27.12.21

UN PEU DE RETARD !

Un peu de retard, cette fois, à cause de Noël !

COLLECTION 2022

Le propre des plantes qui, comme l'iris de jardin, sont issues de l'horticulture et non pas de la sélection naturelle, est de susciter la création de nouvelles fleurs dont les caractéristiques ont été étudiées et élaborées sur le papier avant d'être « fabriquées » dans le jardin. C'est pourquoi on voit régulièrement apparaître des iris nouveaux. Soit parce que l'aspect de la fleur change, soit parce que la couleur de la fleur, ou l'association des couleurs, se présente différemment. On a vu, au cours des dernières décennies beaucoup de nouveautés. Ce furent par exemple les iris aux couleurs rubanées, alias « broken colors », les iris au cœur clair, autrement dit « luminatas », sans parler des nouvelles associations de couleur comme les fleurs rose/bleu dont il fut question ici il y a quelques semaines, ou les plicatas multicolores chers à Keith Keppel et quelques autres. Une fois un modèle nouveau apparu les hybrideurs se prennent au jeu et c'est à qui réalisera son ou ses variétés dans le nouveau genre. On a connu comme ça les amoenas inversés, aux pétales bleus et aux sépales blancs, puis un peu plus tard plusieurs autres associations du même genre où les couleurs froides, normalement destinées aux sépales, prennent la place des couleurs chaudes qui sont d'habitude réservées aux sépales. Dans le même ordre d'idées quelques hybrideurs audacieux ont créé des plicatas dans d'autres couleurs que le bleu, souvent même en réunissant plus de deux couleurs, ce que l'on désigne sous le nom de « variegata-plicata »... Il ne se passe guère maintenant de nouvelle saison sans qu'apparaisse quelque chose de nouveau : ce furent les iris « à fleur de pensée », dotés d'une riche flamme ou d'un sombre signal au cœur des sépales, puis vinrent les luminatas polychromes, cousins des variegata-plicatas. Il n'est que de jeter un coup d’œil sur les catalogues des grands hybrideurs américains pour découvrir les évolutions qui caractérisent chaque année. 

Les catalogues de Keith Keppel sont édifiants à ce sujet : ce sont des résumés de la modernité, et celui de cette année respecte cette politique : 
- Il se limite à quinze grands iris, ce qui est devenu rare dans une période où on constate une véritable inflation du nombre des nouveautés mises chaque année sur le marché. 
- Il contient sept modèles d'iris : quatre plicatas, c'est le modèle fétiche de Keith Keppel. Il en parcours tout le spectre, avec une variété très classique : pétales bleu clair fumé, sépales blanc, dessins de bordure bleu foncé, barbes vieil or et fin liseré beige sur les pétales ; classique mais moderne à la fois ! Son nom ? 'Central Intelligence'.  Un variegata-plicata, avec un fond jaune et un plumetis bleu-noir, 'Film Noir'. Et deux tricolor-plicata : 'Underlined', fond jaune, centre des sépales blanc, dessins violet-noir, et 'Western Outlaw', ensemble proche mais un peu plus richement coloré. 

- Trois luminata, l'autre spécialité keppelienne. 'Immaculate Heart', dont le nom fait la description, c'est à dire qu'on est devant un luminata classique avec un grand cœur blanc et, trait distinctif, des épaules marquées de jaune ; 'Netizen', avec un fond plus rose que blanc, des dessins nettement violacés et des épaules abricot ; et 'Sundown Glow' dont les pétales améthyste sont bordés de rose pêche, au-dessus de sépales violet veinés de blanc. 

- Trois fleurs unicolores (ou presque). Un grand classique, 'Grand Noble', dans le style de 'Noble Gesture' c'est à dire un bleu nuit profond avec une belle barbe veloutée ; un mauve rosé, une teinte très appréciée par l'obtenteur, avec un peu de rouge au cœur, qui s'appelle 'Playing your Song', et 'Stormscape', un brun orangé, marqué de violet à la base des pétales à tel point qu'on hésite à le qualifier de « dark top ». 

- Deux amoenas que l'on peut qualifier de classiques : un blanc bleuté au pétales et gros bleu aux sépales, baptisé 'Royal Heir', un amoena inversé dans un coloris déjà vu chez Keppel, 'Well-to-Do', avec des pétales jaune un peu verdâtre et imprégné de violacé, et des sépales d'un beau jaune. 

 
- Un superbe bicolore dans le genre de 'Florentine Silk' c'est à dire rose sur bleu, avec des couleurs bien tranchées, High Achiever', dont on devrait entendre parler quand il s'agira d'attribuer des médailles. 

- Un iris à fleur de pensée, du moins dans la version Keppel de ce modèle, déjà admiré chez 'Ink Blot' (2018) avec une « cascade » de bleu vif s'écoulant sous les barbes ; cette variété se nomme 'Flatlander', et c'est vraiment une nouveauté. 

- Un « grand iris à petite fleur », le modèle cher à Paul Black, repris par quelques autres hybrideurs dont le franco-néerlandais Loïc Tasquier. Il s'agit d'une variété orange profond qui s'appelle 'Kindred'(1), qui croule sous les petites fleurs au coloris très vif, ce qui est nouveau chez ce modèle qui pèche quelque peu par la monotonie de ses couleurs. 

Voilà le programme ! Plein de fleurs modernes, élégantes et bourrées de petits détails nouveaux. C'est à des événements comme ça que l'on constate que la création des iris n'est pas prêt de s'arrêter ! Et l'on ne parle que des grands iris, pour les iris médians, le choix est aussi intéressant. 

(1) Cette variété est une obtention de Philip Remare, un jeune obtenteur « protégé » de K. Keppel , trop tôt décédé. 
(2) Sur Internet : keithkeppeliris.com 

Illustrations :


'Central Intelligence' 


'Flatlander' 


'Immaculate Heart' 


'Kindred'

18.12.21

EXPERTISE OU POPULARITÉ

Il est intriguant de constater que très souvent les résultats des compétitions qui comportent à la fois une notation par un jury professionnel et une notation par le public sont très différents. Il arrive même que le palmarès du public « oublie » certaines variétés classées par les juges. Une réflexion à ce sujet va faire l'objet de la présente chronique. 

Les juges officiels disposent d'un véritable barème où sont notés les différents critères sur lesquels ils doivent baser leur jugement, ainsi que le nombre de points qu'ils peuvent attribuer à chacun de ces critères. Ils considèrent bien entendu la fleur qu'ils doivent apprécier, ses dimensions ; ils vérifient sa forme, ses couleurs et notamment leur pureté, leur répartition, le bon goût de leur association, sa texture, sa tenue, la durée de sa floraison... Mais ils ont aussi bien d'autres choses à regarder, car ce qui fait l'intérêt d'un iris, c'est également les qualités qu'il présente pour le jardin, voire pour la fleur coupée. Le juge va se pencher sur la plante : son aspect général, son feuillage, sa taille, ses proportions, son port, sa santé ; il va examiner sa solidité, ses aptitudes à résister aux intempéries, à se tenir au fur et à mesure de son vieillissement, il va compter le nombre de ses boutons, leur répartition le long de la tige... Le parfum que sa fleur exhale fait aussi partie de ce qu'il va devoir apprécier, de même que quelques autres caractères auxquels un simple amateur ne penserait pas forcément mais qui ont leur importance au point de vue horticole. Ce travail d'expert doit être rigoureux car il ne suffit pas qu'un iris attire l’œil, il faut qu'il présente de l'intérêt pour le jardinier … et pour le marchand, qui vont souhaiter l'un et l'autre à peu près la même chose, c'est à dire que la plante pousse sans problème, qu'elle soit fidèle chaque année au rendez-vous, qu'elle résiste aux agressions qu'elle va nécessairement subir et que sa multiplication soit abondante. 

