20.3.22

AVANT GUERRE

LES IRIS EN UKRAINE 

 Au temps de l'URSS on ne pouvait guère parler de la culture des iris dans un pays où ce genre d'activité de loisir n'étaient pas ce qui était encouragé par les pouvoirs publics. Il fallait avoir beaucoup d'énergie et d'astuce pour se procurer des variétés occidentales afin de réaliser des croisements. Et si l'on ajoute que le climat continental froid de la Russie n'est guère favorable à la culture des iris on se rend compte de ce que procéder à l'hybridation dans ces conditions n'était pas une mince affaire. L'opération n'était en fait guère envisageable ailleurs que dans le sud de l'URSS, en Ukraine ou au Kazakhstan, et c'est dans ces contrées qu'elle était pratiquée par quelques audacieux. 

 Nina Miroshnichenko, à Jytomyr, à l'Ouest de Kiev fait partie de ceux-là. L'histoire ne dit pas comment elle se procurait les variétés américaines ou européennes qu'elle utilisait dans ces croisements. Elle n'en avait pas beaucoup mais elle savait s'en servir. Elle a montré que l'Ukraine pouvait être une terre d'iris. C'était au cours des années 1870/1980. Dès que le rideau de fer a disparu les Ukrainiens se sont lancés avec enthousiasme dans l'hybridation (dans des conditions climatiques moins favorables, les Russes ont fait exactement la même chose, au point de mettre maintenant leur nation au premier plan pour le nombre de créations chaque année). Cette belle aventure s'est poursuivie depuis le début du XXIe siècle et a pris une ampleur qu'on ne soupçonne pas forcément en Occident, au fur et à mesure du rapprochement de l'Ukraine des pays de l'Union Européenne. Au moment où le projecteur se braque sur l'iniquité et l'horreur de ce qui se passe dans ce pays on peut jeter un coup d'oeil sur la culture et l'hybridation en Ukraine et sur les différents intervenants. 



 Dans la liste des hybrideurs publiée dans « Iris Encyclopedia » j'ai relevé au moins douze noms d'Ukrainiens actifs à l'heure où a été déclenchée la guerre qui nous interpelle tous. Ils opéraient pour la plupart autour de Kyiv ou dans l'Ouest du pays, la partie la plus tournée vers l'Occident. 

 Le plus ancien est certainement Alexander Trotsky, de Mikolayiv, grande ville du sud , à l'est d'Odessa. Il a été relayé par son fils Mikhailo. A eux deux ils ont enregistré environ 70 variétés, essentiellement des TB, entre 2000 et 2020, comme le très joli bleu tendre 'Nebsnaya Pesnia' (2012).

 

 C'est essentiellement depuis l'indépendance de leur pays que les Ukrainiens se sont pris de passion pour l'iridophilie. Depuis ce moment, plusieurs amateurs se sont lancé dans l'hybridation. Citons :
-  Marija Konovalenko, près de Kyiv, avec une trentaine de TB de facture très classique, comme 'Kniazhyi Grad' (2018) ; 


- Gennadi Mamchenko, près de Chernyiv, au nord-ouest de Kyiv, (voir 'Zupyny Posmishku', 2012) ; 


- Volodymyr Vasyliev, près de Mikolayiv, (voir l'original 'Boginya Solntsa',2020) ; 


- ou Borys Pravdyvy, de Kyiv, plutôt spécialisé dans les SDB mais dont le TB plicata 'Sharada' (2012) est une des variétés les plus appréciées dans son pays.


Quelques autres sont devenus des professionnels : 
- Il s'agit tout d'abord de Svitlana et Vladimir Yakovchuk. Ils habitent à proximité de la ville de Soumy, proche de la frontière russo-ukrainienne, l'une des premières à avoir été envahies. Ils sont présents avec un nombre important de variétés -(SDB, IB, TB)- qu'ils commercialisent eux-même. Par exemple le jaune 'Gilka Zolota' (2010), florifère et bien branché, qui répond tout à fait aux critères occidentaux. 


- Alla Chernoguz, de Kyiv, active essentiellement dans le domaine des SDB et TB depuis une quinzaine d'années. Un bel exemple de son travail est l'amoena jaune 'Soniachni Klarnety' (2010). Certains des iris de cette obtentrice sont présents en Europe de l'Ouest. 


- Andrii Troshkin, obtenteur et producteur installé dans la banlieue ouest de Kiev. IL vend ses propres variétés ainsi que les iris de ses confrères ukrainiens et étrangers. Ses iris semblent répondre aux critères actuels , comme 'Zolotoi Piedestal' (2016) ; 


- Evgenyi Nazarov, de Kyiv également, tout nouvel obtenteur qui semble particulièrement doué comme avec ce 'Shovkova Vual' (2020), qu'il faudrait cependant pouvoir juger « sur pièce », ce qui n'est pas le cas. 


- Igor Khorosh, de Ternopil, à l'ouest de Kyiv, peut-être le plus connu de tous, parce que venu en France à l'occasion du concours « Franciris ©», et créateur d'une série remarquable de variétés dont les noms, en anglais, évoquent leur origine, comme 'Ukrainian Christmas' (2019), profondément frisé à l'instar de son parent américain. 



 Tout cela, c'était avant ! Avant que n'éclate le conflit qui bouleverse l'Ukraine, d'abord, et le monde entier. Nous manquons d'informations sur le destin de chacun des obtenteurs cités. Certains, qui étaient actifs sur Internet au début du conflit se sont maintenant tus. D'autres continuent d'appeler à l'aide...Le monde des iris n'échappe pas au drame et nul ne sait ce qu'il sera en Ukraine quand tout cela va s'arrêter. Une chose cependant est certaine. On a vu, après la deuxième guerre mondiale, les producteurs français d'iris, qui pendant cinq ans avaient consacré leurs pépinières à produire la nourriture de leurs concitoyens, replanter leurs chers rhizomes et recréer ces fleurs qui ont contribué elles aussi au redressement du pays. Alors ? L'Ukraine qui sait si bien résister saura assurément aussi bien refleurir. 

 Illustrations : 
'Solovinaya Noch' (Miroshnichenko, ca.2007) 
'Nebsnaya Pesnia' (Trotsky, 2012). 
'Kniazhyi Grad' ( Konovalenko 2018) 
'Zupyny Posmishku' (Mamchenko 2012 
'Boginya Solntsa' (Vasyliev2020) 
'Sharada' (Pravdyvy 2012) 
'Gilka Zolota' (Yakovchuk, 2010) 
'Soniachni Klarnety' ( Chernoguz, 2010) 
'Zolotoi Piedestal' (Troshkin, 2016) 
'Shovkova Vual' (Nazarov, 2020) 
'Ukrainian Christmas' (Khorosh, 2019)

Aucun commentaire: