27.1.18

C'est pas marrant de vieillir !



Retard, cette semaine, pour cause d'opération de la cataracte...

A L'EST : LA RENAISSANCE

L'une des grandes transformations du monde des iris au cours des trente dernières années s'est déroulée à l'Est de l'Europe. L'ère soviétique avait privé les Est-européens de toute possibilité de s'adonner sérieusement à l'hybridation des iris. La libération des échanges entre l'Est et l'Ouest a permis une renaissance. C'est Ladislav Muska, de Bratislava en Slovaquie, qui a été le premier hybrideur à se hisser à un rang international. Pendant quelques semaines nous allons faire un tour parmi ses obtentions. 

III. La période 'Laced Cotton' 

La période « Laced Cotton », avec des parents potentiels plus modernes a donné naissance à des obtentions qui ressemblaient à ce qui s’était fait aux Etats-Unis et ailleurs, dans les années 80. Ces variétés ont dix ans de retard par rapport à leurs équivalents américains, mais démontrent qu’avec les mêmes matériaux on arrive aux mêmes résultats.


'Don Epifano' (1995) (Laced Cotton X Pink Angel) 

'Brekeke' (1996) ((After All X Grand Waltz) x Sky Hooks)) X Geniality) 


'Decory Win' (1995) (Louise Watts X (Sky Hooks x Lady Madonna))


'Okavango' (1997) (Tomorrow's Child X Lady Madonna)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Extension du monde des iris (suite II) 

L'Est est en plein bouillonnement. En Ukraine, voici que s'ouvre, à Kiev, la pépinière de Tatiana Kosovskoy. Joli site et plein d'iris récents avec des variétés autochtones et internationales.

www. irisrai.com.ua

BOTANIQUE DES IRIS

Dans ce blog on parle beaucoup d'horticulture et de sujets liés à la culture des iris et à leur hybridation, mais très peu (pas assez ?) de botanique. Un petit tour de ce côté ne fera pas de mal.

C'est à la grande famille des iridacées qu'appartiennent nos iris hybrides actuels. Ils en font partie puisqu'ils ont été constitués d'une série de croisements entre diverses espèces botaniques qui se trouvent dans cette famille. C'est tout à fait comme un cocktail dans lequel on mélange différents alcools pour obtenir un breuvage qui tient de tous mais qui ne ressemble à aucun. Melba Hamblen et Keith Keppel, dans “The World of Irises”, considèrent que nos iris des jardins modernes “sont composés de gènes d'à peu près toutes les espèces d'iris barbus, y compris un peu des arils.” Ce n'est pas étonnant, d'une part parce que cela a commencé il y a plusieurs centaines d'années (Clusius, au 17e siècle y fait déjà allusion), d'autre part parce que les hybrideurs, constatant qu'en ajoutant telle ou telle espèce au mélange ils obtenaient soit de nouvelles couleurs, soit de nouveaux modèles, ne se sont pas privés de réaliser ces additions. En tous cas le résultat de ces métissages n'a pas fait perdre au produit son appartenance aux iridacées ! Ce sont des plantes issues de graines monocotylédones, dont toutes les pièces florales vont par trois, et dont les feuilles, en général longues et étroites, qui portent des nervures parallèles non ramifiées, sont rangées sur un même plan et s'engainent les unes les autres. Il existe des iris bulbeux, mais ceux qui nous intéressent particulièrement sont des iris rhizomateux, vivaces, qui se multiplient par le développement de bourgeons latéraux qui apparaissent de part et d'autre du rhizome initial. Tout le patrimoine génétique se trouve rassemblé dans la pointe avant du rhizome ou de ses bourgeons latéraux, ce qui fait que la plante ne peut pas dégénérer et conserve donc éternellement son potentiel.

