22.7.22

DAUPHINÉ OU VIVARAIS ?

Peut-être parce que les Régions qui sont nos actuelles subdivisions territoriales sont trop vastes et trop composites, nous avons de plus en plus tendances à faire référence, dans nos conversations, aux provinces de l'Ancien Régime. Elles nous parlent et évoquent l' « ancien temps », celui où tout était mieux que maintenant. Voilà pourquoi, au moment d'aborder la présence du monde des iris en vallée du Rhône, c'est les noms des anciennes provinces qui m'est venu à l'esprit. Sur la rive gauche, c'est le Dauphiné, et les départements de l'Isère et de la Drome. Sur la rive droite c'est le Vivarais, qui a donné naissance au département de l'Ardèche. Dans ce secteur le monde des iris est largement représenté. Peut-être est-ce même celui où il l'est le plus, avec au moins sept pépinières ou jardins d'iris. 

 Rive droite on rencontre Sébastien Cancade, à Annonay. Pas une pépinière à proprement parlé mais le riche jardin d'un amateur, hybrideur de qualité et homme de goût, mais aussi collectionneur de plantes rares. C'est en 1998 qu'il a commencé à s'intéresser aux iris en tant qu’amateur passionné. Il s 'est attaché à améliorer le type distalata, et dans cette optique il a enregistré ‘Martingale’ en 2014 puis ‘Croustillant’ (2019). Il explique qu'il vise « tout iris dont le volume de la plante est généreux (car pour lui) l’iris est avant tout une plante de jardin créée pour les jardiniers. » Il n'a encore à son actif qu'une douzaine de variétés (voir 'Mûre Mure' - 2008), mais ce sont tous des iris d'excellente facture qui démontrent qu'il a appris le métier avec les bons faiseurs. 



 Toujours en Ardèche, au fond d'un vallon charmant, les iris de Bernard Laporte tapissent les coteaux sur une vaste étendue. Ce sont les milliers de variétés qui constituent sa collection personnelle lesquelles servent de base à ses nombreuses hybridations. C'est presque 80 nouveaux iris que nous lui devons depuis 2004. A peu près tous les modèles et toutes les couleurs ont été abordés, avec de belles réussites comme 'Iriade' (2004), classé n° 2 au concours FRANCIRIS de 2003. D'un voyage en Australie, chez Barry Blyth, il a rapporté une quantité de semis qui peuplent maintenant son catalogue. Parmi ceux-ci une série remarquable de descendants de l'adorable 'Galway Piper' (Blyth, 2015) et les intéressants rejetons de couleur abricot soutenu du croisement (Yaquina Blue X Palace Symphony), comme 'Envolée Lyrique' (2021) et 'Kani Keli' (2021). 


 Passons sur l'autre rive du Rhône et arrêtons-nous dans le jardin de Stéphane Boivin. Ce dernier est un inconditionnel absolue de l'iris. Il s'y consacre avec passion et est considéré comme un grand espoir de l'hybridation française et sans doute mondiale. Il n'a encore a son actif qu'une quinzaine de variétés dont plusieurs se sont fait remarquer dès leur apparition (voir 'Aime Bay' (2015), qui a séduit Paul Black lui-même aux USA), ou 'Nuage de Lait' (2015), au catalogue de Iris en Provence). 


 Le splendide jardin de Daniel Borys s'étend un peu plus au sud. Comme l'a écrit le Dauphiné libéré, journal régional : « l’histoire de Daniel Boris débute quand sa fille lui offre une vingtaine de pieds il y a quelques années. Il se passionne alors pour sa culture, son histoire, partage, échange, créé ses propres iris, et depuis plusieurs années, ouvre son jardin gratuitement au public. » Ce farouche indépendant, s'exerce aussi à l'hybridation mais ne se décide pas à faire enregistrer ses obtentions. C'est bien dommage car il en existe près d'une trentaine et les connaisseurs qui les ont vues ne tarissent pas d'éloges. Exemple : 'Esquisse d'Ivresse (2013). Ces jolies choses resteront donc dans l'anonymat et sont de la sorte condamnées à ne pas connaître le succès qu'elles semblent mériter. 


 Dans le même secteur se trouve la pépinière de Thierry Lanthelme, Iris 26, à St Gervais sur Roubion. C'est une véritable pépinière qui ne pratique pas l'hybridation mais commercialise de nombreuses variétés internationales . 

 De création récente, « les iris du val de Drome », viennent s'ajouter à la liste des pépinières consacrées aux iris, dans cette région. 


 Pour terminer ce tour d'horizon régional et rhodanien, arrêtons-nous dans le tout petit jardin de Rose-Linda Vasquez, à Bollène dans le Vaucluse. Dans cet espace très contraint, pousse une grande variété de grands iris dont les obtentions maison qui démontrent qu'en peu de place il est possible d'obtenir des iris de valeur, comme 'Danube du Barry' (2009) qui a obtenu le troisième prix au concours FRANCIRIS de 2011. 


 Les conditions climatiques sont effectivement favorables à la culture des iris. C'est en partie la raison pour laquelle la vallée du Rhône et ses contreforts connaissent une telle proportion de jardins et de pépinières. Le phénomène n'est pas nouveau : pendant de nombreuses années, à l'ouest de Vienne, Maurice Laurent a fait commerce des iris. Il a arrêté brusquement cette activité pour se spécialiser dans les viornes, ce qui est une toute autre affaire dont l'originalité fait tout l'intérêt. Un peu plus tôt, il a existé un vaste jardin d'iris dans la banlieue de Grenoble qui a disparu dans des conditions rocambolesques : un employé mal inspiré a un beau jour passé la tondeuse sur le champ d'iris, détruisant non seulement les plantes mais encore, et irréparable, les étiquettes d'identification des variétés ! La population de la région Rhône-Alpes a beaucoup de chance, et elle en profite. Car les collections privées y sont nombreuses et mériteraient qu'en soit fait un inventaire.

Aucun commentaire: