18.6.22

AU PAYS DES TROPHÉES

Aux Etats-Unis l'esprit de compétition est présent à tous les niveaux. Il parcoure toutes les activités humaines, et le monde des iris n'y échappe pas. Vingt-trois médailles, coupes et autres trophées sont distribués chaque année par l'American Iris Society ! Il y en a pour toutes les catégories de fleurs et à l'occasion de différentes manifestations. 

 Chacune de ces distinctions va être détaillée maintenant : 

 Les distinctions événementielles 
President's Cup
Elle est attribuée au cours de la Convention annuelle de l'AIS. Pour être éligible un iris doit avoir été obtenu dans la Région organisatrice de la Convention de l'année d'attribution, quelle que soit sa catégorie, il peut aussi provenir d'un obtenteur dont le jardin fait partie de ceux qui seront visités lors de la Convention, quelle que soit sa localisation. Les iris doivent avoir été vus pendant leur croissance et au cours de leur floraison dans les différents jardins officiellement sélectionnés. Tous les participants à la Convention peuvent voter. Première attribution en 1966, à 'Skydiva' (F. Knocke, 1964). 


 Franklin Cook Cup, 
 Elle est attribuée dans les mêmes conditions que la précédente, mais ouverte aux variétés issues d'une autre Région que la Région organisatrice de la Convention de l'année. C'est 'Zantha' (Fay, 1947) qui a reçu la première coupe, en 1957. 

 Ben Hager Cup. 
 D'apparition récente, cette coupe est décernée au cours de la Convention annuelle, à un iris « médian », c'est à dire autre que TB, qui a pu être apprécié dans les jardins officiellement sélectionnés. C'est 'Dividing Line' (MTB, Ch. Bunell, 2004) qui en fut le premier récipiendaire, en 2007. 


 Zurbrigg-Mahan Seedling Cup. 
 Elle récompense le meilleur semis présenté à la Convention annuelle. Elle existe depuis 2014 seulement. Le premier attributaire a été le semis 08-6-10 (A. Pyburn TB) baptisé depuis 'Southwest Sweetheart'. 


 •J. Arthur Nelson Award 
 Aux Etats-Unis se déroulent chaque année, organisés par les sociétés iridophiles affiliées à l'AIS, une multitude de compétions locales, très appréciées par les amateurs du coin. La variété qui est arrivée le plus souvent en tête dans ces compétitions reçoit cette récompense. La première attribution date de 2010 et a récompensé 'Dusky Challenger' (Schreiner, 1986) ; une variété chevronnée mais toujours spectaculaire en concours. 


 AIS Board of Directors Award 
 C'est une récompense occasionnelle qui vise à réparer une injustice. En effet certaines variétés ont eu une influence majeure sur la culture des iris mais n'ont jamais réussi a obtenir la distinction numéro un : La Médaille de Dykes. L'AIS Board of Directors Award, créé en 1972, comble ce manquement. Depuis sa création il n'a été attribué que quatre fois et pour la première fois à 'Snow Flurry' (Clara Rees, 1939). 

Les distinctions catégorielles 

Chacune des quinze catégories d'iris possède sa médaille particulière, qui est attribuée chaque année. Cette médaille est la troisième étape d'un parcours long et difficile qui peut durer une dizaine d'années et qui comporte au moins trois distinctions intermédiaires : HM (Honorable Mention), AM (Award of Merit) et Médaille elle-même. Sont en compétition toutes les variétés de chaque catégorie mises sur le marché aux USA, selon un règlement minutieux. Ce sont des juges accrédités par l'AIS qui votent pour les variétés qu'ils ont vues au cours de leurs pérégrinations annuelles. 

Voici la liste de ces 15 décorations : 
The Caparne-Welch Medal pour le meilleur Iris Nain Miniature, (MDB) 
The Cook-Douglas Medal  pour le meilleur Iris Nain Stndard, (SDB), 
The Debaillon Medal pour le meilleur Iris de Louisiane, (LA) 
The Eric Nies Medal  pour le meilleur Iris Spuria, (SPU) 
The Founders of SIGNA Medal  pour le meilleur « Species » (espèce botanique d'iris) 
The Knowlton Medal  pour le meilleur Iris de Bordure, (BB), 
The Mitchell Medal  pour le meilleur « Pacific Coast Native »,(PCN) 
The Mohr Medal  pour le meilleur Arilbred ¼ de sang aril, 
The Morgan-Wood Medal pour le meilleur Iris de Sibérie, (SIB), 
The Payne Medal pour le meilleur Iris du Japon,(JA) 
The Randolph-Perry Medal pour le meilleur croisement d'espèces botaniques d'iris, 
The Sass Medal  pour le meilleur Irs Intermédiaire, (IB) 
The White Medal  pour le meilleur aril ou arilbred, (AR) 
The Williamson-White Medal  pour le meilleur Grand Iris Miniature, (MTB) 
The Wister Medal  pour le meilleur Grand Iris, (TB). Depuis 1998 elle est décernée à trois variétés chaque année pour tenir compte de la très grande quantité de variétés en compétition. 

 Les distinctions générales 

 Ce sont : 
 The American Dykes Medal  pour le meilleur iris obtenu par un hybrideur américain, toutes catégories confondues. C'est la quatrième et dernière étape de la course aux honneurs, la plus prestigieuse et la plus enviée. Elle existe depuis 1927 et a été attribuée 86 fois (jusqu'à 1990 elle pouvait ne pas être attribuée si aucune variété n'atteignait le nombre minimum de points requis – une modification du règlement à supprimé ce minimum -). 

 The Fred and Barbara Walther Cup Attribuée annuellement à la variété qui a reçu le plus grand nombre de votes pour une Honorable Mention (HM), quelle que soit la catégorie à laquelle elle appartient. Ce vaste choix est fait de manière à satisfaire le plus grand nombre d'obtenteur et, par ce moyen, d'encourager la culture des iris.

10.6.22

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Une première

 'Queen Jadwiga', C'est le nom de la variété qui a remporté cette année le concours de la MEIS (association des amateurs d'iris d'Europe Centrale). C'est une obtention de Katarzyna Zalewska-Taylor, charmante hybrideuse anglo-polonaise. Elle est la première polonaise, depuis 1945, à enregistrer des iris … et la première à triompher dans une compétition internationale. Félicitations à la récipiendaire. 

'Queen Jadwiga' (Zalewska, 2018) (Undercurrent X inconnu)



L'OR, LE SOLEIL ET LA LUNE

Quand on voit l'éclat et la splendeur d'un iris jaune moderne, comme 'Soleil de Laymont' (Dejoux, ),on est loin de s'imaginer qu'il a fallu près de cent ans pour obtenir une variété jaune vraiment jaune ! Aujourd’hui il n’est pas difficile de trouver un bon iris jaune, car il en apparaît des quantités chaque année. Mais jusque dans les années 1950 ce n’était pas le cas et les vrais jaunes étaient rares et pas toujours excellents. En fait cette couleur est restée exceptionnelle jusque dans les années 1930 et, s’il y a eu de réelles réussites parmi les iris diploïdes, le passage à la tétraploïdie a été beaucoup plus difficile dans ce coloris que dans les autres. L’origine de la couleur jaune se situe peut-être chez I. flavescens (De Candolle, 1813) dont on se demande toujours s’il s’agit d’une véritable espèce ou plutôt d’un hybride naturalisé de I. germanica et de I. variegata. Mais dans l’ère contemporaine on est à peu près d’accord pour dire que le premier jaune véritable se nomme ‘Aurea’ (Jacques, 1830). C’est à coup sûr un hybride de I. germanica, croisé depuis longtemps avec I. variegata donc comportant la couleur jaune, mais aussi des veines ou des traces violacées sur les sépales. Et ce sont ces traces violacées dont il a été si difficile de se débarrasser. Ce n’est que dans les années 20 que l’on a vu venir des iris vraiment jaunes. Le mérite en revient à Grace Sturtevant, une grande dame des iris qui a enregistré ‘Shekinah’ (1918), puis 'Gold Imperial’ (1924) dont on peut dire qu’ils furent les premiers jaunes de valeur. 



 On est donc certain que I. variegata est une des origines des iris jaune d'aujourd'hui, mais ce n'est pas la seule. Les indéniables qualités de la variété anglaise 'W. R. Dykes', bien qu'il faille avoir une certaine imagination pour la qualifier de jaune, ont fait qu’elle a été largement utilisée au début des années 1930 par tous ceux pour qui cette couleur était un défi à relever. En particulier par la famille Schreiner. Le croisement du jaune diploïde français ‘Pluie d’Or’ (F. Cayeux, 1928) et de ‘W.R. Dykes’ est à l’origine ‘Golden Treasure’ (Schreiner, 1936), une variété qui eut un énorme succès populaire. 

 Toujours dans les années 1930, Sydney Mitchell a tenté d’améliorer la pureté du jaune en alliant une variété d’un ton de bronze et une variété blanche ou vice-versa. Après une grande quantité de semis plus ou moins intéressants il a fini par obtenir ce qu’il cherchait : du jaune vraiment jaune. C’est le cas de ‘Alta California’ (1932) puis de ‘California Gold’ (1933) et surtout de ‘Happy Days’ (1938), qui est considéré comme l’aboutissement d’un long voyage. 


 Tandis que se déroulaient ces recherches aux Etats-Unis, en Europe F. Cayeux proposait ‘Eclador’ (1932) puis ‘Alice Harding’ (1932), tous deux issus de la souche « variegata ». 

 Les années 1940 ont été marquées aux Etats-Unis a atteint une sorte de perfection en utilisant les deux voies déjà explorées, en y ajoutant les mérites d’autres apparitions de la couleur dans des lignées qui ne lui étaient pas spécialement dédiées. Ce fut le cas, en particulier, de ‘Ola Kala’ (J. Sass, 1941), dont la renommée est vite devenue mondiale, ou de ‘Golden Eagle’ (Hall, 1942), lointain rejeton de ‘W.R. Dykes’. 

 Les années 1950 allaient être marquées par deux événements essentiels pour l’amélioration des iris jaunes. En premier lieu, pour accroître encore l’éclat du jaune, les hybrideurs ont eu l’idée d’ajouter au cocktail une pointe d’orange qui a eu pour résultat de colorer plus vivement les barbes et donc de mettre mieux en valeur le jaune de la fleur. Ce fut le cas, par exemple, de ‘Solid Gold’ (Kleinsorge 51), également descendant de ‘Ola Kala’ : le jaune est éclatant, grâce en particulier aux grosses barbes safran. Comme le dit « The World of Irises » : « La recherche sur les barbes mandarine a donné naissance à des sous-produits inespérés. Des jaunes sont apparus parmi les descendants de croisements destinés à obtenir des iris roses, et les hybrideurs ont été étonnés et ravis de leur qualité. Ces jaunes avaient un éclat, un brillant et une abondance de dentelle rarement rencontrés chez les jaunes conventionnels. » Ce fut le second événement survenu dans les années 1950. Les variétés les plus marquantes furent certainement le jaune canari ‘Limelight’ (Hall, 1952) et le jaune paille ‘Techny Chimes’ (Reckamp, 1955), mais également ‘Rainbow Gold’ (Plough, 1959).  



Il ne restait plus qu’à marier ces différentes origines pour obtenir les jaunes modernes qui peuplent maintenant nos jardins. Parmi ceux-ci se sont fait remarquer 'Denver Mint' (Maynard Knopf, 1962), 'New Moon' (Neva Sexton, 1968) petit fils de 'Limelight' et père d'un grand nombre de variétés de toutes couleurs, 'Warm Gold' (Schreiner, 1972), 'Gold Galore' (Schreiner 1978) puis les fameux jaunes de John Weiler comme 'Flaming Victory' (1982), descendant de 'New Moon', et ses propres descendants 'Pulsar' (1986) et 'Throb' (1990). Ils sont devenus infiniment nombreux. Trente ans après on en découvre chaque année de nouveaux, toujours plus vifs et brillants. Dans les noms qu'on leur donne il est toujours fait allusion à l'or – 'Financier' (Ghio, 1979) - , au soleil – 'Sun Shine In' (Keppel 2009) – et même à la lune (puisqu'en Amérique la lune est jaune!). De ce côté-là il n'y a guère d'évolution. Le monde change, les iris jaune font de même et embellissent, mais beaucoup moins le cœur des hommes !



