31.5.18

EN AVANCE !

Une fois n'est pas coutume. Irisenligne paraît avec un peu d'avance, pour cause de Convention de la SFIB à St Pol de Léon. Les iris au pays des choux-fleurs, des artichauts et des oignons !...

LA FLEUR DU MOIS

'Magic Potion' (Joseph Ghio, R. 1972) 
'Orchid Brocade' X seedling# 67-96Z: 'Clairvoyance' sibling 

Pour une recherche liée aux « Fleur du Mois » des mois précédents, j'ai songé à cette variété ancienne qui figurait dans la collection personnelle du docteur Ségui et donc dans le catalogue de « Iris de Thau » des années 1980. C'est là que je me l'étais procurer et je l'ai conservée jusqu'à ces dernières années, jusqu'à ce que la nécessité de faire de la place pour des variétés plus modernes m e contraigne à faire un choix qui a abouti à son abandon... Ainsi vivent et meurent les iris de jardin. J'ai toujours eu de l'attirance pour les coloris rares et particulièrement pour les iris gris. J'ai chéri 'Beghina', de Gina Sgaravitti, je l'ai même utilisé en hybridation, et 'Magic Potion' est un peu du même coloris.

Il est décrit, d'une façon pas facile à traduire, comme ayant des pétales « flesh orchid », c'est à dire rose chair bleuté, et des sépales rose orchidée, brossés de bleu au centre, ce qui n'est pas la description que j'en aurais donnée. Ce que Joë Ghio considère comme rose orchidée est plutôt un gris bleuté. La photo prise par Glenn Corlew, me semble tout à fait dans le ton, mais on n'a pas tous la même appréciation des couleurs !

Son parent féminin, 'Orchid Brocade' (Rudolph, 1963), est un descendant de 'May Hall' (Hall, 1952), une des nombreuses variétés rose tendre de son obtenteur. C'est une très jolie fleur rose légèrement bleuté, qui, compte tenu de ses qualités et de son potentiel, a été largement utilisée par les meilleurs hybrideurs américains des années 1970. Au premier rang desquelles on trouve 'Clarendon' (Gaulter, 1974) ou 'Grecian Gown' (Moldovan, 1965), mais aussi, plus récemment, des variétés Schreiner réputées : 'Scintillation' (1981), 'Gypsy Woman' (1985), 'Peach Picotee' (1981), 'Country Charm' (1998), 'Sugar Magnolia' (1998) et 'Starship Enterprise' (1999).

 Son autre géniteur est un frère de semis de 'Clairvoyance' (Ghio, 1970), dont on ne sait évidemment rien, mais qui ne doit pas être tellement éloigné de son frère, c'est à dire un rose – mauve, derrière lequel apparaissent deux variétés fétiches de Ghio, 'Commentary' (Babson, 1963) et 'Claudia René' (Gaulter, 1961). 'Commentary' est décrit dans la Check-List des années 60 comme : « Pétales chamois, sépales lavande violacé clair, brun roux aux épaules, barbes lavande pointées bronze. » L’association du brun chamois et de l’indigo clair donne une fleur de teinte pastel, un peu terne peut-être, mais chez qui les hybrideurs ont reconnu une fécondité exceptionnelle et l’aptitude, entre autres, à produire de beaux iris dans les tons de brun, bronze, chamois, chartreuse etc.… 'Claudia Rene' est un iris bitone rose, aux épaules fortement marquées de brun ambré, avec des barbes roses. Il fait partie de ceux qui, sans bénéficier d’un succès commercial particulier, ont eu la chance d’attirer l’attention d’un hybrideur sur leur fortes potentialités, et font aujourd’hui partie du patrimoine génétique d’une bonne partie des iris contemporains.

 Les iris gris ne sont pas franchement commerciaux. Les hybrideurs ne se précipitent donc pas pour en obtenir (c'est un argument favorable pour les collectionneurs avides de raretés). 'Magic Potion' ne fait pas exception à cette loi. Les listes de l'AIS ne lui connaissent que deux descendants officiels. C'est un peu dommage pour une fleur bien taillée, aux nombreuses branches et boutons. Cela ne laisse pas augurer de bonnes choses pour sa pérennisation et il est fort à craindre qu'elle ne figure sur la liste des variétés en voie de disparition...

Iconographie : 



 'Magic Potion' 


 'Orchid Brocade' 


 'Clairvoyance' 


 'Clarendon'

JOYCE TERRY ET COMPAGNIE

Ce qu'on appelle le modèle Joyce Terry correspond à un iris dont les pétales sont d'un ton de jaune et dont les sépales, d'un blanc pur en leur centre, sont bordés d'un net liseré du jaune des pétales. Les barbes sont le plus souvent mandarine, mais il en est de jaunes. C'est un modèle qui pose bien des questions aux amateurs de classification. Dans la plupart des catalogues il est classé parmi les iris plicata, c'est peut-être une commodité, mais techniquement c'est une erreur. Un plicata est un iris dont le fond blanc ou teinté de pigments caroténoïdes clairs (jaune, abricot, rose...) est plus ou moins recouvert de pigments anthocyaniques (largement sur les pétales, au minimum concentrés sur les bords des sépales). Mais de pigments anthocyaniques (bleu, violet...) il n'en est point sur le modèle Joyce Terry. Disons que c'est un modèle original dont l'origine reste mal connue, qui, à l’œil, se rapproche des plicatas.

 Pour qu'il devienne un modèle de référence, il fallait que 'Joyce Terry' (Muhlestein, 1974) dispose de qualités exceptionnelles. C'est évidemment le cas. Il fallait aussi que tous les amis des iris sachent de quoi on parle et pour cela il fallait une plante largement répandue à travers le monde. C'est aussi le cas. Cependant d'autres variétés obtenues dans les mêmes moments présentent les mêmes caractéristiques et si l'une d'entre elles n'a pas été choisie c'est qu'aucune n'a atteint la même notoriété.

En fait, comme l'écrit Keith Keppel dans « The World of Irises », l'apparition de ce modèle relève du hasard : « Des sous-produits du développement des iris à barbes mandarine ont été un bonus inespéré. Des jaunes sont apparus parmi les produits de croisement réalisés en vue d'obtenir des iris roses, et les hybrideurs furent étonnés et ravis de leur qualité. Ces jaunes avaient un velouté, un éclat, un niveau de dentelure rarement découverts chez les jaunes conventionnels. » Mais en l'occurrence il est question d'iris jaunes et non pas d'iris jaune et blanc. C'est David Hall qui, en 1951, en enregistrant 'Palomino', a involontairement provoqué l'apparition de ce modèle. Ce 'Palomino' n'est pas à proprement parlé un jaune et blanc (il est décrit comme « pétales rose clair et sépales crémeux entouré d'orange cuivré ») mais il donne déjà un aperçu de ce qui allait se développer parmi ses très nombreux descendants. Et « The World of Irises » précise : « 'Golden Garland' de Hall, issu d'un semis croisé avec le pollen de 'Palomino', fut la première introduction de la lignée des iris à barbes mandarine ayant des pétales jaunes et des sépales blancs bordés de jaune ( ...) » Mais Si 'Golden Garland' (Hall, 1956) fut le premier de la liste, d'autres descendants de 'Palomino' ont donné des résultats analogues, par exemple 'Valimar' '(Hamblen, 1956). On peut donc dire que l'origine du modèle se situe chez 'Palomino'.

 Il y a cependant deux variétés de base dont on est embarrassé quand il s'agit de définir leur propre origine. Il s'agit de 'Reta Fry' (Terrell, 1964) et de 'Debby Rairdon' (Kuntz, 1964). Du premier on ne sait absolument rien car son pedigree n'est indiqué nulle part. Quant au second, il est déclaré né de parents inconnus. On peut malgré cela, et sans trop s'avancer, penser qu'ils proviennent l'un et l'autre de 'Palomino'...

 A partir de 'Golden Garland' on a obtenu 'Craftsman' (Knopf, 1963), mais la descendance de 'Valimar' et de ses frères de semis dans ce modèle est bien plus importante. On y trouve notamment 'May Melody' (Hamblen, 1964) et 'Launching Pad' (Knopf, 1966). 'May Melody' est le parent de 'Charmaine' (Hamblen, 1966) qui est lui-même à l'origine de 'Genesis' (Tompkins, 1977) et... de 'Joyce Terry' – qui descend aussi de 'Launching Pad ! - . On y est !

 'Launching Pad', justement, se retrouve chez 'Charm Bracelet' (Schreiner, 1984) et plus encore chez 'First Interstate' (Schreiner, 1990) qui conduit à 'Happy Again' (Schreiner, 2002)...

 'Debby Rairdon' a engendré 'Lemon Crown' ( O. Brown, 1976) et le français 'Opera Bouffe' (Ransom, 1991). 'Reta Fry' a donné 'Fashion Rings' (Hamner , 1976), 'Twickenham' (van Valkenburgh, 1974) et surtout 'Peace Offering' (Ghio, 1971), variété fétiche de son obtenteur. 'Peace Offering' est un des parents de 'Bicentennial' (Ghio, 1975), joli exemple du modèle.

Une autre, et importante, source de variétés du modèle Joyce Terry se nomme 'Tinsel Town' (Tompkins, 1966). On lui doit entre autres 'Genesis' dont on a déjà parlé, 'Eastertime' (Schreiner, 1980) et 'Limelighter' (Schreiner, 1988).

'Joyce Terry' lui-même n'est pas à l'origine de nombreuses variétés qui lui ressemblent. Cela n'est pas étonnant puisque l'on sait que l'apparition du modèle résulte le plus souvent d'une altération du coloris jaune unicolore. Son descendant le plus intéressant pourrait-être 'Sunkiss' (Gartman, 1993). On verra un peu plus loin pourquoi.

 Revenons aux années 1970 et à 'Lemon Crest' (Rudolph, 1975) et son compagnon de catalogue 'Crystal Dawn' (Hamner 1975) qui sont deux autres points de départ pour des variétés aux pétales jaunes et aux sépales blancs cernés de jaune. Le premier a engendré 'Golden Surrey' (Rudolph, 1984) – et, par lui, 'Lemonella' (Hedgecock, 2008) - , le second 'Critic's Choice' (Gartman, 1988). 'Gold Ring' (Gaulter, 1977) et 'Lemon Lyric' (D. Meek, 1977) sont d'autres exemples de cette fin de décennie.

A partir des années 1980 il devient difficile voir impossible de trouver des liens de filiation entre les nombreuses variétés du modèle Joyce Terry qui apparaissent au fil des ans, sauf dans un cas, et non des moindres, celui qui unit 'Joyce Terry' lui-même et 'That's All Folks' (Maryott, 2004) vainqueur de la Dykes Medal en 2013.Et encore s'agit-il d'une filiation non vérifiée ! 'That's All Folks' apprécié de toute part, dispose d'un frère de semis baptisé 'Pure and Simple' (Maryott, 2003), qui lui ressemble diablement, mais qui n'a pas eu le même parcours exemplaire. Personnellement 'Pure and Simple' me plait encore plus que son cadet, en raison de la forme parfaite de sa fleur. Mais passons... Il est dommage que l'on ne sache pas exactement de qui descendent les deux frères. Leur père est en effet un semis Ghio numéroté U94-1A, qualifié de « inconnu ». Cela interrompt immédiatement toute recherche généalogique certaine. Je me risque cependant à émettre une hypothèse qui, pour être envisageable, ne repose néanmoins sur aucune certitude. Voici : On en revient au cas de 'Sunkiss' (Lily Gartman, 1993) évoqué plus haut. Lily Gartman, hybrideuse de talent disparue prématurément, travaillait en collaboration avec Joë Ghio et celui-ci a, d'ailleurs, enregistré plusieurs des variétés obtenues par celle-là, dont le dénommé 'Sunkiss'. On peut par conséquent imaginer que c'est ce 'Sunkiss' qui se cache derrière le semis U94-1A, qui ferait le lien entre 'Joyce Terry' et 'That's All Folks' !

 Presque chaque année il y a une variété nouvelle qui présente les traits, plus ou moins accentués, de 'Joyce Terry' et il serait pénible de parler de tous. On se contentera, dans le feuilleton qui commencera la semaine prochaine, de réunir les photos des plus réussies, avec leur pedigree pour être complet. A noter que les européens ne font pas preuve de beaucoup d'appétence pour ce modèle. Il y a des mystères, comme ça !

Ainsi se termine le portrait d'un modèle de fleur qui recueille toujours un certain succès presque soixante-dix ans après son apparition. Mais c'est un portrait qui a été difficile à réaliser. Parce qu'il ne correspond pas à un événement génétique connu et prévisible, mais plutôt à un incident fortuit, occasionnel par définition. Quoi qu'il en soit il nous gratifie de fleurs plaisantes dont il est probable qu'elles continueront longtemps à nous enchanter.

 Iconographie : 


 'Joyce Terry' 


'Golden Garland' 


'May Melody' 


'Launching Pad' 

 D'autres images sont à venir dans le feuilleton « Joyce Terry et Compagnie » publié à partir de la semaine prochaine.

