8.4.22

VOUS LES AIMEZ BIEN REPASSÉS ?

Je regardais, il y a quelques jours, la photographie d'une variété signée d'un grand nom des années 1930/50, et je me disais que malgré sa très belle apparence, il manquait quelque chose à cette variété. Ce manque c'était les ondulations. Cette variété c'était 'Harvest Splendor' (R. Kleinsorge, 1956) : un iris de la fin de l'activité de son obtenteur. La description qui en est donnée rend en tous points justice à ce bel iris : « Un tendre mélange d'or et d'abricot, les pétales d'un abricot uni délicatement tintés de rose, les sépales d'un brillant vieil or se teintant d'abricot près des bords. La barbe est jaune orangé. Les fleurs sont bien lisses juste légèrement ondulées à l'extrémité des sépales (…) » Tout est là. On ne cache pas l'absence d'ondulations, c'est même implicitement considéré comme un avantage. Effectivement à l'époque cette particularité était toujours appréciée par certains même si déjà les ondulations se répandaient et recueillaient un avis le plus souvent favorable. Des tépales bien repassés étaient mis en avant, par opposition à l'aspect fripé que ces pièces avaient bien souvent dans les anciens temps. 

Déjà à cette époque on trouvait des iris aux fleurs bien lisses (tailored, comme on dit en anglais), d'autre aux fleurs ondulées et d'autres enfin au fleurs laciniées. Et chacun de ces aspects avaient leurs partisans et leurs adversaires... 

 A l 'origine seuls existaient les pétales bien lisses. IL faut se souvenir du rôle que la nature avait affecté aux pétales. Ils n'étaient pas là pour faire joli ! Ils avaient pour mission d'accueillir l'atterrissage des insectes chargés de la pollinisation des fleurs. Vous avez vu une piste d'atterrissage ? C'est plat et dégagé ! Eh bien les pétales d'iris devaient se présenter de la même façon, pour que les gros bourdons n'aient aucune peine à se poser. Les pétales « tailored » jouaient parfaitement ce rôle. En renforçant la rigidité des sépales ce trait naturel a pu être exploité pour donner aux fleurs une allure solide et agréable à l’œil. 

Tous les obtenteurs contemporains ne recherchent pas cet aspect des fleurs d'iris. En France deux hommes s'y sont interressés : Lawrence Ransom et Loïc Tasquier. 

cl. Tasquier

Exemple : 'Lingerie Fine' (L. Tasquier, 2020) 

 Du jour où les hommes ont voulu profiter de la belle apparence des fleurs d'iris pour l'agrément de leurs jardins, il n'a plus été nécessaire de garantir la planéité des pétales. On a pu leur faire prendre un aspect plus souple, peut-être plus gracieux. Et l'on a profité d'un incident de végétation sur une variété nouvelle, une variété dont les pétales (et surtout les sépales) avaient pris un aspect ondulé. Cette variété a eu un énorme succès. Elle avait été baptisée 'Snow Flurry', et elle et ses descendants aux premières générations ont été utilisées dans un nombre gigantesque de croisements, à tel point qu'aujourd'hui il ne doit plus exister d'iris dont les gènes ne comportent pas des éléments de 'Snow Flurry » ! Les fleurs y ont gagné en grâce et et souplesse, même si le côté fonctionnel y a perdu quelque peu. 

cl. Cayeux

 Notre Richard Cayeux national emploie cet ornement avec discernement, comme dans : 'Belle Surprise' (R. Cayeux, 2021) 

 C'est alors qu'est apparue une fleur dont le bord des pétales et des sépales portait de fines dentelures qui lui donnaient beaucoup de charme. On lui a donné le nom de 'Chantilly', en référence à la célèbre dentelle française. Ce nouvel agrément a eu lui aussi beaucoup de succès parce que les fleurs ainsi décorées prenaient un air plus léger et plus précieux. 'Chantilly' a à son tour fait l'objet d'un grand nombre de croisement qui ont transféré sa particularité à sa descendance. 


 Pour avoir une idée de l'effet obtenu, examinons les pétales de : 'Jardin d'Eden' (A. Chapelle, 2017) 

 Aujourd'hui, on rencontre des fleurs avec des bords piquetés ou dentelés, des fleurs aux tépales bien plats et des fleurs avec des ondulations plus ou moins amples, qui sont devenues les plus nombreuses, de telle sorte qu'il est devenu assez exceptionnel de trouver des fleurs non ondulées ! Mais depuis une vingtaine d'années ces ondulations ont à leur tour évolué. Elles ont peu à peu pris plus d'ampleur et de profondeur créant une sorte de bouillonné qui a beaucoup plu aux amateurs. De fait les fleurs ainsi agrémentées ont acquis une élégance particulière alliée à une impression de richesse et de noblesse. Ce succès ne se démentit pas, mais comme c'est bien souvent le cas, on a assisté a une exagération qui a abouti à des fleurs aux ondulations si denses et si serrées que l'éclatement des boutons s'est trouvé contrariée voire même empêché. Ces défauts ont été vite corrigés et les fleurs bouillonnées actuelles peuvent éclore sans problème. Les deux amis, Keith Keppel et Barry Blyth ont été les promoteurs de ces fleurs nouvelles qui, comme bien des créations humaines, possèdent leurs détracteurs : des personnes qui regrettent que dans cette affaire on ait oublié le rôle initial des pétales. 

cl. Keppel

 Exemple : semis Keppel non encore enregistré 

 Ce rôle, une autre fantaisie en a perdu le sens. Il s'agit des éperons qui viennent parfois orner l'extrémité des barbes. Ces dernières étaient à l'origine destinées à accroître le rôle attractif des fleurs en laissant croire aux insectes pollinisateurs qu'en se posant là ils allaient trouver quelque chose de délicieux à manger. Avec des éperons dressés sur la piste d'atterrissage, celle-ci est devenue inutilisable, mais qu'importe puisque ce ne sont plus les bombyles qui fécondent les fleurs mais les brucelles des hybrideurs ! 

cl. Bourdillon

 Pour illustrer cette apparence, voici : 'Libellule de Sologne' (Bourdillon, 2004) 

 On nous annonce périodiquement d'autres modifications des fleurs d'iris. Comme les tépales longs et étroits, en « araignée ». Mais jusqu'à ce jours cela ne s'est pas présenté. Il probable qu'il y aura d'autres modifications ; attendons calmement qu'elles se présentent pour pouvoir les apprécier.

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