3.6.22

ECHOS DU MONDE DES IRIS

FRANCIRIS © 2022 

 Malgré un déroulement un peu tardif et une floraison chaotique, le concours FRANCIRIS a récompensé des variétés de qualité. Les iris européens se sont taillé la part du lion. Pour la deuxième fois, après 2017, c'est un iris de Zdenek Seidl qui l'a emporté. Bravo à tous les participants et félicitations aux triomphateurs, notamment Zdenek Seidl, bien sûr, mais aussi les Français Stéphane Boivin, Martin Balland et Sébastien Cancade, le Polonais Robert Piatek, et les Italiens Augusto Bianco et Lorena Montanari, qui se sont partagé les places d'honneur. 

PRIX PHILIPPE DE VILMORIN : 
 1° prix : ‘Nad Oblaky’ de Zdenek SEIDL (2019) 
 2° prix : semis 16-36-04 de Stéphane BOIVIN 
 3° prix : ‘Sylvain Ruaud’ de Daniel BALLAND (2018) 


 PRIX GLADYS CLARKE : (meilleurs iris français) 
 1° prix : semis 16-36-04 de Stéphane BOIVIN 
 2° prix : ‘Sylvain Ruaud’ de Daniel BALLAND (2018) 
3° prix : semis 12-12E de Sébastien CANCADE 


 PRIX LAWRENCE RANSOM : (touffes les plus spectaculaires) 
1° prix : ‘Maggese’ de Augusto BIANCO (2017) 
2° prix : ‘Sylvain Ruaud’ de Daniel BALLAND (2018) 
3° prix : ‘Szlachcic’ de Robert PIATEK (2019) 


 PRIX DE LA SFIB : (meilleur parfum) 
semis 2-12A de Lorena MONTANARI 


 PRIX DE LA PRESSE HORTICOLE 
semis 2-12A de Lorena MONTANARI 

 PRIX DU PUBLIC 
1° prix : semis 16-36-04 de Stéphane BOIVIN 
2° prix : ‘Nad Oblaky’ de Zdenek SEIDL (2019) 
3° prix : semis 2-12A de Lorena MONTANARI 

 Pour assurer la pérennité de cette compétition, les conditions de plantation et de culture devront être modifiées afin de garantir une meilleure floraison.



ET INVERSEMENT

Chez les iris bicolores, la couleur claire est normalement celle des pétales, tandis que la couleur sombre concerne plutôt les sépales. Mais inverser cette disposition traditionnelle a tenté certains hybrideurs. Ils ont eu du mal, mais ils sont parvenus à leurs fins ! Maintenant on ne compte plus les amoenas et les bicolores inversés. En 2010 ici même deux articles ont abordé ce sujet. Douze ans plus tard on peut y revenir. C'est ce que nous allons faire aujourd'hui.


 Les gens bien informés, en matière d'inversion des couleurs parlent de trois souches : trois variétés par lesquelles tout a débuté. Keith Keppel dans son approche des « dark tops » (comme on appelle les iris inversés en langue anglaise) commence par la souche ‘Avis’. ‘Avis’ (Varner, 1963) présente bien les traits spécifiques des amoenas inversés. Cette apparence ne lui vient pas directement de ses parents, on peut donc dire qu’il constitue le point de départ d’un nouveau modèle. ‘Avis’ provient d’une part de ‘Arctic Skies’, déjà légèrement inversé, d’autre part de deux cultivars dans les tons de rose orangé, l’un issu de ‘Mary Randall’, l’autre provenant d’un semis de David Hall. Ce semis a été recroisé avec ‘Enchanted Pink’, puis, à la génération suivante, avec un jaune de la famille de ‘Mary Randall’ pour donner enfin naissance à cet ‘Avis’ qui nous intéresse. Parmi les descendants de ce précurseur, le plus intéressant est ‘Sea Venture’ (Bennett Jones, 1972), qui provient du croisement d’ ‘Avis’ et d’un blanc teinté de lilas : ‘Eternal Love’ (Schmelzer, 1966). C'est un véritable « dark top» aux pétales tendrement bleus et aux sépales qui, s’ils n’ont pas « la blancheur sanglotante des lys » comme disait Stéphane Mallarmé, n’en sont pas moins plus clairs que les pétales. A partir de ‘Sea Venture’, on est véritablement dans le domaine des « dark tops ». ‘Spécial Mozart’ (Anfosso, 1991) est directement issu de ‘Sea Venture’ et on verra plus loin qu’il a contribué lui-aussi au développement des amoenas inversés bleus. 