25.5.18

EVOLUTION MONDIALE ET ITALIENNE

L'écrasante victoire de hybrideurs italiens au dernier « Concorso » de Florence, a inspiré le dialogue ci-dessous entre deux bons connaisseurs de l'iridophilie dans la péninsule.

Milan Blazek : (1)
« Félicitations aux hybrideurs italiens! Je connais le Concorso depuis 1963. Il y a quelques années l'Italie était très peu représentée, la plupart des iris ainsi que les vainqueurs venaient de l'étranger. L'hybridation européenne s'est fortement développée au cours des 25 dernières années. » 

Izidor Golob : (2)
« Milan, vous avez absolument raison ! Je suis content de constater des résultats comme ceux-là. Vous comme moi pouvons en juger en raison de notre âge et de nos expériences. Merci d'être avec nous ! »

 Milan Blazek :
« On en est maintenant à la troisième vague dans le développement de l'hybridation des iris barbus. La première, originaire de l'Europe du Sud et des territoires de la Méditerranée Orientale, s'est déplacée au cours du 19e siècle vers l'Europe de l'Ouest. Cent ans plus tard le centre le plus actif et le plus créatif était passé en Amérique du Nord alors que dans la seconde moitié du siècle dernier croissait l'importance du travail effectué en Nouvelle-Zélande et en Australie. Cette vague importante s'est répandue à la fin du 20e siècle et a pris un grand développement en Europe. Une activité d'hybridation est revenue à grande échelle en Europe de l'Ouest et au cours des dernières décades ce mouvement est devenu mondial En ce qui concerne le développement italien, je voudrais évoquer des personnalités comme Mary Senni, Flaminia Specht et d'autres italiens enthousiastes pour voir comment ce qui s'est passé à Florence en matière d'iris a influencé le développement mondial et comment cela a changé la situation en Italie. Je me souviens des premiers pas du jeune hybrideur Augusto Bianco et je me suis réjoui du succès croissant de ces propres hybrides. Maintenant les nouveautés italiennes sont capables d'obtenir une position prédominante au Concorso florentin. C'est quelque chose que je n'aurais jamais imaginé ! » 

Bon résumé et bel hommage tout à fait mérité !

 (1) = Spécialiste tchèque de l'iris -botanique et horticole -. Ancien directeur du jardin botanique de Pruhonice, dans la banlieue de Prague. 

(2) = Ingénieur slovène, obtenteur d'iris depuis plusieurs décennies et juge international. 


1 – 'Anima Cara' (Garanzini, 2018)  


2 – 'Sina at Home' (Burkhardt, 2014)  


3 – 'Esabella' (Dotto, 2018)  


4 – 'Wicked Cool' (Hedgecock, 2012) 

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Un baptême original 

C'est un événement exceptionnel qui s'est déroulé dimanche dernier 20 mai 2018 : le baptême d'un iris ! A ma connaissance cela ne s'est jamais produit auparavant.

 L'iris qui a été baptisé (au pétillant de Touraine !) porte le nom de 'La Grande Mademoiselle', et c'est un nom en adéquation avec le lieu où il s'est déroulé : la petite ville de Champigny sur Veude et son passé sous la châtellenie des Bourbon-Montpensier et, par conséquent, de la famille royale française et de son attribut la Fleur de Lys dont on sait qu'il est en fait une fleur d'iris stylisée.

 C'est posée la question de la couleur que devait avoir cette fleur. C'est le rouge qui a été préféré. Le rouge des robes somptueuses portées par la dédicataire sur certains de ses portraits et fort représentative à la fois du sang royal de la cousine de Louis XIV et de son caractère autoritaire et impulsif.

Restait à trouver l'obtenteur en capacité de fournir une belle fleur de ce coloris. Un appel a été lancé en 2015 à tous les obtenteurs d'iris de France, et parmi ceux qui ont répondu c'est Martin Balland qui a été retenu, pour l'aspect majestueux du semis qu'il proposait. Martin Balland, artiste polymorphe confirmé, est d'abord un un batteur de jazz bien connu dans le monde de la musique. C'est par ailleurs un amateur d'iris et un obtenteur de qualité qui, depuis 2012, date de ses débuts dans l'hybridation, a produit plus de 20 variétés nouvelles remarquables. Avec 'La Grande Mademoiselle', descendante de plusieurs variétés américaines superbes et aussi « rouges » que possible, il a obtenu une couleur brun-rouge riche et solennelle sur une fleur de grande taille portée par une plante haute (100cm) mais solide et qui pousse bien.

'La Grande Mademoiselle' (Balland, 2016) (Lenten Prayer x Dynamite) X Regimen.

GRANDEUR ET DÉCADENCE (III)

Les heures dolentes. 

Alors que, au tournant du siècle, dans le reste du monde, et particulièrement en Europe continentale, l'attirance pour les iris s'est considérablement accrue, en Grande-Bretagne, il semble que ce soit l'inverse qui se soit produit. Ce n'est peut-être qu'une impression personnelle, mais je le ressens comme cela En tout cas ce n'est pas une extinction car les amateurs anglais existent toujours, c'est une sorte d'engourdissement auquel j'ai trouvé très approprié d'attribuer le nom de « heures dolentes », en référence à l’œuvre du compositeur et pianiste français Gabriel Dupont (1870/1914). S'il en est une preuve, on peut la trouver dans le palmarès de la Dykes Medal britannique. Depuis 2000, elle n'a pu être attribuée que sept fois, toujours à des obtenteurs autochtones (C. Bartlett, B. Dodsworth, J. Hewitt et B. Emmerson). Ce sont quatre Iris de Sibérie et trois TB qui l'ont reçue. Jennifer Hewitt est la grande triomphatrice de cette compétition, avec trois médailles pour ses SIB.

Cy Bartlett est de loin le plus important hybrideur de cette période. Son catalogue, très complet, embrasse presque toutes les catégories d'iris et comporte de nombreuses variétés renommées. En voici quelques-unes, dans l'ordre alphabétique : 'Alexia' (2003 – BDM 2006), 'Alien Mist' (1998), 'Cannington Sweet Puff' (1990), 'Denys Humphrey' (1992), 'Lark Rise' (1993), 'Orinocco Flow' (1989 – BDM 1994), 'Severn Side' (1996), 'Violet Icing' (1993).

Barry Emmerson, formé par Nora Scopes et Bryan Dodsworth auquel il voue une véritable culte, fait le pont entre ses deux maîtres et les quelques hybrideurs d'aujourd'hui. Son 'Iceni Sunset' (2008) a eu la chance d'obtenir une BDM, et une autre de ses variétés 'Shaun Emmerson' est commercialisée en France par l'Iriseraie de Gombault. Il a aussi été le Président de la BIS, laquelle est présidée aujourd'hui par le botaniste Brian Matthew, mondialement connu.

Margaret Owen n'a enregistré que quatre variétés mais son 'Godfrey Owen' (1986) s'est fait véritablement connaître. Charles Welch, avec une dizaine de variétés, n'a pas non plus fait preuve d'une grande productivité. 'Blushing Moon' (2001) était en compétition à Jouy en Josas pour le concours Franciris de 2007.

Le rôle d'Olga Wells, en son jardin de Sissinghurst, est nettement plus important. Elle s'est exercée à différentes catégories d'iris et ses variétés naines et médianes valent la peine, tandis que son TB 'County Town Red', présent à Florence en 2008, a été déclaré « meilleur iris rouge ». A noter que ses TB résultent pour la plupart de croisements incluant une variété médiane ou naine, ce qui est assez exceptionnel.

Un mot encore à propos de Anne Blanco-White qui n'est pas à proprement parler une hybrideuse, mais qui a néanmoins obtenu un tout petit nombre d'iris du Japon et d'hybrides interspécifiques originaux.

Il nous reste à parler de Gary Middleton. C'est actuellement l'obtenteur le plus prolifique, avec plus de cinquante variétés de TB enregistrées. Cette abondante production concerne toutes les couleurs d'iris, mais jusqu'à ce jour elle n'a pas rencontré la faveur des juges britanniques. Elle est pourtant diffusée par Seagate Irises, une grande pépinière anglaise spécialisée dans les iris. Dans la période de pénurie que traverse l'iridophilie britannique, Middleton est une exception. Ses iris, qui n'ont rien de révolutionnaire, devraient satisfaire le plus grand nombre. Dans le genre traditionnel, on trouve le rose 'Isabel Mynott' (2010) ou le blanc pur 'Sanctification' (2009), tandis qu'en plus moderne il y a 'Desert Streams' (2006).

Tout ceci laisse penser que l'iris britannique n'est pas si moribond que ça. A mon avis, néanmoins, il a un important défaut : il reste enfermé dans son insularité, et ce n'est pas quelques participations à des concours européens qui changeront cette particularité. On a l'impression que la mondialisation, qui concerne les iris comme le reste, n'atteint pas la Grande-Bretagne ! Il ne faudrait sans doute pas grand'chose pour qu'elle s'ouvre au reste du monde comme le font d'autres nations européennes comme l'Allemagne, la Pologne ou la Slovaquie. C'est pourquoi on attend tous le jour où, comme d'autres l'ont dit, la Grande-Bretagne s'éveillera.

Iconographie : 


'Severn Side' 


'Blushing Moon' 


'County Town Red' 


'Desert Streams'

18.5.18

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Florence 2018 : l'Italie par K.O.

Victoire totale des obtenteurs italiens pour ce Concorso Firenze 2018 : Huit récompenses sur 10 !!
1 – 'Anima Cara' (Garanzini, 2018) 
2 – 'Sina at Home' (Burkhardt, 2014) 
3 – 'Esabella' (Dotto, 2018) 
4 – 'Wicked Cool' (Hedgecock, 2012) 


5 – 'Baba Jaga' (Dotto, 2018) 
6 – 'Mille Tre' (Bianco, 2017) 
7 – 'Poco di Buono' (Garanzini, 2018)) 
8 – 'Long Bay' (Bianco, 2017) 
9 – 'Lucomone' (Luconi, 2018) 
10 – 'Almast' (Dotto, 2018) 

… Et le meilleur iris de bordure est 'Valdarno' (Bianco, 2017)

OEILLETS D'INDE

Pendant quarante ans Jim Gibson a obtenu des iris plicatas sur base orange, avec des dessins anthocyaniques qui, par illusion d'optique, varient du beige au brun parfois un peu rouge. C'était sa composition préférée et l'on trouve dans ses enregistrements plus de soixante variétés de ce type. Avec leurs couleurs qui font penser aux œillets d'inde ou à la toge des lamas, ils ravissent les amateurs d'iris rutilants. Nous en avons retenu une trentaine qui ont été publiées ici pendant quelques semaines. C'est aujourd'hui la dernière livraison.

VI - les dernières années 

– les années passent mais n'altèrent pas les capacités de Jim Gibson...

 'Caldron Fire' : Honey Lace X Plum Gleam 


 'Sing Out' : Gigolo X Osage Buff


 'Huckleberry Fudge' (1996) : (Inspiration Point sib x Burgundy Brown) X semis # 18-6A 


 'Surprising Wit' (1999) : Inspiration Point sib X Broadway

GRANDEUR ET DÉCADENCE (II)

L'ère Dodsworth 

Les derniers feux de l'âge d'or se sont éteints avec le déclenchement de la seconde guerre mondiale. Pendant la décade antérieure, quelques obtenteurs avaient poursuivi le travail de leurs glorieux prédécesseurs. On peut citer parmi eux Haworthe Chadburn qui n'a enregistré qu'une petite poignée de variétés mais a réussi a décrocher l'une des premières Dykes Medal anglaises avec son jaune 'Golden Hind' (1934), Geoffrey Pilkington, lui aussi jardinier amateur mais actif animateur de la BIS qu'il a longtemps présidée, et Olive Murrell, dont le métier de pépiniériste se doublait de celle d'hybrideuse dans son jardin d'Orpington Nurseries. L'activité de cette dame s'est prolongée de 1920 à sa disparition en 1957, mais a connu son meilleur dans les années 1930, avec des variétés comme 'Talisman' (1930) ou 'White City' (1939).

La guerre a tout fait cesser. 'Mabel Chadburn' (1939) a permis à son petit obtenteur de recevoir une seconde DM en 1941, mais la BIS a suspendu son activité, laquelle n'a repris qu'après 1945.

Pendant les décades 1950/1960, une certaine activité a repris et des personnalités comme Leonard et Marjorie Brummitt, Harry Randall, Herbert Fothergill ou Cedric Morris ont acquis une célébrité qui a débordé les limites insulaires. Randall a récolté quatre DM anglaises entre 1952 et 1965, Fothergill est arrivé au même nombre entre 1962 et1973 et les Brummitt cinq jusqu'en 1979. Mais ces accumulations cachent forcément le petit nombre d'obtenteurs de valeur. Cedric Morris est le plus remarquable de ces britanniques. En tant qu'artiste peintre il a acquis une célébrité considérable dans le monde de l’art, mais en même temps il s’est fait un nom dans la botanique et l’horticulture, en particulier dans celle des iris. En tant qu'obtenteur il a eu l’exceptionnel mérite d’hybrider et de sélectionner un des tout premiers iris roses, sans doute même le premier iris rose d’Europe. Dans « The World of Irises » on peut lire : « En Angleterre, Sir Cedric Morris a utilisé ‘Sacramento’ (1) ‘Golden Hind’ et ‘Mary Geddes’ dans son programme de recherche sur les iris roses. Il en a résulté une série de plicatas jaunes. En croisant et recroisant ses semis, il obtint ‘Edward of Windsor’ (1945). …avec de grandes fleurs, une couleur vive, et des veines de texture violettes sur les sépales. » Dans les mêmes moments et jusqu’à la fin des années 50 , Cedric Morris enregistra toute une série de nouvelles variétés, dans un grand nombre de coloris, auxquelles il donna un nom commençant toujours par ‘Benton’ pour rappeler la propriété où ils avaient été obtenus.Cependant c'est à son ‘Benton Cordelia’ (1953) que la BIS attribua la Médaille de Dykes britannique.

Quelques amateurs se sont joints à ce panel. C'est le cas de H. R. F. Miller, avec 'Kanchenjunga' (1955 – BDM 1960) ou P. Hutchison avec 'Dancer's Veil' (1959 – BDM 1963), une variété qui a réussi à se faire connaître un peu partout.

Jusqu'aux années 1970, l'iridophilie anglaise a connu un grand creux que la personne de Alec C. Howe n'a guère comblé. Son seul iris qui ait eu un certain retentissement est 'Constance West' (1967). L'apparition de Bryan Dodsworth a été plus importante. Pendant les trente ans suivants il a outrageusement dominé son univers, et été honoré douze fois d'une Dykes Medal ! On aurait pu craindre que cette avalanche de médailles ne résulte que d'une absence de concurrents, mais il se trouve que les variétés signées Dodsworth sont effectivement d'excellents iris. Grâce à Lawrence Ransom qui en possédait la plupart, j'ai pu cultiver, avec des fortunes diverses, 'Annabel Jane' (1973 – BDM 1977), 'Dovedale' (1981 – BDM 1983), 'Buckden Pike' (1985-BDM 1987), 'Wensleydale' (1985 -BDM 1988), 'Wharfedale' (1989 – BDM 1991)', 'Whooper Swan' (1995 – BDM 1997)' et Cowrie Shell' (1997) ; quant à'Sullom Voe' (1992), c'est Michelle Bersillon qui me l'a fourni.

Les autres hybrideurs de cette époque ont eu du mal à rivaliser ! Evoquons Maureen Foster, connue aussi sous son autre nom de Probert, qui a enregistré une poignée de jolies fleurs, comme 'Cregrina' (1990) ou 'Festival Crown' (1992) et surtout Nora Scopes, valeureuse obtentrice dont la carrière a duré une trentaine d'années et qui s'est distinguée dans toutes les catégories avec de vrais réussites comme le BB 'Sparkling Lemonade' (1977), ou les grands TB 'Dark Rosaleen' (1976), 'Early Light' (1989), 'Quiet Thought' (1989) et 'Lamorna' (1990).

Cependant un autre concurrent de Bryan Dodsworth, R. E. Nichol, de Birmingham, a réussi à tirer son épingle du jeu. Son catalogue n'est pas très abondant, mais presque toutes ses variétés ont connu un franc succès et souvent une diffusion internationale. C'est le cas, en priorité, de 'Elizabeth Poldark' (1987) que l'on a trouvé un peu partout. C'est aussi celui de 'Amadora' (1991), 'Caroline Penvenon' (1989), 'Demelza' (1984), 'Dwight Enys' (1995), 'Jud Paynter' (1991), 'Loveday' (1992), 'Morwenna' (1984), 'Trevaunance Cove' (1992), 'Verity Blamey' (1998) ou 'Warleggan' (1990).

Madame Foster/Probert fait encore partie de ces véritables amateurs qui s'amusent à enregistrer quelques iris, mais Bryan Dodsworth, Nora Scopes ou R. E. Nichol sont de véritables spécialistes dans la lignée de ce qui se pratique partout dans le monde.

(à suivre...) 

Iconographie : 



'Benton Cordelia'


'Wharfedale' 


'Early Light' 


'Morwenna'

12.5.18

OEILLETS D'INDE

Pendant quarante ans Jim Gibson a obtenu des iris plicatas sur base orange, avec des dessins anthocyaniques qui, par illusion d'optique, varient du beige au brun parfois un peu rouge. C'était sa composition préférée et l'on trouve dans ses enregistrements plus de soixante variétés de ce type. Avec leurs couleurs qui font penser aux œillets d'inde ou à la toge des lamas, ils ravissent les amateurs d'iris rutilants. Nous en retiendrons une trentaine qui seront publiées ici pendant quelques semaines. 

V - les années 90 – 

Toujours plein d'iris superbes. Gibson est au sommet de son art.


'Lady Fire' (1992) : Parents inconnus 


 'Lightning Streak' (1992) : Yellow Brick Road X frère de semis de Mountain Melody 


 'Living Legacy' (1993) :Inspiration Point X Broadway 


 'Ruffled Copper Sunset' (1993) : (Semis # 123-OAP x (Pink Ember x semis # 6-9)) X (Smoke Rings x semis 23-8D)

GRANDEUR ET DÉCADENCE

La plupart des activités humaines connaissent des hauts et des bas. Il en va des iris comme du reste. C'est ainsi qu'après avoir exercé une autorité mondialement reconnue sur le monde des iris, la Grande-Bretagne connaît aujourd'hui un certain effacement dont on espère qu'il ne sera que passager.

Ainsi la Grande-Bretagne, considérée longtemps comme le premier pays des iris aura connu, en cent ans et un peu plus, une phase de gloire, entre 1900 et1930, et un lent déclin amorcé avec le déclenchement de la 2eme guerre mondiale et qui, sans doute, touche le fond maintenant.

L'âge d'or 

C'est intéressant de constater combien grande est la différence qui marque l'iridophilie anglaise par rapport au comportement des amis des iris ailleurs dans le monde. C'est ce que l'on constate à la lecture de la savante et remarquable analyse qu'a fait Clarence E. Mahan dans son ouvrage « Classic Irises and the Men and Women who created them ». Il y raconte l'histoire de chacun des grands personnages du monde des iris entre les tout débuts, vers la milieu du XIXe siècle, et le plein développement, au cours de ce que l'on a appelé les années folles (1920/30). Cela permet de constater qu'aux Etats-Unis comme en Europe continentale et même dans l'hémisphère sud l'approche a été principalement économique. Ferdinand Cayeux, Philippe de Vilmorin était d'abord des hommes d'affaires et ils ont orienté leur activité commerciale (avec une connotation artistique) vers les plantes qui les intéressaient. En Grande-Bretagne, même si la notion de profit n'est pas ignorée, on a eu affaire à des scientifiques, passionnés de fleurs et de jardinage, travaillant à parfaire ce que la nature avait créé.

En France, par exemple, les Lémon père et fils sélectionnaient des iris dont ils appréciaient la beauté mais dont ils voulaient avant tout faire commerce. En Angleterre, au même moment, Jonn Salter, homme de génie, se passionnait pour les plantes en général et pour les iris en particulier, et les variétés qu'il a hybridées, peu nombreuses, l'ont été principalement dans le but de créer des fleurs belles et fortes, même si il fallait bien faire des affaires : sa pépinière, baptisée « Versailles » en souvenir d'un séjour dans cette ville sous le règne de Louis-Philippe, était bien connue du tout Londres.

Mahan fait ensuite le portrait d'un groupe de pépiniéristes qui s'est distingué aux confins du XIXe et du XXe siècle. C'est la « bande des quatre » de l'époque : Peter Barr, Thomas Ware, Robert Parker et George Reuthe. C'est à eux que l'on doit le véritable essor de l'amélioration des iris et du commerce de ces plantes. Avec le recours à d'autres espèces que celles originaires d'Europe occidentale, comme 'Dalmatica', espèce méditerranéenne présente en Angleterre dès le milieu du 19eme siècle et affublée de diverses dénominations de circonstance dans les différents catalogues comme 'Princesse Beatrice', toujours présent dans les catalogues anglais. Pour ces pépiniéristes, les iris n'étaient qu'une des fleurs qu'ils avaient à vendre, parmi d'autres comme le jonquilles. Cela explique que la liste de leurs obtentions soit courte.

« Le nom de Sir Michael Foster brille plus qu'aucun autre dans l'histoire des iris des jardins du 19e siècle. Il a plus fait pour étendre notre connaissance du genre iris qu'aucune autre personne. Ses hybridations étaient principalement à but scientifique » (C. Mahan). C'est effectivement ce grand savant qui a placé son pays au firmament du monde des iris. Il s'est intéressé à toutes les catégories de cette plante mais si ses hybridations enregistrées sont restées peu nombreuses (une trentaine de TB seulement) plusieurs ont eu une importance considérable ('Kashmire White'- 1912, 'Mrs. George Darwin' – 1895, 'Nine Wells' – 1909, et, surtout, 'Amas' - 1885, qui fut le premier tétraploïde introduit en Europe).

Un autre grand personnage fut Amos Perry (1871/1953). Il fit ses premiers pas chez Thomas Ware avant de créer sa propre pépinière et de se lancer dans un vaste programme d'hybridation visant toutes les sortes d'iris et particulièrement les iris sans barbes (apogons), ce qui lui valut, en 1927, la Dykes Medal britannique pour 'Margot Holmes ' (1927). Les iris de Sibérie furent une de ses spécialités, mais il ne négligea pas les grands TB dont il enrichit le monde d'une centaine de variétés parmi lesquelles 'Black Prince' (1900), 'Belladonna' (1923),'Olive Murrell' (1924) ou, encore mieux, 'G.P. Baker' (1930).

Le nom de George Yeld est essentiellement connu pour son grand iris 'Lord of June' (1911), descendant de 'Amas', mais il s'était au préalable fait les dents avec des variétés diploïdes et il doit sa conversion à son amitié avec Michael Foster à qui il dédia l'une de ses meilleures obtentions 'Sir Michael' (1925).

On aborde ensuite le personnage de William Rikatson Dykes. Un monument des iris. Non pas tant par la qualité ou la quantité de ses hybrides, mais pour son inestimable bible « The Genus Iris ». Dykes est la démonstration de ce que je disais en commençant cette chronique : les hybrideurs britanniques sont plus intéressés par l'amélioration des iris que par les autres aspects de la question. Prenez l'exemple de 'Fulvala' (1916), croisement de deux iris Hexagonae et base des iris de Louisiane : espérer distribuer en Grande-Bretagne, en plein conflit mondial, une plante aussi peu rustique, ce n'est pas raisonnable, mais réaliser un croisement original et créateur, c'est un acte considérable et désintéressé ! Parmi ses quelques réalisations de grands iris, l'un des plus jolis me semble être 'Harmony' (1923).

Beaucoup moins connu est Arthur Fenton Hort. C'est encore un hybrideur de la période 1910/1930, et sa variété fétiche est certainement 'Ann Page' (1919) dont Clarence Mahan dit que c'est « l'un des premiers grands iris tétraploïdes à avoir acquis les faveurs du public des jardiniers ». Hort n'était pas un professionnel de l'iris mais plutôt un intellectuel, passionné de jardinage, professeur à Harrow, où il eut comme élève Winston Churchill.

La revue des grands hybrideurs britanniques des années 1920/30 s'achève avec Arthur J. Bliss. Tous ceux qui s'intéressent un tant soit peu aux iris connaissent (ou tout au moins ont entendu parler de) 'Dominion' (Bliss, 1917) car l'apparition de cette variété a été, comme l'écrit Clarence Mahan, « un événement révolutionnaire dans l'histoire des iris de jardin ». C'est ce que l'on a appelé « la révolution tétraploïde ». Arthur Bliss n'a jamais été certain des origines de son 'Dominion'. Il a longtemps cru que le parent femelle était un certain 'Cordelia', obtention de Robert Parker, mais il s'est aperçu que la variété qu'il avait utilisée comme s'appelant 'Cordelia' n'était sans doute pas la vraie. Le cas du parent mâle, 'Asiatica' est tout aussi sujet à caution. L'iris que Michael Foster avait baptisé 'Asiatica' avait été récolté en Turquie (un peu comme le fameux 'Amas') mais plusieurs iris cultivés comme étant 'Asiatica' se sont révélés comme étant en fait des variétés baptisées 'Kharput' ou 'Fontarabie', voire même 'Amas' en personne ! Quoi qu'il en soit, 'Dominion' est une pièce maîtresse de l'iridophilie moderne et ses gènes sont présents dans à peu près tous les iris contemporains. Car l'intérêt porté à son 'Dominion' a incité Bliss à en faire un usage intensif dans son programme d'hybridation, un véritable programme qui rapproche son comportement de celui de ses contemporains français ou américains et qui s'est prolongé jusqu'au début des années 1930 avec des variétés aussi connues que 'Cardinal' (1919), 'Bruno' (1922), 'Romola' (1923) et 'Grace Sturtevant' (1926), 'Hester Prynne' (1929) et 'Carfax' (1930).

Avec Arthur Bliss s'achève le tour d'horizon sur l'iridophilie anglaise de cet âge d'or que fut le premier quart du XXe siècle. Pendant cette période la Grande-Bretagne a été considérée partout dans le monde comme la grande nation des iris. Cette suprématie s'est matérialisée avec munificence par la création des différentes Médailles de Dykes que la British Iris Society a offert aux sociétés sœurs aux Etats-Unis, en France et en Australie et qui continuent de maintenir son influence, alors qu'au fil des ans, comme on va le voir, son importance s'est peu à peu éffilochée.
(à suivre...) 

Iconographie : 


'Princess Beatrice' 


'Kashmir White' 


'G.P. Baker' 


'Sir Michael' 


'Carfax'

4.5.18

OEILLETS D'INDE

Pendant quarante ans Jim Gibson a obtenu des iris plicatas sur base orange, avec des dessins anthocyaniques qui, par illusion d'optique, varient du beige au brun parfois un peu rouge. C'était sa composition préférée et l'on trouve dans ses enregistrements plus de soixante variétés de ce type. Avec leurs couleurs qui font penser aux oeillets d'inde ou à la toge des lamas, ils ravissent les amateurs d'iris rutilants. Nous en retiendrons une trentaine qui seront publiées ici pendant quelques semaines. 

 IV - de 1980 à 1989 – 

les vingt dernières années ont été celles de l'accumulation des réussites.


'Bronze Fawn' (1983) :Beyond X Orange Plume 


'Chief Hematite'(1983) : Golden Garnet sib X sib 


 'Gingerbread Girl' (1981) :Summer Sunshine sib X Plum Gleam 


 'Respond' (1983) : Beyond X Bronze Fawn sib 


 'Thunder Echo' (1987) : Beyond X Broadway

LA FLEUR DU MOIS

'Passing Clouds' (Ben Hager, R. 2001)
(('Peachtree' x ('Vanity' x 'Pink Persian')) x 'Silver Flow') X 'Behold A Lady'

Quand Ben Hager est mort en 1999, Richard Ernst a récupéré ses grands iris et en particulier ses semis en cours d'évaluation. C'est pourquoi des variétés obtenues par lui ont été enregistrées plusieurs années après son décès. Ce fond était d’une incroyable richesse puisqu'il y eut des matériaux pour encore cinq ans. Personne ne se plaindra de cette abondance et de cette longévité post mortem. Surtout quand il s'agit de variétés interessantes comme 'Passing Clouds'.

 Car, à ma connaissance, c'est un des premiers bicolores inversés dans un coloris qui sera marqué, six ans plus tard, par l'apparition de 'Legerdemain' (Keppel, 2007) qui a été « La fleur du mois » dernier. 'Passing Clouds' en est une avant-première. La description officielle en est : « Pétales bleu pâle, légèrement influencé de violet léger ; bras des styles bleu pâle ; sépales rose ocré, légère influence de lavande ; barbes jaune, orange dans la gorge ». A rapprocher de celle signée Keppel pour 'Legerdemain' : « (…) Les pétales bleu pâle, juste un petit peu plus sombres que les sépales, tirant sur le bleu verveine et chicorée. La teinte parcheminée des sépales sur les épaules et sur les bords est plus apparente quand la fleur vieillit alors que le bleu devient plus clair. Les barbes sont orange vermillon, pointées de blanc. (...) ».

 En dehors d'un coloris indéniablement voisin, on ne peut pas dire qu'il y ait un lien entre ces deux iris au niveau des pedigrees. 'Legerdemain à des origines sombres, 'Passing Clouds' provient de fleurs pastel. 'Peachtree' (D. Mohr, 1978), 'Vanity' (Hager, 1974), 'Pink Persian' (Buckles, 1973) sont des iris roses, 'Silver Flow' (Hager, 1983) est mauve, 'Behold a Lady' (Blyth, 1987) est un amoena jaune. Sans doute qu'il y a plusieurs chemins pour aller à Rome...

 Pour ce qui est de la descendance, avec un tel coloris, il ne faut pas s'attendre à une famille nombreuse. En l'occurrence elle est limitée à une seule variété, inconnue du grand public, l'anglais 'Jacqui' (Emmerson, 2012), de couleur rouge cerise né du croisement (Flames of Passion X Passing Clouds), dans lequel 'Flames of Passion' (Emmerson, 2008) est un iris pourpre marqué de rose aux épaules. A noter qu'en ce domaine, 'Legerdemain' n'a pas été beaucoup mieux loti, puisque seul Barry Blyth en a fait usage dans trois croisements qui n'ont pas abouti améliorer d'une façon ou d'une autre le coloris délicat initial. Seul 'That Song' (2013) s'en rapproche un tant soit peu, bien qu'il ait plus de ressemblance avec son autre parent 'Adoree'.

Si j'ai choisi de parler ce mois-ci de 'Passing Clouds' C'est à cause de sa proximité avec 'Legerdemain', traité le mois dernier, dans un coloris peu courant, et en raison des origines si franchement différentes des deux plantes. Mais si j'ai bien compris, ce n'est pas une association de couleurs qui attire les foules. L'un et l'autre de ces iris semble n'avoir eu qu'une fort courte existence commerciale laquelle a eu des répercussion sur leur course aux honneurs, puisque 'Legerdemain' s'est arrêté après une HM (Honorable Mention) en 2010 et que 'Passing Clouds' n'a jamais été honoré...

Iconographie :

  • 'Passing Clouds'
  • 'Pink Persian'
  • 'Behold a Lady'
  • 'That Song'

"IRIS ET PATRIMOINE"

La petite ville de Champigny sur Veude, modeste cité du sud-ouest de la Touraine, se prépare à vivre la première grande manifestation de son nouveau destin de "Cité des Iris". Le 20 mai 2018 sera la date de son festival "Iris et Patrimoine" où seront mis en valeur d'une part sa collection de près de 400 variétés de grands iris, remarquablement soignés et présentés, et de l'autre son riche patrimoine immobilier.

Ce sera aussi l'occasion de baptiser officiellement la variété 'La Grande Mademoiselle' (2017), une obtention du vosgien Martin Balland, d'un "rouge" profond, qui porte le nom de celle qui fut la cousine frondeuse de Louis XIV, duchesse de Montpensier, et la maîtresse du domaine de Champigny.

