25.3.22

LA FLEUR DU MOIS

‘Carmen X' (Pierre Anfosso, 1984)

 'Flaming Light X Hayride


 Le mois dernier, avec 'Son of Star' nous avons fait une première intrusion dans le domaine des iris oranges. Nous nous situions à la troisième génération des iris de cette couleur ; avec 'Carmen X' nous atteignons la quatrième génération. Et forcément il y a eu du progrès. Voici le tableau de filiation : 
Pour 'Son of Star' : 
'Orange Parade' (M. Hamblen, 1958) → 'Flaming Star' (G.Plough, 1966) → 'Son of Star'... 
 Pour 'Carmen X' : 
'Orange Parade' → 'Flaming Star' → 'Flaming Light' (R. Brown, 1972 → 'Carmen X … 

 Les deux variétés font partie de la même lignée. Et toutes les deux ont été obtenue en appliquant la fameuse loi de l'inbreeding selon laquelle on obtient des variétés améliorées quand on croise deux variétés de la même couleur (et encore plus quand elles sont de la même lignée). Or dans les deux ascendances se trouve 'Apricot Glory' (T. Luhlestein, 1948) qui est une approche de la couleur orange. 

 'Carmen X' est donc un « orange par les oranges ». Il est décrit comme suit, dans la langue fleurie deson créateur : « Dans la classe des oranges, cet iris devrait prendre une place particulière. Sa forme ample, sculpturale, lui donne une grande personnalité qui se retrouve dans les générations suivantes. Un orange très particulier par sa douceur dorée, moirée d'ocre cuivré sur les sépales bordés d'un ton plus clair, en accord sourd avec la barbe rouge orangé. Texture cireuse sur une substance translucide. Les hampes sont trapues et résistantes. » Une description plus récente ajouterait une indication sur le branchement, le nombre de boutons et le parfum. La photo fournie par Iris en Provence confirme bien ce qui est dit ci-dessus. 

 Au jardin 'Carmen X' se comporte vaillamment et je l'ai conservé jusqu'au jour où je l'ai transplanté dans un emplacement beaucoup trop humide. L'excès d'eau a entraîné sa perte au cours d'un hiver particulièrement arrosé, à la fin des années 1990 … 

 C'est Pierre Anfosso lui-même qui en a tiré le meilleur profit dans les croisements qu'il a réalisé avec lui. On le trouve dans l 'ascendance des deux BB 'Clip', 1990 et Pulsar 1991 (à noter que ce dernier n'a pas été enregistré ; d'ailleurs s'il l'avait été il n'aurait pas porté ce nom qui est aussi celui d'une variété de TB jaune de John Weiler, (1986), d'où la nécessité d'enregistrer une variété avant de la commercialiser). Il se trouve aussi dans le pedigree de 'Barocco' (1987) et de 'Voleur de Feu' qui est un frère de semis de 'Pulsar. Ce 'Voleur de Feu' est le parent de 'Bastille' (1988), d''Artifice' (1990) et son frère de semis 'Riviera Stop' (1990) ainsi que de 'Laser' (1990). Toutes ces variétés font partie de la base de la production d'Iris en Provence : ce sont des iris excellents et indémodables. 

 La couleur orange est difficile à obtenir et les plantes de cette couleur sont souvent d'apparence râblée et comme brûlées de l'intérieur. Pas celles de chez Anfosso. En particulier 'Carmen X' qui est très réussie. 

 Illustrations : 


 'Carmen X' 


'Flaming Light 


'Hayride' 


'Clip' 


'Voleur de Feu'

20.3.22

AVANT GUERRE

LES IRIS EN UKRAINE 

 Au temps de l'URSS on ne pouvait guère parler de la culture des iris dans un pays où ce genre d'activité de loisir n'étaient pas ce qui était encouragé par les pouvoirs publics. Il fallait avoir beaucoup d'énergie et d'astuce pour se procurer des variétés occidentales afin de réaliser des croisements. Et si l'on ajoute que le climat continental froid de la Russie n'est guère favorable à la culture des iris on se rend compte de ce que procéder à l'hybridation dans ces conditions n'était pas une mince affaire. L'opération n'était en fait guère envisageable ailleurs que dans le sud de l'URSS, en Ukraine ou au Kazakhstan, et c'est dans ces contrées qu'elle était pratiquée par quelques audacieux. 

 Nina Miroshnichenko, à Jytomyr, à l'Ouest de Kiev fait partie de ceux-là. L'histoire ne dit pas comment elle se procurait les variétés américaines ou européennes qu'elle utilisait dans ces croisements. Elle n'en avait pas beaucoup mais elle savait s'en servir. Elle a montré que l'Ukraine pouvait être une terre d'iris. C'était au cours des années 1870/1980. Dès que le rideau de fer a disparu les Ukrainiens se sont lancés avec enthousiasme dans l'hybridation (dans des conditions climatiques moins favorables, les Russes ont fait exactement la même chose, au point de mettre maintenant leur nation au premier plan pour le nombre de créations chaque année). Cette belle aventure s'est poursuivie depuis le début du XXIe siècle et a pris une ampleur qu'on ne soupçonne pas forcément en Occident, au fur et à mesure du rapprochement de l'Ukraine des pays de l'Union Européenne. Au moment où le projecteur se braque sur l'iniquité et l'horreur de ce qui se passe dans ce pays on peut jeter un coup d'oeil sur la culture et l'hybridation en Ukraine et sur les différents intervenants. 



 Dans la liste des hybrideurs publiée dans « Iris Encyclopedia » j'ai relevé au moins douze noms d'Ukrainiens actifs à l'heure où a été déclenchée la guerre qui nous interpelle tous. Ils opéraient pour la plupart autour de Kyiv ou dans l'Ouest du pays, la partie la plus tournée vers l'Occident. 

 Le plus ancien est certainement Alexander Trotsky, de Mikolayiv, grande ville du sud , à l'est d'Odessa. Il a été relayé par son fils Mikhailo. A eux deux ils ont enregistré environ 70 variétés, essentiellement des TB, entre 2000 et 2020, comme le très joli bleu tendre 'Nebsnaya Pesnia' (2012).

 

 C'est essentiellement depuis l'indépendance de leur pays que les Ukrainiens se sont pris de passion pour l'iridophilie. Depuis ce moment, plusieurs amateurs se sont lancé dans l'hybridation. Citons :
-  Marija Konovalenko, près de Kyiv, avec une trentaine de TB de facture très classique, comme 'Kniazhyi Grad' (2018) ; 


- Gennadi Mamchenko, près de Chernyiv, au nord-ouest de Kyiv, (voir 'Zupyny Posmishku', 2012) ; 


- Volodymyr Vasyliev, près de Mikolayiv, (voir l'original 'Boginya Solntsa',2020) ; 


- ou Borys Pravdyvy, de Kyiv, plutôt spécialisé dans les SDB mais dont le TB plicata 'Sharada' (2012) est une des variétés les plus appréciées dans son pays.


Quelques autres sont devenus des professionnels : 
- Il s'agit tout d'abord de Svitlana et Vladimir Yakovchuk. Ils habitent à proximité de la ville de Soumy, proche de la frontière russo-ukrainienne, l'une des premières à avoir été envahies. Ils sont présents avec un nombre important de variétés -(SDB, IB, TB)- qu'ils commercialisent eux-même. Par exemple le jaune 'Gilka Zolota' (2010), florifère et bien branché, qui répond tout à fait aux critères occidentaux. 


- Alla Chernoguz, de Kyiv, active essentiellement dans le domaine des SDB et TB depuis une quinzaine d'années. Un bel exemple de son travail est l'amoena jaune 'Soniachni Klarnety' (2010). Certains des iris de cette obtentrice sont présents en Europe de l'Ouest. 


- Andrii Troshkin, obtenteur et producteur installé dans la banlieue ouest de Kiev. IL vend ses propres variétés ainsi que les iris de ses confrères ukrainiens et étrangers. Ses iris semblent répondre aux critères actuels , comme 'Zolotoi Piedestal' (2016) ; 


- Evgenyi Nazarov, de Kyiv également, tout nouvel obtenteur qui semble particulièrement doué comme avec ce 'Shovkova Vual' (2020), qu'il faudrait cependant pouvoir juger « sur pièce », ce qui n'est pas le cas. 


- Igor Khorosh, de Ternopil, à l'ouest de Kyiv, peut-être le plus connu de tous, parce que venu en France à l'occasion du concours « Franciris ©», et créateur d'une série remarquable de variétés dont les noms, en anglais, évoquent leur origine, comme 'Ukrainian Christmas' (2019), profondément frisé à l'instar de son parent américain. 



 Tout cela, c'était avant ! Avant que n'éclate le conflit qui bouleverse l'Ukraine, d'abord, et le monde entier. Nous manquons d'informations sur le destin de chacun des obtenteurs cités. Certains, qui étaient actifs sur Internet au début du conflit se sont maintenant tus. D'autres continuent d'appeler à l'aide...Le monde des iris n'échappe pas au drame et nul ne sait ce qu'il sera en Ukraine quand tout cela va s'arrêter. Une chose cependant est certaine. On a vu, après la deuxième guerre mondiale, les producteurs français d'iris, qui pendant cinq ans avaient consacré leurs pépinières à produire la nourriture de leurs concitoyens, replanter leurs chers rhizomes et recréer ces fleurs qui ont contribué elles aussi au redressement du pays. Alors ? L'Ukraine qui sait si bien résister saura assurément aussi bien refleurir. 

 Illustrations : 
'Solovinaya Noch' (Miroshnichenko, ca.2007) 
'Nebsnaya Pesnia' (Trotsky, 2012). 
'Kniazhyi Grad' ( Konovalenko 2018) 
'Zupyny Posmishku' (Mamchenko 2012 
'Boginya Solntsa' (Vasyliev2020) 
'Sharada' (Pravdyvy 2012) 
'Gilka Zolota' (Yakovchuk, 2010) 
'Soniachni Klarnety' ( Chernoguz, 2010) 
'Zolotoi Piedestal' (Troshkin, 2016) 
'Shovkova Vual' (Nazarov, 2020) 
'Ukrainian Christmas' (Khorosh, 2019)

13.3.22

APPELLATIONS CONTRÔLÉES

Je me souviens du temps où l'on ajoutait à l'eau de rinçage du linge « blanc » qui sortait de la lessiveuse une sorte de bonbon – un azurant - qui avait pour mission de faire paraître le blanc encore plus blanc. Ce phénomène n'est pas exactement reproductible en matière d'iris, même si c'est bien à partir de fleurs bleues que l'on obtient la plupart de iris de couleur blanche. Il n'empêche que le blanc s'obtient par effacement des couleurs et qu'il apparaît sous l'effet de gènes inhibiteurs des pigments. L'action de ces gènes s'exerce sur les pigments anthocyaniques. Elle est plus ou moins efficace et elle peut intervenir sur différentes parties de la fleur : pétales ou sépales dans leur entier ou en partie, au cœur de la fleur ou au contraire vers les bords, intégralement ou partiellement, sous forme de pointillés ou de rayures... On a donné aux plantes qui portent ces marques différents noms suivant que l'absence de coloration est plus ou moins pure ou plus ou moins étendue. Ces noms ne sont pas tous précisément et officiellement définis, si bien que leur attribution dépend largement de l'appréciation que l'obtenteur fait de la coloration de la fleur qu'il présente. C'est un peu fâcheux et cela mériterait que l'AIS s'empare du sujet et établisse des définitions précises. 

 J'ai dénombré, si je n'en oublie pas, sept dénominations correspondant à sept dispositions des décolorations , sans compter deux situations où la disposition traditionnelle se trouve inversée. 

 On ne peut trouver meilleur connaisseur du modèle plicata que Keith Keppel et voici la définition qu'il en donne : « C'est un modèle avec un fond blanc ou coloré par des pigments caroténoïdes (jaune, rose, orange), des bords piquetés ou pointillés, voire entièrement teintés d'une couleur sombre et contrastée. » Ces dessins sont ce qui reste des pigments anthocyaniques (bleu, violet) après l'action des gènes qui empêchent leur développement. Ce modèle a subi bien des transformations depuis que les hybrideurs s'en sont emparés. Mais ces fondamentaux sont restés les mêmes. L'action des gènes inhibiteurs des pigments anthocyaniques aboutit toujours a dégager les fonds qu'ils soit colorés de jaune ou franchement blancs. 

Deux plicatas typiques : 


'Chimgan' (A. Volfovitch-Moler, 1995) variété classique 


'Australian Friend' (R. Dejoux, 2020) variété moderne où le fond est porteur de pigments caroténoïdes 

 Autre appellation bien connue : amoena. De nos jours, obtenir un iris aux pétales blancs et aux sépales colorés est à la portée de tous ceux qui hybrident, mais il n’en a pas toujours été ainsi, et si le travail est maintenant facile, il fut un temps où cette disposition des couleurs était exceptionnelle. C’est en grande partie grâce aux travaux de Paul Cook et de ce que celui-ci à obtenu à partir de l’apparition de ‘Progenitor’ que nous disposons de ces iris bicolores où s'opposent toutes les couleurs d'origine caroténoïde d'un côté et le blanc de l'autre. Le mot amoena est entré complètement dans le vocabulaire des iris et désigne donc ces fleurs où les pigments bleus sont bloqués soit dans les pétales soit dans les sépales. Car existent les fleurs où les couleurs se trouvent interverties et que l'on l'appelle « amoena inversé » 


'Modre Pondeli' (Z. Seidl, 1997) 


'Zone d'Ombre' (S.Ruaud, 2012) 

 Toutes les autres appellations restent plus ou moins controversées. A commencer par celle qui n'a pas de dénomination proprement dite ; je veux parler de ce modèle que l'on dit « Emma Cook » du nom de la variété la plus emblématique de toutes celles qui le portent. Dans ce cas les pigments bleus sont presque totalement éliminés et n'apparaissent plus qu'à l’extrême bord des sépales. On n'a pas attribué de nom (en latin botanique ou pas) à ce modèle. Sa relative rareté est peut-être à l'origine de cette anomalie. 


' Dolce Acqua' (A. Bianco, 2002) 

 Pourquoi parle-t-on d'iris « luminata » ? Parce que ce modèle se caractérise par une zone claire absolument pure de part et d’autre de la barbe. Pas une seule trace de la couleur de couverture. On dirait que cette fleur a la lumière au cœur. L'absence de coloration intervient également sur la partie extérieure des pétales. Cette appellation n'est pas nouvelle et la fleur, qui est pour ainsi dire le contrepoint du modèle plicata, est bien connue des amateurs, surtout depuis que Keith Keppel lui a donné une nouvelle jeunesse. 


'Brocart' (JC. Jacob, 2016) 

 Une autre appellation qui a acquis suffisamment de célébrité pour n'être plus discutable est celle du modèle glaciata. C'est aussi K. Keppel qui en est le champion. Chuck Chapman soutient l'idée selon laquelle il existerait plusieurs degrés d’inhibition des pigments anthocyaniques dans une fleur d’iris et que le modèle baptisé « glaciata » se situerait au degré 4, le plus élevé. Cette théorie a pour elle d’être séduisante par son côté systématique, satisfaisant pour un esprit ordonné. Elle est aussi vraisemblable mais elle n’est pas scientifiquement démontrée. Un glaciata parfait n'a pas de trace d’anthocyanine. Le fond peut donc être absolument blanc, mais il peut aussi être coloré par des pigments caroténoïdes qui ne sont pas concernés par le gène glaciata. La fleur serait alors plus ou moins colorée en rose ou mandarine. 


'Snow Lion' (M. Smith, 2005) 

 Et qu'en est-il du modèle « distallata » ? Il est d'apparition récente : la variété 'Prototype' a été obtenue par Joë Ghio en 2000. Mais il a subi rapidement une évolution qui l'a nettement transformé. Il a connu une brève période d'engouement qui est maintenant un peu retombée. Sa dénomination se base sur le néologisme américain « distall » qui signifie « dispersé ». Il n'y a pas encore d'appellation officielle de ce modèle. La description de la version primitive parle d'une fleur dont les pétales sont blancs (ou tout au moins très clairs), de même que les sépales, mais ceux-ci s’agrémentent d’une couche centrale de couleur, qui peut être du jaune ou de l’orangé clair, à laquelle s’ajoutent de fines rayures sombres, partant de la barbe et s’étirant plus ou moins vers le bord. Ces rayures sont les restes des pigments anthocyaniques. Mais un autre modèle, qui n’a pas de nom, et qui est une évolution de ‘Ring Around Rosie’ (Ernst 2000), a été ajouté au cocktail et l'a profondément modifié. De sorte que les rayures qui justifiaient l'appellation « distall » ont pris de l'importance, et que sur le modèle « distallata » d'aujourd'hui elle ont pris bien plus d'importance. Ce qui n'empêche pas qu'elles sont de nature anthocyanique... 


'Croustillant' (S. Cancade, 2017) nouvelle version du modèle 


'Prototype' (J. Ghio, 2000) version primitive 

 Il reste à dire un mot du modèle « zonal ». Il est mal défini et chacun peut mettre un peu ce qu'il veut derrière ce terme. Il tente de définir un iris de teinte bleue ou violacée, dont le centre des sépales est orné d’une large tache absolument blanche. C'est une disposition intermédiaire entre le type « glaciata », chez qui les pigments anthocyaniques sont totalement inhibés, et le type « luminata », où cette inhibition est limitée à la zone située au cœur de la fleur et dans la partie supérieure des sépales. Cette description convient à des variétés présentant sous les barbes une vaste plage blanche, qui confère à la fleur une clarté très agréable mais qui n'a cependant pas la pureté d'un vrai luminata. La distinction est assez subtile d'où un usage restreint du terme « zonal ». Mais on rencontre aussi des fleurs où c'est le cœur qui est coloré de bleu ou violet alors que les parties extérieures sont dépourvues de coloration. 


'Suky' (C. Mahan, 1988) 

 Le tour des termes utilisés pour définir les différentes inhibitions des pigments anthocyaniques doit être terminé. Plusieurs sont des termes qui, parce qu'ils sont bien utiles, mériteraient d'être précisés. C'est à l'AIS de s'emparer du sujet et de donner une définition à laquelle chacun pourrait se référer ; une appellation contrôlée en quelque sorte. 

 Illustrations : 
'Chimgan' 
'Australian Friend' 
'Modre Pondeli' 
'Dolce Acqua' 
'Brocart' 
'Snow Lion' 
'Croustillant' 
'Prototype' 
'Suky' 
'Zone d'Ombre'

4.3.22

UN PROBLÈME AVEC LE VERT

C'est en consultant l'admirable et opulent catalogue de la collection « Iris en Périgord » que m'est venu l'idée d'exprimer mon ressenti à propos des iris verts. 

Le vert, dans les iris, ne concerne pas seulement le feuillage. On en trouve un peu dans les fleurs elles-mêmes. Cela peut être de deux origines : quelquefois ce sont des traces de chlorophylle qui réussissent à s’insérer dans les pétales ou les sépales mais le plus souvent ce sont des pigments anthocyaniques qui viennent se superposer à des pigments caroténoïdes jaunes, et l'on sait que jaune + bleu = vert. Cependant jusqu'à présent il n'existe pas d'iris franchement verts. Ce que l'on appelle du vert est en fait soit du jaune mimosa soit un vert tabac, c'est à dire tirant sur le marron. Et c'est là que se loge mes actuelles hésitations à propos de cette coloration. Il est indéniable qu'en matière d'originalité, il s'agit d'une rareté, mais pour ce qui est de l'apparence, l'amateur d'iris est un peu déçu, car soit le « vert » n'est qu'une forme de jaune, soit il donne à la fleur cette teinte boueuse que tous les bons auteurs recommandent de rejeter. Un vert franc n'est pas encore en vue et l'on doit se contenter de succédanés ou d'approche plus ou moins laborieuse. 

 Il y a longtemps que les obtenteurs ont commencé d’enregistrer des variétés influencées par le vert. Ainsi, dès 1959, après un certain nombre d’autres, Rex Brown a enregistré 'Green Quest', un iris jaune mimosa, bien teinté de vert. De même en 1966 Luella Noyd a mis sur le marché son 'Fluted Lime', longtemps vendu en France, qui est un peu plus vif, avec une barbe moutarde, et qui se trouve être le fils d’un cousin de 'Green Quest', 'Green Glint' (R. Brown 1960). Les années 1970 ont été riches en iris « verts ». Pour n’en citer que quelques-uns, connus en France, parlons de 'Song of Erin' (Roach 1971), où le vert colore un fond blanc, ou de 'Green Eyed Lady' (Plough 1972), de la même eau que le précédent. 'Irish Spring' (Roe 1973), joli amoena aux pétales bien blancs et aux sépales nettement influencés de jaune verdâtre est dans la continuation de mouvement en faveur du vert, de même que 'Pistachio' (Ghio 1974), jaune mimosa vif avec barbe moutarde. 'Green Eyed Lady' dont il vient d’être question, et Pride Of Ireland' (Noyd 1971)sont les parents de 'Irish Tune' (Plough 1977), toujours dans les tons de mimosa. Keith Keppel s’est à son tour aventuré sur ce terrain avec 'Patina' (78), plicata fortement teinté de vert, à tel point qu’il paraît non plus violacé mais nettement brun, c'est peut-être ce qui a fait son succès car il a figuré très longtemps dans de nombreux catalogues. 

 Au début des années 1980, J. Ghio récidive avec 'Al Fresco' (1981), très vert et assombri d’une barbe brune, et 'Soap Opera' (1982) au coloris étrange, ceinturé de jaune chartreuse. 'Ruffled Surprise' (Rudolph 1981) joue sur le même registre, qui était aussi celui de 'Chartreuse Ruffles' (Rudolph 1976) et qui sera celui de 'Inca Queen' (Blyth 1983). 'Lichen' (Byers 1989) est plus classique, jaune verdâtre tendre : le premier vert à fleurir chaque printemps et à remonter régulièrement. Mais c’est 'Green And Gifted' (P. Black 89) qui est le vert le plus original, avec sa barbe pratiquement noire. 

 Dans les années 1990 'Envy' (Ernst 90) est franchement jaune tilleul, et 'Olive Branch' est une autre contribution de Richard Ernst, sombre, en vert olive deux tons. 'Verde Luna' (Romoli 1996) fait partie de la famille 'Pistachio'. Le pompon du vert pour cette décennie est sans doute à attribuer à 'Evergreen Hideway' (J. Ames, 1988), amoena que l'on peut qualifier de vert, avec tout de même un peu d'imagination !. 

 Depuis, les ardeurs se sont un peu calmées et les iris « verts » sont devenus, semble-t-il, moins nombreux mais aussi plus nettement colorés. Au cours des dernières années on peut noter chez Keith Keppel un nouveau genre de bicolore inversé, 'Monsoon Moon' (2007), en brun violacé aux pétales et aux sépales qualifiés de « jaune-olive » Il a été suivi de plusieurs autres. Son compère Barry Blyth a choisi le vert unicolore avec 'Frilled to Bits' (2008) ouis 'Primaluna', plus clair mais plus vert aussi. Chez Schreiner ce fut 'County Cork' (2006), d'inspiration irlandaise et donc bien vert. Gerald Richardson a continué dans la même idée avec 'Sunset Storm' (2010), un peu plus ocré. Enfin terminons avec l'important travail fourni sur ce sujet par notre Richard Cayeux national et ses 'Infusion Tilleul' (2013), 'Sulfureux' (2018) et 'Vertige' (2020). 

 N'oublions pas les bicolores aux pétales bleus et aux sépales verts qui sont apparus il y a une vingtaine d'années - 'Party's Over' (D. Meek, 2005) – et continuent leurs progrès – ('Later Aligator' (Black, 2022). Il en sera question dans une autre chronique. 

 On remarque qu'effectivement les tons de vert sont devenus plus « verts » et tirent davantage sur le vert-olive, ce qui se comprend puisque, pour faire simple, on part d'un amoena jaune qui est nappé de pigments anthocyaniques bleus. Il n'empêche qu'à l'heure actuelle on ne peut pas encore parler d'iris franchement vert, et qu'il est probable qu'on ne parviendra jamais à cette couleur puisqu'elle ne peut résulter que d'un artifice à base de pigment caroténoïde jaune. Pour que le vert parvienne à du vrai vert il faudrait que la chlorophylle s'installe pour de bon dans les fleurs, ce qui n'est pas sa place botanique. Quoi qu'il en soit les iris considérés comme verts constituent une autre coloration et qu'elle peut séduire des amateurs d'originalité. 

 Illustrations : 




 'Fluted Lime' 


'Pride of Ireland' 


'Sunset Storm' 


'County Cork' 


'Frilled to Bits' 


'Vertige'