29.4.22

ECHOS DU MONDE DES IRIS

La vie reprend son cours 

La Convention de l'AIS s'est tenue cette année à Las Cruces, au Texas. Le déroulement de cette grand' messe est toujours le même, avec les discussions à propos de la vie de l'association et les visites de jardins. Et bien entendu l'attribution des divers récompenses, dont nos amis américains sont si friands : 


President's Cup : 'Chihuahua Night' AB Howard Dash (2018) 

Franklin Cook Memorial Cup : 'Perry Dyer' AB Paul Black (2017) 

Ben Hager Cup : 'Black Comedy' IB Paul Black (2017).

UNE FAMILLE AMERICAINE

Le petit Matthias Cooley, lorsqu'après de douloureuses tribulations à travers les montagnes de l'Oregon il a enfin atteint la terre promise, ne se doutait pas que la famille qu'il allait fonder deviendrait l'une des plus remarquables du monde des iris. 

 Matthias Cooley a commencé dans la vie en jouant du violon, au milieu du 19e siècle, pour animer les mariages et les enterrements. Mais cette activité, qu'il n'a jamais abandonnée, est sans doute un peu insuffisante pour nourrir la nombreuse famille qu'il crée. Il s'installe donc a proximité de Silverton et se lance dans l'agriculture. La famille Cooley a continué dans cette voie pendant plus de soixante ans, jusqu'à ce que Rholin, en 1927, ne soit hameçonné par le charme des iris. Il avait commencé sa vie professionnelle dans le transport de messagerie, mais cette année-là il visite la collection d'iris du docteur Kleinsorge, l'un des plus fameux hybrideurs du moment, et décide de se lancer dans la culture et le commerce de cette fleur. Il ne fait pas les choses à moitié et en 1929 il entreprend un véritable tour des Etats-Unis des hybrideurs ! D'un même geste il se constitue une pépinière abondante et riche des meilleures variétés présentes sur le marché et une solide connaissance des spécificités des plantes qu'il vend. 

 Rapidement son entreprise devient l'une des plus importantes de la profession et le catalogue Cooley est une référence incontournable. Aussi bien pour les amateurs d'iris que pour les hybrideurs. Être référencé chez Cooley est un honneur aussi bien qu'une garantie de ventes importantes. C'est pourquoi les meilleurs comme Kleinsorge, Wareham, Kirkland, Sass, Hall, Gibson ou Gaulter y sont présents. 

 Dans la chronique nécrologique que le Bulletin de l'AIS lui a consacré au moment de son décès on peut lire ceci : « Rholin Cooley a grandement contribué à la popularité des iris, et tous ceux qui l'ont connu ont appris à admirer son habileté et son respect des autres – les marques d'un vrai gentleman. » 

 Bien souvent la disparition du chef de famille marque la fin et la fermeture de l'entreprise. Ce n'est pas ce qui s'est passé avec la Maison Cooley. Non seulement elle a survécu à son créateur, mais Rick Ernst qui a pris la succession lui a donné un développement considérable à la fois sur le plan horticultural, en créant lui-même une grande quantité de nouvelles variétés qui ont acquis une renommée internationale, et en donnant à la pépinière une réputation de qualité et d'excellence. Dans les années qui ont précédé la mort prématurée de Rick Ernst la Maison Cooley était devenue la plus importante des USA, surpassant en chiffre d'affaire la grande Maison Schreiner, référence mondiale. 

 Mais ce qui ne s'était pas produit à la disparition de Rholin Cooley a eu lieu quand Richard Ernst a été emporté par un cancer. La célèbre firme Cooley a fermé. Les plantes en stock ont été dispersées chez divers hybrideurs, et les terres ont été acquises par la famille Schreiner... Ainsi a disparu une des plus anciennes et florissantes entreprises du monde des iris.

