29.7.22

DERNIERE MINUTE

CONCOURS DE MUNICH 

 J'apprends à l'instant que le semis de Zdenek Seidl, classé en troisième position au concours de Munich 2022, a reçu le nom de 'Khamoro' (Seidl, 2020).





ECHOS DU MONDE DES IRIS

Concours de Munich 2022 

Les résultats du concours de Munich 2022 viennent de me parvenir. Le vainqueur est 'Staniszczanin' de Robert Piatek (Pologne), 2016. Devant 'Uprising' (Schreiner, 2019) et un semis de Zdenek Seidl, non encore enregistré. 

A noter la distinction de « fleur la plus originale » qui a distingué 'Emotaxilit ' de Pia Altenhofer, Allemagne, 2017, et la neuvième place du semis 1517L de Michèle Bersillon. 

Une nouvelle fois les semis européens se placent devant les plantes américaines, ce qui tend à démontrer leur niveau remarquable.




LA BONNE AVENTURE

L'association du rose et du bleu n'est pas courante dans la nature. Mais les hybrideurs n'ont pas toujours l'ambition de reproduire le naturel. Leur désir est souvent, au contraire, de créer quelque chose d'original. Ils s'en donnent à cœur joie s'ils remarquent que ce qu'ils ont imaginé, puis fabriqué, est à la fois esthétique et apprécié par leurs clients. C'est ce qui s'est passé avec les iris bicolores aux pétales roses et aux sépales bleus. L'apparition de ce modèle n'est pas nouvelle puisqu'elle remonte aux années 1960, mais il s'est particulièrement développé depuis une vingtaine d'années, et aujourd'hui on le voit apparaître chez la plupart des bons faiseurs. 

 On fixe les vrais débuts de ce modèle à l'apparition de 'Touché' dans la collection de Melba Hamblen en 1966. A partir de ce moment et de cette variété on a assisté à une continuelle amélioration du modèle. Les étapes ont été nombreuses et importantes : 
1. 'Touché' , où l'on trouve 'Lilac Champagne (Hamblen, 1964) – jaune clair et bleu lobélia, et 'Melodrama' (Cook, 1956) célèbre bitone violet clair ; 
2. 'Sugarplum Fairy' (Hamblen, 1979) ('Touché' x 'Misty Dawn') X 'Potpourri ; 
3. 'Song of Spring' (Hamblen, 1982), non pas rose/bleu, mais plus proche de 'Melodrama' ; 
4. 'Adventuress' (Hamblen, 1984), à l'origine d'un grand nombre de variétés dans les tons qui nous intéressent aujourd'hui ; 
5. 'Poeme of Ecstasy' (Hager, 1995), autrea jalon important de la lignée ; 
6. 'Fashionista'' (Blyth, 2005) ; 
7. 'Mayfair Melody' (Blyth, 2009). 
On en est donc maintenant à la huitième ou neuvième génération. Avec des étapes importantes comme, pour commencer, 'Sugarplum Fairy'. Cette variété a été largement par Melba Hamblen elle-même. Entre autres elle en a obtenu un autre rose/bleu : 'Karen' (1983). Ensuite vient le tour de 'Adventuress' qui a joué un grand rôle dans le développement du modèle avec, notamment, 'Sotto Voce' (2000), œuvre posthume de Ben Hager. 'Poem of Ecstasy' est sans doute le point de passage majeur. Bel exemple du modèle, il a, dans ce coloris, engendré plusieurs variétés de choix comme le délicieux 'Fashionista' cité ci-dessus ou 'Testament' (B. Hager, 2006), 'Broken Heart' (T. Johnson, 2006) et l'inestimable 'Florentine Silk' (K.Keppel, 2005), couvert de récompenses y compris la Médaille de Dykes. 'Fashionista' lui-même a permis à Barry Blyth de filer la métaphore avec le très élégant 'Ballerina Queen' (2007), lui-même suivi de 'Devilicious' (2010). 


 Il faut encore remarquer que la lignée commencée avec 'Adventuress' et 'Poem of Ecstasy' a eu d'autre développements, qu'un habile obtenteur comme Keith Keppel n'a pas manqué d'exploiter. 'Roaring Twenties' (2008), fils de 'Poem of Ecstasy', qui, en plus foncé, affiche les couleurs du modèle, est à l'origine de 'Wishes Granted' (Keppel, 2013), lui-même parent d'une superbe variété, aux couleurs profondes et bien nettes, 'High Achiever' (Keppel, 2022). 


 L'aventure des fleurs rose/bleu est une des meilleures du monde des iris. Elle a eu un démarrage difficile et plutôt tardif par rapport à ce qui s'est passé dans l'histoire de l'iridophilie, mais elle connaît depuis quelques années un développement actif que les descriptions ci-dessus sont loin d'avoir épuisé, et elle n'est certainement pas arrivée à son terme. Témoin cette obtention de Bob van Liere (Iris4U) (*), qui porte le numéro 14MF2, lequel est issu d'une lignée de bleus associée à un variegata, chez qui le bleu des sépales se risque à envahir par la base le rose des pétales, créant une nouvelle variante du modèle. 


 (*) pedigree : (By Dawn's Early Light x Blue Trill) X Repertoire 

Pour profiter pleinement des nombreuses variétés dont il vient d'être question, leur photo sera publiée ici aujourd'hui et pendant les deux prochaines semaines.

22.7.22

DAUPHINÉ OU VIVARAIS ?

Peut-être parce que les Régions qui sont nos actuelles subdivisions territoriales sont trop vastes et trop composites, nous avons de plus en plus tendances à faire référence, dans nos conversations, aux provinces de l'Ancien Régime. Elles nous parlent et évoquent l' « ancien temps », celui où tout était mieux que maintenant. Voilà pourquoi, au moment d'aborder la présence du monde des iris en vallée du Rhône, c'est les noms des anciennes provinces qui m'est venu à l'esprit. Sur la rive gauche, c'est le Dauphiné, et les départements de l'Isère et de la Drome. Sur la rive droite c'est le Vivarais, qui a donné naissance au département de l'Ardèche. Dans ce secteur le monde des iris est largement représenté. Peut-être est-ce même celui où il l'est le plus, avec au moins sept pépinières ou jardins d'iris. 

 Rive droite on rencontre Sébastien Cancade, à Annonay. Pas une pépinière à proprement parlé mais le riche jardin d'un amateur, hybrideur de qualité et homme de goût, mais aussi collectionneur de plantes rares. C'est en 1998 qu'il a commencé à s'intéresser aux iris en tant qu’amateur passionné. Il s 'est attaché à améliorer le type distalata, et dans cette optique il a enregistré ‘Martingale’ en 2014 puis ‘Croustillant’ (2019). Il explique qu'il vise « tout iris dont le volume de la plante est généreux (car pour lui) l’iris est avant tout une plante de jardin créée pour les jardiniers. » Il n'a encore à son actif qu'une douzaine de variétés (voir 'Mûre Mure' - 2008), mais ce sont tous des iris d'excellente facture qui démontrent qu'il a appris le métier avec les bons faiseurs. 



 Toujours en Ardèche, au fond d'un vallon charmant, les iris de Bernard Laporte tapissent les coteaux sur une vaste étendue. Ce sont les milliers de variétés qui constituent sa collection personnelle lesquelles servent de base à ses nombreuses hybridations. C'est presque 80 nouveaux iris que nous lui devons depuis 2004. A peu près tous les modèles et toutes les couleurs ont été abordés, avec de belles réussites comme 'Iriade' (2004), classé n° 2 au concours FRANCIRIS de 2003. D'un voyage en Australie, chez Barry Blyth, il a rapporté une quantité de semis qui peuplent maintenant son catalogue. Parmi ceux-ci une série remarquable de descendants de l'adorable 'Galway Piper' (Blyth, 2015) et les intéressants rejetons de couleur abricot soutenu du croisement (Yaquina Blue X Palace Symphony), comme 'Envolée Lyrique' (2021) et 'Kani Keli' (2021). 


 Passons sur l'autre rive du Rhône et arrêtons-nous dans le jardin de Stéphane Boivin. Ce dernier est un inconditionnel absolue de l'iris. Il s'y consacre avec passion et est considéré comme un grand espoir de l'hybridation française et sans doute mondiale. Il n'a encore a son actif qu'une quinzaine de variétés dont plusieurs se sont fait remarquer dès leur apparition (voir 'Aime Bay' (2015), qui a séduit Paul Black lui-même aux USA), ou 'Nuage de Lait' (2015), au catalogue de Iris en Provence). 


 Le splendide jardin de Daniel Borys s'étend un peu plus au sud. Comme l'a écrit le Dauphiné libéré, journal régional : « l’histoire de Daniel Boris débute quand sa fille lui offre une vingtaine de pieds il y a quelques années. Il se passionne alors pour sa culture, son histoire, partage, échange, créé ses propres iris, et depuis plusieurs années, ouvre son jardin gratuitement au public. » Ce farouche indépendant, s'exerce aussi à l'hybridation mais ne se décide pas à faire enregistrer ses obtentions. C'est bien dommage car il en existe près d'une trentaine et les connaisseurs qui les ont vues ne tarissent pas d'éloges. Exemple : 'Esquisse d'Ivresse (2013). Ces jolies choses resteront donc dans l'anonymat et sont de la sorte condamnées à ne pas connaître le succès qu'elles semblent mériter. 


 Dans le même secteur se trouve la pépinière de Thierry Lanthelme, Iris 26, à St Gervais sur Roubion. C'est une véritable pépinière qui ne pratique pas l'hybridation mais commercialise de nombreuses variétés internationales . 

 De création récente, « les iris du val de Drome », viennent s'ajouter à la liste des pépinières consacrées aux iris, dans cette région. 


 Pour terminer ce tour d'horizon régional et rhodanien, arrêtons-nous dans le tout petit jardin de Rose-Linda Vasquez, à Bollène dans le Vaucluse. Dans cet espace très contraint, pousse une grande variété de grands iris dont les obtentions maison qui démontrent qu'en peu de place il est possible d'obtenir des iris de valeur, comme 'Danube du Barry' (2009) qui a obtenu le troisième prix au concours FRANCIRIS de 2011. 


 Les conditions climatiques sont effectivement favorables à la culture des iris. C'est en partie la raison pour laquelle la vallée du Rhône et ses contreforts connaissent une telle proportion de jardins et de pépinières. Le phénomène n'est pas nouveau : pendant de nombreuses années, à l'ouest de Vienne, Maurice Laurent a fait commerce des iris. Il a arrêté brusquement cette activité pour se spécialiser dans les viornes, ce qui est une toute autre affaire dont l'originalité fait tout l'intérêt. Un peu plus tôt, il a existé un vaste jardin d'iris dans la banlieue de Grenoble qui a disparu dans des conditions rocambolesques : un employé mal inspiré a un beau jour passé la tondeuse sur le champ d'iris, détruisant non seulement les plantes mais encore, et irréparable, les étiquettes d'identification des variétés ! La population de la région Rhône-Alpes a beaucoup de chance, et elle en profite. Car les collections privées y sont nombreuses et mériteraient qu'en soit fait un inventaire.

