25.2.18

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Un concours international aux USA ! 

Dans le dernier bulletin de l'AIS, reçu cette semaine, il est question, à l'occasion du centenaire de cette vénérable institution, d'un concours international d'iris. Organisé au Presby Memorial Garden, près de New York, au printemps 2020, il sera l'occasion d'une confrontation très intéressante. Il faut espérer que de nombreuses variétés européennes y soient présentées, de façon à se mesurer aux meilleures américaines et à se comparer à elles. Hybrideurs français, allez-y !

ENCORE NE RETARD !

Cela devient chronique. Est-ce parce que je suis un ancien de la SNCF !!

A L'EST : LA RENAISSANCE

L'une des grandes transformations du monde des iris au cours des trente dernières années s'est déroulée à l'Est de l'Europe. L'ère soviétique avait privé les Est-européens de toute possibilité de s'adonner sérieusement à l'hybridation des iris. La libération des échanges entre l'Est et l'Ouest a permis une renaissance. C'est Ladislav Muska, de Bratislava en Slovaquie, qui a été le premier hybrideur à se hisser à un rang international. Aujourd'hui se termine le tour parmi ses obtentions avec un aperçu de ce que font ses successeurs. 

VII. Les successeurs 

La disparition prématurée de L. Muska est sûrement une perte pour le monde des iris, mais un mouvement était lançé, en Slovaquie, d'abord, mais aussi dans les Etats voisins et de grands hybrideurs sont apparus, dont on peut maintenant apprécier le travail jusqu'au pays même des iris : les USA, où plusieurs sont maintenant diffusés.

 'Titvan' (Mego, 2000) (Honky Tonk Blues x Rustler) 


'Moonlight Sketch' (Nejedlo, 1998) (Desert Echo X (Rancho Rose x Sketch Me) 

'Megiddo' (Krupka, 2007) (Honky Tonk Blues X Heritage Lace) 


'Uwodziciel' (Piatek, 2009) (Conjuration X Silverado)

LES TRÉSORS DE MERIAN PARK

Cela fait un bon bout de temps ! Dans les années 80 ou 90 la SFIB avait organisé son assemblée générale à Mulhouse et le côté touristique de cette manifestation avait emmené les participants à Laufen, en Pays de Bade, pour visiter la pépinière von Zeppelin, puis le car avait transporté les participants à Bâle, au Parc Merian. A l'époque je n'avais d'yeux que pour les grands iris aussi n'ai-je que moyennement été intéressé par la magnifique collection d'iris historiques, certainement l'une des plus importantes et belles d'Europe avec plus de 1500 variétés. Je regrette aujourd'hui de n'avoir pas porté plus d'attention à cette merveille : j'ai de plus en plus envie d'y retourner !

 Le fondateur de ce jardin superbe est un homme d'affaires et mécène bâlois, Christoph Merian, né le 22 janvier 1800 à Bâle et mort le 22 août 1858 à Brülingen dans la banlieue de Bâle, là où se situe le jardin botanique. C''était l’un des hommes les plus riches de Suisse à son époque. Il était en particulier le propriétaire d’un vaste domaine foncier dans le canton de Bâle dont en mourant il a confié la gestion à sa fondation et à la Ville de Bâle. Son père, Christoph Merian Senior, était marchand de coton brut puis il s’est reconverti, au moment du Blocus Continental imposé par Napoléon 1er, dans les activités de banque et de transport ainsi que dans l’industrie.

 Au fil des années le Merian Park, qui jouit d'un climat plutôt doux pour la région, s'est considérablement développé et diversifié. C'est maintenant un jardin particulièrement agréable, à visiter sans faute à la belle saison et notamment à la fin de mai quand les iris sont fleuris. Notons qu'à proximité, de l'autre côté du Rhin, on peut voir également la pépinière Zeppelin à Laufen, comme ce fut le cas pour les membres de la SFIB, et le jardin de Fritz Lehmann, Brenneter Irisgarten, à Wehr.

L'occasion m'a été offerte il y a quelques semaines de me remémorer ces lieux, quand une iridophile suisse, Sharlene Sutter. connue sous le pseudonyme de « Sunnyvalley », remarquable photographe, a publié sur le net des clichés pris lors de sa visite au Merian Park. C'est toute une collection de photos de variétés anciennes, dont beaucoup d'iris signés Ferdinand Cayeux, que l'on ne voit plus guère, mais qui sont présentes à Bâle, toujours bichonnées et conservées avec ferveur. En font partie celles qui sont publiées ci-dessous, avec la permission de leur auteur (ou auteure si l'on veut parler moderne).

