22.4.22

UNE ANNEE DANS LA VIE D'UN IRIS

Un iris est immortel ! Du moins en théorie. Disons plutôt qu'il peut ne pas mourir. C'est cette faculté qui nous permet de trouver aujourd'hui dans nos jardins des iris sélectionnés au milieu du 19e siècle par MM. Jacques ou Lemon. C'est son système de multiplication végétative qui lui donne ce pouvoir extraordinaire et qui fait que le cours des années n'altère jamais les caractéristiques de la plante d'origine. Non seulement un iris peut vivre éternellement, mais encore il ne vieillit pas. Alors, vous pensez qu'une année dans la vie d'un iris, c'est peu de chose. Il peut en vivre des quantités, toutes semblables, ponctuées seulement par les aléas climatiques ou les tribulations infligées par les humains. 

 L'année d'un iris est un perpétuel recommencement rythmé par le mouvement de la terre autour du soleil. Disons qu'elle commence le 1er septembre. C'est le moment où, après une longue période de repos, la touffe d'iris se réveille. Il est temps pour elle de reprendre sa croissance et de débuter la saison suivante. Chez nos iris modernes, ceux qui contiennent des gènes d'I. aphylla, le feuillage qui a fourni à la plante l'oxygène et certains des nutriments dont elle a besoin a presque totalement séché. Ne restent que de courts moignons qui assurent le minimum vital. Ils vont croître un peu de manière a accompagner la reprise de la végétation. Juste ce qu'il faut ! I. aphylla, plante de montagne, sait qu'il ne faut pas trop s'exposer au gel, alors les feuilles vont se contenter de quelques centimètres de pousse, pour rester à l'abri sous la couche de neige si celle-ci survient. L'essentiel de la nouvelle croissance va se passer sous terre, et se manifester par l'apparition et le développement de bourgeons sur les côtés du rhizome. Ce sont les prémices des nouvelles plantes qui remplaceront celles qui ont vécu au cours de la saison précédente. Ils contiennent tous les éléments qui vont permettre la reproduction à l'identique de la plante qui vient de vivre une année. Il n'y a aucune perte, aucune dégénérescence. Peu à peu ces plantules vont se développer. Elle vont mettre quelques semaines à faire naître, à la pointe de ces nouveaux rhizomes les trois pousses initiales qui ne sortiront de terre qu'en fin d'hiver. 

 Le moment venu, ces trois petits panaches de feuille vont jaillir du sol. Les deux panaches latéraux deviendront de véritables feuilles qui vont encadrer le panache central, lequel va se dresser verticalement sous forme d'une tige cylindrique, solidement ancrée dans le sol, qui portera les fleurs de la nouvelle génération. C'est une période cruciale pour le nouvel iris. Il va devoir non seulement se préparer à prendre son essor mais aussi se constituer des réserves de nutriments, dans la chair du nouveau rhizome, pour alimenter l'énorme quantité d'énergie qui va être nécessaire pour, en quelques semaines, faire grandir la nouvelle plante des quelques 90cm au sommet desquels vont apparaître les fleurs, puis, en principe, alimenter les graines qui vont garnir la capsule qui va apparaître à la place de chaque fleur pour peu que celle-ci ait été fécondée. Ces nutriments vont être puisés dans la terre, mais aussi dans l'air autour de la nouvelle tige. Ceux-là, ce sont les feuilles qui vont les chercher, d'où l'importance de celles-ci. Il faut absolument qu'elles soient saines et bien développées : qu'elles soient brisées ou coupées et notre iris sera affaibli. 

 Lente au début, la croissance de l'iris va brusquement s'accélérer à partir de la mi-mars sous nos latitudes. Cela va varier en fonction de l'ensoleillement et de la chaleur de l'air. Mais dès qu'elle est enclenchée la pousse va vite prendre une vitesse exceptionnelle : grosso modo 90cm en 60 jours ! C'est la période la plus active de l'année d'un iris. Il a besoin pendant ces journées d'une quantité importante d'énergie qu'il va puiser dans le sol et pomper dans l'air grâce à ses feuilles. Les pluies de printemps lui sont indispensables pour véhiculer dans la sève tous ces nutriments et donner de la solidité aux tiges qui se haussent au-dessus du feuillage pour offrir les fleurs aux insectes pollinisateurs. 

 Le mois de mai arrive. Les tiges ont atteint leur hauteur maximale : pour les TB c'est entre 75cm et 1 mètre. Quelques variétés dépassent ces dimensions, mais ce n'est pas un avantage car les averses et le vent, qui ne manquent pas à cette saison, vont se charger de coucher ces hautes tiges et d'anéantir les efforts de la plante et les espoirs du jardinier. On peut se demander, d'ailleurs, comment la nature a résolu le problème de la tenue à la verticale des hampes florales des iris. En effet il y a un déséquilibre naturel : toute la charge se situe en hauteur et la pluie qui se déverse sur les fleurs se charge d'ajouter du poids à l'édifice. Pour résister l'iris étend ses racines vers l'avant de la plante. C'est comme des griffes qui s'agrippent dans le sol, et pour perfectionner l'ancrage, dans les sols meubles, les racines sont longues et fines et dans les sols rocailleux elle sont peu nombreuses mais épaisses. C'est un peu pourquoi l'iris se plaît dans les sols caillouteux, et redoute les sols légers. Malgré malgré tout il arrive que les tiges versent. Cela peut venir effectivement d'une faiblesse spécifique de la plante, mais le plus souvent il s'agit d'un incident de végétation comme un manque d'eau, ou de lumière (les iris ont besoin d'au moins une demi journée d'ensoleillement). 

 On est à présent en pleine saison de floraison. Les boutons s'ouvrent un à un . Il ne faut pas qu'un trop grand nombre soit éclos en même temps. Pour plusieurs raisons : un étalement des ouvertures allonge la période de floraison pour le plus grand plaisir de l'amateur ; en s'ouvrant en même temps les fleurs se gênent l'une l'autre, ce qui est inesthétique ; trop de fleurs ouvertes et le poids de l'ensemble s'accroît, accentuant le risque de verse. Ce sont des points que l'obtenteur examine avant de sélectionner une nouvelle plante et aujourd'hui ces imperfections sont devenues rares. Lee gros bombyles, avides du nectar des iris, multiplient les atterrissages sur les sépales et s'introduisent dans le calice puis en ressortent à reculons, emportant leur charge de pollen vers une autre fleur qu'ils vont féconder. A moins que le jardinier ne se soit chargé du travail au préalable en réalisant l'un de ces croisements qu'il a imaginé de longue date. Il règne une intense activité au jardin, mais celle-ci ne va pas durer longtemps ! La saison des iris est courte... 

 Voilà le mois de juin. La plupart des fleurs sont maintenant fanées et la plante, qui a accompli un effort intense, va entrer en dormance, histoire de se refaire une santé, son devoir accompli. Les feuilles, peu à peu se dessèchent. C'est de nouveau sous terre que les choses se passent pour préparer dès à présent la saison suivante. Le rhizome reconstitue lentement ses réserves et prépare les futurs bourgeons. Une activité se prolonge cependant : dans le cœur des fleurs fécondées un travail mystérieux se poursuit. Les capsules s'enflent et les graines se développent. A partir du début d'août elles vont arriver à maturité et un beau jour elles vont éclater. Le jardinier attentif va surveiller la survenance de cet événement et recueillir les graines qu'il convoite avant qu'elles ne se dispersent en tombant sur le sol. Pendant que sous la croûte de terre chauffée par le soleil d'été la nature achève la préparation des nouveaux rhizomes, ceux qui seront chargés de renouveler la variété initiale. 

 Le cycle annuel est bouclé, notre iris est prêt pour la saison nouvelle...

Illustrations :



Deux semis de Robert Piatek, très caractéristiques des plantes actuelles.

2 commentaires:

Elise AMANN a dit…

Bonjour !
Débutante en hybridation (mes premiers semis datent de 2021), j'aimerais savoir s'il y a quelque part (sur le blog, par exemple, ou ailleurs) un article répertoriant les caractères récessifs et dominants chez les iris...?
Cordialement,
Elise

Sylvain Ruaud a dit…

Voyez ce que j'ai écrit sur cette question dans l'article "Dominance et récessivité" publié ici le 08/03//2013