 Cependant la souche ‘Avis’ n’est ni la principale, ni la plus prolifique. La suivante, sur ce plan, est plus importante. Il s’agit de la souche ‘Surf Rider’. Cet iris a des pétales parme, des sépales d’un blanc laiteux où le bleu resurgit au cœur, ainsi que des barbes blanches. La fleur est peu ondulée, mais de texture épaisse ce qui lui confère une bonne tenue. Néanmoins ce qui a fait le succès de ‘Surf Rider’ (Tucker, 1970) c’est l’originalité de son coloris. Pour en arriver là, James Tucker a utilisé un semis de ‘Stepping Out’, associé à ‘Joy Dancer’. On ne décrit plus le premier, plicata emblématique mis sur le marché par la maison Schreiner en 1964 et récompensé de la Médaille de Dykes en 68. ‘Joy Dancer’ est un autre produit Tucker, enregistré en 1969, qui a attiré sur lui l’attention à Florence où il a obtenu la seconde place en 1974. C’est un mauve lilas à barbes jaunes qui a pour pedigree (Crinckled Beauty X Rippling Waters). Ni l’un ni l’autre de ces antécédents ne sont des « dark top », ‘Surf Rider’ est donc le point de départ d’une nouvelle souche. Si son originalité et sa fraîcheur lui ont valu une renommée mondiale, elles ont aussi tenté certains hybrideurs qui ont essayé d’en améliorer les caractéristiques. Trois des plus grands noms s’y sont essayés : Joë Ghio, Ben Hager et Sterling Innerst. Ghio a obtenu ‘Little Much’ (84) dans lequel se rejoignent les souches ‘Avis – par ‘Sea Venture’, encore une fois – et ‘Surf Rider’. Il est décrit comme ayant des pétales bleu moyen, des sépales blancs et des barbes blanc bleuté. Il répond bien à la définition des « dark tops ». A la même confluence que ‘Little Much’ se trouve ‘Incantation (Ghio, 1987) qui se présente un peu comme un amoena inversé mais le contraste y est atténué car la base des pétales est plus vivement colorée que le haut, pratiquement blanc, tandis qu’on retrouve le bleu des pétales aux épaules des sépales. ‘Ballerina Blue’ (Innerst, 1986) réunit ‘Surf Rider’ et ‘Sea Venture’, mais il n’a pas les qualités de ses cousins Ghio, ni celles de ses cousins Hager, et en particulier de ‘Timescape’ (1990). 


 Parlons maintenant de la troisième souche, la plus exemplaire et la plus productive. Elle a pour origine l’espèce I. imbricata. Voici ce qu’écrivait Keith Keppel à son sujet : « Originaire des montagnes du Caucase et du nord de l’Iran, ce diploïde de taille moyenne a des fleurs jaune verdâtre marquées de veines brun pourpré aux épaules. » Et Paul Cook, qui l’a utilisée en premier a écrit : « I. imbricata comporte indubitablement un gène inhibiteur qui supprime, certes incomplètement, les anthocyanes des grands iris. Cette suppression est d’habitude plus complète dans les sépales de la fleur que dans la partie supérieure, ce qui caractérise les bicolores inversés. » 

Partant de ce constat Paul Cook a utilisé I. imbricata pour obtenir ‘Wide World’ (1953), lequel peut être considéré comme cette fameuse troisième souche. Derrière lui, la première étape fut ‘Blue Fantasy’ (Louise Branch, 1958), puis vint ‘Edge of Winter’ (Schreiner, 1983). A partir de là on est en plein dans les « dark tops » avec au premier rang ‘In Reverse’ (Gatty, 1993) qui est proche de la perfection, avec des pétales nettement bleus et des sépales blanc bleuté ( sans parler de la qualité de la fleur qui a la grâce onduleuse de tous les iris de Gatty). Cet ‘In Reverse’ est à la base d’un grand nombre de « dark tops », notamment par l’entremise de ‘Honky Tonk Blues’, une variété qui a un grand rôle dans la multiplication actuelle des bicolores inversés. ‘Honky Tonk Blues’ (Schreiner, 1988) n’en est pas un, même s’il manifeste quelques signes d’inversion des couleurs, mais il a démontré son aptitude à engendrer des inversés de qualité, notamment par une amélioration du contraste entre pétales et sépales. De nombreux hybrideurs ont voulu exploiter cette aptitude. Ils ont intégré ‘Honky Tonk Blues’ à leurs lignées d’amoenas inversés, qu’elle soit de souche pure ou issues d’un mélange des souches. Pour ce qui est de la souche ‘Avis’, c’est sans doute Bernard Laporte qui en a tiré le meilleur parti en associant ‘Honky Tonk Blues’ et ‘Special Mozart’ pour obtenir ‘Iriade’ (2004), une variété désormais bien connue, même aux Etats-Unis. C’est encore Bernard Laporte qui a réalisé le croisement (Honky Tonk Blues X Timescape), lequel a produit une série de semis, très proches les uns des autres, mais nettement « dark top », avec, ce qui ne gâte rien, des fleurs bien formées et délicatement ondulées. Ces jolies fleurs n’ont pas été enregistrées, ce qui est bien dommage. 



 On a parlé un peu plus haut de ‘In Reverse’. Cet iris-là a eu une descendance remarquable. Ainsi de lui viennent directement ‘Reversi’ (Michaël Sutton, 2005) qui a pour pedigree In Reverse X (Bye Bye Blues x (Honky Tonk Blues x Dauber's Delight)), et ‘Crowned Heads’ (Keppel, 1997) (In Reverse X Honky Tonk Blues). 


 Croisé avec d’autres variétés a priori pas destinées à donner naissances à des inversés, ‘Honky Tonk Blues’ en a quand même engendré, et non des moindres ! Prenez ‘Quite the Reverse’ (Maryott, 1998), qui est de (Yankee Pride X Honky Tonk Blues), et surtout ‘Fogbound’ (Keppel, 1997) qui est à lui seul une souche d’amoenas inversés. ‘Honky Tonk Blues’, associé à ‘Battle Fury’ (Varner, 1978) a donné naissance à ce ‘Fogbound’. Celui-là a été mis à toutes les sauces et est devenu l’un des principaux géniteurs de ce siècle. Dans le domaine des amoenas inversés bleus, il est à l’origine de ‘Alpenview’ (Keppel, 2002), ‘Dance Recital’ (Keppel, 2005), ‘Endimanché’ (Bersillon, 2008), ‘Soiree Girl’ (B. Blyth, 2005), et ‘Waterfall Mist’ (P. Black, 2006), pour ne citer que quelques-uns. Quant à ‘La Part des Anges’ (Bersillon, 2008), il fait, le lien entre la souche ‘Fogbound’ et la souche ‘Surf Rider’. 


 Comme il fallait s’y attendre, les hybrideurs se sont mis à mélanger les différentes souches, comme ils ont fait pour les autres modèles ou coloris. Un exemple parfait de ce mélange est ‘Cloudscape’ (Paul Black, 2007) qui a pour pedigree Quite the Reverse X (Crowned Heads x Fogbound). Voilà un exemple de « tout en un » ! 



 Il est aujourd’hui assez facile d'obtenir des amoenas inversés ; A tel point que, chacun ayant montré son savoir-faire, les nouveautés dans ce domaine sont devenues plutôt rares. On en trouve partout y compris chez les hybrideurs de Russie ou d’Ukraine. Ainsi Igor Khorosh a produit ‘Zaprosy Mene u Sny’ (2009) dont le pedigree est (Kathleen Kay Nelson X In Reverse). En Italie, avec (Edge of Winter x Soap Opera) X Honky Tonk Blues, Augusto Bianco nous a offert ‘Aldo Ratti’ (1998) qui n’est pas tout à fait inversé, mais presque, de même qu’en France Lawrence Ransom est l’auteur de ‘Claude Louis Gayrard’ (1996) qui vient lui-aussi de ‘Edge of Winter’. Enfin en Slovaquie, Anton Mego a obtenu 'Dunajec' (2012) qui est une pure merveille… Mais le fait que ces iris soient devenus relativement communs n’enlève rien à leur charme, et c’est bien agréable d’avoir l’embarras du choix.