17.7.22

LA FLEUR ET LA FEUILLE

Dans les concours d'iris ce n'est pas la fleur qui est l'élément primordial mais la feuille ou plus exactement la plante. En effet ces concours n'ont pas pour seul but de couronner la plus belle fleur, mais de faire progresser l'horticulture des iris. Et le progrès ne viendra pas d'une fleur admirable, mais d'une plante saine, solide, florifère, élégante, bref bien sous tous rapports. Pour être une bonne plante de jardin, il faut que l'iris ait un beau feuillage, ni trop maigre ni trop volumineux, avec des feuilles saines, de couleur agréable, résistantes aux maladies, ni trop hautes ni trop basses, qui mettent en valeur la hampe florale. Trop abondant, le feuillage fera que les fleurs vont paraître insignifiantes, elle pourront même être en partie dissimulées par leurs encombrantes voisines ; trop grêle il semblera maladif, rachitique et triste ; le visiteur se détournera, son regard étant attiré par un voisinage plus avenant. Cet aspect médiocre pourrait aussi faire penser à quelque faiblesse qui ferait de la plante, quelles que soient les qualités de sa fleur, le vecteur de quelque maladie... Il faut que l'iris soit attrayant à tous points de vue, en pensant à l'effet qu'il va faire au jardin et à à l'intérêt qu'il pourra avoir sur la qualité de ses éventuels descendants : l'eugénisme a toute sa place en horticulture ! Les qualités du feuillage traduisent les dispositions de la plante à faire progresser le monde des iris en général. 
 Un iris de concours se doit donc d'avoir un feuillage engageant, garant de ses autres qualités. Mais les juges qui vont l'examiner vont surveiller d'autres éléments : la hampe florale et ses ramifications.Pour supporter des fleurs nombreuses, plutôt volumineuses et disposées dans sa partie haute, il faut des tiges particulièrement solides et résistantes au vent et à la pluie. D'autant que ces tiges vont s'élever au-dessus du feuillage, lequel joue, entre autres, un rôle protecteur. Un des dangers que courre un iris en fleur est de ne pas pouvoir tenir ses hampes florales bien verticales quelles que soient les circonstances atmosphériques. Ces hampes – qui mesurent tout de même près d'un mètre de haut – doivent donc être robustes, abondamment racinées et bien équilibrées. Elles doivent aussi afficher d'autres caractéristiques : 
- Une forme en candélabre ; beaucoup de débutants pensent qu'une tige bien droite est un atout. C'est une erreur. Car il faut que les fleurs qui se situent en-dessous de celles placées tout au sommet de la tige puissent s'épanouir aisément. Si la tige est absolument droite elles sont coincées contre la hampe et ne pourront prendre tout leur développement qu'en s'inclinant vers l'extérieur, ce qui n'est pas esthétique. C'est la tige qui doit s'incliner pour laisser à la fleur tout l'espace dont elle a besoin. Par ailleurs les fleurs doivent s'étaler le long de la tige principale et ne pas se trouver rassemblées tout en haut car une telle disposition a plusieurs défauts : elle réunit tout le poids de la floraison au même endroit, ce qui aggrave le risque de verse de la hampe, ainsi surchargée ; les fleurs ainsi rassemblées ne disposeront pas d'assez d'espace pour s'épanouir librement, ce qui nuira à l'élégance de la floraison. 
- Pour la longévité de la floraison, des hampes latérales doivent se développer et porter des fleurs ; quand c'est le cas on dit que la plante est bien branchue, ce qui lui assure une bonne note. On considère aujourd'hui qu'un bon iris doit disposer d'au moins trois hampes annexes, partant dès le niveau du sol pour la première. 

 Reste la question de la fleur. Dans un concours celle-ci a une place ambiguë. C'est indéniablement un élément majeur quel que soit le point de vue auquel on se place, mais elle n'est pas appréciée de la même façon par tous ceux qui vont la regarder. Le public va être sensible au côté spectaculaire (ce qui fait le succès des couleurs vives et des associations flamboyantes) mais aussi aux coloris tendres, comme le rose ou le bleu ciel. Il va apprécier les fleurs bouillonnées et celles qui sont nombreuses à être écloses en même temps. Cela ce remarque dans les résultats du votes des visiteurs de l'exposition. Le jury va s'intéresser à l'originalité du coloris ou de l'association des couleurs ; il va prendre en considération la taille des fleurs, les proportions qu'elles respectent par rapport à la hauteur de la plante. Il va vérifier plusieurs aspects qui n'intéressent pas, ou peu, les simples spectateurs, comme la consistance du tissu floral, la tenue des pétales (ils ne doivent ni s'écarter exagérément, ni s'effondrer trop rapidement), la résistance aux intempéries, la durée de vie avant la fanaison, la résistance des couleurs à la pluie ou au grand soleil... Il va s'assurer que les fleurs s'épanouissent aisément (les fleurs bouillonnées ont parfois du mal à déployer leurs pétales...) et régulièrement, que, lorsqu'elles se fanent, elles ne s'écroulent pas sur leurs voisines... Il ne manquera pas de humer le parfum et d'en mesurer l'agrément et l'intensité. Tout cela dans l'optique de ne couronner qu'un iris qui donnera satisfaction en tous points à celui qui en fera l'acquisition. 