Trois variétés du temps de Rholin Cooley:

- 'Copper Lustre' (Kirkland, 1931)


- 'Daybreak' (Kleinsorge, 1941)


- 'Clair de Lune' (Wareham, 1925)

22.4.22

UNE ANNEE DANS LA VIE D'UN IRIS

Un iris est immortel ! Du moins en théorie. Disons plutôt qu'il peut ne pas mourir. C'est cette faculté qui nous permet de trouver aujourd'hui dans nos jardins des iris sélectionnés au milieu du 19e siècle par MM. Jacques ou Lemon. C'est son système de multiplication végétative qui lui donne ce pouvoir extraordinaire et qui fait que le cours des années n'altère jamais les caractéristiques de la plante d'origine. Non seulement un iris peut vivre éternellement, mais encore il ne vieillit pas. Alors, vous pensez qu'une année dans la vie d'un iris, c'est peu de chose. Il peut en vivre des quantités, toutes semblables, ponctuées seulement par les aléas climatiques ou les tribulations infligées par les humains. 

 L'année d'un iris est un perpétuel recommencement rythmé par le mouvement de la terre autour du soleil. Disons qu'elle commence le 1er septembre. C'est le moment où, après une longue période de repos, la touffe d'iris se réveille. Il est temps pour elle de reprendre sa croissance et de débuter la saison suivante. Chez nos iris modernes, ceux qui contiennent des gènes d'I. aphylla, le feuillage qui a fourni à la plante l'oxygène et certains des nutriments dont elle a besoin a presque totalement séché. Ne restent que de courts moignons qui assurent le minimum vital. Ils vont croître un peu de manière a accompagner la reprise de la végétation. Juste ce qu'il faut ! I. aphylla, plante de montagne, sait qu'il ne faut pas trop s'exposer au gel, alors les feuilles vont se contenter de quelques centimètres de pousse, pour rester à l'abri sous la couche de neige si celle-ci survient. L'essentiel de la nouvelle croissance va se passer sous terre, et se manifester par l'apparition et le développement de bourgeons sur les côtés du rhizome. Ce sont les prémices des nouvelles plantes qui remplaceront celles qui ont vécu au cours de la saison précédente. Ils contiennent tous les éléments qui vont permettre la reproduction à l'identique de la plante qui vient de vivre une année. Il n'y a aucune perte, aucune dégénérescence. Peu à peu ces plantules vont se développer. Elle vont mettre quelques semaines à faire naître, à la pointe de ces nouveaux rhizomes les trois pousses initiales qui ne sortiront de terre qu'en fin d'hiver. 

 Le moment venu, ces trois petits panaches de feuille vont jaillir du sol. Les deux panaches latéraux deviendront de véritables feuilles qui vont encadrer le panache central, lequel va se dresser verticalement sous forme d'une tige cylindrique, solidement ancrée dans le sol, qui portera les fleurs de la nouvelle génération. C'est une période cruciale pour le nouvel iris. Il va devoir non seulement se préparer à prendre son essor mais aussi se constituer des réserves de nutriments, dans la chair du nouveau rhizome, pour alimenter l'énorme quantité d'énergie qui va être nécessaire pour, en quelques semaines, faire grandir la nouvelle plante des quelques 90cm au sommet desquels vont apparaître les fleurs, puis, en principe, alimenter les graines qui vont garnir la capsule qui va apparaître à la place de chaque fleur pour peu que celle-ci ait été fécondée. Ces nutriments vont être puisés dans la terre, mais aussi dans l'air autour de la nouvelle tige. Ceux-là, ce sont les feuilles qui vont les chercher, d'où l'importance de celles-ci. Il faut absolument qu'elles soient saines et bien développées : qu'elles soient brisées ou coupées et notre iris sera affaibli. 

 Lente au début, la croissance de l'iris va brusquement s'accélérer à partir de la mi-mars sous nos latitudes. Cela va varier en fonction de l'ensoleillement et de la chaleur de l'air. Mais dès qu'elle est enclenchée la pousse va vite prendre une vitesse exceptionnelle : grosso modo 90cm en 60 jours ! C'est la période la plus active de l'année d'un iris. Il a besoin pendant ces journées d'une quantité importante d'énergie qu'il va puiser dans le sol et pomper dans l'air grâce à ses feuilles. Les pluies de printemps lui sont indispensables pour véhiculer dans la sève tous ces nutriments et donner de la solidité aux tiges qui se haussent au-dessus du feuillage pour offrir les fleurs aux insectes pollinisateurs. 

 Le mois de mai arrive. Les tiges ont atteint leur hauteur maximale : pour les TB c'est entre 75cm et 1 mètre. Quelques variétés dépassent ces dimensions, mais ce n'est pas un avantage car les averses et le vent, qui ne manquent pas à cette saison, vont se charger de coucher ces hautes tiges et d'anéantir les efforts de la plante et les espoirs du jardinier. On peut se demander, d'ailleurs, comment la nature a résolu le problème de la tenue à la verticale des hampes florales des iris. En effet il y a un déséquilibre naturel : toute la charge se situe en hauteur et la pluie qui se déverse sur les fleurs se charge d'ajouter du poids à l'édifice. Pour résister l'iris étend ses racines vers l'avant de la plante. C'est comme des griffes qui s'agrippent dans le sol, et pour perfectionner l'ancrage, dans les sols meubles, les racines sont longues et fines et dans les sols rocailleux elle sont peu nombreuses mais épaisses. C'est un peu pourquoi l'iris se plaît dans les sols caillouteux, et redoute les sols légers. Malgré malgré tout il arrive que les tiges versent. Cela peut venir effectivement d'une faiblesse spécifique de la plante, mais le plus souvent il s'agit d'un incident de végétation comme un manque d'eau, ou de lumière (les iris ont besoin d'au moins une demi journée d'ensoleillement). 

 On est à présent en pleine saison de floraison. Les boutons s'ouvrent un à un . Il ne faut pas qu'un trop grand nombre soit éclos en même temps. Pour plusieurs raisons : un étalement des ouvertures allonge la période de floraison pour le plus grand plaisir de l'amateur ; en s'ouvrant en même temps les fleurs se gênent l'une l'autre, ce qui est inesthétique ; trop de fleurs ouvertes et le poids de l'ensemble s'accroît, accentuant le risque de verse. Ce sont des points que l'obtenteur examine avant de sélectionner une nouvelle plante et aujourd'hui ces imperfections sont devenues rares. Lee gros bombyles, avides du nectar des iris, multiplient les atterrissages sur les sépales et s'introduisent dans le calice puis en ressortent à reculons, emportant leur charge de pollen vers une autre fleur qu'ils vont féconder. A moins que le jardinier ne se soit chargé du travail au préalable en réalisant l'un de ces croisements qu'il a imaginé de longue date. Il règne une intense activité au jardin, mais celle-ci ne va pas durer longtemps ! La saison des iris est courte... 

 Voilà le mois de juin. La plupart des fleurs sont maintenant fanées et la plante, qui a accompli un effort intense, va entrer en dormance, histoire de se refaire une santé, son devoir accompli. Les feuilles, peu à peu se dessèchent. C'est de nouveau sous terre que les choses se passent pour préparer dès à présent la saison suivante. Le rhizome reconstitue lentement ses réserves et prépare les futurs bourgeons. Une activité se prolonge cependant : dans le cœur des fleurs fécondées un travail mystérieux se poursuit. Les capsules s'enflent et les graines se développent. A partir du début d'août elles vont arriver à maturité et un beau jour elles vont éclater. Le jardinier attentif va surveiller la survenance de cet événement et recueillir les graines qu'il convoite avant qu'elles ne se dispersent en tombant sur le sol. Pendant que sous la croûte de terre chauffée par le soleil d'été la nature achève la préparation des nouveaux rhizomes, ceux qui seront chargés de renouveler la variété initiale. 

 Le cycle annuel est bouclé, notre iris est prêt pour la saison nouvelle...