De son côté le spectateur qui va déambuler dans le jardin où se déroule le concours est là pour admirer des fleurs et les apprécier en ce qu'elles ravissent son regard. Souvent même ce qui va paraître important pour le juge n'apparaîtra pas aux yeux du visiteur. On entend parfois dire : « Regarde celui-ci avec ses tiges toutes tordues, je n'en voudrais pas chez moi ! » Alors que le juge va considérer que des tiges bien rectilignes vont avoir l'inconvénient d'obliger les fleurs latérales à s'incliner sur un côté pour pouvoir s'épanouir et de ce fait donner une apparence de guingois à la plante, ce qui va diminuer sa note ! D'une façon générale celui qui visite le jardin du concours sera essentiellement attiré par la couleur de la fleur. Une fleur qui tire l’œil disposera d'un atout indéniable. Mais encore faut-il que cette couleur (ou association de couleur) ne soit pas trop originale. Certains modèles ont plus de succès que d'autres. Les plicatas ne sont pas les favoris du public ! De même que certains variegatas. Mais un joli rose, avec des pétales bouillonnés, recueillera bien des suffrages populaires alors que les juges professionnels vérifieront que les bouillonnés ne tendront pas à perturber l'éclosion de la fleur ; et une tige portant de nombreuses fleurs ouvertes en même temps donnera au public l'impression d'une plante riche en fleurs alors que le juge craindra la brièveté de la floraison ou la verse sous le poids des pluies de printemps. Un iris de haute taille, avec de grosses fleurs, sera remarqué par les visiteurs, qui n'envisageront pas les effets du vent qu'un juge prendra en considération dans sa note... 

En revanche les choix d'un jury populaire porteront davantage sur les traits immédiats comme la couleur de la fleur, la richesse de la floraison ou la prestance de la plante. Des caractéristiques qui ne sont pas négligeables. D'ailleurs, même parmi les plus éminents irisariens il arrive qu'on entende dire qu'il vaudrait mieux juger les iris « au feeling ». C'était en particulier l'opinion d'un grand spécialiste comme Ben Hager lui qui a reçu trois Médailles de Dykes (juges de profession) et au moins une President's Cup (jury populaire). 

Tout ceci fera nécessairement la différence d'appréciation , de sorte que le palmarès d'un concours jugé exclusivement par un jury populaire ne sera pas identique aux résultats du même concours noté par des experts. Cela crée parfois des incompréhensions, essentiellement au sein du jury populaire dans lequel l'attitude grave et minutieuse des juges « de la profession » passe quelque fois pour des simagrées. 

 En vérité les deux formes de jury se complètent. On constate même quelquefois qu'une même variété triomphe dans des compétitions des deux types. C'est le cas de 'Bride's Halo', 'Conjuration' 'Dusky Challenger', 'Jurassic Park', 'Ruffled Ballet', 'Shipshape', 'Stepping Out', 'Titan's Glory'... Enfin, les variétés primées sous l'une et l'autre formule font en générales d'aussi belles carrières commerciales. 

Illustrations : 


'Blue Rhythm' (DM, 50), (Franklin-Cook Cup, 1950 


'Queen of Florence' (Fiorino d'Oro, 1975), (President's Cup, 1976) 


'Ruffled Ballet' (DM, 83), (Franklin-Cook Cup, 1982) 


'Edith Wolford' (DM, 93) (President's Cup, 1986)

11.12.21

LA FLEUR DU MOIS

'La Grande Mademoiselle' ( Martin Balland, 2016) 
 ('Lenten Prayer' x 'Dynamite') X 'Regimen'

Il n'est pas courant de donner à une nouvelle variété d'iris un nom comme celui-ci. Les variétés enregistrées par Martin Balland portent des noms d'une toute autre inspiration. Alors, pourquoi ce choix ? Cela mérite une explication. 

Lorsqu'il fut question de créer un jardin d'iris dans la petite ville de Champigny sur Veude, en Touraine, les initiateurs ont voulu marquer l'événement par quelque chose de remarquable. Le choix s'est porté sur le baptême d'une nouvelle variété qui porterait le nom d'une personnalité du pays. C'est ainsi que le choix s'est porté sur celui de la célèbre « frondeuse », cousine du roi Louis XIV, châtelaine de Champigny. Ensuite il a fallu choisir à quoi allait ressembler le futur iris. Les couleurs des armes de la princesse étaient le bleu et le jaune : le bleu (l'azur) de France et le jaune (l'or en langage héraldique) mais ces couleurs ont été jugées pas assez majestueuses et c'est le pourpre royal qui a été préféré. Un concours à l'échelon national a été lancé parmi les hybrideurs français et c'est Martin Balland qui l'a remporté. Sa proposition a été considérée par les organisateurs et la Mairie de Champigny comme la plus représentative du projet et la plus belle. Ce choix est effectivement bien venu. 

Martin Balland, obtenteur atypique, est un musicien vosgien, jazzman et professeur de percussion. Il a une autre passion : l'hybridation des iris. Très vite il s'est fait remarquer par la qualité et la touche très personnelle de ses obtentions. Il se montre aussi assez prolifique puisque depuis 2012, date de ses premiers enregistrements, ce sont près de 50 variétés qui ont été créées. Avec une majorité d'iris « rouges », acajou, bordeaux, grenat... 

 'La Grande Mademoiselle', solennellement baptisée lors de la première fête des iris de Champigny, s'est révélée une variété de grande qualité : de taille imposante (environ un mètre), avec de grosses fleurs en proportion, et d'une couleur uniforme et généreuse. Sa description officielle en est : « Pétales rouge acajou, frisés ; sépales rouge acajou foncé légèrement veiné de crème autour de la barbe orange foncé. Ces riches couleurs, elle les doit à ses origines ouest-américaines : 'Lenten Prayer' (Schreiner, 1998), 'Dynamite' (Schreiner, 1997) et 'Regimen' (Ghio, 1997). les unes et les autres sont des variétés rouge sombre, ce qui fait de 'La Grande Mademoiselle' un pur produit de l'endogamie. Ces trois variétés sont elles-mêmes issues essentiellement de variétés « rouges ». 'Lenten Prayer' compte dans ses ancêtres 'Cranberry Ice' (Schreiner, 1973), rouge violacé et 'Mulberry Wine' (Moldovan, 1966), violet « mûre » ; 'Dynamite' a pour parent 'War Chief' (Schreiner, 1992), rouge foncé descendant lui-même de deux « rouges » bien connus, 'Sultan's Palace' (Schreiner, 1977) 'et 'Gallant Momment' (Schreiner, 1980); 'Regimen', au pedigree savant, comporte une majorité de variétés orangées, jaune foncé ou « rouge » comme 'Lady Friend' (Ghio, 1980). 

Il est bien trop tôt pour savoir si 'La Grande Mademoiselle' aura des descendants, mais pourquoi pas ? Il faut attendre encore quelques années pour le savoir. En tout cas le croisement ayant donné naissance à cet iris dispose d'un frère de semis dont il me faut bien parler, même si j'ai quelque pudeur à le faire. Il s'agit de la variété baptisée 'Sylvain Ruaud' : on comprendra pourquoi j'aborde son sujet avec autant de retenue ! Il faut bien reconnaître que c'est un iris bien joli. Il ressemble vivement à 'La Grande Mademoiselle', la différence étant essentiellement dans la couleur de la barbe, cette fois plus sombre et plus travaillée. 

Le tort de ces variétés réside dans leur diffusion qui n'est pas à la hauteur de leur qualité. Ce défaut n'est pas propre aux iris de Martin Balland, mais touche la plupart des iris français contemporains qui ne bénéficient pas d'un véritable réseau de distribution. Le commerce des iris est ainsi fait dans notre pays : trois pépiniéristes assure à eux seuls un très grande partie du commerce des iris. C'est sans doute suffisant mais cela ne fait qu'un commerce de niche. Même que la dizaine d'hybrideurs qui diffusent eux-mêmes leurs créations doit avoir un impact sur l'activité de ces « grands » confrères... 

Il faut espérer que tout le monde aura sa place et que la multiplication des enregistrements, depuis quelques années n'aura pas d'autre conséquence que s'activer l'intérêt des Français pour les iris !