 Au moment du palmarès il y a parfois une certaine incompréhension du public qui est avant tout sensible à ce qu'il voit à l'instant où il est présent au jardin de présentation. Mais dans la durée, l'avis des juges sera primordial. Il est très recherché des obtenteurs, même s'ils peuvent parfois être un peu dépités si leurs candidats ne sont pas classés comme ils l'auraient désiré. E n revanche si leur variété remporte le concours ou, à tout le moins, décroche une place d'honneur, ils en tireront très certainement un profit : profit en terme de notoriété tout d'abord, profit commercial, par ailleurs, parce qu'en fin de compte les amateurs feront confiance aux choix des juges.

Bouton floral d'iris tétraploïde                                                                    cl. Kat. Zalewska                                                                  

8.7.22

LES OUBLIÉS

AIS Board of Directors Award 


 Parmi les nombreuses distinctions distribuées par l'AIS figure cet «AIS Board of Directors Award ». C'est une récompense qui n'a pas de périodicité arrêtée puisqu'elle a été instituée pour réparer l'injustice qui survient de temps en temps, lorsque une variété particulièrement valeureuse, une étape majeure dans la développement de l'iridophilie, n'a pas reçu la Médaille de Dykes qu'elle aurait amplement méritée. Il est donc évident que le BDA ne peut pas être attribué régulièrement. D'ailleurs elle ne l'a été remise que quatre fois depuis son institution en 1972. 

 La première variété à le recevoir a été 'Snow Flurry' (Clara Rees, 1939). Il a fallu un tiers de siècle pour que cette plante formidable reçoive enfin une distinction qui, si elle n'est pas la plus prestigieuse, accorde une certaine reconnaissance à la variété dont les gènes doivent se trouver dans à peu près tous les iris actuels. 


 Clara Rees a croisé 'Purissima', un tétraploïde blanc, avec le rose (et français) 'Thais', et obtenu seulement deux graines. Il n’y a qu’une de ces deux graines qui a germé, mais le produit a dépassé toutes les espérances : Un iris blanc, tétraploïde, impeccablement coiffé, ondulé, bref une fleur parfaite. Aussitôt qu’il a vu cet iris en fleur, le producteur Carl Salbach a été à ce point subjugué qu’il a acheté la totalité du stock pour le mettre en culture et l’introduire sur le marché. 'Snow Flurry' n’est pas une plante très fertile, il produit peu ou pas de pollen, mais heureusement il se comporte en bonne génitrice et les enfants qu’il a eus son tous formidables. Avec lui Madame Rees avait obtenu le plus fameux iris blanc des temps modernes. Il est d'autant plus surprenant que, chacun ayant reconnu ses aptitudes, les juges d'alors ne lui aient pas fait l'honneur de la DM. Mais les choses sont ce qu'elles sont et la reconnaissance a fini par arriver... 

 Le second récipiendaire de l'AIS Board of Directors Award a été 'Tobacco Road' (Rudolph Kleinsorge, 1941). 


 Tous ceux qui s’intéressent aux iris bruns connaissent ‘Tobacco Road’ (Kleinsorge 41), tout au moins de nom. En effet celui-ci apparaît si souvent dans les pedigrees qu’on ne peut pas l’ignorer. C’est un nom qui dit quelque chose aux bibliophiles et aux cinéphiles car « La Route au Tabac », suite de nouvelles d’Erskine Caldwell et le film que John Ford en a tiré sont des monuments dont chacun a forcément au moins entendu parler un jour. Cependant la renommée de la variété éponyme, plus qu'à ces souvenirs littéraires, fait référence à l’image du tabac que véhiculent les pétales de la fleur, bruns comme les feuilles séchées de la plante. Dans le numéro du printemps 1976 du bulletin de l’AIS  on peut lire à son sujet : « Il faut admettre que ‘Tobacco Road’ n’est pas exempt de défauts : il pousse difficilement dans les régions chaudes ; il résiste mal à la pourriture, surtout quand l’hiver a été rigoureux. Ce n’est même pas le premier iris brun ; c’est à son grand parent ‘Jean Cayeux’ qu’on peut donner cette distinction, et d’autres iris de Kleinsorge, comme ‘Buckskin’ ou ‘Aztec Copper’, peuvent être qualifiés de brun – de même que quelques autres iris des années 30, comme ‘Copper Lustre’, vainqueur de la Dykes Medal, qui présente ce coloris et quelque chose en plus. Mais la fleur ! Des sépales larges, arrondis, doucement évasés ; des pétales jointifs et résistants – et par-dessus le marché des tiges bien branchues. Il donne son meilleur sous le paisible climat du Nord-Ouest de l’Oregon et du Washington. A voir sa robustesse on était convaincu que la perfection a existé. » Une perfection que les juges n'ont pas reconnue et qui a fait que 'Tobacco Road' est resté au niveau de l'AM. Trente-quatre ans plus tard la réhabilitation est intervenue... 

 Il n'y a pas que chez les grands iris de jardin que l'injustice a frappé. Le SIB 'White Swirl' (Fred Kassebeer, 1957) en a également souffert. Comme c'est souvent le cas pour les histoires extraordinaires, celle de 'White Swirl'' mérite d'être contée. Dans un post du 25/02/2019 dans le blog de l'AIS, Bob Hollingworth l'a fait. Il raconte qu'on ne sait pas trop bien quels sont ses parents, mais que dès son apparition les amateurs ont compris qu'ils avaient affaire à quelque chose d'exceptionnel. Cette fois les juges n'ont pas hésité et ils ont attribué en 1962 un « Morgan Award », l'équivalent à cette époque d'un AM pour les Iris de Sibérie. À cet iris blanc, teinté de jaune au cœur, avec une forme nouvelle et spécialement gracieuse on pouvait prédire l'accession à la DM, hélas à cette époque, cette suprême distinction n'était pas accessible aux iris autres que TB ! Ce n'est qu'en 1987, trente ans après son apparition que 'White Swirl' a recueilli la reconnaissance du monde des iris. 


 Ce n'est qu'en 2021 trente trois ans après sa dernière attribution que l'AIS Board of Directors Award est réapparu. C'est le remarquable SDB 'Chubby Cheeks' qui en a bénéficié, et c'est une décision amplement méritée. 'Chubby Cheeks' (Paul Black, 1984) est un SDB plicata qui n'est jamais passé inaperçu. Voici ce qu'en dit son obtenteur : « Quand les semis issus du croisement ('Concord Touch' x 'Daisy') X 'Soft Air') ont fleuri, ils représentaient tout ce que je pouvais en attendre. Ils offraient toute la gamme d'un fond blanc pur avec de nets dessins plicata violet à un fond crème avec des marques brunâtres. Beaucoup avaient des bandes de couleur encerclant les dessins plicata et ont donné naissance à ce qu'on appelle les « plicatas cerclés ». Il y en a un qui sortait vraiment du lot. C'est le semis n° 824E Baptisé plus tard 'Chubby Cheeks'. Il avait un entourage d'un violet grisé délicat sur un fond d'un blanc chaud. La forme pleine, riche, arrondie et ondulée était une avancée significative et devint sa marque de fabrique. On ne pouvait pas l'appeler autrement que 'Chubby Cheeks' (1) et c'est comme ça qu'il a commencé à être connu, un nom bien choisi ne fait jamais de mal. » 