 La caractéristique la plus évidente des iris est l'omniprésence du chiffre 3. Quand on regarde le diagramme floral de l’iris on est frappé non seulement par la parfaite symétrie de la fleur, mais aussi par ce chiffre 3 qui apparaît partout. A l’extérieur, trois sépales qui enserrent l’ensemble de la fleur, protégeant les parties sexuelles jusqu’au moment où il est nécessaire de les présenter aux insectes fécondateurs. A l’intérieur, ensuite, trois pétales disposés en sens inverse, c’est à dire que l’ensemble sépales plus pétales constitue un tabernacle bien clos, au cœur duquel apparaissent trois anthères portant le pollen, puis tout à fait au centre, les trois compartiments de l’ovule. On devrait ajouter les trois stigmates pétaloïdes qui couronnent les trois styles qui constituent les pistils, et les trois barbes qui balisent le chemin que les insectes doivent emprunter. Et à l’intérieur des capsules, qui sont les fruits, les graines sont empilées en trois colonnes, chacune abritées dans trois loges étanches qui vont se fendre sur les nervures quand les graines seront mûres de façon à les libérer. Et ce n’est pas tout ! Les plantes en bonne santé et prêtes à jouer leur rôle vont développer trois bouquets de feuilles dont seul le bouquet central portera la tige florale. Tige qui, elle-même, portera en général trois branches (quelques fois plus) chargées de boutons floraux. Et bien souvent chacun de ces boutons, protégé par une spathe membraneuse, sera porteur de trois fleurs qui apparaîtront l’une après l’autre…

Ajoutons à ces notions de botanique, et toujours avec cette obsession du chiffre 3, que la floraison elle-même durera en moyenne trois semaines, le temps que s’ouvrent les différents boutons. Enfin que chaque fleur aura une vie de trois jours : s’ouvrant le plus souvent au petit matin, elle sera disponible pour la visite des insectes dès le lever du soleil. Peu à peu les sacs polliniques des étamines abritées par les stygmates auxquels elles sont adossées, vont mûrir et sécher, puis se fendre et libérer le pollen qui va être transporté sur le dos des abeilles ou plutôt des gros bombyles, jusqu’à une autre fleur, où il sera automatiquement déposé sur la lèvre transversale et poisseuse du stigmate lorsque l’insecte porteur passera pour plonger chercher le nectar dans le tréfonds de la fleur. A la fin des trois journées d’exposition, les sépales vont se redresser, enserrer de nouveau le reste des parties florales, puis le tout va progressivement se dessécher tandis que les ovules fécondés grossiront et commenceront leur maturation. Trois mois vont s’écouler entre la fécondation et l’ouverture des capsules. Trois mois au cours desquels la plante va se refaire des réserves et amorcer sont développement futur. Ainsi le cycle complet se sera déroulé et, comme on dit, la vie aura suivi son cour, pour le plus grand bonheur des iridophiles.

Iconographie : 


Coeur de fleur 


Etamine 


Rhizome 


Feuilles et bouton floral

20.1.18

A L'EST : LA RENAISSANCE

L'une des grandes transformations du monde des iris au cours des trente dernières années s'est déroulée à l'Est de l'Europe. L'ère soviétique avait privé les Est-européens de toute possibilité de s'adonner sérieusement à l'hybridation des iris. La libération des échanges entre l'Est et l'Ouest a permis une renaissance. C'est Ladislav Muska, de Bratislava en Slovaquie, qui a été le premier hybrideur à se hisser à un rang international. Pendant quelques semaines nous allons faire un tour parmi ses obtentions. 

II. La période 'Babbling Brook' 

Ladislav Muska a appelé la première période de sa vie d’hybrideur, l’ « étape Babbling Brook ». parce que cette variété était la plus belle et parmi les plus récentes de celles dont il disposait. Il a écrit lui-même :  « J’étais satisfait de certains de mes résultats d’alors, mais cela n’a pas résisté à un jugement critique. » C'est pourquoi les produits de cette époque sont rares et pour la plupart non-enregitrés.

'Adriatico' (ca 1990 NR) (Mary Frances X Laced Cotton) 


'Bab Babili' (1992 R : 1995) (Honey Lace X Michigan Pride) 


'Jump to Blue' (1993 R : 1995) (Titan's Glory X Glory Bound) 


'Monte Albano' (1992 R : 1995) (Sunshine Express X Silver Shower)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Extension du domaine de l'iris (suite) 

Sur Facebook est apparu une nouvelle pépinière d'iris, à Kaunas, en Lituanie. Rien d'original, mais ce n'est pas ce qui importe. Le monde des iris prend de plus en plus d'extension, en particulier dans l'est de l'Europe.

Gintaras Klimaitis 
www.irisai.eu

LES SCHREINER À FLORENCE

On sait que la grande période pour la famille Schreiner a été celle des années 1980/90. C'est celle où il n'y avait personne aux Etats-Unis pour faire jeu égal avec elle ou même pour lui opposer une certaine résistance. Et cette suprématie s'étendait au monde entier ! Au cours de ces vingt années, elle a remporté cinq fois la Médaille de Dykes, sur les onze qui sont exposées dans le médaillier familial. Mais c'est à Florence qu'elle a le plus brillé : six Florins d'Or, et 14 places sur le podium !
1982 = 1er 'Gold Galore' (1978)
1983 = 2d 'Master Touch' (1980)
1984 = 1er 'Titan's Glory' (1981)
1985 = 3eme 'Fort Apache' (1982)
1986 = 1er 'Starcrest' (1983)
1987 = 0
1988 = 3eme 'Ginger Swirl' (1985)
1989 = 1er 'Dusky Challenger' (1986)
1990 = 3eme 'Fiesta Time' (1986)
1991 = 0
1992 = 2d 'Goodbye Heart' (1989)
1993/1994 = 0
1995 = 2d 'Classic Look' (1992)
1996 = 1er 'Celebration Song' (1993)
1997 = 1er 'Champagne Waltz' (1994) 2d 'Gypsy Romance'(1994)
1998 = 0
1999 = 2d 'Swingtown'(1996)
Il est difficile de trouver un plus beau palmarès.

La première constatation que l'on peut faire c'est que les juges ne se sont pas trompés. Toutes ces variétés sont de toute première qualité et ont eu une belle carrière commerciale.

Mais revenons un peu sur chacune d'elles :
'Gold Galore' ('West Coast' X 'Warm Gold') est un jaune classique, avec une petite zone blanche sous les barbes, lesquelles sont d'un jaune doré. Il est issu de deux vrais jaunes dont il constitue l'addition. Les sépales sont larges, modérément ondulés, tout comme les pétales. Une belle fleur à laquelle je ne vois pas de défaut.

'Master Touch' ('Navy Strut' X 'Study in Black') fait partie de la longue liste des iris violets, classique à tous points de vue, il a toutes les qualités que l'on prête aux iris Schreiner. On ne peut lui reprocher que de manquer de fantaisie, mais c'est là un mot qui n'est guère applicable aux iris Schreiner. Son coloris est à la fois plus clair et plus « rouge » que celui de son parent femelle, mais l'influence de son « père » 'Study in Black' n'est pas vraiment sensible.

On n'a plus à faire le portrait de 'Titan's Glory' tant cette variété est devenue célèbre, car en plus du Florin d'Or elle s'est offert la Dykes Medal !

'Fort Apache' fait partie des nombreux iris brun-rouge de la Maison Schreiner. Son pedigree (('Roman Copper' sibling x seedling# A 424-1: (seedling# S 803-A x seedling# R 965-1)) X 'Cockade') évoque des semis dont on ne sait évidemment rien, mais les deux ascendants dont on a les noms sont de beaux « rouges », de deux souches différentes. Son coloris riche et velouté fait tout son succès.

'Starcrest' (('Dream Time' x 'Priceless Pearl') X 'Carnaby') a tout le charme des fleurs aux tons pastels. La barbe minium qui l'orne ne fait qu'ajouter un peu de piquant à un ensemble très tendre.

'Ginger Swirl' a un pedigree qui ne révèle pas grand chose sur ses origines : (((C 1365-2 x T. Craig #38) x 1974-#16) X M 638-A: (H 1064-F x 'Chamber Music')) ; mais disons qu'il tient beaucoup de ses traits à la seule variété identifiée, 'Chamber Music' (Williamson, 1972).

