plutôt anciennes, que les Américains rangeraient parmi les iris historiques, mais aussi les grands classiques et beaucoup de plantes récentes. Dans la première tranche on trouve, par exemple, 'Rare Edition' (Gatty, 1980), sympathique plicata, ou 'Maui Moonlight' (Aitken, 1986), en jaune pâle. Dans la seconde tranche des variété bien connues comme le brillant 'Bottled Sunshine' (H. Nichols, 1994) richement doté en récompenses, ou l'amoena jaune 'Protocol' (Keppel, 1994), qui a connu le même succès. Parmi les variétés plus récentes on découvre 'Delirium' (M. Smith, 1999), 'Star in the Night' (P. Black, 2009), ou 'Man's Best Friend' (P. Black, 2008), et bien entendu 'Starwoman' (M. Smith, 1997). La production autochtone n'est pas en reste, avec plein de très jolies choses comme le bleu pur 'Bel Azur' (Cayeux, 1993), le plicata pourpre 'Vitrail' (Cayeux, 2003) ou 'Fine Ecriture' (Cayeux, 2018), si proche de 'Rare Edition' qui à ouvert cette énumération et avec lequel on revient donc au point de départ !

Un coup d’œil chez les producteurs semi-professionnels qui tiennent maintenant une place non négligeable dans le paysage français des iris, fait apparaître des collections d'intermédiaires aussi importantes que chez lez grands professionnels.

En effet chez Bourdillon le choix se limite à seulement 47 produits. De son côté le catalogue de Iris en Provence, aussi peu fourni, s'est largement ouvert aux productions des nouveaux hybrideurs français, ce qui est réjouissant. Mais dans un catalogue comme dans l'autre on mélange allègrement IB et BB (1), ce qui crée une confusion que les véritables amateurs d'iris regretteront. Ce mélange est bien dommage, mais c'est aussi la démonstration que la maigreur du catalogue dans l'une et l'autre de ces deux catégories incite à les réunir pour donner plus de consistance aux pages qui leur sont dédiées. Il faut dire que si les catalogues sont si peu développés, c'est sans doute que la clientèle pour ces iris est encore trop peu consistante. Il y a donc encore beaucoup à faire pour vulgariser les iris de bordures qui, sans aucun doute, méritent d'être mieux connus et appréciés. ...Et qui en ce sens peuvent encore grandir !

(1) Même constat chez Cayeux, mais avec un seul exemple...

 Illustrations : 


 'Oklahoma Bandit' 


'Rare Edition' 


'Bottled Sunshine' 

'Delirium' 


'Vitrail'