 Illustrations : 


'La Grande Mademoiselle' 


'Lenten Prayer' 


'Dynamite' 


'Regimen' 


'Sylvain Ruaud'

ILLUMINATION (LA SUITE)

complément à l'article de Keith Keppel diffusé en novembre 2021

 Keith Keppel peut se montrer prophète. Il a une telle connaissance de son art qu'il imagine les évolutions et en prédit l'apparition. Dans l'article intitulé « Illumination » il a écrit : «  le monde des iris a maintenant des grands luminatas barbus des mains de Joe Ghio, Lowell Baumunk, Paul Black, Thomas Johnson, Barry Blyth et d'autres. Avec des hybrideurs plus nombreux à travailler là-dessus, les luminatas possèdent une plus large gamme de couleurs et de différences de motifs. Préparez-vous à un flot de variations sur le thème luminata... ». La prédiction n'a pas tardé à se manifester. Keppel lui-même s'est mis à l'ouvrage. C'est ainsi qu'il y a quelques semaines il a présenté officieusement ce qu'il appelle un « bicolor-luminata ». 

 Il y a longtemps qu'on connaît les iris bicolores. Paul Cook est pour beaucoup dans l'apparition de ce modèle, mais il existait bien avant qu'il n'intervienne et son travail n'a fait que rendre plus facile l'obtention de ce modèle et plus variées les couleurs associées. Parmi les tout premiers luminatas, ceux des frères Sass, il y avait eu déjà des fleurs aux pétales d'une couleur différente de celle des sépales ; il s'agissait de pigments anthocyaniques inhibés sur les pétales jaunes ; c'est le cas notamment sur 'Bertha Gersdorff', et on trouve la même disposition chez 'Cancan' de Tom Craig (1951) . C'était là les prémisses des « bicolor-luminatas », comme on en trouve parmi les semis Keppel et en particulier sur celui illustré ici. 

 Keppel qui brille avec les plicatas bicolores n'a pas manqué de tenter sa chance dans l'association des deux modèles : le modèle bicolore et le modèle luminata. Il a obtenu une fleur tout à fait intéressante (et remarquablement jolie) qui associe des pétales roses infus de mauve et des sépales d'un violet profond qui portent tous les traits du modèle luminata : cœur de la fleur blanc immaculé, bordure des sépales allant en s'éclaircissant jusqu'à se terminer par un fin liseré blanc. Ce qui change par rapport à un luminata traditionnel c'est la couleur des pétales car celle-ci est en général la même que celle des sépales, même si elle est fréquemment plus claire. Témoin, l'autre semis de K. Keppel illustré ci-dessous. Il ne s'agit donc pas de quelque chose de franchement inédit, on est plutôt devant une association de modèles perfectionnée. L'important c'est d'avoir transféré le modèle luminata sur une base bicolore quelconque. Il est prévisible que d'autres obtenteurs, intéressés par les évolutions du modèle luminata s'exerceront à reproduire ce que Keppel a créé. 

 Illustrations : 


 Cancan' (T. Craig, 1951) 


 Semis Keppel unicolore-luminata 


 Semis Keppel bicolore-luminata rose 


 Semis Keppel bicolore-luminata jaune

3.12.21

ILLUMINATION

Traduction d'un article de Keith Keppel (bulletin de l'AIS, avril 2012) avec la permission de l'auteur 

 En 1940, lorsque les premiers sont apparus dans les rangs des frères Sass dans le Nebraska, ils ont été notés dans les cahiers d'enregistrement comme « inclassables ». Dans les années cinquante, lorsque les programmes des expositions dans le nord de la Californie ont prévu une catégorie pour eux (rappelez-vous, c'était à l'époque où les iris étaient classés par couleurs ou par modèles), vous trouviez les plicatas, les fantaisie-plicatas et les « vraies fantaisies ». Dans la moitié sud de l'État, vous pouviez entendre parler de « bizarreries ». Ce n'est qu'en 1972 qu'ils ont eu un nom officiel, lorsque le bureau d'étude génétique de la Median Iris Society, présidé par Bee Warburton, a proposé le nom de « luminata » pour cet étrange modèle, avec la définition et la description suivantes : 
 « Luminata est un motif anthocyanique génétiquement reproductible dont les couleurs sont présentes sous forme d'une marbrure irrégulière dans la zone centrale des pétales et absente dans la zone périphérique. L'effet marbré est produit par un veinage sans anthocyanine (blanc ou jaune), mais une absence d'anthocyanine sur les épaules, les bras de style ou les barbes. » 

 Cette définition a été quelque peu modifiée en 1990 lorsqu'un comité ad hoc de l'AIS présidé par Harold Stahly a rapporté dans le Bulletin AIS qu'une étude plus approfondie (ainsi que les expériences des hybrideurs) justifiaient une reformulation de la définition originale. L'expression « blanc ou jaune » devait être étendue pour y inclure le rose et l'orange. Il a également été souligné que parfois les bras de style, y compris ceux du "type" pour cette nouvelle classe, "Moonlit Sea (Sass, 1942), peuvent montrer des traces de pigment semblant être de nature anthocyanique, et que la marge plus claire (zone périphérique) des pétales peut varier de prononcée à légère. Les modifications ont été dûment approuvées par le conseil d'administration de l'AIS. 

 Mais alors, d'où proviennent les luminatas ? Ils ont tendance à fleurir extrêmement tôt, souvent en même temps que les intermédiaires (IB), ce qui fait que l'on se demande s'il existe une base génétique qui différerait en partie de celle des grands barbus traditionnels. Nous ne connaissons certainement pas toutes les réponses, mais la première floraison documentée d'un luminata sans autre mélange de motifs a eu lieu dans les champs de Jake Sass en 1940, et la variété numérotée 40-163, « violet et jaune bizarre », a été introduite en 1942 sous le nom de « Bertha Gersdorff ». L'année suivante, trois autres luminatas furent numérotées, dont 41-10 qui devint « Moonlit Sea ». La variété 'Havelberg', hybridée en Allemagne par Theodor Schwarz, a été enregistrée en 1959. On dit qu'elle a fleuri avant la Seconde Guerre mondiale, mais n'a pas été enregistrée plus tôt en raison des problèmes dus à la guerre. Il semble que ce soit le premier véritable luminata européen, bien que le motif luminata soit apparu en conjonction avec le motif plicata aussi loin que chez 'Ensorceleur' ​​(Cayeux, 1926) ; et 'Madame Louis Aureau' (Cayeux, 1934) fut le parent d'un semis luminata non nommé de Jake Sass en 1940. 

 Les luminatas ont rencontré un succès mitigé. Certains critiques se sont extasiés sur ce nouveau modèle remarquable, d'autres n'étaient pas enthousiastes. « Aladdin’s Wish » (Murawska, 1945) qui, avec « Moonlit Sea » faisait partie des favoris à l'époque, a été rejeté par un spécialiste avec le simple commentaire : « jeune homme sans prétention ». Peut-être deux douzaines de luminata ont-elles été introduites en Amérique des années quarante aux années soixante. La famille Sass a fait le plus long du chemin, avec Pretty Pansy’ (1946) ou ‘Cuban Carnival' (non daté), Carnival Lights’ (1953), ‘Fairy Fancy’ (1953), ‘May Sky’ (1955), en plus des deux mentionnés précédemment. Tom Craig en a obtenu plusieurs : « Can-Can » (1951), « Glowing Amber » (1954), « Ghostie » (non daté) et « Weirdie » (non daté). Quelques autres hybrideurs en ont proposé un ou deux, mais pas assez pour que cela ait un impact. L'intérêt pour les luminatas était alors au plus bas. 

 Je pourrais faire une digression à ce stade pour parler de la création des luminatas. Bien que les théories soient toujours sujettes à débat, on a longtemps cru que « luminata » faisait partie d'une série allélique. Le modèle plicata est récessif par rapport aux « selfs » (non-plicata), et les variétés non marquées provenant de plicatas (glaciatas) sont à leur tour récessives par rapport aux plicatas. Luminatas, comme plicatas, sont dominants sur les glaciatas, mais ni un plicata ni un luminata ne semblent être dominants l'un sur l'autre. Vous pouvez avoir un plicata, ou vous pouvez obtenir un luminata, et si les deux se produisent simultanément, vous pouvez avoir un luminata-plicata, où le motif luminata et le motif plicata sont superposés.

 Alors, comment s'y prendre pour obtenir davantage de luminatas ? Évidemment le moyen le plus sûr est de croiser deux luminatas ! La plupart, sinon tous le sujets obtenus, seront des luminatas et tout le reste sera des glaciatas totalement non marqués. Alternativement, vous pouvez croiser un luminata par un glaciata et vous obtiendrez des luminatas - le nombre dépend de la façon dont les gènes sont empilés. 

 En 1978, j'ai croisé ‘Mistress’ (Keppel, 1980), un plicata rose avec une forte dose de glaciata, avec 75-98B, un luminata-plicata bicolore de la fratrie de ‘Peccadillo’ (Keppel, 1983). La plantule portait le surnom de jardin de « Fancy Touche », ce qui si vous connaissez la variété « Touche » (Hamblen, 1969) vous donnera une bonne idée de sa couleur. Un seul plant de luminata a fleuri de ce croisement en 1980. Ce plant, croisé avec un glaciata, a donné plus de luminatas. Deux générations plus tard sont venues « Flights of Fancy » (1993), « Mind Reader » (1994) et « Spirit World » (1994). A partir de là, davantage d'hybrideurs ont relevé le défi des luminatas, et le monde des iris a maintenant des grands luminatas barbus des mains de Joe Ghio, Lowell Baumunk, Paul Black, Thomas Johnson, Barry Blyth et d'autres. Avec des hybrideurs plus nombreux à travailler là-dessus, les luminatas possèdent une plus large gamme de couleurs et de différences de motifs. Préparez-vous à un flot de variations sur le thème luminata, et attendez-vous également à ce qu'elles soient de différentes tailles, car les luminatas se trouvent également parmi les nains, les intermédiaires et les iris de bordure. 

 Chacun des trois éléments qui définissent le motif luminata peut varier considérablement : 
 1) COEUR  DE LA FLEUR : Les luminatas ont un cœur clair et non marqué, dépourvu de pigments anthocyaniques. Cette zone claire commence dans les profondeurs de la fleur, là où elle rejoint le tube floral et s'étend ensuite vers l'extérieur. Mais jusqu'où ? Dans la plupart des luminatas primitifs, cette zone claire n'allait que jusqu'au tiers, ou à la moitié, de la longueur de la barbe. Maintenant, elle peut s'étendre sur toute la longueur de la barbe et parfois même bien au-delà dans un motif en «V» modifié. Jusqu'où cela peut-il aller ? Cette zone peut-elle continuer à former une zone lumineuse claire aussi grande et voyante que ce que nous avons maintenant dans ce secteur ? La zone claire est généralement blanche, avec des nuances jaunes (ou roses ou oranges) vers les épaules. Mais elle peut également être recouverte de jaune, de rose ou d'orange la plupart du temps et elle peut même s'étendre sur toute la zone.
 2) CENTRE DES SEPALES : On parle de sépales colorées par les pigments anthocyaniques (tons orchidée, violet, ou bleu violacé, mais qui peuvent aussi apparaître rouge-vin ou rougeâtre ou marron selon la couleur sous-jacente), complétés par des sépales colorés avec des veines non anthocyaniques plus pâles. Certains sépales sont si sombres et saturés que vous ne pouvez voir une gradation de couleur que lorsque la fleur commence à se faner. La plupart ont des veines pâles nettement apparentes. Dans certains cas, les veines sont si larges et apparentes que les zones anthocyaniques plus foncées apparaissent comme des îlots de couleur distincts. Et dans d'autres, ils peuvent être si légèrement et si peu saturés par les anthocyanes qu'ils semblent à peine saupoudrés de craie, et ce n'est qu'après une inspection minutieuse qu'ils peuvent être identifiés comme des luminatas. 
 3) BORDURE : La bordure plus pâle est également assez variable, allant de distincte à mélangée, d'étroite à large. La bordure standard est normalement plus large que le bord des sépales. Si la couleur anthocyanique est foncée, le contraste avec le bord plus pâle peut être frappant. Les sépales plus foncés et de couleur plus dense ont généralement une bordure minimale, mais ce n'est pas toujours le cas.  

Imaginez la perspective de sépales violet noirâtre avec un bord presque blanc, joliment ondulé, un grand cœur blanc et des barbes mandarine. « Aladdin’s Wish » a peut-être été insignifiant et sans prétention, mais il faut voir la suite ! 

 Illustrations : 


 'Aladdin’s Wish ' 


 'Bertha Gersdorff' 


 'Glowing Amber' 


 'Havelberg' 


 'Spirit World'