De même que pour 'Titan's Glory', la célébrité de 'Dusky Challenger' est telle qu'il n'est plus nécessaire de le présenter. C'est un iris qui a raflé toutes les récompenses, y compris celle de la popularité puisqu'il tient depuis de nombreuses années la première place du Symposium de l'AIS.

'Fiesta Time' ('Gypsy Caravan' X 'Peking Summer') est peut-être la variété la moins connue de toutes celles qui sont décrites ici. Il résulte d'un croisement entre deux variegatas – donc un cas d'endogamie traditionnel - . Disons qu'il manque un peu d'originalité...

Malgré son pedigree à rallonge, 'Goodbye Heart' est à mettre dans le même sac que 'Fiesta Time' : c'est une belle plante mais qui reste bien sage dans son coloris. A mon avis, son frère de semis, 'Sweet Musette' est plus intéressant.

Puisqu'on est dans les fleurs traditionnelles, 'Classic Look', comme son nom le laisse entendre, ne fait pas dans la fantaisie. L'assemblage d'au moins six variétés parmi les plus recherchées de leur époque, ('Go Around' X T 1800-1: (C 1080-3: (('Full Circle' x 'Rococo') x ( 'Arpege' sib x ('Rococo' x 'Emma Cook'))) x 'Spinning Wheel'), n'a abouti qu'à un plicata certes impeccable, mais vu et revu trop souvent.

A mon goût 'Celebration Song' n'a rien qui m'attire, il n'empêche que c'est une variété couverte d'honneurs. Honorable Mention en 1995; Award of Merit en 1997; Wister Medal en 2000 puis Dykes Medal en 2003 : on ne peut guère faire mieux et plus rapide !

Avec les première et seconde places du concours, la Maison Schreiner a fait en 1997 son plus remarquable parcours à Florence. 'Champagne Waltz' était bien parti pour faire une course des honneurs aussi brillante que celle de 'Celebration Song' mais l'arrivée en force de Keith Keppel est de ses iris formidables a mis un terme prématurément à ses ambitions. Ce modèle « Joyce Terry », enrichi d'une barbe minium assez voyante, est néanmoins un bel iris qui a eu beaucoup de succès auprès des amateurs.

Quant à 'Gypsy Romance', (( 'Louisiana Lace' x 'Entourage') X T 879-B: (L556-1: (G 510-A x 'Fabulous Frills') x 'Starcrest')), ses couleurs éclatantes en faisaient aussi un « winner », mais il a été comme le précédent barré par les variétés Keppel qui rencontraient soudain un engouement exceptionnel.

'Swingtown', dans les mêmes tons que 'Gypsy Romance', hors de Florence, n'a pas reçu le même accueil de la part des juges. Il n'en reste pas moins un iris qui tire l’œil, plein de qualités horticoles. Il marque cependant la fin de la grande période des produits Schreiner.

Par la suite, et pour une dizaine d'années, cette vénérable entreprise s'est contentée de fournir à ses clients, chaque année, des variétés superbes mais trop classiques pour exciter les collectionneurs et les juges. Ce n'est que dans les derniers temps que les dirigeants de Schreiner's Gardens, plus jeunes, ont repris le chemin des nouveautés originales, lesquelles aussitôt, ont été remarquées. La victoire à Florence en 2017 de 'Spirit Rider' (2013), bien que très discutée parce que, justement, manquant d'originalité, marque-t-elle le retour au premier plan de la fameuse famille ?

Iconographie : 


'Gold Galore' 


'Starcrest' 


'Fiesta Time' 


'Champagne Waltz' 


'Swingtown'

12.1.18

A L'EST : LA RENAISSANCE

L'une des grandes transformations du monde des iris au cours des trente dernières années s'est déroulée à l'Est de l'Europe. L'ère soviétique avait privé les Est-européens de toute possibilité de s'adonner sérieusement à l'hybridation des iris. La libération des échanges entre l'Est et l'Ouest a permis une renaissance. C'est Ladislav Muska, de Bratislava en Slovaquie, qui a été le premier hybrideur à se hisser à un rang international. Pendant quelques semaines nous allons faire un tour parmi ses obtentions. 