Tout le monde connaît la place que Ferdinand Cayeux a tenue dans le monde des iris pendant l'entre-deux-guerres. Les autres hybrideurs-pépiniéristes français tenaient le rôle de faire-valoir tant Cayeux les écrasait. Non seulement ses iris étaient beaux, nouveaux, mais encore ils jouissaient d'une large diffusion grâce à la renommée de la Maison Cayeux et Leclercq Les autres, sauf peut-être les variétés Vilmorin, comme le délicieux 'Eldorado' (1910), n'avaient pas le même appui commercial de sorte qu'aujourd'hui, s'il est assez facile de trouver des iris de Ferdinand Cayeux, les variétés de ses confrères ont pour la plupart disparu. Au Merian Park, on trouve toujours 'Germaine Perthuis' (Millet, 1924) et on peut en admirer les couleurs et le velouté sur la photo de « Sunnyvalley ».

Néanmoins ce sont en majorité des variétés de Ferdinand Cayeux que « Sunnyvalley » a photographiées. Et elle a surtout remarqué celles de la dernière génération, celles enregistrées seulement après la guerre, par les soins de René Cayeux, le fils du patriarche.

 Parmi toutes ces jolies photos, j'ai retenu :

'Frivolité' (1929) (Trophée X Prinzess Viktoria Luise) décrit comme « L'effet général est celui d'un rose crevette riche et brillant, qui semble recouvert d'une poudre d'or » ;

'Béotie' (1932) (Ochracea Caerulea X Dryade) pour la douceur de son ton de mauve un peu fumé ;

'Rayon de Lune' (1946) (pedigree non diffusé), en jaune clair, peu courant à son époque ;


'Crépuscule' (1947) (pedigree non diffusé), le bien nommé puisque son coloris fumé, plutôt obscur, correspond bien au fait qu'il s'agit d'une des dernières créations du maître.

 Merci à « Sunnyvalley » de nous offrir ces exemples du talent des hybrideurs français du début du siècle dernier. Et merci au conservateur et aux jardiniers de Merian Park pour la qualité de leurs soins.

18.2.18

GROS RETARD ...

Oups ! C'est pas bien de ne pas respecter son calendrier. Pardon !

A L'EST : LA RENAISSANCE

L'une des grandes transformations du monde des iris au cours des trente dernières années s'est déroulée à l'Est de l'Europe. L'ère soviétique avait privé les Est-européens de toute possibilité de s'adonner sérieusement à l'hybridation des iris. La libération des échanges entre l'Est et l'Ouest a permis une renaissance. C'est Ladislav Muska, de Bratislava en Slovaquie, qui a été le premier hybrideur à se hisser à un rang international. Pendant quelques semaines nous allons faire un tour parmi ses obtentions. 

VI. Une cinquième vie 

C'est le moment où Ladislav Muska a concentré son travail sur un petit nombre de thèmes et limité ses enregistrements à des variétés toujours plus originales et porteuses d’espoir pour de nouveaux développements de l’hybridation des iris. Il a acquis toute l’expérience nécessaire et il dispose des moyens de réaliser ses objectifs. Mais elle ne durera guère, la maladie mettant un terme à son travail. Elles n'ont pas pu, pour la plupart être enregistrées...

'Aazto's Limes' (2006 NR) ((It's Magic x Honey Scoop) X Diabolique) 


'Blue Phoenix' (2007 NR) ((Spooned Demonstration x Oregon Sky) X To the Point) 


'Dornspiel' (2006 NR) ((Scarlett in Gold x Golden Fasan) X Mesmerizer) 


'Gaius' (2007 NR) ((Cavalcabo x Spooned Demonstration) X Habit)

LA PART DES AUTRES

En réponse à un compliment que lui faisait Jérôme Boulon, Keith Keppel a écrit cette belle phrase : « None of us "starts" anything, we just build on what others have wrought » soit, en français : « Personne d'entre nous ne démarre quoi que ce soit, nous construisons sur ce que d'autres ont amorcé. » C'est une remarque d'une grande exactitude en même temps que d'une remarquable modestie. On n'attendait pas moins de celui qui est aujourd'hui le plus « capé » et le plus talentueux des hybrideurs.