Illustrations :



Deux semis de Robert Piatek, très caractéristiques des plantes actuelles.

15.4.22

LA FLEUR DU MOIS

‘Rose-Linda Vasquez' (R-L Vasquez, 2007) 
'Hindu Magic' X 'Magic Kingdom' 

 C'est certainement la plus petite pépinière de France que celle de Rose-Linda Vasquez. On ne peut même pas parler de pépinière, c'est tout simplement un jardin (un très petit jardin) où une personne passionnée cultive des iris et pratique des croisements. Cette personne n'est pas la première à réaliser des hybridations dans un mouchoir de poche et à obtenir des plantes de belle qualité et intéressantes au plan horticultural. Un jardinier de la ville de La Valette du Var, près de Toulon, Igor Fedoroff a obtenu sur son balcon des iris capables de retenir l'attention de véritables spécialistes de l'hybridation ! Son 'Sables d'Argent' (1997), la seule de ses obtentions à avoir été enregistrée, a suscité l'admiration de tous ceux qui ont pu la voir. 'Rose-Linda Vasquez' sort du même tonneau. Il fait partie de la trentaine de variétés enregistrées jusqu'à présent par son obtentrice. Et il a surpris tout le monde par sa beauté et son originalité. Voici ce que R-L Vasquez en dit elle-même : « (…) ma surprise fut grande en découvrant ce "broken color" inespéré à qui j'ai donné mon nom de jeune fille 
 En plus de ses couleurs étonnantes, cet iris rentre tout à fait dans mon objectif de créer des iris TB pas très haut avec de grosses tiges résistantes au vent violent de ma région. Et, cerise sur le gâteau, les fleurs ont un éperon. Mais la particularité principale de cet iris est de n'avoir aucune fleur avec la même disposition de coloris ». 

 Il est issu d'un semis qui fut très prolifique. Pas moins de huit variétés enregistrées en proviennent, dont certaines très jolies comme 'Papillon de Mai' (2007), lui même à l'origine de plusieurs autres variétés. Ce croisement, c'est 'Hindu Magic' X 'Magic Kingdom'. 'Hindu Magic', (Blyth 1981) est un plicata en provenance de deux plicatas, donc, « pur jus » et des meilleures origines. 'Magic Kingdom' Byers, (1988) est lui-aussi de parents remarquables : 'Sky Hooks' d'un côté, 'Condottiere' de l'autre, rien que du gratin surabondamment utilisé, au point de faire partie ds variétés les plus utilisées au monde ! C'est 'Sky Hooks' (Osborne, 1979) qui apporté à 'Hindu Magic' les éperons qu'il a lui-même transmis à 'Rose-Linda Vasquez'. Sachant que le modèle Space-Age est un dérivé du modèle plicata, il n'y a aucune véritable surprise chez 'Rose-Linda Vasquez'. C'est simplement une fort jolie fleur à qui il ne manque aucun des caractères qui font une bonne plante de jardin. 

 Croisé avec le rutilant 'Rustler (Keppel, 1987), cet original 'Rose-Linda Vasquez' a donné naissance à un seul descendant : 'Jackpot du Barry ' (Vasquez-Poupin, 2015). Celui-ci n'a pas hérité de toutes les qualités de son parent : pas de couleurs aléatoires, pas d'éperons, peu d'ondulations, mais un coloris général très à la mode. 

 'Rose-Linda Vasquez' est la démonstration de ce qu'il n'est pas nécessaire d'être une grande signature pour obtenir des variétés intéressantes. Il est évidemment plus facile de découvrir un semis de valeur dans une pépinière où croissent des milliers de plantes, que dans un jardinet où ne se trouvent que quelques dizaines de fleurs. Mais on peut aussi susciter la chance et effectuant les bons croisements avec lesquels on donne un coup de pouce au hasard. Une réussite comme celle de Rose-Linda Vasquez doit redonner de l'espoir à tous ces hybrideurs amateurs qui auraient tendance à penser qu'ils n'ont aucune chance face aux obtenteurs ayant pignon sur rue. 

 Illustrations : 


 'Rose-Linda Vasquez' 


'Hindu Magic' 


 'Magic Kingdom' 


 'Papillon de Mai' 


 'Jackpot du Barry'

8.4.22

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Des nouvelles d'Ukraine 

 Evgeni Nazarov, de Kyiv, s'est manifesté récemment, pour relayer avec vigueur les propos de son Président, et condamner sans ménagement les exactions des troupes russes. 

Même teneur dans les propos de Igor Khorosh, de Ternopyl, qui nous exhorte à plus d'engagement pour que nous venions en aide à son pays. 

Au début de l'agression russe la famille Yakovtchuk, de Soumy, était très active sur Internet, mais c'est le silence depuis que leur ville a été envahie. Sa libération récente va-t-elle leur rendre la parole ? Espérons-le.

VOUS LES AIMEZ BIEN REPASSÉS ?

Je regardais, il y a quelques jours, la photographie d'une variété signée d'un grand nom des années 1930/50, et je me disais que malgré sa très belle apparence, il manquait quelque chose à cette variété. Ce manque c'était les ondulations. Cette variété c'était 'Harvest Splendor' (R. Kleinsorge, 1956) : un iris de la fin de l'activité de son obtenteur. La description qui en est donnée rend en tous points justice à ce bel iris : « Un tendre mélange d'or et d'abricot, les pétales d'un abricot uni délicatement tintés de rose, les sépales d'un brillant vieil or se teintant d'abricot près des bords. La barbe est jaune orangé. Les fleurs sont bien lisses juste légèrement ondulées à l'extrémité des sépales (…) » Tout est là. On ne cache pas l'absence d'ondulations, c'est même implicitement considéré comme un avantage. Effectivement à l'époque cette particularité était toujours appréciée par certains même si déjà les ondulations se répandaient et recueillaient un avis le plus souvent favorable. Des tépales bien repassés étaient mis en avant, par opposition à l'aspect fripé que ces pièces avaient bien souvent dans les anciens temps. 

Déjà à cette époque on trouvait des iris aux fleurs bien lisses (tailored, comme on dit en anglais), d'autre aux fleurs ondulées et d'autres enfin au fleurs laciniées. Et chacun de ces aspects avaient leurs partisans et leurs adversaires... 

 A l 'origine seuls existaient les pétales bien lisses. IL faut se souvenir du rôle que la nature avait affecté aux pétales. Ils n'étaient pas là pour faire joli ! Ils avaient pour mission d'accueillir l'atterrissage des insectes chargés de la pollinisation des fleurs. Vous avez vu une piste d'atterrissage ? C'est plat et dégagé ! Eh bien les pétales d'iris devaient se présenter de la même façon, pour que les gros bourdons n'aient aucune peine à se poser. Les pétales « tailored » jouaient parfaitement ce rôle. En renforçant la rigidité des sépales ce trait naturel a pu être exploité pour donner aux fleurs une allure solide et agréable à l’œil. 

Tous les obtenteurs contemporains ne recherchent pas cet aspect des fleurs d'iris. En France deux hommes s'y sont interressés : Lawrence Ransom et Loïc Tasquier. 

cl. Tasquier

Exemple : 'Lingerie Fine' (L. Tasquier, 2020) 

 Du jour où les hommes ont voulu profiter de la belle apparence des fleurs d'iris pour l'agrément de leurs jardins, il n'a plus été nécessaire de garantir la planéité des pétales. On a pu leur faire prendre un aspect plus souple, peut-être plus gracieux. Et l'on a profité d'un incident de végétation sur une variété nouvelle, une variété dont les pétales (et surtout les sépales) avaient pris un aspect ondulé. Cette variété a eu un énorme succès. Elle avait été baptisée 'Snow Flurry', et elle et ses descendants aux premières générations ont été utilisées dans un nombre gigantesque de croisements, à tel point qu'aujourd'hui il ne doit plus exister d'iris dont les gènes ne comportent pas des éléments de 'Snow Flurry » ! Les fleurs y ont gagné en grâce et et souplesse, même si le côté fonctionnel y a perdu quelque peu. 