I. Avant 

Derrière le Rideau de Fer, la vie d'hybrideur n'était pas facile : rien que des variétés anciennes pour constituer un panel génétique. Cependant certains ont réussi à obtenir des variétés intéressantes. Particulièrement dans l'ancienne Tchécoslovaquie. Par exemple :


'Jevilar' (Blazek, 1974) ('Jessie Viette X Dvorakovo Largo') Rep. Tchèque 


'Slahacka' (Adamovic, 1985) (Buffy x Silver Shower) Slovaquie 


'Libon' (Smid, 1980) (Crinkled Gem X Amigo's Guitar) Rep. Tchèque Florin d'Or à Florence en 1985 


'Graf Tolstoy' (Gordodelov, 1976) (parents inconnus) Russie

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Extension du domaine de l'iris 

On a vu ces temps derniers apparaître des pépinières d'iris dans de nombreux pays d'Europe. Le dernier à être atteint semble être la Roumanie où un certain Michel Viorel vient de publier un catalogue rempli de variétés le plus souvent connues en Occident, mais qui démontrent que l'Est est de plus en plus intéressé par l'iridophilie. Tant mieux ! Et bonne réussite à ce nouveau marchand !

Irisi2018.sunphoto.ro

LE CERCLE DES ILLUSIONS

C'est en pensant au personnage principal du roman de Yann Queffelec « Le Maître des Illusions » que m'est venue l'idée de la chronique de ce jour. Non pas qu'il y ait un lien quelconque entre cet acteur qui détruit tout ce qu'il entreprend et nos chers iris ! Non, seulement si le personnage en est le maître, nos iris sont également des champions des illusions. Ils nous leurrent.

Pour nous proposer presque toutes les couleurs possibles, les iris ne disposent que de deux sources. Les pigments caroténoïdes, qui se logent dans les cellules et donnent naissance aux coloris jaunes, roses ou orangés, et les pigments anthocyaniques, qui règnent dans le liquide intercellulaire et assurent les colorations bleues ou violacées. Mais du fait de leurs localisations différentes, les pigments ne se mélangent pas ; ils peuvent tout au plus se superposer, et c'est ce qui nous fait croire qu'il y a plein de couleurs différentes. Et si l'on ajoute les effets des gènes inhibiteurs de pigments, qui se manifestent avec plus ou moins de vigueur, dans les pétales ou dans les sépales – voire dans les deux – on conçoit que la palette des couleurs que nous percevons peut être infinie. Avec peu de moyens, les iris (mais aussi bien d'autres plantes) réussissent à être de sacrés illusionistes. On peut même les qualifier de magiciens ! A moins que la magie ne soit le fait des hybrideurs, qui croisent et recroisent tous les modèles de fleurs et déclenchent de ce fait les illusions qui nous ravissent.

Prenez, par exemple un iris du modèle « 'Joyce Terry' », c'est à dire une fleur aux pétales jaunes et aux sépales blancs cerclés du jaune des pétales. Ajoutez-lui un modèle amoena-plicata (avec des pétales blancs, et des sépales au centre blanc liseré de pointillés violets. Il n'y a pas d'incompatibilité entre les deux types de colorants. Le modèle « 'Joyce Terry' » va constituer le fond de la coloration du nouveau modèle avec ses pigments jaunes intra-cellulaires ; le modèle plicata va s'ajouter et, tout simplement le jaune du modèle « 'Joyce Terry' », en rien contrarié, va apparaître dans toute sa pureté sur les pétales, tandis que les bords des sépales seront, à nos yeux, colorés de brun-rouge, plus ou moins pur, par l'effet de leurs fond jaune recouvert par les pointillés violets du modèle plicata.