 C'est reconnaître que l'hybridation n'est pas le travail d'un homme isolé. Ce n'est pas pour autant un travail collectif. Chacun ajoute une pièce à un édifice qui a été amorcé il y a bien longtemps par d'autres qui avaient mis leur science et leur imagination à créer ce qui fut leur pièce. Et cet édifice n'est jamais terminé car d'année en année tous ceux qui pratiquent l'hybridation poursuivent le travail. Cela me fait penser à la rivière qui coule depuis des millions d'années, qui parcourt dans le temps le même chemin, en modelant ses rives, modifiant son cours, déposant ses sédiments sur son passage, un jour à un endroit, le lendemain les reprenant pour les placer ailleurs. Ce n'est pas Clara Rees qui a inventé les ondulations des tépales d'iris. Elle a récolté, par hasard et chance, les avancées de ses prédécesseurs. La touche personnelle qu'elle a mise dans la construction a été de choisir les parents et de provoquer l'assemblage de chromosomes qui devait aboutir à ces ondulations qui ont séduit tous les amateurs de l'époque et qui font maintenant intimement partie de notre vision des iris.

Dans sa réponse à Jérôme Boulon qui lui disait qu'il semblait avoir une affection particulière pour 'Silk Road' (2007), Keppel a rectifié en disant que tout cela venait plutôt de 'Sea Power', le parent mâle de 'Silk Road', en ajoutant : « Je devrais plutôt faire remarquer que 'Sea Power' est originaire d'une pure lignée Schreiner (1) et qu'on ne peut trouver rien de meilleur que ça dans les lignées de bleu/blanc/violet. » Ce qui est une attitude vraiment fair-play dont je ne suis pas sûr qu'on puisse trouver l'équivalent dans les relations entre hybrideurs de notre pays.

Quoi qu'il en soit, la phrase de Keith Keppel me fait penser à un cas de partage entre hybrideurs qui a eu des résultats de premier ordre. Richard Cayeux, dans son livre « L'Iris, une Fleur Royale », a raconté comment il a rapporté de chez George Shoop, en 1981, un peu du précieux pollen de 'Delphi' (Shoop, 1979) qui, déposé sur 'Condottiere', a donné naissance à un semis bleu-blanc-rouge, mais insuffisamment contrasté, qui n’est connu que sous son numéro (8109 A), et comment, recroisé avec d’autres descendants de 'Condottiere', il est à l’origine d’une série exceptionnelle de variétés tricolores. Voilà un exemple de collaboration fructueuse et de partage généreux. Mais l'histoire des iris est pleine d'autres anecdotes de ce genre et certains hybrideurs des années d'or (Paul Cook, Orville Fay...) sont connus pour leur générosité vis à vis de leurs confrères.

Il n'est pas nécessaire cependant d'attendre le bon vouloir d'un collègue pour poursuivre le travail entrepris par celui-ci. On peut même dire que tous les hybrideurs ont fait un jour usage de variétés obtenues par d'autres et que ce n'est que grâce à ce travail antérieur qu'ils ont réalisé leur objectif. A titre d'exemple, on peut parcourir le pedigree d'une variété moderne comme 'Urluberlu' (R. Cayeux 2012). Elle provient du croisement (Bord de Mer X Belle Hortense) où 'Bord de Mer' (R. Cayeux, 2009) est un fils de 'Chevalier de Malte' (R. Cayeux, 1997), qui est lui-même le fils de 'Whirl Around' (M. Hamblen, 1986), et derrière ce dernier il y a d'une part 'Anon ('J. Gibson, 1974), d'autre part 'Porta Villa' (J. Gibson, 1972). Le premier a pour ancêtre 'April Melody', et le second en est le descendant direct. 'April Melody' est un géniteur utilisé par une foule d' hybrideurs partout dans le monde et une bonne illustration de ce qu'on ne crée rien sans recourir au travail d'un autre.