'MINISTRE FERNAND DAVID' et 'DÉPUTÉ NOMBLOT'

iris et politique

Je me pose la question : serait-il encore possible aujourd'hui de dédier un iris à un ministre ou à un député voire à un Président de la République ? Ferdinand Cayeux, en tout cas ne se l'est pas posée. Il a baptisé en 1929 une de ses obtentions 'Député Nomblot', il a récidivé l'année suivante avec un 'Ministre Fernand David' et en1933 ce fut le tour d'un 'Président Lebrun'. Quoi qu'il en soit, et même si, dans la forme, un tel baptême n'est plus possible, je vois mal un obtenteur américain , même s'il fait partie de ses partisans – il y en a ! - enregistrer un 'President Trump', et encore moins un hybrideur français faire le choix d'un 'Sénateur Raffarin' (par exemple), quelle que soit ses sympathies politiques ! Mais ne nous attardons pas sur ce chapitre périlleux et passons aux choses qui sont plus dans le registre qui nous intéresse.

 L'ordre chronologique devrait nous amener à parler en premier lieu de 'Député Nomblot' puisque c'est la variété la plus ancienne. Nous commencerons néanmoins par 'Président Lebrun' pour n'en dire qu'un mot car cet iris, bitone dans les tons de jaune, n'a pas rencontré la célébrité ! Le premier sur lequel nous nous arrêterons sera 'Ministre Fernand David' (1930) parce que, des deux autres, c'est celui qui a fait le moins parler de lui. Ce qui est le contraire de ce qui est arrivé aux dédicataires.

Fernand David, savoyard resté fidèle toute sa carrière à sa province natale, a commencé sa vie politique comme Conseiller Général du canton d'Annemasse. A 29 ans il se présente, en 1898, à la députation dans l’arrondissement de Saint-Julien en Genevois. Facilement réélu en 1902, 1905, 1910, 1914, il sera battu en 1919 et deviendra sénateur l'année suivante. Il le restera jusqu'à sa mort en 1935. En plus de ces mandats il occupera 9 fois la fonction de ministre (du commerce, des travaux publics et surtout de l'agriculture) aussi bien sous un gouvernement de droite que de gauche. Sa grande connaissance des questions agricoles justifie le fait qu'il ait été Ministre de l’Agriculture dans 5 gouvernements, pendant 35 mois. C'était un radical, typique de son époque, laïc, conservateur, patriote sourcilleux, défenseur de sa circonscription et des campagnes en général (1). C'est certainement pour l'intérêt qu'il portait aux affaires concernant l'agriculture qu'il a été honoré par Ferdinand Cayeux.

 L'iris qui porte son nom est une très classique variété de couleur violette. Dans le Bulletin de la SNHF de 1930 il décrit ainsi : « Très grande fleur, divisions supérieures violet rouge, divisions inférieures de même teinte mais un peu plus foncée ; très belle amélioration de 'Germaine Perthuis' à fleur beaucoup plus grande, et de coloris plus vif et plus brillant. » La SNHF en a fait l'un des trois meilleurs iris de l'année 1930. Il a reçu un excellent accueil aux Etats-Unis où il figure encore dans plusieurs collections historiques. En France il doit toujours se trouver dans la collection du Parc Floral de la Ville de Paris, à Vincennes. Malgré ses qualités il semble qu'il n'ait pas eu de descendance officielle. Il est vrai que l'originalité du coloris n'est pas sa qualité première et que d'excellents iris violets ne manquent pas.

Charles Alfred Nomblot n'a pas eu la brillante carrière politique de son contemporain David. Son mandat de député n'a duré que de 1928 à 1932. Mais il fut très longtemps maire de Bourg la Reine, où il dirigeait aussi une célèbre pépinière consacrée essentiellement aux arbres fruitiers et en particulier aux poiriers, et où se trouvait l'exploitation de la famille Millet, spécialisée, elle, dans les iris. Ingénieur horticole, il fut membre de l'académie d'agriculture, président de la chambre d'agriculture de la Seine et secrétaire général de la Société Nationale d’Horticulture de France. A l'Assemblée, il fut membre de la commission de l’armée, de celle du commerce et de l’industrie et enfin de celle de l’agriculture.(1) En 1932 il fut membre du bureau de la conférence internationale de Paris sur les iris et, à ce titre au moins, il a côtoyé Ferdinand Cayeux.

 L'iris 'Député Nomblot', dans le petit monde dont il fait partie, est d'une plus grande notoriété que son voisin 'Ministre Fernand David'. Dès son apparition il a retenu l'attention et la description qu'en donne le Bulletin de la SNHF laisse transparaître l'estime qui lui est portée, et ce dans une langue soutenue, qu'on ne rencontre plus guère aujourd'hui : « Splendide variété, tiges ramifiées et fortes, atteignant 1,30 m. de hauteur, portant des fleurs de jolie forme, aux divisions supérieures chamois cuivré teinté d'héliotrope clair ; divisions inférieures larges et solides, coloris purpurin éclairé de bronze et dégradé sur les bords, gorge réticulée de brun ocreux et barbes orange. » Le catalogue américain Cooley de 1932 en rajoute une couche dans le genre laudatif : « Le plus grand iris du monde. Fleurissant pour la première fois en Amérique pendant la saison de 1930, il a impressionné tous ceux qui l'ont vu. Pendant la saison dernière il a largement confirmé les premières impressions, et d'Angleterre et de France, aussi bien que de toute part dans ce pays, s'élèvent des chants de gloire pour ce géant imposant et racé. (...) » Ajoutons, pour terminer ce portrait élogieux que, dès son apparition, la Médaille de Dykes Française lui a été attribuée. Il a tenté plusieurs des hybrideurs de son époque et se trouve par deux fois au pedigree de 'Spun Gold' (Glutzbeck, 1939), le vainqueur de la D.M. de 1944.

Depuis cette double incursion, il n'y a pas eu de nouveau baptême d'iris au patronyme d'un membre du monde de la politique. Mais ces deux iris ont-ils été ainsi dénommé pour célébrer la gloire d'un politicien ? Je pencherais plutôt pour dire qu'il s'agit d'honorer des amis et connaisseurs du monde agricole en général et de celui des iris en particulier.

(1) Ces renseignements se trouvent sur Internet, essentiellement dans l'encyclopédie Wikipedia.

Iconographie : 


'Ministre Fernand David' 


'Député Nomblot' 


'Francheville' (parent femelle de 'Député Nomblot') 


'Spun Gold'