Autre exemple, à partir d'un amoena jaune (pétales blancs par l'opération du gène inhibiteur, sépales jaunes) et d'un plicata bleu (pétales marqués de bleu ou de violet, sépales aux bords piquetés dans les mêmes tons, comme l'ancien 'Jigsaw'). Le modèle amoena jaune sera au fond et le modèle plicata par-dessus. Résultat, un plicata aux pétales quasiment blancs et aux sépales jaunes, avec bordure pointillée d'un grenat, résultant de la superposition du bleu violacé sur le jaune du fond. Tout cela à sélectionner parmi les fleurs plicatas apparaissant parmi les semis, bien entendu. (voir semis 13-21A)

On peut faire plus simple encore et croire que nous avons sous les yeux un iris pratiquement rouge incarnat alors qu'il s'agit d'une fleur uniformément jaune (ou rose, ou orange) recouverte d'un film violacé. (voir semis 10-109A)

A ce jeu nous pouvons être les victimes consentantes d'une infinité d'illusions, qui vont de la plus simple comme celle dont on vient de parler, à la plus complexe, où plusieurs modèles se mêlent et interfèrent, pour notre plus grand plaisir. Les meilleurs hybrideurs actuels savent bien pratiquer ce jeu. Ils ne s'aventurent pas à l'aveuglette quand ils imaginent leurs croisements. Pendant leurs soirées d'hiver, ils préparent les croisements du printemps suivant avec, en tête, des idées bien précises de ce qu'ils voudraient obtenir. Mais la partie n'est pourtant pas gagnée !

Parce que la nature ne se laisse pas manipuler aussi facilement que le souhaiteraient les magiciens de l'hybridation. Sur le papier, comme on vient de le voir, cela paraît simple, mais il faut compter avec des paramètres diablement nombreux où les lois de la génétique, façon Mendel, se combinent avec les impondérables de la germination, de la pédologie et de la climatologie. Sans compter que des facteurs beaucoup plus terre à terre peuvent intervenir, comme l'appétit des escargots ou le mulotage des merles ! Voilà pourquoi, si l'on veut mettre le plus possible de chance de son côté, il faut semer des milliers de graines puis repiquer des milliers de plantules. Et s'armer d'une immense patience, accompagnée d'une placidité à toute épreuve. Lesquelles tireront profit du désir de savoir et de la curiosité de ceux qui ont décortiqué les mécanismes naturels.

C'est à ce prix que les illusions dont la nature sait si bien jouer, qui résultent pourtant de processus confondants de simplicité, pourront réaliser leurs merveilles.

Iconographie : 


'Joyce Terry' (Muhlestein, 1974) 


 'Jigsaw' (Tompkins, 1985) 


semis Keppel 13-21A 


semis Keppel 10-109A

6.1.18

LA FLEUR DU MOIS

'Victoria Falls' (Schreiner, 1977)

 (White Pride x Y 163B) X Violet Favor. 

 Quarante ans ! Et toujours aussi beau ! Cet iris n'a pas volé la Médaille de Dykes qui lui a été décernée en 1984. C'était au temps de la splendeur de la Maison Schreiner, du temps où il n'y avait pas grand monde pour lui disputer la suprématie. La patte infaillible de Robert Schreiner est derrière cet iris apprécié de tous.

Son descriptif est : « Ruffled uniform light to medium blue with white spot on center of F.; white beard. » Autrement dit : Ondulé, d'un bleu uniforme de léger à moyen, avec un spot blanc au centre des sépales ; barbes blanches.  C'est exactement ça, et c'est parfait.

 On ne connaît précisément que deux de ses trois antécédents directs puisque le troisième est un semis identifié uniquement par son numéro. Il s'agit de 'White Pride' (Branch, 1962) , un beau blanc à barbes primevère, qui ne fait pas son âge, avec ses franches ondulations et sa couleur très pure, et de 'Violet Favor' (O. Brown, 1971), un violet très classique qui a laissé une certaine trace dans l'encyclopédie des iris puisqu'en plus de 'Victoria Falls' il a eu pour descendant 'Blue Luster' (O. Brown, 1973) lequel est le père d'un autre titulaire de la DM : 'Song of Norway' (Luihn, 1977). Par une sorte de magie, au demeurant génétiquement prévisible, les deux couleurs se sont harmonieusement mèlées, pour donner ce bleu délicieux éclairci d'une barbe blanche discrète.