Le travail d'un autre est bien souvent le moteur de l'activité d'un hybrideur ; parce qu'il se sent inspiré par un sujet ou une variété en particulier. C'est ainsi que les iris de Blyth ont largement inspiré ses confrères partout dans le monde, et en particulier en France ou, par exemple, Alain Chapelle a utilisé le fameux 'Decadence' (Blyth, 2001) pour un grand nombre de ses créations. C'est le cas pour 'Arabesque Pourpre' (2013), 'Blanche Sultane' (2015), 'Cap vers le Large' (2011), 'Caresse d'un Soir' (2010), 'Coeur de Framboise' (2011), 'Divine Symphonie' (2015), 'Fleur de Lumière' (2011), 'Fleur du Désert' (2010), 'Grenat des Iles' (2011), 'Lueur d'Azur' (2011), 'Plume d'Ange' (2010), 'Rêve de Paix' (2010) et 'Reflets Epicés' (2016). A ce rythme de mauvaises langues diraient qu'il s'agît d'idolâtrie ! Mais il est évident qu'Alain Chapelle n'est pas le seul à avoir eu cette synergie puisque 'Decadence' a eu à ce jour plus de 500 descendants dans tous les pays où l'on s'occupe d'iris !

Enfin on ne peut pas terminer ce commentaire sans rappeler les échanges réciproques qui ont lieu entre Keith Keppel et Barry Blyth. Depuis de nombreuses années ces deux-là traversent chaque année l'océan Pacifique pour entreprendre ensemble un admirable travail, et leur collaboration est éminemment fructueuse. Combien de variétés signées Blyth apparaissent dans les obtentions de Keppel et combien d'iris de Keppel sont à l'origine de produits imaginés par Blyth ? La liste en serait bien trop longue.

 Tous ces exemples confirment que la création des iris hybrides s'avère bien être ce que Keppel en dit : «On ne démarre rien, on construit sur ce que d'autres ont amorcé. » 

 (1) Pedigree de 'SeaPower' = (Yaquina Blue X Jazz Me Blue) 

Iconographie : 


 'Silk Road' 


'Delphi' 


'Urluberlu' 


'Fleur de Lumière'

9.2.18

RECTIFICATION

A propos de l'enregistrement des variétés, la semaine dernière, j'ai commis une erreur qu'un des lecteurs d'Irisenligne m'a gentiment signalée. J'ai attribué à Jan Jacobsen la nationatilé néerlandaise, au fait que son prénom, à mon oreille, sonne comme étant fréquent aux Pays-Bas, mais en fait cette personne est d'origine danoise et demeure en Catalogne, où elle exploite la pépinière d'iris « El Vilosell Iris (1) !
On dit des journalistes qu'ils doivent toujours vérifier leurs sources. C'est valable aussi pour les blogueurs, et je ne l'ai pas fait... Pardon.

(1) El Vilosell  est une ville située à 140 km au sud-ouest de Barcelone

- viloselliris@gmail.com

A L'EST : LA RENAISSANCE

L'une des grandes transformations du monde des iris au cours des trente dernières années s'est déroulée à l'Est de l'Europe. L'ère soviétique avait privé les Est-européens de toute possibilité de s'adonner sérieusement à l'hybridation des iris. La libération des échanges entre l'Est et l'Ouest a permis une renaissance. C'est Ladislav Muska, de Bratislava en Slovaquie, qui a été le premier hybrideur à se hisser à un rang international. Pendant quelques semaines nous allons faire un tour parmi ses obtentions. 

V. La maturité 

Il a atteint à ce moment une maturité qui lui permet d’éviter les emballements des années 90 pendant lesquelles il a sûrement enregistré trop de nouvelles variétés. Cette période s'étend sur la fin des années 1990 et le début des années 2000.


'Snorri' (2002) (((Playgirl x Sky Hooks) x (Soissons x Battle Star)) X Sky Falls) 


'Tagli e Buchi' (2001) (((Queen in Calico x Grafiti)x Colortart) X Mezzotinto) 


'Zuzana' (1999) (((Queen in Calico x Fialovy Kvet) x( Ri-Sampei x Date Bait)) X Spacelight Sketch) 


'Dreaming Clown' (1999) (Spacelight Sketch X (Zuzana x Calicoball) – Retenu par Keith Keppel pour son programme de plicatas

ECHOS DU MONDE DES IRIS

'Repartee' again ?





 Cette nouveauté de notre ami Bianco me rappelle vivement 'Repartee' (K. Smith, 1966).

HISTOIRES D'IRIS : 'APRIL MELODY'

par Bryce Williamson (pour le blog de l'AIS)
traduction et adaptation de Sylvain Ruaud 

J'ai parlé à deux reprises dans ce blog de 'April Melody' et de sa descendance. La présente chronique apporte un jour complémentaire, et c'est pour cela que j'ai demandé à son auteur l'autorisation de la traduire et de la publier. 

Les histoires d'iris peuvent être faites de plusieurs autres histoires qui interfèrent et s'entremêlent ou se recoupent. Si l'histoire porte sur les créations d'un hybrideur, il peut s'agir d'anecdotes autour des noms, pourquoi les croisements ont été effectués, ou quelque chose d'autre ; souvent ce qu'on sait moins c'est par quoi l'hybrideur a été influencé ou par quelle personne, souvent inconnue, il a été aidé ; c'est cela qui fait l'intérêt des histoires. C'est le cas en ce qui concerne 'April Melody' (Jim Gibson, 1965), le premier bon plicata rose et l'élément fondateur des plicatas actuels dans les tons de rose ou d'orange.

Et l'histoire de Jim Gibson et de 'April Melody' commence dans l'Utah, avec Tell Mulhestein prenant un semis plicata de Loomis, 'Seashell', et le croisant avec son propre 'Pink Formal'. 'Pink Formal' était le produit d'un semis rose de Loomis et d'un iris de David Hall. De ce croisement, il obtint 'New Adventure', qu'il introduisit en 1953. Nous savons maintenant que les iris roses de Hall avaient des gènes plicatas, et c'était aussi certainement le cas de 'Seashell'. 'New Adventure' était un nouveau modèle intéressant – plicata rose-lavande à barbe mandarine - mais il n'avait pas une bonne forme. Quand Jim Gibson, à Porterville en Californie, a vu 'New Adventure', il a réalisé que cette variété avait un fort potentiel, mais qu'elle nécessitait beaucoup de travil sur la forme. De là est parti sa recherche d'un plicata rose avec une bonne forme.

Comme on peut le voir à la lecture du pedigree compliqué de 'April Melody', il a fait de nombreux croisements et a apporté dans la lignée à la fois les meilleurs roses du moment et les gènes de ses propres plicatas, bien formés. Il a mis en culture des semis, puis ceux d'une nouvelle génération et encore de plusieurs autres générations.

A l'occasion d'une de mes visistes dans son jardin, Jim m'a expliqué ce qu'il pensait obtenir – le résultat n'apparaissait pas, mais il ne renonçait pas et, finalement, une fleur est apparue qui réunissait les caractéristiques désirées. Comme on peut voir à travers le pedigree il y a eu de nombreuses générations qui ont précédé la création de 'April Melody' : ((37-57: (54-55: ('Taholah' x 45-53: ('Ballerina' x (('Gibson Girl' x ('Madame Louis Aureau' x ('Sacramento' x red brown))) x ('Gibson Girl' x ('Tiffany' x 'Siegfried'))))) x (45-53D x ('Ballerina' x 'Happy Birthday'))) x 'New Adventure')   X   (37-57 x ('New Adventure' x 54-55))).

 Mais ce n'était pas la fin de l'histoire. A cette époque les iris de J. Gibson étaient introduits par les Cooley's à Silverton, Oregon, et ceux-ci hésitaient à introduire cet iris d'un nouveau coloris. C'est alors qu'intervient Hazel Stewart, de San Jose, membre de longue date de la Clara B. Rees Iris Society. (1) La Région n° 14 de l'AIS (Californie du Nord and Nevada), tenait une réunion à Porterville. Dans le jardin de Jim Gibson le semis plicata rose était en fleur. Pendant la tournée des jardins, Hazel a remarqué cette plante et a noté : « Ça c'est bon, ça c'est différent. » Elle avait raison, c'était vraiment nouveau et différent. Quand vint le moment du vote pour désigner le meilleur semis en provenance d'un hybrideur de la Région n° 14, on s'aperçut que la campagne menée par Hazel avait payé : le semis plicata rose a été couronné. Ce vote a décidé les Cooley's à introduire 'April Melody'.

C'est ainsi que 'April Melody' est devenu un élément majeur du programme de Jim Gibson, et aussi de bien d'autres. A partir de 'April Melody' Jim a obtenu une série de nouvelles couleurs de plicatas. 'Rippling Rose,' 'Summer Silk,' 'Casino Queen,' 'Mod Mode,' 'Porta Villa,' et 'Frosty Blush' sont tous des enfants à la première génération de 'April Melody'. A la deuxième génération on trouve 'Lilac Love,' 'Pink Ember,' 'Happy Halo,' 'Smoke Rings,' 'Lasting Spring,' and 'Frost Kiss.' A la troisième génération il y a, parmi d'autes, 'Pink Confetti' and 'Anon'. Et par la suite est apparu l'un des iris de Gibson les plus importants et les plus durables : 'Queen in Calico.'

C'est juste une partie des iris de Gibson issus de 'April Melody', et, il n'est pas besoin de le dire, d'autres hybrideurs se sont rendu compte du potentiel de cet iris et l'ont utilisé abondamment. En fait 'April Melody' n'a pas seulement donné naissance à tout un groupe de plicatas de coloris nouveaux, mais il apparaît aussi parmi les ascendants de tellement d'iris de différentes couleurs qu'il est difficile d'y croire, et qu'on le trouve même derrière le vainqueur 2017 de la Médaille de Dykes : 'Montmartre'.

 Quand Jim Gibson a créé cette lignée, il ne croyait pas être arrivé au bout ; Il a continué de travailler dans ce sens, ne se contentant pas d'avoir obtenu une fleur magnifique, mais en créant un exceptionnel parent. L'histoire de 'April Melody' met aussi en évidence l'importance d'autres personnes dans la reconnaissance des iris marquants et différents. Les juges de l'AIS ont accordé à 'April Melody' une « Honorable Mention », mais n'ont pas voté pour un « Award of Merit », ce qui est une énorme erreur de jugement de leur part.

Un jour prochain je montrerai comment 'April Melody' et ses enfants ont été utilisés par d'autres hybrideurs pour produire de beaux iris.

 (1) La « Clara B. Rees Iris Society » a été fondée en Californie en 1957 et ainsi nommée en l'honneur de Clara B. Rees qui a contribué à l'histoire des iris en créant en 1939 le premier iris ondulé au monde, le fameux 'Snow Flurry'. (NDT) 

 Iconographie : 


 'Pink Formal'

'New Adventure' 


'April Melody' 


'Queen in Calico'

2.2.18

A L'EST : LA RENAISSANCE

L'une des grandes transformations du monde des iris au cours des trente dernières années s'est déroulée à l'Est de l'Europe. L'ère soviétique avait privé les Est-européens de toute possibilité de s'adonner sérieusement à l'hybridation des iris. La libération des échanges entre l'Est et l'Ouest a permis une renaissance. C'est Ladislav Muska, de Bratislava en Slovaquie, qui a été le premier hybrideur à se hisser à un rang international. Pendant quelques semaines nous allons faire un tour parmi ses obtentions.

IV. Le triangle magique 

Muska appelle cette période sa période magique car elle s'appuie essentiellement sur trois variétés : « Queen in Calico – Sky Hooks - Ringo ». Elle a débuté au milieu des années 90.

'Beaky Wit' (1999) (Mys Horn x (Geniality x Sky Hooks)) X "Cream Secrets") – Troisième place au concours de Moscou en 2003  (voir photo ci-dessous)

'Cavalcabo' (2001) (( Mediterrano x Jump to Blue' x Snorri) X Bubble Up) 

'Elegaball' (1999) (Mys Horn x((Geniality x Sky Hooks)x Laced Jabot) – Première place au concours de Moscou en 2003  (voir photo ci-dessous)


'Lovely Phyllis' (2001) (((Mys Horn x Geniality)x Champagne Waltz) x Da Lus)

LA FLEUR DU MOIS

'Beaky Wit' (Muska, 1999) 
 ( Mys Horn x (Geniality x Sky Hooks)) X "Cream Secrets"

 Lorsque les amateurs d'iris de l'Europe de l'Est on pu rejoindre la communauté des iridophiles, ils se sont jetés à corps perdu dans l'hybridation. L'un des tout premiers à se lancer dans ce nouveau domaine a été le slovaque Ladislav Muska. Très vite les variétés qu'il a mises sur le marché ont rencontré le succès dans tout les pays de l'ex-bloc soviétique, entre lesquels les échanges étaient faciles. Et les iris signés Muska ont été présents dans toutes les compétitions nouvellement créées ; ils y ont été remarqués et souvent primés. L'un de ces lauréats a été 'Beaky Wit' qui fait partie de la deux ou troisième génération d'iris slovaques, et qui a obtenu l'équivalent d'une médaille de bronze au concours 2003 de Moscou. Cette année-là Ladislav Muska a été particulièrement chanceux puisqu'il a remporté la première place avec 'Elegaball' (1999) et, donc, la troisième. Il avait déjà été récompensé dès le troisième concours moscovite, en 1998, avec une deuxième place pour 'Mukkadam' (1994), juste derrière 'Be de Dream' (Niswonger, 1992). Le concours de Moscou ne fait pas appel à des juges confirmés, mais à des appréciateurs locaux. On peut donc dire que les résultats sont plus le reflet de l'impression générale donnée par une variété que celui d'une évaluation minutieuse et notée. Mais dans tous les classements enregistrés depuis 1996, les variétés primées ont toujours été des iris de qualité. Cela se confirme avec 'Beaky Wit' qui a bien mérité son classement de 2003.

Cet iris jaune crémeux, doté de courts éperons bleutés et orné de fines dentelures, avec des fleurs de bonne taille sur une plante bien proportionnée, fait son petit effet au jardin. Le reproche qu'on peut lui faire, comme d'ailleurs à de nombreuses variétés Muska, c'est de manquer un peu de tenue en raison d'une matière des tépales un peu molle. Je l'ai cultivé de 2004 à 2015 et il figure toujours dans la collection transférée à Champigny sur Veude. Pendant ces années il a fleuri sept fois avec une interruption de 2007 à 2011 en raison d'une attaque de pourriture qui a bien failli lui être fatale. Sauvé de justesse, il repris une végétation consciencieuse dès 2012. Cela en fait donc une variété fidèle et vigoureuse, dont la floraison intervient en deuxième partie de saison (en Touraine, vers le 20 mai).

Son parent femelle est un semis non dénommé issu d'une variété maison, 'Mys Horn', et d'un couple américain, (Geniality x Sky Hooks). 'Mys Horn' (1999), qui était en compétition à Jouy en Josas en 2005, est un grand iris blanc porteur d'éperons assortis longs et recourbés, descendant de 'Sky Hooks' et de 'Laced Cotton' dont il a hérité, pour le premier des éperons, pour le second de la couleur blanche. 'Geniality' (Opal Brown, 1981) est un des favoris de Muska qui en fait un abondant usage. C'est un joli bitone rose richement frisé. Quant à 'Sky Hooks' l'un des iris les plus utilisés en hybridation, il n'est plus nécessaire de le décrire. Je serai encore plus discret à propos de 'Cream Secrets' qui est un semis slovaque (peut-être de Muska mais on ne sait pas) jamais enregistré et dont on ne connaît, donc, absolument rien.

 'Beaky Wit' n'a pas eu de descendance avérée. C'est un iris reté célibataire ! Cela ne retire rien à ces qualités de plante de jardin, caractéristique d'une période, le tournant du siècle, et d'une région, l'Europe de l'Est au moment de sa renaissance.Tel qu'il est il est assez emblématique pour qu'on ait plaisir à évoquer son histoire.

 Iconographie : 


 'Beaky Wit' 


'Mys Horn' 


'Elegaball' 


'Geniality'

ECHOS DU MONDE DES IRIS


Un nouveau modèle ? 

L'un des défis que les obtenteurs cherchent à relever depuis des décennies, c'est de transférer le « signal » sombre caractéristique des iris arils dans les iris issus de germanicas. Tom Johnson semble y être parvenu. Du moins les deux variétés ci-dessous photographiées présentent-t-elles une tache sombre très proche de ce fameux « signal » jusqu'à présent inaccessible. Voilà quelque chose de vraiment nouveau.