cl. Cayeux

 Notre Richard Cayeux national emploie cet ornement avec discernement, comme dans : 'Belle Surprise' (R. Cayeux, 2021) 

 C'est alors qu'est apparue une fleur dont le bord des pétales et des sépales portait de fines dentelures qui lui donnaient beaucoup de charme. On lui a donné le nom de 'Chantilly', en référence à la célèbre dentelle française. Ce nouvel agrément a eu lui aussi beaucoup de succès parce que les fleurs ainsi décorées prenaient un air plus léger et plus précieux. 'Chantilly' a à son tour fait l'objet d'un grand nombre de croisement qui ont transféré sa particularité à sa descendance. 


 Pour avoir une idée de l'effet obtenu, examinons les pétales de : 'Jardin d'Eden' (A. Chapelle, 2017) 

 Aujourd'hui, on rencontre des fleurs avec des bords piquetés ou dentelés, des fleurs aux tépales bien plats et des fleurs avec des ondulations plus ou moins amples, qui sont devenues les plus nombreuses, de telle sorte qu'il est devenu assez exceptionnel de trouver des fleurs non ondulées ! Mais depuis une vingtaine d'années ces ondulations ont à leur tour évolué. Elles ont peu à peu pris plus d'ampleur et de profondeur créant une sorte de bouillonné qui a beaucoup plu aux amateurs. De fait les fleurs ainsi agrémentées ont acquis une élégance particulière alliée à une impression de richesse et de noblesse. Ce succès ne se démentit pas, mais comme c'est bien souvent le cas, on a assisté a une exagération qui a abouti à des fleurs aux ondulations si denses et si serrées que l'éclatement des boutons s'est trouvé contrariée voire même empêché. Ces défauts ont été vite corrigés et les fleurs bouillonnées actuelles peuvent éclore sans problème. Les deux amis, Keith Keppel et Barry Blyth ont été les promoteurs de ces fleurs nouvelles qui, comme bien des créations humaines, possèdent leurs détracteurs : des personnes qui regrettent que dans cette affaire on ait oublié le rôle initial des pétales. 

cl. Keppel

 Exemple : semis Keppel non encore enregistré 

 Ce rôle, une autre fantaisie en a perdu le sens. Il s'agit des éperons qui viennent parfois orner l'extrémité des barbes. Ces dernières étaient à l'origine destinées à accroître le rôle attractif des fleurs en laissant croire aux insectes pollinisateurs qu'en se posant là ils allaient trouver quelque chose de délicieux à manger. Avec des éperons dressés sur la piste d'atterrissage, celle-ci est devenue inutilisable, mais qu'importe puisque ce ne sont plus les bombyles qui fécondent les fleurs mais les brucelles des hybrideurs ! 

cl. Bourdillon

 Pour illustrer cette apparence, voici : 'Libellule de Sologne' (Bourdillon, 2004) 

 On nous annonce périodiquement d'autres modifications des fleurs d'iris. Comme les tépales longs et étroits, en « araignée ». Mais jusqu'à ce jours cela ne s'est pas présenté. Il probable qu'il y aura d'autres modifications ; attendons calmement qu'elles se présentent pour pouvoir les apprécier.

1.4.22

BIENHEUREUX APHYLLA

Tous nos iris hybrides actuels sont constitués d'un très complexe mélange d'espèces botaniques. Parmi les constituants de ce cocktail il y a Iris aphylla, et cette espèce-là est d'une importance considérable en ce qu'elle a apporté à nos chères fleurs plusieurs éléments essentiels. C'est une espèce originaire d'Europe orientale et du Caucase, dont on se rend compte de l'importance quand on énumère, comme le fait Richard Cayeux dans « L'Iris une Fleur Royale », ses principales caractéristiques : 

 - c'est une plante tétraploïde (2n=48 chromosomes) ; 
- de hauteur moyenne (20/30 cm) ; 
- de teinte violet foncé ; 
- à barbes blanches ou bleutées ; 
- avec un branchement bas et important ; 
 - rustique et tolérant l'humidité hivernale ; 
 - ayant tendance à remonter. 

Ajoutons qu'elle s'est avérée propice à renforcer les couleurs des fleurs. 

 Vérifions en quoi ces traits sont importants pour les iris hybrides que nous cultivons. 

1) la tétraploïdie : les iris qu'on appelle « germanica » sont diploïdes. Au début du XXe les hybrideurs ont réussi a les transformer en iris tétraploïdes en leur « injectant », non sans difficultés, les gènes de grands iris du Moyen-Orient ce qui a eu pour effet d'accroître la hauteur et le vigueur des plantes et de permettre une augmentation très importante des possibilités de diversification des couleurs et des modèles de fleurs. I. aphylla, ajouté au mélange, s'y insère sans difficulté puisque c'est un croisement entre tétraploïdes et que les semis qui en proviennent seront normalement fertiles. 

2) La taille des plantes : la tétraploïdie des espèces moyennes-orientales a eu pour conséquence que les hybrides qui en sont issus ont pris de la hauteur en même temps que de la vigueur. Cette haute taille (souvent 1,20 m. et quelque fois plus) a l'inconvénient d'être quelque peu inesthétique et surtout d'offrir une prise au vent qui entraîne souvent la verse des plantes. La hauteur réduite de I. aphylla freine le développement en hauteur et ramène les semis à une taille raisonnable. 

 3) Le coloris violet vif des fleurs a ouvert la porte aux variétés sombres et même noires, en apportant, par effet collatéral, un enrichissement de toutes les couleurs. 

4) I. aphylla est une plante qui développe des branches latérales partant très près du sol donc accroissant l'effet de touffe et, du même coup, multipliant le nombre de fleurs et, par conséquent, la durée de la floraison. 

5) Originaire de régions au climat continental, I. aphylla est une espèce rustique. Elle passe volontiers l'hiver sous une couche de neige et les pluies de printemps ne l'affecte pas. Autant de qualités qui ne sont pas le fort des espèces méditerranéennes ou balkaniques qui constituent le socle des hybrides d'iris des jardins. 

6) Il a été constaté que I. aphylla avait tendance à remonter. Ce caractère a été mis à profit par de nombreux hybrideurs à la recherche d'un subterfuge pour prolonger la floraison des iris dont chacun déplore la brièveté . 

7) Certains hybrideurs ont également constaté que les cultivars issus de I. aphylla donnaient naissance à des plantes couvertes de fleurs nombreuse et petites, et ont développé une nouvelle catégorie d'iris, les SFTB, convenant fort bien aux petits jardins et au fleurissement des espaces urbains. 

Avec autant d'avantages, il n'est pas étonnant que l'espèce I. aphylla ait été abondamment utilisée. Au point qu'aujourd'hui il ne doit plus exister d'hybrides qui n'en contiennent pas les gènes. 

Il y a cependant un petit inconvénient : comme son nom botanique le laisse présager, cette espèce perd son feuillage à la fin de l'été ( ce qui est un moyen que la plante a développé pour résister aux rigueurs de l'hiver). Voilà pourquoi nos hybrides modernes se présentent en hiver sous la forme de petits moignons assez peu esthétiques. On se console de cet aspect en se disant que ce n'est pas le moment où l'on va au jardin admirer les iris, et surtout on considère que les nombreux avantages que I. aphylla a apporté à nos hybrides permettent de lui pardonner facilement un petit défaut! 

 Illustrations : 


Iris Aphylla 


'Baïkal' (L. Tasquier,2020) variété SFTB (grand iris à petites fleurs) 


'Sable' (P. Cook, 1938) un des premiers iris « noirs », à partir de I. aphylla