 Parmi les quelques 118 descendants directs de 'Victoria Falls' on notera ceux qui ont été distribués largement, notamment en France :
'Altruist' (Schreiner,1987)
'Breakers' (Schreiner, 1986)
'Carnival Night' (Volfovitch-Moler, 1995)
'Cycles' (McWirther, 1985)
'Duranus' 'L. Anfosso, 1986)
'Scented Bubbles' (Byers, 1985)
'Sea of Joy' (Schreiner, 1985)
'Silver Thaw' (Gaulter, 1988)
'Suky' (Mahan, 1988)
'Up Periscope' (Maryott, 1984).

 Le parcours de 'Victoria Falls' pour atteindre la plus haute marche des récompenses a été exemplaire : HM en 1978, il accède aussi tôt que possible à l'AM, qu'il reçoit en 1980 ; parvenu dans le dernier carré en 1980 il y tutoie une première fois la médaille, qu'il rate de quelques voix en 1983 pour mieux triompher en 1984. Dans le « Symposium », le classement des variétés les plus populaires aux USA, il est resté dans le Top 10 jusqu'en 1994 et n'a disparu définitivement du tableau qu'en 2015 !

'Victoria Falls' est toujours présent dans de nombreux jardins et reste proposé à la vente dans quelques catalogues. Il a figuré longtemps dans ma collection personnelle, fleurissant très régulièrement, bien que ne se développant que lentement. Sa disparition a résulté d'un accident de transplantation, déterré et préparé pour être remis en terre dans un nouvel emplacement, je ne l'ai jamais retrouvé ! Je l'ai probablement mis au compost avec les parties retirées... Voilà ce que c'est que de travailler de façon brouillonne (ou paresseuse, c'est comme on veut!). J'aurais bien entendu pu me le procurer de nouveau dans le commerce ou chez un ami, mais les beaux bleus plus modernes ne manquant pas, je l'ai remplacé par une autre variété...

 Je lui ai cependant conservé toute mon admiration, en cela je n'ai fait qu'imiter les milliers d'amateurs qui le cultivent encore, pour leur plus grand plaisir.

 Iconographie : 


'Victoria Falls' 


'White Pride' 


'Blue Luster' 

'Duranus'

SYDNEY B. MITCHELL: UN HYBRIDEUR CALIFORNIEN RENOMMÉ


Par Jean Richter

(traduit de l'américain par S . Ruaud)

En tant que présidente du club d'iridophiles qui porte son nom, et faisant partie depuis longtemps de l'état-major de l'Université de Californie à Berkeley, j'ai toujours ressenti une affinité pour Sydney B. Mitchell, l'un des plus éminents hybrideurs d'iris de Californie du début du XXe siècle et grand spécialiste de la bibliothéconomie.

Sydney B. Mitchell est né à Montréal au Canada en 1878, et fut diplômé de l'Université McGill au Canada. Il a également reçu un diplôme d'honneur de Docteur en Littérature de l'Occidental College. Quand il était étudiant à McGill, il s'est lié d'amitié avec le jardinier de l'Université, qui lui fit cadeau de ses premiers plans d'iris. Son frère lui permit de cultiver ses iris dans son propre jardin, et il se constitua bientôt une collection de belle taille. Sa femme partageait son intérêt pour les plantes, et quand ils déménagèrent pour la Californie en 1911 ils commencèrent une collaboration dans le jardinage qui dura le reste de leur vie.

 Mitchell était aussi reconnu dans son travail quotidien qu'en tant que spécialiste des iris. Il rejoignit l'équipe dirigeante de l'Université de Berkeley, en 1911, en qualité de chef acheteur, il devint bibliothécaire adjoint pendant la Première Guerre Mondiale, fonda et devint le premier directeur de l'Ecole Supérieure de Bibliothéconomie en 1924. Il fut nommé doyen de cette école en 1944, et prit sa retraite en 1946 comme Doyen Honoraire. Il fut aussi membre du bureau exécutif de l'Association Américaine des Bibliothèques, vice-président de l'Association Californienne des Bibliothèques, membre de l'Institut Américain des Bibliothèques, et rédacteur consultatif de la Revue « Library Quarterly ».

Il manifesta toute sa vie de l'intérêt pour l'horticulture, et fut le premier président de la Société Horticulturelle de Californie (poste qu'il occupa jusqu'à sa mort), ainsi que le rédacteur de la Revue. Il fut aussi membre fondateur de la Société Américaine des Fuchsias. En plus, il fut un auteur renommé, et écrivit quatre livres : Gardening in California, From a Sunset Garden, Your California Garden and Mine, et Iris for Every Garden.

S'il s'intéressait par moment aux autres fleurs, ce fut son amour des grands iris barbus qui accompagna toute son existence. Il hybrida de nombreuses variétés pendant sa vie, et obtint un succès particulier dans le développement des nouveaux grands plicatas et des iris jaunes. Certaines de ses plus belles variétés sont 'Alta California,' 'Happy Days,' 'Naranja,' 'Natividad,' et 'Fair Elaine.' 

Ses plus grandes réussites en hybridation, cependant, vinrent de sa collaboration avec d'autres, en particulier de son travail avec William Mohr. Après la disparition tragique de Mohr, encore tout jeune, Mitchell continua de travailler avec les semis de ce dernier, introduisant les meilleurs et en continuant la lignée. L'une des premières introductions de ces semis fut 'San Francisco', qui fut le premier à recevoir la Médaille de Dykes américaine.

 Au début Mitchell ouvrit une pépinière chez lui, dans les collines de Berkeley, mais quand crut sa passion pour l'hybridation, il vendit son affaire (et les terrains qui allaient avec) à son ami et voisin Carl Salbach, qui introduisit et commercialisa des iris ( aussi bien que des dahlias et des glaïeuls) du milieu des années 1920 jusqu'aux années 1950.

Mitchell fut aussi (par hasard) à l'origine des iris « space age ». Dans son programme d'hybridation il découvrit un plicata avec de curieuses extensions sur ses barbes (introduit par la suite sous le nom de 'Advance Guard'). Cependant il n'était pas intéressé par la recherche des ramifications possibles des ces traits et il remis le semis à son ami hybrideur Lloyd Austin, dont le travail d'hybridation en ce domaine a abouti aux iris « space age » avec des éperons et autres agréments pétaloïdes sur leurs barbes.

Mitchell était impliqué dans l'organisation de la Société Américaine des Iris, et a souvent écrit dans son Bulletin. Il fut l'un des seize contributeurs à l'ouvrage de l'AIS The Iris - An Ideal Hardy Perennial. Il devint président du comité des espèces et le resta jusqu'à la fin de sa vie, il fut longtemps le conservateur de la division californienne de la Farr Memorial Library. Il a reçu le AIS Hybridizer Award en 1941, ainsi que la Foster Memorial Plaque de la BIS (attribuée aux personnes contribuant à l'avancée de la connaissance du genre Iris) en 1943.

Sydney B. Mitchell est décédé en 1951. Quelques années plus tard, le club iridophile d'Oakland a été baptisé en son honneur. Pendant toute sa vie Mitchell a promu l'utilisation des plantes indigènes dans les jardins privés, et fut l'un des promoteurs des PCN ( Pacific Coast Native Irises). Il était très fier d'avoir planté des PCN dans son propre jardin, et il possédait une vaste collection des différentes formes de Iris innominata et Iris douglasiana. En reconnaissance de son soutien aux iris de la côte Pacifique (PCN), la médaille annuelle récompensant le meilleur PCN porte son nom.

 Iconographie : 


 'Alta California' 


'Naranja' 


'Fair Elaine' 


'Advance Guard'

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Extension du domaine de l'iris 

On a vu ces temps derniers apparaître des pépinières d'iris dans de nombreux pays d'Europe. Le dernier à être atteint semble être la Roumanie où un certain Michel Viorel vient de publier un catalogue rempli de variétés le plus souvent connues en Occident, mais qui démontrent que l'Est est de plus en plus intéressé par l'iridophilie. Tant mieux ! Et bonne réussite à ce nouveau marchand !

Irisi2018.sunphoto.ro