 - 'Medal of Honor' (Johnson, 2018) – (Touch of Gossip X inconnu) 


- 'Truth or Dare' (Johnson, 2018) - ( (Rogue Trader x (Rules of Love x Decadence)) X Daring Deception)

A PROPOS DES ENREGISTREMENTS

J'ai déjà écrit plusieurs chroniques sur ce sujet. Il revient ces jours-ci sur Facebook par une question que pose un nouvel hybrideur néerlandais, Jan Jacobsen :
« Quelqu'un peut-il me dire s'il y a une loi ou un règlement qui impose qu'un nouvel iris soit enregistré par l'AIS, je demande ça parce que nous pourrions avoir notre propre enregistreur européen pour les iris obtenus ici ? Juste une idée, comme ça ! »

 C'est Milan Blažek, le célèbre spécialiste tchèque qui a répondu le premier :
« Une coopération internationale est nécessaire pour éviter les synonymes (et les doublons NDT), dans les noms - mais cela ne signifie pas qu'un autre enregistreur, par exemple pour les enregistrements européens, ait existé ou puisse exister. La Check List éditée par l'AIS depuis 1939 a fortement contribué à une information de base sur les cultivars d'iris à travers le monde et est une source d'information extrêmement importante pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire. On y trouve les plus récentes informations du moment de même que des renseignements valables trouvés dans la littérature botanique la plus ancienne.
L'information la plus ancienne sur les origines en Europe date des années 1830. Entre les années 1920 et 1990 la plupart des nouveaux iris sont d'origine américaine. Depuis la proportion entre les origines américaines et non-américaines a changé. Certaines société ont leur propre bureau d’enregistrement qui collabore maintenant avec celui de l'AIS ».

Keith Keppel, qui fut longtemps les responsable américain des enregistrements, s'est aussitôt mis à son clavier d'ordinateur pour dire :
«Bien entendu il n'y a aucune loi qui dise que l'on doit enregistrer un iris. Je pourrais nommer et vendre un de mes semis noirs sous le nom de 'Snow Flurry' et on ne me mettra pas en prison pour ça... mais...ça porterait à confusion et ce serait contre-productif (nonobstant que ma variété serait inéligible pour les récompenses américaines). Si l'on doit faire des échanges d'iris entre les différentes parties du monde, il est bien meilleur que, d'une certaine façon, quelqu'un soit désigné pour mettre de l'ordre dans les noms – et dans la collecte d'information sur les iris nommés pour une meilleure connaissance générale et la constitution d'archives. Depuis environ cent ans l'AIS a pris la responsabilité de se charger des enregistrements ; peut-être qu'un jour dans le futur quelqu'autre organisation prendra sa place – mais il est nécessaire qu'une seule personne rassemble et publie les informations.La désignation de « bureaux d'enregistrement associés » dans de nombreux pays, sous la responsabilité de la société iridophile de chacun de ces pays, rend plus facile pour les hybrideurs non-américains de participer au processus global d'enregistrement. »

Jan Jacobsen à précisé :
« Je ne parlais que d'une société ici en Europe qui pourrait être responsable de l'enregistrement des noms en dehors de l'AIS, une organisation indépendante, je sais qu'il est possible de vendre un iris quel que soit le nom qu'on lui ait donné, la raison pour laquelle j'ai posé cette question était de pouvoir se passer de l'AIS à ce sujet. »

Loïc Tasquier a ajouté :
« On peut commencer avec une société européenne, puis une société de Corse pourrait faire son apparition, puis une société de Catalogne... Je préfère garder un seul bureau d'enregistrement ; une division n'apporterait que du trouble. »

Enfin Chuck Chapman, l'hybrideur et pédagogue canadien, a précisé :
 « L'AIS a été désignée par l'ICNP (1) pour enregistrer les iris. Différentes sociétés ou organismes ont été désignés pour enregistrer les différentes classes ou espèces de plantes. Il existe un bouquin où les règles sont exposées. Chaque société désignée est tenue de respecter ces règles. Si vous dérogez à ces lois, vous vous exposez à toutes sortes de sanctions. »

Je me pose à mon tour la question de savoir quel intérêt il y aurait à se passer des services de l'AIS ? Même s'il y a des positions que je n'approuve pas toujours (par exemple le fait qu'à côté du nom choisi une traduction dans une langue unique – l'anglais – ne soit pas exigée de façon à rendre ce nom compréhensible par tous), ou des comportements que je voudrais voir changés, le travail n'est tout de même pas mal fait et, comme dit Loïc Tasquier, la multiplication des organismes d'enregistrement n'apporterait que complication et confusion.

 (1) « International Code of Nomenclature for Cultivated Plants », ou, en français, « Code International de Nomenclature des Plantes Cultivées ».