 Il est évidemment anormal que des variétés aussi importantes que celle-ci aient autant de mal à recevoir la récompense suprême. Mais les grands iris ont une telle importance dans l'activité des hybrideurs comme dans les goûts des amateurs, qu'il est très difficile qu'il en soit autrement. Un progrès est déjà intervenu lorsque la médaille est devenue accessible à toutes les catégories d'iris, mais le nombre de voix qu'une variété peut obtenir est fonction du nombre de fois qu'elle aura pu être vue par les juges. Tant que les TB seront outrageusement majoritaires la difficulté persistera et ils rafleront les récompenses. Il est donc essentiel qu'un trophée comme l'AISBDA soit là pour reconnaître la haute valeur de certains iris d'autres catégories. 

 (1) On peut traduire « chubby cheeks » par « gros joufflu »

2.7.22

LA FLEUR DU MOIS

'Ikar' (Adolf Volfovitch-Moler, 1992)  

('Rippling Waters' X 'Pipes Of Pan') 

Tout le monde a été surpris quand le jury de Florence a désigné IKAR comme meilleure variété de 95. Non pas parce que l’iris n’en valait pas la peine, mais pour deux autres raisons : d’une part ce prix couronnait une variété issue d’un pays dont on ignorait même qu’il abritait un amateur d’iris, et dont certains cherchaient fébrilement l’emplacement dans leur atlas, d’autre part parce que les origines de cet iris laissaient à penser qu’il pouvait s’agir d’une plante désuète, disons plutôt passée de mode. En effet Rippling Waters et Pipes of Pan, sont deux variétés des années 60, dont on n’imaginait pas qu’elles puissent donner naissance à une variété moderne, trente ans plus tard. Et pourtant, IKAR est un iris très joli, grand et bien proportionné, dans un coloris pastel agréable à l’œil : les pétales sont blancs un peu violacé, on peut dire blanc huître, et les sépales d’un mauve améthyste léger, éclairci sous les barbes qui sont mandarine. L’ensemble est légèrement ondulé, gracieux. A y regarder de près, on constate tout de même que cette fleur avoue son âge : les sépales sont un peu pincés, donc ayant tendance à retomber, et l’allure générale n’a pas l’ampleur des variétés d’aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, IKAR n’a pas volé sa distinction, et les juges ont fait preuve d’une belle impartialité en tenant compte davantage des qualités de la plante que de sa modernité. 

Adolf Volfovitch-Moler était un scientifique retraité, bourru et entêté, mais passionné par ce qu’il faisait, les iris, bien sûr, mais aussi les glaïeuls, aux hybrides desquels il a fait faire un véritable bond en avant, avec des coloris franchement nouveaux obtenus par l’utilisation chimique du manganèse, et des fleurs denses, robustes et résistant bien aux intempéries. 

 Adolf Volfovitch-Moler reconnaissait la modestie de ses moyens et se plaignait de son isolement et des difficultés qu’il rencontrait à l’époque pour se procurer des variétés modernes pour enrichir ses hybridations. C'était encore, en 1995, un petit exploit que de faire parvenir au fin fond de l'Asie centrale des obtentions récentes. Néanmoins je lui en ai fait envoyer, par Lawrence Ransom notamment, lesquelles sans doute auraient donné naissance à de nouvelles variétés exotiques si la mort n’était pas venu interrompre la travail de cet obtenteur du bout du monde. 

 Comment 'Rippling Waters' et 'Pipes of Pan' étaient-ils parvenus à Tashkent ? Cela fait partie des mystères propres aux combines en tous les domaines développées dans le bloc soviétique pour se procurer le moindre des produits sortant un peu de l'ordinaire. Mais pour être anciennes ces deux variétés n'en sont pas moins des iris de valeur. 'Rippling Waters' (Orville Fay, 1961) est l'une des variétés les plus utilisées en hybridation. La base de données « Irisregister » lui attribue 390 descendants directs ! C'est une variété mauve lilas à barbes orange qui tient son attractivité de la richesse des ses ondulations, exceptionnelles pour l'époque. 'Pipes of Pan' (Opal Brown, 1963) de son côté, est un un célèbre bicolore crème/lilas rosé largement répandu à travers le monde. 'Ikar' n'a rien d'extraordinaire mais c'est une variété élégante, solide et résistante. 

 Sans doute en raison de sa très faible diffusion on ne connait qu'un seul descendant d' 'Ikar'. Il s'agit d'un certain 'Lyrical Duet' (A. Volfovitch-Moler, 2000), qui n'a sans doute jamais quitté l’Ouzbékistan ! En Europe, on n'en connaît aucune photographie ; il restera sans doute à tout jamais inconnu... 

 Par sa rareté et son destin hors du commun 'Ikar' mérite bien de figurer dans le large catalogue des Fleurs du Mois d'Irisenligne ! 

 Illustrations : 'Ikar' 'Rippling Waters' 'Pipe of Pan'





UNE RESSEMBLANCE …

'Atomic Rider' (R. Piatek, 2021) (Major Sip X Venus Bay)
 'Braccio di Ferro' (A. Garanzini, 2015) (Tour de France X Impressionist) 

On dit qu'il est de plus en plus difficile d'identifier une variété dont on ne dispose pas (ou plus) du pedigree. C'est particulièrement le cas avec les variétés bleues, notamment en raison de la grande quantité de fleurs de ce coloris, c'est moins le cas avec les iris aux couleurs plus originales ou plus rares. Les deux dont il est question ici sont dans ce cas : il s'agit d'une association de couleur que l'on ne rencontre pas tous les jours. Néanmoins quand on ne dispose que d'une photo il n'es pas évident de les distinguer. 

 'Braccio di Ferro', le plus ancien des deux, aux couleurs éclatantes bien que sombres, fait partie d'une fratrie de cinq variétés obtenues par Angelo Garanzini au cours des dix dernières années à partir du célèbre iris pourpre 'Impressionist' (J. Ghio, 1987) et du non moins célèbre 'Tour de France' (K.Keppel, 2003). A partir de 'Impressionist' il a réalisé plusieurs croisements qui lui ont donné : 
'Amenhotep' (2012), frère de semis de 'Braccio di Ferro' 
Anima Candida' (2021) (Tropical Magic X Impressionist) 
'Braccio di Ferro' (2015) dont on fait le portrait (Tour de France X Impressionist) 
'Inti Illimani' (2012), variété orange (Ginger Ice X Impressionist) 
'Sottobosco d'Autuno' (2015), dans les tons mauve pâle, frère de semis de 'Anima Candida'. 

 Les deux frères de semis 'Amenhotep' et 'Braccio di Ferro' sont très différents mais ni dans l'un ni dans l'autre on ne distingue la trace de leurs parents. C'est à peine si on peut imaginer l'influence de 'Tour de France' derrière 'Amenhotep'. Mais les riches couleurs de 'Braccio di Ferro' proviennent d'une autre source non identifiée, tant il es vrai qu'après plus d'un siècle de brassages génétiques les possibilités sont devenues presque infinies. 




Les origines de 'Atomic Rider' sont tout autres. Parmi les antécédents de 'Major Sip' il y a deux variétés célèbres et prolifiques : 'Conjuration' et 'Silverado', tandis que dans l'arbre généalogique de 'Venus Bay', variété typique de la production de Barry Blyth, figure l'admirable 'Adorée' au pedigree très complexe. 


 Nous nous trouvons donc, dans l'un et l'autre cas, devant des variétés qui ont à l'évidence une certaine ressemblance, dans un assortiment de couleurs peu courant, qui pourrait laisser à penser à des ancêtres communs, ce qui n'est pas le cas, du moins avec les éléments d'information dont on dispose (nombreux « frères de semis » parmi les ancêtres). Il faut y voir un effet des innombrables croisements qui sont intervenus depuis le début de l'hybridation artificielle, et des multiples possibilités offerte par la tétraploïdité acquise dans la première moitié du vingtième siècle.